CA Paris, Pôle 1 - ch. 10, 20 mars 2025, n° 24/02158
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° 161 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02158 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI2VT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2024-Juge de l'exécution de Paris- RG n°
APPELANTS
Monsieur [R] [L] [O]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
Monsieur [K] [P]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
S.C. FALCON CAPITAL
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
S.C. JLN
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
INTIMÉE
S.A.S. SILAMIR SAS agissant en la personne de ses représentants légaux domicili
és en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour Avocat plaidant : Maître Fanny Rocaboy Avocat au Barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
****/
Par contrat du 30 avril 2019, MM. [O] et [P] ainsi que leurs sociétés patrimoniales Falcon Capital et JLN ( ci-après les cédants) ont cédé l'intégralité du capital de la société Digital & You à la société Silamir (ci-après la société cessionnaire).
Par actes du 14 septembre 2020, la société Silamir a fait pratiquer six saisies conservatoires sur divers comptes bancaires des cédants, en garantie de sa créance évaluée provisoirement à la somme de 2.356.843,94 euros, agissant en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris du 14 septembre 2020.
Par actes du 28 septembre 2020, la société Silamir a fait pratiquer des saisies conservatoires complémentaires de parts sociales et actions détenues par les cédants.
Les saisies ayant été contestées par les cédants, l'ordonnance a été rétractée par jugement du 9 décembre 2020, puis partiellement infirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 novembre 2021, ramenant le montant de la créance garantie à hauteur de 1.500.000 euros.
Agissant en vertu de l'arrêt de la cour, la société Silamir a fait pratiquer les 16 décembre 2021 et 21 janvier 2022 des saisies conservatoires sur les comptes bancaires des cédants pour la somme de 1.500.000 euros.
Par actes du 17 novembre 2023, les cédants ont fait assigner la société Silamir devant le juge de l'exécution en contestation des premières saisies conservatoires.
Par actes du 17 novembre 2023, agissant en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du 14 novembre 2023, la société Silamir a fait pratiquer de nouvelles saisies conservatoires, en garantie d'une créance complémentaire évaluée à la somme de 577.381,98 euros.
Par acte du 27 novembre 2023, les cédants ont contesté ces nouvelles saisies devant le juge de l'exécution.
Par jugement du 16 janvier 2024, le juge de l'exécution a :
- ordonné la jonction des procédures et dit qu'elles seront désormais suivies sous le numéro de rôle unique 23/81933,
- déclaré irrecevable la demande d'amende civile,
- déclaré recevable la demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021,
- déclaré irrecevable la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021,
- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 novembre 2023,
- rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021,
- rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 novembre 2023,
- rejeté les demandes de dommages et intérêts de la société Silamir,
- condamné in solidum M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN à payer à la société Silamir la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes de M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN formées au titre de l'article 700 du code de procédure
civile,
- condamné in solidum M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré que l'arrêt du 18 novembre 2021 ayant déjà statué sur la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 septembre 2020 et validé cette ordonnance dans son dispositif, cette contestation se heurte à l'autorité de chose jugée. Il a relevé ensuite que l'ordonnance du 14 novembre 2023 et la requête l'accompagnant s'appuyaient désormais sur un rapport d'expertise judiciaire du 31 juillet 2023 qui chiffrait le préjudice de la société Silamir à 190.985 euros ; que la contre-créance alléguée par les consorts [O] n'était étayée par aucun élément, contrairement à la créance alléguée par la société Silamir qui est étayée par ce rapport d'expertise. S'agissant des menaces sur le recouvrement, il a noté que les débiteurs ne présentaient pas de trésorerie suffisante au vu du montant des sommes saisies et ne communiquaient pas les comptes des sociétés dans lesquelles ils prétendaient détenir des participations, relevant au surplus que ces sociétés ne pouvaient se confondre avec la personne de leurs associés.
Par acte du 18 janvier 2024, M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN ont interjeté appel du jugement.
