CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 20 mars 2025, n° 21/18191
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Wipelec (SARL)
Défendeur :
Safran Electronics & Defense (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Prigent
Avocats :
Me de Badereau de Saint Martin, Me Domain, Me Foreman, Courrégé Foreman
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Wipelec est spécialisée dans le domaine de la découpe chimique, du traitement de surface et d'usinage des métaux. Elle fabrique des pièces destinées à être intégrées dans des matériels de haute technologie.
La société Safran Electronics & Défense (la société Safran) développe et fabrique des produits de haute précision dans le domaine de l'aéronautique et de la défense.
Les parties ont entretenu des relations commerciales pendant plusieurs années.
Les pièces commandées par la société Safran à la société Wipelec étaient fabriquées dans l'usine de [Localité 5].
Par arrêté préfectoral du 31 mai 2017, a été suspendue l'activité de revêtement métallique ou traitement métallique de surfaces par voie électrolytique ou chimique de l'unité de production de [Localité 5] dans l'attente de la constitution d'une garantie financière et d'une dépollution d'effluents industriels. Cette suspension a été levée le 2 novembre 2017.
Le 10 septembre 2018, la société Safran a notifié à la société Wipelec la fin de leur relation commerciale en lui accordant un préavis de 9 mois.
Se plaignant de la brutalité de la rupture de la relation, la société Wipelec a, par acte du 13 juillet 2020, assigné la société Safran en indemnisation devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 13 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
- Débouté la société Wipelec de sa demande au titre de l'article L.442-1 II du code de commerce ;
- Condamné la société Wipelec à payer à la société Safran la somme de 10 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 juillet 2019 et courant jusqu'à la date de parfait paiement ;
- Condamné la société Wipelec à payer à la société Safran la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- Ordonné l'exécution provisoire sans caution ;
- Condamné la société Wipelec aux dépens.
Par déclaration du 18 octobre 2021, la société Wipelec a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Débouté la société Wipelec de sa demande au titre de l'article L.442-1 du code de commerce visant à obtenir la condamnation de la société Safran à lui payer la marge brute sur coûts variables dont elle se trouve injustement privée, calculée sur une durée de 14 mois à compter de la rupture des relations commerciales établies, soit une somme globale de 535 105,31 euros ; - Débouté la société Wipelec de sa demande de condamnation de la société Safran à lui payer une somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile ;
- Débouté la société Wipelec de sa demande de condamnation de la société Safran aux entiers dépens de l'instance ;
- Condamné la société Wipelec à payer à la société Safran la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Par ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2024, la société Wipelec demande, au visa des articles 1104 et 1240 et suivants du code civil, L.442-1 du code de commerce, et 695 et suivants, 700 du code de procédure civile, de :
- Déclarer l'appel interjeté par la concluante tant recevable que bien fondé ;
En conséquence,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* Débouté la société Wipelec de sa demande fondée sur les dispositions de l'article L.442-1 II du code de commerce ;
* Débouté la société Wipelec de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Débouté la société Wipelec de sa demande de condamnation aux dépens ;
* Condamné la société Wipelec à payer à la société Safran une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 outre les dépens ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
* Condamner la société Safran à payer à la société Wipelec la somme de 514 490 euros correspondant à la marge brute sur coût variable dont elle se trouve injustement privée calculée sur une durée de 14 mois, au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
A titre subsidiaire,
* Condamner la société Safran à payer à la société Wipelec la somme de 220 495,74 euros correspondant à la marge brute sur coût variable dont elle a été injustement privée du fait du non-respect du préavis de 9 mois auquel la société Safran s'était engagée ;
En tout état de cause,
* Condamner la société Safran à payer à la société Wipelec une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
* Condamner la société Safran aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions notifiées le 6 novembre 2024, la société Safran demande, au visa des articles L. 442-1 II du code de commerce, 564, 565 et 700 du code de procédure civile, de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- Débouter la société Wipelec de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner la société Wipelec à verser à la société Safran la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2024.
