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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 20 mars 2025, n° 24/01557

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/01557

20 mars 2025

LB/ND

Numéro 25/875

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 20/03/2025

Dossier : N° RG 24/01557 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I3RV

Nature affaire :

Autres demandes relatives au fonctionnement du groupement

Affaire :

S.A.S. INTER-INTERIM

C/

[J] [E]

[L] [R]

[P] [R]

[B] [R]

S.C.I. SCI DU MEZENAIS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 mars 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 26 Novembre 2024, devant :

Madame Laurence BAYLAUCQ, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,

Laurence BAYLAUCQ, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. INTER-INTERIM

immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 499 246 544,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Olivier COHEN, avocat au barreau des Pyrénées-Orientales

INTIMES :

Madame [J] [E]

agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [B]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 10] (64)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 10]

Monsieur [L] [R]

né le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 10] (64)

de nationalité française

[Adresse 11]

[Localité 8]

Madame [P] [R]

née le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 10] (64)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 12]

Monsieur [B] [R]

pris en la personne de sa représentante légale sa mère [J] [E]

né le [Date naissance 6] 2006 à [Localité 10] (64)

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 10]

S.C.I. DU MEZENAIS

immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 529 162 034

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentés par Me François PIAULT, avocat au barreau de Pau

Assistés de Me Eric DECLETY, avocat au barreau de Bayonne

sur appel de la décision

en date du 15 AVRIL 2024

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BAYONNE

RG : 23/862

EXPOSE DU LITIGE :

Le capital social de la société civile immobilière du Mezinais était détenu par M. [G] [R] (25.000 parts), l'association C2A INTERIM (18.000 parts) et la SAS C2A INTERIM devenue INTER-INTERIM (22.000 parts).

Il a été procédé à une augmentation de capital et à la cession de ses 18.000 parts par l'association C2A INTERIM à M. [R].

M. [G] [R] est décédé le [Date décès 13] 2019 laissant pour lui succéder son épouse [J] [E] et ses trois enfants, [L], [P] et [B] [R].

A ce jour le capital social de la SCI du Mezinais est détenu à hauteur de 148.000 parts par les ayants droit de M. [G] [R], et à hauteur de 22.000 parts par la SAS INTER-INTERIM.

Par actes de commissaire de justice délivrés au mois d'avril et le 3 mai 2023, la SAS INTER-INTERIM a fait assigner devant le Président du tribunal judiciaire de Bayonne statuant selon la procédure accélérée au fond, la SCI du Mezinais, Mme [J] [E] prise en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [B] [R], M. [L] [R] et Mme [P] [R] aux fins notamment de :

Voir désigner un expert avec mission d'évaluer les biens immobiliers de la SCI du Mezinais et plus généralement ses actifs, évaluer la valeur des parts sociales de la SCI du Mezinais, proposer un chiffrage de la valeur de cession, de remboursement ou d'annulation des parts sociales de la SCI du Mezinais détenues par elle,

Voir préciser que le coût de l'expertise sera supporté par l'ensemble des associés au prorata de leur participation au capital social,

être autorisée à se retirer de la société SCI du Mezinais pour la totalité des 22.000 parts sociales qu'elle détient,

voir condamner les défendeurs in solidum à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Les défendeurs ont conclu à l'incompétence du tribunal statuant dans le cadre de la procédure accélérée au fond pour autoriser le retrait d'un associé, et subsidiairement à l'irrecevabilité de la demande faute de demande de retrait amiable préalable.

Ils ont conclu au rejet de la demande d'expertise et à la condamnation de la société demanderesse au paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre plus subsidiaire, ils ont accepté la désignation d'un expert à charge pour la requérante d'en supporter le coût.

La SCI du Mezinais a maintenu ses demandes dans ses dernières conclusions.

Par jugement du 15 avril 2024 rendu dans le cadre d'une procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire de Bayonne statuant en formation collégiale a :

Déclaré irrecevable la demande d'expertise judiciaire,

S'est déclaré matériellement incompétent à connaître d'une demande d'autorisation de retrait pour justes motifs,

Rejeté la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la société INTER-INTERIM aux dépens.

Par déclaration en date du 31 mai 2024, S.A.S INTER-INTERIM a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 6 août 2024, la Présidente de la 2ème chambre civile, section 1 de la présente cour, a autorisé la SAS INTER-INTERIM à faire délivrer assignation à jour fixe aux parties intimées pour l'audience du 26 novembre 2024.

***

Vu les dernières conclusions de la sas INTER-INTERIM notifiées le 25 novembre 2024 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles 83 et suivants du Code de procédure civile,

Vu l'article 1869 du Code civil,

Vu les pièces,

REFORMER le jugement attaqué rendu par le Tribunal judiciaire de BAYONNE le 15 avril 2024 en ce qu'il :

- S'est déclaré matériellement incompétent à connaître d'une demande d'autorisation de retrait pour justes motifs ;

- A rejeté la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- A condamné la société INTER-INTERIM aux dépens,

Y ajoutant :

JUGER recevables toutes ses demandes ;

JUGER matériellement compétent le Président du Tribunal judiciaire de BAYONNE pour connaître d'une demande d'autorisation de retrait pour justes motifs dans le cadre d'une demande liée d'évaluation des parts sociales par expert judiciaire ;

DEBOUTER les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

CONDAMNER in solidum les intimés à lui verser la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens ;

* Vu les dernières conclusions des intimés notifiées le 25 novembre 2024 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu les articles 1843-4 et 1869 du Code Civil,

Vu les statuts de la SCI DU MEZINAIS ;

Vu les pièces versées aux débats,

Déclarer mal fondé l'appel interjeté par la SAS INTER INTERIM à l'encontre du jugement du Président du Tribunal judiciaire de Bayonne du 15 avril 2024

Débouter la SAS INTER INTERIM de son appel,

Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il s'est déclaré matériellement

incompétent à connaître d'une demande d'autorisation de retrait judiciaire pour justes motifs.

Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'expertise judiciaire.

Subsidiairement, juger irrecevables les demandes et prétentions formulées par la SAS INTER INTERIM faute de demande de retrait amiable et de demande d'expertise amiable préalables à la présente procédure.

A titre plus subsidiaire, juger que la SAS INTER INTERIM ne justifie pas d'un motif légitime à l'appui de sa demande de retrait judiciaire.

En conséquence, débouter la société SAS INTER INTERIM de sa demande de retrait judiciaire fondée sur l'article 1869 du Code civil.

Condamner la société SAS INTER INTERIM à leur payer la somme de 6 000 € en

application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS :

A titre liminaire, il y a lieu de constater que dans le dispositif de ses conclusions, la société appelante ne sollicite pas la réformation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'expertise judiciaire.

La cour d'appel n'est donc pas saisie de l'examen de ce chef de jugement qui est passé en chose force jugée.

Sur la compétence matérielle

La société INTER-INTERIM soutient que la saisine d'une juridiction est possible pour autoriser son retrait de la société, et que ni les statuts de la SCI du Mezinais, ni l'article 1869 du code civil n'imposent que cela soit une voie devant être exercée en cas d'échec d'une autre voie. Elle ajoute que les statuts subordonnent le retrait à une simple « décision » sans autre précision. Le Président du tribunal judiciaire aurait donc dû selon elle retenir sa compétence. Elle fait valoir que la demande d'autorisation de retrait s'insère directement dans le cadre de la demande d'évaluation des parts, dont le juge était également saisi, et en est le prolongement nécessaire.

Les intimés répondent que le Président du tribunal judiciaire n'est pas compétent pour statuer dans le cadre d'une procédure accélérée au fond sur une demande de retrait judiciaire d'une SCI telle que formulée par l'appelante car il ne statue selon la procédure accélérée au fond que dans les seuls cas prévus par la loi ou le règlement. Ils exposent que la compétence spéciale prévue à l'article 1843-4 du code civil ne s'étend donc pas à la demande de retrait judiciaire formée par un associé de SCI, pour laquelle seul le tribunal judiciaire statuant au fond est compétent.

* Il résulte des dispositions de l'article 839 du code de procédure civile que lorsqu'il est prévu par la loi ou le règlement qu'il est statué selon la procédure accélérée au fond le président du tribunal judiciaire connaît de l'affaire dans les conditions de l'article 481-1.

L'article 1869 du code civil dispose que sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés.

Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice. A moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 (3ème alinéa), l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4.

Selon l'article 1843-4 alinéa 1er du même code, dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties soit, à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce compétent, statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible.

Selon l'article 16 des statuts de la SCI du Mezinais « sans préjudice du droit des tiers, un associé peut se retirer de la société totalement ou partiellement, avec l'autorisation de la majorité en nombre et en capital des autres associés, mais seulement à la date de clôture d'un exercice social, et à charge de prévenir la société et ses coassociés, trois mois à l'avance au moins. Cette faculté de retrait pourra être exercée dès la prochaine clôture de l'exercice social. Le retrait peut également être autorisé par décision de justice pour justes motifs. L'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur des droits sociaux, objet du retrait, fixée à défaut d'accord amiable, par voie d'expertise dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil. »

Il résulte donc des dispositions légales applicables que le Président du tribunal judiciaire peut être saisi selon la procédure accélérée au fond dans les cas prévus par la loi ou le règlement.

Si l'article 1843-4 du code civil prévoit que le Président du tribunal judiciaire est compétent pour statuer, selon la procédure accélérée au fond, sur une demande d'expertise, à défaut d'accord entre les parties, pour déterminer la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire, la loi ou le règlement ne prévoit pas une telle compétence pour autoriser le retrait de l'associé.

Il se déduit des dispositions de l'article 1869 in fine qui se réfère au droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux de « l'associé qui se retire », que l'autorisation du retrait est préalable à toute action tendant à voir désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4.

La compétence du Président du tribunal (ou du tribunal statuant en formation collégiale ainsi que le permet l'article 481-1 du code de procédure civile précité), statuant dans le cadre de la procédure accélérée au fond spécifiée par l'article 1843-4 du code civil, ne peut s'étendre à la demande d'autorisation du retrait de la société civile, en l'absence de disposition légale ou règlementaire le prévoyant.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître d'une demande d'autorisation de retrait pour justes motifs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Eu égard à la solution du litige il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société INTER-INTERIM aux dépens et a rejeté la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la première instance.

La société INTER-INTERIM, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

Il convient de condamner la société INTER-INTERIM à payer aux intimés la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître d'une demande d'autorisation de retrait pour justes motifs, a rejeté la demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la société INTER-INTERIM aux dépens ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS INTER-INTERIM aux dépens d'appel.

Condamne la SAS INTER-INTERIM à payer à la SCI du Mezinais, Mme [J] [E] prise en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de son fils mineur [B] [R], M. [L] [R] et Mme [P] [R] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère, suite à l'empêchement de Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière, La Présidente,

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