Par conclusions du 5 décembre 2024, ils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021 ;
rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 novembre 2023 ;
condamné in solidum M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN à payer à la société Silamir la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
rejeté leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et par conséquent :
- ordonner la mainlevée de toutes saisies pratiquées sur leur fondement, et notamment des :
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de la société Falcon Capital ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de M. [R] [L] [O] ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la BNP Paribas au nom de M. [K] [P] ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de M. [K] [P] ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de la société JLN ;
En tout état de cause :
- débouter la société Silamir de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive ;
- condamner la société Silamir à leur payer à chacun la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Silamir aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 4 décembre 2024, la société Silamir demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau :
- condamner MM. [R] [L] [O] et [K] [P] ainsi que les sociétés Falcon capital et JLN à lui payer in solidum la somme de 50.000 euros au titre du caractère abusif de
la demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 novembre 2021 et de la saisine du juge de l'exécution par assignation du 28 mars 2024 ;
En tout état de cause :
- condamner MM. [R] [L] [O] et [K] [P] ainsi que les sociétés Falcon capital et JLN à lui payer in solidum la somme de 20.000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les parties ayant été invitées par la cour à lui communiquer pendant le cours du délibéré le jugement du 24 février 2025 rendu par le tribunal des activités économiques de Paris saisi au fond du litige, le conseil de la société Silamir a transmis la décision par note en délibéré en date du 6 mars 2025.
MOTIFS :
Selon l'article L. 511-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.
Il résulte de l'article R 512-1 du même code, que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.
Sur l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe :
Aux termes du jugement rendu le 24 février 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a :
- Débouté M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN de leur demande de complément de prix ;
- Débouté la société Silamir de sa demande de réduction de prix pour vice du consentement sur le fondement de la garantie de passif ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN à payer à la société Silamir la somme de 734 000 euros sur le fondement du dol lors de la réalisation de la cession des titres Digital & You ;
- Pris acte de l'acceptation de M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K]
[P] et la société JLN de payer à la société Silamir la somme de 29 156,54 euros au titre d'une partie de la garantie de passif figurant dans le contrat de cession ;
- Condamné en conséquence d'une part M. [L] [O], la société Falcon Capital, et d'autre part, M. [K] [P] et la société JLN in solidum, à payer à la société Silamir, pour moitié chacun, la somme de 321 313 euros au titre de la garantie de passif figurant dans le contrat de cession ;
- Débouté la société Silamir de sa demande au titre d'un préjudice moral ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN à payer la somme de 20 000 euros à la société Silamir au titre de son préjudice pour procédure abusive ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN, à payer à la société Silamir la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 171,73 euros dont 28,41 euros de TVA, y compris la somme de 31 000 euros au titre des frais d'expertise judiciaire.
Le tribunal a conclu que les cédants avaient intentionnellement manipulé les documents comptables, avec la complicité de l'expert-comptable, et falsifié les résultats de la société cédée dans le but de lever les conditions posées par les parties et inciter le cessionnaire à acquérir les titres de Digital & You et dit que le dol de la part des cédants était caractérisé.
Il ressort de cette décision que la société Silamir est désormais créancière à l'encontre de MM. [O] et [P], ainsi que les sociétés Falcon et JLN, d'une créance d'un montant total de 1.235.469,54, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, outre les intérêts légaux et le reste des dépens non encore liquidés.
En outre, MM. [O] et [P], ainsi que les sociétés Falcon et JLN ont été déboutés de leur demande de complément de prix, de telle sorte qu'ils ne justifient d'aucune contre-créance.
La société Silamir détient par conséquent une créance titrée, même si le jugement n'est pas définitif, de sorte qu'elle remplit a fortiori la première condition édictée par L. 511-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, la seconde étant l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de ladite créance.
Sur l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement :
S'agissant de conditions cumulatives, il convient d'examiner ce point, étant rappelé que la charge de la preuve de l'existence de telles circonstances, appartient au créancier.