La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Le dispositif du jugement ayant condamné la société Wipelec à payer à la société Safran la somme de 10 000 euros avec intérêts ne fait pas l'objet d'un appel.
Cette disposition est dès lors définitive.
Sur la rupture brutale des relations commerciales
La société Wipelec prétend que la relation commerciale établie a duré plus de 30 ans entre les parties, depuis la création en 1984 de la société Wipelec, précisant qu'elle a racheté, en 1999, la société La Découpe Photomécanique qui entretenait une relation commerciale avec la société Sagem, devenue la société Safran. Elle fait valoir que la stabilité de la relation rendait la rupture imprévisible, que la prétendue crainte de rupture d'approvisionnement alléguée par la société Safran ne justifiait pas la rupture brutale, alors qu'elle avait pris les mesures nécessaires pour se mettre en conformité avec les arrêtés préfectoraux. Elle ajoute que la société Safran a été informée de la levée des non-conformités et de la reprise de l'activité sur le site de [Localité 5] et n'a jamais fait part de ses craintes quant à la situation de mise en conformité. Elle conteste toute faute justifiant la rupture, affirmant que l'octroi d'un préavis, même bref, fait présumer une absence de gravité du manquement.
La société Safran soutient que la société Wipelec a commis de graves manquements constitutifs d'une faute, alors qu'elle s'était engagée à respecter ses obligations en matière environnementale tant contractuelle qu'en sa qualité d'installation classée, qu'elle n'a que partiellement remédié à ses manquements, et a entretenu des relations conflictuelles avec les autorités administratives et juridictionnelles, restant soumise au risque permanent de sanctions de nature à provoquer une fermeture temporaire ou définitive de son site. La société Safran fait valoir que cette situation a été analysée comme un risque d'approvisionnement qui a motivé la rupture des relations contractuelles. Elle ajoute que même en présence de manquements graves justifiant la rupture immédiate de la relation, le cocontractant peut choisir d'octroyer un préavis.
Subsidiairement, la société Safran soutient que la rupture était prévisible compte tenu que les relations s'étaient dégradées avant la rupture et que la société Wipelec n'ignorait pas qu'à défaut de se conformer aux réglementations litigieuses, la fin des relations commerciales était inévitable. Elle ajoute que l'aide apportée avait vocation à soutenir la société Wipelec afin de permettre la levée des non-conformités, sans être un signe d'un renforcement de la relation commerciale, et que le préavis était suffisant, afin de favoriser la réorganisation de la société Wipelec, et a été exécuté.
Selon l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa version applicable au litige, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
La relation commerciale est établie lorsqu'elle présente un caractère suivi, stable et habituel, et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux dans la durée.
La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de la durée de ce préavis au regard des relations commerciales antérieures.
Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.
Même en présence de manquements d'une partie suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate de la relation commerciale, il est toujours loisible à l'autre partie de lui accorder un préavis.
En l'espèce, les parties ne discutent pas du caractère établi de leur relation commerciale.
L'activité de la société Wipelec relève du régime des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE).
Il résulte des bons de commande produits par la société Safran que celle-ci rappelait l'obligation de respecter les dispositions légales et règlementaires et des exigences concernant la protection de l'environnement (article 19 des conditions générales et article 2.4 du document de « démarche environnementale et exigences »).
Un arrêté préfectoral du 29 juin 2012 a autorisé le transfert des « activités de traitement de surface autorisées sur le site de [Localité 6] et de travail mécanique autorisé sur le site de [Localité 4] sur le site de [Localité 5] dans des bâtiments industriels existants et à étendre ces activités suite à la modernisation des outils de production ».
Entre octobre 2013 et 2017, plusieurs arrêtés préfectoraux ont, à la suite de rapports d'inspection, prescrit des mesures de protection de l'environnement et mis la société Wipelec en demeure de les respecter, et notamment :
- arrêté du 14 octobre 2013 de mise en demeure de respecter des prescriptions techniques de l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploitation du 29 juin 2012 (collecte et traitement du réseau chromique, marquages des substances et préparations, stockage des matières premières, alarme, notamment) ;
- arrêté du 4 décembre 2013 imposant des prescriptions complémentaires ;
- arrêté du 30 juin 2014 relatif à l'obligation de constituer des garanties financières ;
- arrêté du 22 novembre 2016 imposant des prescriptions de mesures d'urgence (vidange des rétentions et élimination des eaux de rétention, entreposage des déchets dangereux, évacuation de déchets) ;
- arrêté du 24 novembre 2016 de mise en demeure de respecter des dispositions de l'arrêté du 29 juin 2012 et de celui du 4 décembre 2013 concernant la gestion des déchets dangereux ;
- arrêté du 30 janvier 2017 de mise en demeure de respecter des dispositions des arrêtés des 22 novembre 2016, 30 juin 2014, 29 juin 2012 et 4 décembre 2013 ;
- arrêté du 24 mars 2017 imposant des prescriptions de mesures d'urgence concernant la pollution du réseau pluvial par des rejets industriels ;
- arrêté du 7 avril 2017 de mise en demeure de respecter des dispositions de l'arrêté du 29 juin 2012 relative aux risques d'incendie, de pollution, d'accident ;
- arrêté du 7 avril 2017 imposant des prescriptions complémentaires pour la protection des sols et des eaux souterraines susceptibles d'être impactés par ses activités et l'entreposage de déchets dangereux.
A la suite d'une inspection réalisée le 21 avril 2017, un rapport a été établi le 5 mai 2017 par la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Environnement et de l'Energie d'Ile-de-France, concluant à l'absence de respect de plusieurs dispositions imposées par les arrêtés.
Les non-conformités relevées par l'administration, qui ont persisté malgré des mises en demeure et des sanctions administratives, présentent un caractère de gravité et des risques d'incendie, de pollution d'origine industrielle ou d'accident du travail, ainsi que l'a relevé le juge des référés du Conseil d'Etat aux termes de son ordonnance du 30 juin 2017.
Un arrêté du 31 mai 2017 a suspendu l'activité du site « jusqu'au respect des dispositions prévues » aux articles 3 de l'arrêté de mise en demeure du 30 janvier 2017 et 2 de l'arrêté de mise en demeure du 7 avril 2017, après avoir retenu « la persistance de nombreuses non-conformités notables » malgré les délais octroyés, et le risque d'atteinte à la santé publique et à l'environnement.
La société Wipelec a conclu le 11 juillet 2017 une convention pluripartite avec plusieurs clients, dont la société Safran, prévoyant la participation financière de ceux-ci à la constitution des garanties financières et à la gestion de l'évacuation des eaux du bassin de rétention.
La société Wipelec s'est notamment engagée « à faire ses meilleurs efforts' pour accélérer et finaliser la levée de toutes les irrégularités constatées par les arrêtés préfectoraux » et à « reporter mensuellement aux Clients, par le biais d'un email collectif, l'avancée du plan d'action visant à la levée des 47 irrégularités environnementales de son site, produites en annexe 2 et relevées par les services de la DRIEE dans son rapport en date du 5 mai 2017 ».
Il était également stipulé qu'il était « impératif que la société Wipelec respecte la réglementation environnementale et les conditions relatives à l'exercice de son activité industrielle » et que « si les clients de la société Wipelec ont intérêt à voir l'activité de cette dernière redémarrer le plus rapidement possible'ils rappellent également qu'il est indispensable que la société Wipelec respecte la réglementation environnementale et les conditions de son arrêté d'exploitation, ainsi que les différents arrêtés préfectoraux qui lui ont été adressés ».
La suspension d'activité de la société Wipelec a été levée par lettre du 1er novembre 2017 de la préfecture de Seine-et-Marne à la suite d'une visite d'inspection réalisée le 18 octobre 2017 ayant relevé que « 20 non-conformités sur les 23 visés à l'article 2 de l'arrêté » du 7 avril 2017 étaient levées, et compte tenu également de l'envoi de justificatifs de levée d'autres non-conformités.