La société Silamir observe que la plupart des éléments produits par les appelants l'ont déjà été devant la cour d'appel ayant donné lieu à l'arrêt de 2021, lequel avait retenu l'existence de menaces. Par ailleurs, elle affirme que les cédants s'illustrent par une volonté acharnée de se soustraire à leurs engagements, qu'ils n'ont pris en charge aucune des réclamations notifiées conformément à la garantie d'actif et de passif, qu'ils ont en outre déjà procédé à de nombreux investissements avec le prix qu'ils ont reçu ; que la plupart des sociétés dans lesquelles ils ont, directement ou indirectement, investi ne publient pas leurs comptes ; qu'ils ont volontairement faussé les comptes de référence et la situation intermédiaire et dissimulé la situation d'auto-contrôle dans laquelle se trouvait le commissaire aux comptes et expert-comptable de la société cédée.
Les appelants répliquent qu'il n'existe aucune menace sur le recouvrement de la créance, au regard de son montant qui doit être ramené selon eux à 108. 212 euros et du caractère fructueux des saisies pour cette somme. Ils ajoutent que MM. [P] et [O] présentent un niveau de revenus et un patrimoine mobilier suffisants, que tous disposent donc d'actifs qui ne sont pas susceptibles d'être dissipés. Les appelants prétendent détenir en outre une créance de 3.656.000 euros au titre du paiement du solde du prix dont le tribunal de commerce a été saisi.
Réponse de la cour :
Ainsi que le relève à juste titre la société Silamir, la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 18 novembre 2021 a déjà retenu l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.
Désormais, le risque se déduit de l'importance du montant de la créance fixé par le tribunal des activités économiques à plus d'1,2 millions d'euros. En outre, il est démontré par l'intimée que les cédants ont réinvesti l'intégralité du prix de cession versé dans la constitution de plusieurs sociétés commerciales dont certaines ont choisi de ne pas publier leurs comptes, masquant ainsi leurs éventuelles faiblesses financières et lorsqu'elles les publient, laissant apparaître des pertes importantes, comme c'est le cas pour la société Silvr Group. Par ailleurs, ainsi que l'a très justement relevé le premier juge, le capital des sociétés dont les appelants sont les associés n'est pas liquide et ne permet pas une mobilisation rapide pour payer une créance d'un tel montant. En outre, ces sociétés ne se confondent pas avec la personne de leurs associés ou dirigeants. Mais surtout, l'attitude déloyale des débiteurs, qui ont procédé à des dissimulations au moyen de nombreuses anomalies comptables révélées par l'expert judiciaire et ayant conduit le tribunal des activités économiques à juger qu'ils avaient intentionnellement manipulé les documents comptables, avec la complicité de l'expert-comptable, et falsifié les résultats de la société cédée dans le but de lever les conditions posées par les parties et inciter le cessionnaire à acquérir les titres de Digital & You, caractérise une circonstance susceptible de menacer sérieusement le recouvrement de la créance. Enfin, les appelants ont multiplié les obstacles procéduraux pour s'opposer au paiement, même sur des sommes qu'ils avaient pourtant reconnues devoir à minima. S'il est exact que la contestation d'une créance par le débiteur ne suffit pas à caractériser à elle seule une menace sur son recouvrement, en revanche, la réticence prolongée au paiement dans un contexte de dol caractérise une circonstance susceptible de menacer le recouvrement de ladite créance en raison de la crainte légitime que suscite ce comportement en ce qu'elle laisse croire au créancier qu'il ne sera jamais payé.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Silamir justifie de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance, tandis que les appelants ne produisent aucun élément de nature à la rassurer sur ses chances de recouvrement.
En conséquence, il y a lieu de rejeter toutes les demandes de mainlevées des saisies contestées et confirmer le jugement entrepris.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Silamir :
Au visa des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, la société intimée sollicite une somme de 50.000 euros, affirmant que les appelants ont contesté les premières saisies avec mauvaise foi et malice, lui causant un préjudice en multipliant les incidents dilatoires dans le but de complexifier la procédure et en l'empêchant de sécuriser une créance fondée en son principe.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution a rejeté la demande en retenant que les cédants étaient légitimes à contester la persistance des conditions d'autorisation d'une mesure conservatoire, quand bien même l'arrêt du 18 novembre 2021 leur était défavorable, qu'ils pouvaient encore contester la dernière ordonnance et les nouvelles saisies pratiquées, et en ajoutant qu'il n'était saisi que de la présente procédure et qu'il n'avait donc pas à apprécier le comportement des cédants dans l'instance pendante devant le tribunal des activités économiques ou durant l'expertise judiciaire. Il sera d'ailleurs relevé sur ce dernier point que ce préjudice a été indemnisé par le tribunal des activités économiques de Paris aux termes de la décision du 24 février 2025 par l'allocation d'une somme de 20.000 euros, les juges consulaires ayant retenu que les cédants avaient agi de mauvaise foi et ralenti la procédure au fond.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande au titre de l'amende civile et débouté la société Silamir de sa demande formée à titre de dommages-intérêts.
Sur les demandes accessoires :
Parties perdantes, les appelants supporteront la charge des dépens d'appel.
Il est constant par ailleurs qu'en multipliant les contestations et les incidents, les appelants ont contraint l'intimée à exposer des frais irrépétibles pour la défense de ses intérêts à l'occasion de multiples procédures judiciaires qu'ils ont engagés tant devant le juge de l'exécution qu'en exerçant des recours devant la cour de sorte qu'il sera fait droit à la demande de l'intimée formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du dispositif.
Les appelants seront déboutés de la demande qu'ils forment de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 janvier 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,
Y ajoutant,
Condamne in solidum MM. [O], M. [P], les sociétés Falcon Capital et JLN à payer à la société Silamir la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum MM. [O], M. [P], les sociétés Falcon Capital et JLN aux dépens d'appel.
Le greffier, Le Président,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° 161 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/02158 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI2VT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2024-Juge de l'exécution de Paris- RG n°
APPELANTS
Monsieur [R] [L] [O]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représenté par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
Monsieur [K] [P]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
S.C. FALCON CAPITAL
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
S.C. JLN
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Hubert D'ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0532
INTIMÉE
S.A.S. SILAMIR SAS agissant en la personne de ses représentants légaux domicili
és en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour Avocat plaidant : Maître Fanny Rocaboy Avocat au Barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
****/
Par contrat du 30 avril 2019, MM. [O] et [P] ainsi que leurs sociétés patrimoniales Falcon Capital et JLN ( ci-après les cédants) ont cédé l'intégralité du capital de la société Digital & You à la société Silamir (ci-après la société cessionnaire).
Par actes du 14 septembre 2020, la société Silamir a fait pratiquer six saisies conservatoires sur divers comptes bancaires des cédants, en garantie de sa créance évaluée provisoirement à la somme de 2.356.843,94 euros, agissant en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris du 14 septembre 2020.
Par actes du 28 septembre 2020, la société Silamir a fait pratiquer des saisies conservatoires complémentaires de parts sociales et actions détenues par les cédants.
Les saisies ayant été contestées par les cédants, l'ordonnance a été rétractée par jugement du 9 décembre 2020, puis partiellement infirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 novembre 2021, ramenant le montant de la créance garantie à hauteur de 1.500.000 euros.
Agissant en vertu de l'arrêt de la cour, la société Silamir a fait pratiquer les 16 décembre 2021 et 21 janvier 2022 des saisies conservatoires sur les comptes bancaires des cédants pour la somme de 1.500.000 euros.
Par actes du 17 novembre 2023, les cédants ont fait assigner la société Silamir devant le juge de l'exécution en contestation des premières saisies conservatoires.
Par actes du 17 novembre 2023, agissant en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du 14 novembre 2023, la société Silamir a fait pratiquer de nouvelles saisies conservatoires, en garantie d'une créance complémentaire évaluée à la somme de 577.381,98 euros.
Par acte du 27 novembre 2023, les cédants ont contesté ces nouvelles saisies devant le juge de l'exécution.