Il était cependant indiqué qu'il résultait du rapport d'inspection établi le 26 octobre 2017 qu'une non-conformité persistait concernant « la mise en place d'un dévésiculeur sur le réseau chromique du bâtiment B », faisant l'objet d'une astreinte journalière, et la « présence de substances pâteuses dans une partie de la rétention des bains de traitement acide du bâtiment F » justifiant que soit vérifiée « l'étanchéité de cette rétention aussi rapidement que possible et ce afin de prévenir toute pollution des sols au droit du bâtiment F ».
La société Safran soutient que les manquements de la société Wipelec en matière environnementale ont persisté en ce qu'elle n'a pas remédié aux 47 non-conformités visées par la convention pluripartite, qu'elle rencontrait d'autres graves problèmes environnementaux sur ses autres sites et qu'elle n'a pas respecté son engagement de rendre mensuellement compte de l'avancement de sa mise en conformité environnementale aux clients qui l'avaient soutenue financièrement.
Par lettre recommandée du 10 septembre 2018, la société Safran a motivé la rupture par les « difficultés importantes et persistantes » que rencontre la société Wipelec « en matière environnementale, les lourds investissements qui lui sont nécessaires pour remédier et régulariser les non-conformités de ses installations qui lui sont reprochées par les autorités », qui « créent pour la société Safran une grande incertitude sur les capacités industrielles de la société Wipelec à répondre sans discontinuité aux exigences de fabrication et de livraison qui sont les siennes », précisant que la société Safran « ne peut risquer une rupture ou des retards de sa chaîne d'approvisionnement ».
La société Wipelec soutient que les non-conformités étaient levées à la date de la rupture et relève l'absence d'injonction de la société Safran concernant l'obligation d'information.
Elle fait valoir qu'elle a fait appel à un cabinet d'ingénieurs spécialisés pour l'épauler dans ses démarches et dans les mesures à mettre en 'uvre, qu'elle a élaboré avec l'aide de ce cabinet et en étroite concertation avec les services de l'État un plan d'action et qu'elle a remédié dès que possible aux non-conformités relevées par la DRIEE.
Cependant, elle ne démontre pas s'être conformée à toutes les dispositions des arrêtés préfectoraux, produisant un rapport établi par elle-même le 10 novembre 2017 qui est insuffisant à justifier la mise en place d'un dévésiculeur, la vérification de l'étanchéité de la rétention des bains de traitement acide d'un bâtiment et la levée des non-conformités non visées par la lettre du 1er novembre 2017.
Elle soutient que le dévésiculeur était en place depuis le mois de septembre 2017, alors qu'il a été observé par l'administration par lettre du 1er novembre 2017 à la suite de la visite d'inspection du 18 octobre 2017 la persistance de la non-conformité concernant « la mise en place d'un dévésiculeur sur le réseau chromique du bâtiment B ».
Elle prétend que la vérification de l'étanchéité des bassins de rétention ne faisait pas partie des 47 non-conformités mais constituait une nouvelle interrogation de la DRIEE, suite à sa visite du site du 26 octobre 2017, sans cependant produire le rapport d'inspection.
Elle ne justifie pas avoir fait procéder à cette vérification.
L'arrêté d'autorisation du 29 juin 2012 imposait des réseaux de collecte des effluents « conçus de manière à être curables, étanches et résister dans le temps aux actions physiques et chimiques des effluents ou produits susceptibles d'y transiter » (article 4.2.3), précisant que les capacités de rétention doivent être « étanches aux produits qu'elles pourraient contenir », résister « à leur action physique et chimique », pouvoir « être contrôlées à tout moment (article 7.5.3.1.), et que « l'exploitant s'assure par des contrôles appropriés et préventifs de leur bon état et de leur étanchéité » (article 4.2.3).