Par jugement du 16 janvier 2024, le juge de l'exécution a :
- ordonné la jonction des procédures et dit qu'elles seront désormais suivies sous le numéro de rôle unique 23/81933,
- déclaré irrecevable la demande d'amende civile,
- déclaré recevable la demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021,
- déclaré irrecevable la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021,
- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 novembre 2023,
- rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021,
- rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 novembre 2023,
- rejeté les demandes de dommages et intérêts de la société Silamir,
- condamné in solidum M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN à payer à la société Silamir la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes de M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN formées au titre de l'article 700 du code de procédure
civile,
- condamné in solidum M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN aux dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré que l'arrêt du 18 novembre 2021 ayant déjà statué sur la demande de rétractation de l'ordonnance du 14 septembre 2020 et validé cette ordonnance dans son dispositif, cette contestation se heurte à l'autorité de chose jugée. Il a relevé ensuite que l'ordonnance du 14 novembre 2023 et la requête l'accompagnant s'appuyaient désormais sur un rapport d'expertise judiciaire du 31 juillet 2023 qui chiffrait le préjudice de la société Silamir à 190.985 euros ; que la contre-créance alléguée par les consorts [O] n'était étayée par aucun élément, contrairement à la créance alléguée par la société Silamir qui est étayée par ce rapport d'expertise. S'agissant des menaces sur le recouvrement, il a noté que les débiteurs ne présentaient pas de trésorerie suffisante au vu du montant des sommes saisies et ne communiquaient pas les comptes des sociétés dans lesquelles ils prétendaient détenir des participations, relevant au surplus que ces sociétés ne pouvaient se confondre avec la personne de leurs associés.
Par acte du 18 janvier 2024, M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN ont interjeté appel du jugement.
Par conclusions du 5 décembre 2024, ils demandent à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 septembre 2020 partiellement confirmée par l'arrêt du 18 novembre 2021 ;
rejeté les demandes de mainlevées des saisies conservatoires pratiquées sur le fondement de l'ordonnance du 14 novembre 2023 ;
condamné in solidum M. [R] [L] [O], la société civile Falcon Capital, M. [K] [P] et la société civile JLN à payer à la société Silamir la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
rejeté leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et par conséquent :
- ordonner la mainlevée de toutes saisies pratiquées sur leur fondement, et notamment des :
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de la société Falcon Capital ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de M. [R] [L] [O] ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la BNP Paribas au nom de M. [K] [P] ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de M. [K] [P] ;
saisies conservatoires pratiquées sur les comptes ouverts dans les livres de la Société Générale au nom de la société JLN ;
En tout état de cause :
- débouter la société Silamir de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive ;
- condamner la société Silamir à leur payer à chacun la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Silamir aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 4 décembre 2024, la société Silamir demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau :
- condamner MM. [R] [L] [O] et [K] [P] ainsi que les sociétés Falcon capital et JLN à lui payer in solidum la somme de 50.000 euros au titre du caractère abusif de
la demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 novembre 2021 et de la saisine du juge de l'exécution par assignation du 28 mars 2024 ;
En tout état de cause :
- condamner MM. [R] [L] [O] et [K] [P] ainsi que les sociétés Falcon capital et JLN à lui payer in solidum la somme de 20.000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Les parties ayant été invitées par la cour à lui communiquer pendant le cours du délibéré le jugement du 24 février 2025 rendu par le tribunal des activités économiques de Paris saisi au fond du litige, le conseil de la société Silamir a transmis la décision par note en délibéré en date du 6 mars 2025.
MOTIFS :
Selon l'article L. 511-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.
Il résulte de l'article R 512-1 du même code, que si les conditions prévues pour pratiquer une saisie conservatoire ne sont pas réunies, la mainlevée de la mesure conservatoire peut être ordonnée à tout moment. Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.
Sur l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe :
Aux termes du jugement rendu le 24 février 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a :
- Débouté M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN de leur demande de complément de prix ;
- Débouté la société Silamir de sa demande de réduction de prix pour vice du consentement sur le fondement de la garantie de passif ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN à payer à la société Silamir la somme de 734 000 euros sur le fondement du dol lors de la réalisation de la cession des titres Digital & You ;
- Pris acte de l'acceptation de M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K]
[P] et la société JLN de payer à la société Silamir la somme de 29 156,54 euros au titre d'une partie de la garantie de passif figurant dans le contrat de cession ;
- Condamné en conséquence d'une part M. [L] [O], la société Falcon Capital, et d'autre part, M. [K] [P] et la société JLN in solidum, à payer à la société Silamir, pour moitié chacun, la somme de 321 313 euros au titre de la garantie de passif figurant dans le contrat de cession ;
- Débouté la société Silamir de sa demande au titre d'un préjudice moral ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN à payer la somme de 20 000 euros à la société Silamir au titre de son préjudice pour procédure abusive ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN, à payer à la société Silamir la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum M. [L] [O], la société Falcon Capital, M. [K] [P] et la société JLN aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 171,73 euros dont 28,41 euros de TVA, y compris la somme de 31 000 euros au titre des frais d'expertise judiciaire.
Le tribunal a conclu que les cédants avaient intentionnellement manipulé les documents comptables, avec la complicité de l'expert-comptable, et falsifié les résultats de la société cédée dans le but de lever les conditions posées par les parties et inciter le cessionnaire à acquérir les titres de Digital & You et dit que le dol de la part des cédants était caractérisé.
Il ressort de cette décision que la société Silamir est désormais créancière à l'encontre de MM. [O] et [P], ainsi que les sociétés Falcon et JLN, d'une créance d'un montant total de 1.235.469,54, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, outre les intérêts légaux et le reste des dépens non encore liquidés.
En outre, MM. [O] et [P], ainsi que les sociétés Falcon et JLN ont été déboutés de leur demande de complément de prix, de telle sorte qu'ils ne justifient d'aucune contre-créance.
La société Silamir détient par conséquent une créance titrée, même si le jugement n'est pas définitif, de sorte qu'elle remplit a fortiori la première condition édictée par L. 511-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, la seconde étant l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de ladite créance.
Sur l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement :
S'agissant de conditions cumulatives, il convient d'examiner ce point, étant rappelé que la charge de la preuve de l'existence de telles circonstances, appartient au créancier.
La société Silamir observe que la plupart des éléments produits par les appelants l'ont déjà été devant la cour d'appel ayant donné lieu à l'arrêt de 2021, lequel avait retenu l'existence de menaces. Par ailleurs, elle affirme que les cédants s'illustrent par une volonté acharnée de se soustraire à leurs engagements, qu'ils n'ont pris en charge aucune des réclamations notifiées conformément à la garantie d'actif et de passif, qu'ils ont en outre déjà procédé à de nombreux investissements avec le prix qu'ils ont reçu ; que la plupart des sociétés dans lesquelles ils ont, directement ou indirectement, investi ne publient pas leurs comptes ; qu'ils ont volontairement faussé les comptes de référence et la situation intermédiaire et dissimulé la situation d'auto-contrôle dans laquelle se trouvait le commissaire aux comptes et expert-comptable de la société cédée.
Les appelants répliquent qu'il n'existe aucune menace sur le recouvrement de la créance, au regard de son montant qui doit être ramené selon eux à 108. 212 euros et du caractère fructueux des saisies pour cette somme. Ils ajoutent que MM. [P] et [O] présentent un niveau de revenus et un patrimoine mobilier suffisants, que tous disposent donc d'actifs qui ne sont pas susceptibles d'être dissipés. Les appelants prétendent détenir en outre une créance de 3.656.000 euros au titre du paiement du solde du prix dont le tribunal de commerce a été saisi.
Réponse de la cour :
Ainsi que le relève à juste titre la société Silamir, la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 18 novembre 2021 a déjà retenu l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.
Désormais, le risque se déduit de l'importance du montant de la créance fixé par le tribunal des activités économiques à plus d'1,2 millions d'euros. En outre, il est démontré par l'intimée que les cédants ont réinvesti l'intégralité du prix de cession versé dans la constitution de plusieurs sociétés commerciales dont certaines ont choisi de ne pas publier leurs comptes, masquant ainsi leurs éventuelles faiblesses financières et lorsqu'elles les publient, laissant apparaître des pertes importantes, comme c'est le cas pour la société Silvr Group. Par ailleurs, ainsi que l'a très justement relevé le premier juge, le capital des sociétés dont les appelants sont les associés n'est pas liquide et ne permet pas une mobilisation rapide pour payer une créance d'un tel montant. En outre, ces sociétés ne se confondent pas avec la personne de leurs associés ou dirigeants. Mais surtout, l'attitude déloyale des débiteurs, qui ont procédé à des dissimulations au moyen de nombreuses anomalies comptables révélées par l'expert judiciaire et ayant conduit le tribunal des activités économiques à juger qu'ils avaient intentionnellement manipulé les documents comptables, avec la complicité de l'expert-comptable, et falsifié les résultats de la société cédée dans le but de lever les conditions posées par les parties et inciter le cessionnaire à acquérir les titres de Digital & You, caractérise une circonstance susceptible de menacer sérieusement le recouvrement de la créance. Enfin, les appelants ont multiplié les obstacles procéduraux pour s'opposer au paiement, même sur des sommes qu'ils avaient pourtant reconnues devoir à minima. S'il est exact que la contestation d'une créance par le débiteur ne suffit pas à caractériser à elle seule une menace sur son recouvrement, en revanche, la réticence prolongée au paiement dans un contexte de dol caractérise une circonstance susceptible de menacer le recouvrement de ladite créance en raison de la crainte légitime que suscite ce comportement en ce qu'elle laisse croire au créancier qu'il ne sera jamais payé.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Silamir justifie de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance, tandis que les appelants ne produisent aucun élément de nature à la rassurer sur ses chances de recouvrement.
En conséquence, il y a lieu de rejeter toutes les demandes de mainlevées des saisies contestées et confirmer le jugement entrepris.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Silamir :
Au visa des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, la société intimée sollicite une somme de 50.000 euros, affirmant que les appelants ont contesté les premières saisies avec mauvaise foi et malice, lui causant un préjudice en multipliant les incidents dilatoires dans le but de complexifier la procédure et en l'empêchant de sécuriser une créance fondée en son principe.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution a rejeté la demande en retenant que les cédants étaient légitimes à contester la persistance des conditions d'autorisation d'une mesure conservatoire, quand bien même l'arrêt du 18 novembre 2021 leur était défavorable, qu'ils pouvaient encore contester la dernière ordonnance et les nouvelles saisies pratiquées, et en ajoutant qu'il n'était saisi que de la présente procédure et qu'il n'avait donc pas à apprécier le comportement des cédants dans l'instance pendante devant le tribunal des activités économiques ou durant l'expertise judiciaire. Il sera d'ailleurs relevé sur ce dernier point que ce préjudice a été indemnisé par le tribunal des activités économiques de Paris aux termes de la décision du 24 février 2025 par l'allocation d'une somme de 20.000 euros, les juges consulaires ayant retenu que les cédants avaient agi de mauvaise foi et ralenti la procédure au fond.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande au titre de l'amende civile et débouté la société Silamir de sa demande formée à titre de dommages-intérêts.
Sur les demandes accessoires :
Parties perdantes, les appelants supporteront la charge des dépens d'appel.
Il est constant par ailleurs qu'en multipliant les contestations et les incidents, les appelants ont contraint l'intimée à exposer des frais irrépétibles pour la défense de ses intérêts à l'occasion de multiples procédures judiciaires qu'ils ont engagés tant devant le juge de l'exécution qu'en exerçant des recours devant la cour de sorte qu'il sera fait droit à la demande de l'intimée formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans les termes du dispositif.
Les appelants seront déboutés de la demande qu'ils forment de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 janvier 2024 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,
Y ajoutant,
Condamne in solidum MM. [O], M. [P], les sociétés Falcon Capital et JLN à payer à la société Silamir la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum MM. [O], M. [P], les sociétés Falcon Capital et JLN aux dépens d'appel.
Le greffier, Le Président,