Le non-respect de cette prescription avait été relevé par les arrêtés de mise en demeure du 14 octobre 2013 (« présence de liquide souillé dans les rétentions extérieures ») et du 22 novembre 2016 (« les rétentions, dans l'état dans lequel elles ont été observées, ne peuvent plus assurer leur rôle »).
Elle reconnaît que la vidange des cuves enterrées et leur enlèvement pour destruction n'ont été réalisés qu'en janvier et février 2020. Ces prescriptions étaient visées par l'arrêté d'autorisation du 29 juin 2012 (article 4.3.13.3) et par l'arrêté du 22 novembre 2016 portant mise en demeure.
La dernière information sur la levée de toutes les irrégularités a été délivrée aux signataires de la convention tripartite le 3 novembre 2017.
La société Wipelec ne justifie pas avoir respecté les termes de la convention tripartite, tant en ce qui concerne la levée de toutes les non-conformités que l'information sur cette levée postérieurement à la levée de la suspension de l'activité par arrêté du 1er novembre 2017.
La convention tripartie relevait l'existence de 47 non-conformités et pas seulement celles visées par la lettre du 1er novembre 2017 de la préfecture de Seine-et-Marne.
L'aide financière accordée était destinée à soutenir la société Wipelec dans la levée des non-conformités et à maintenir son activité.
Les pièces commandées par la société Safran étaient fabriquées sur le site de [Localité 5].
L'arrêté préfectoral du 29 juin 2012 a autorisé le transfert des activités de traitement de surface du site de [Localité 6] et de travail mécanique du site de [Localité 4] sur le site de [Localité 5].
Les prescriptions règlementaires concernant les deux sites de [Localité 6] et de [Localité 4], faisant partie de l'activité de la société Wipelec, devaient être respectées par celle-ci.
Or, par arrêté préfectoral du 2 janvier 2018, la société Wipelec a été mise en demeure de respecter l'article L.541-7-1 du code de l'environnement pour le site anciennement exploité de [Localité 6], « en emballant ou conditionnant ses déchets dangereux et en étiquetant leur emballage ou contenant et ce afin d'assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l'environnement », après qu'il ait été constaté « la présence de déchets, y compris dangereux, stockés dans des conditions anarchiques à l'intérieur de l'installation exploitée par la société Wipelec et sans précaution quant à leur impact potentiel sur l'environnement », et relevé « la proximité du site avec les habitations et la dangerosité des déchets entreposés », « le risque de pollution de la nappe souterraine 'en raison de l'entreposage de ces déchets dans des conditions non satisfaisantes, sans qu'aucune précaution ne soit prise afin d'éviter tout déversement éventuel (absence de rétention, mauvais état des contenants, contenants ouverts, incompatibilité de stockage) et sans aucun étiquetage sur plusieurs emballages ou contenants ».
S'agissant du site de [Localité 4], un arrêté du 8 février 2018 a enjoint à la société Wipelec « de compléter le diagnostic initial sur site en effectuant une mesure de la qualité de l'air ' et une analyse de l'eau potable', d'effectuer une caractérisation de la pollution hors site', de mettre en 'uvre des mesures de gestion pour traiter les terres impactées par les solvants', de démontrer' la compatibilité des usages avec l'état environnemental du site, de mettre en place un suivi piézométrique' ».
En ne respectant pas les prescriptions législatives et règlementaires en matière environnementale, en s'exposant à de nouvelles sanctions administratives de nature à perturber son activité, voire à la suspendre, la société Wipelec a commis des manquements d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation unilatérale et immédiate de la relation avec la société Safran.
En allouant un préavis et en commandant des pièces pendant les deux premiers mois, permettant ainsi à la société Wipelec de générer de la trésorerie et de se réorganiser, la société Safran n'a pas commis de faute.
Le jugement, qui a rejeté la demande en indemnisation de la société Wipelec au titre d'une rupture brutale de la relation commerciale, sera confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La société Wipelec, qui succombe, sera tenue aux dépens d'appel.
Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Safran la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de la société Wipelec à ce titre sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement du 13 septembre 2021 du tribunal de commerce de Paris en ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Wipelec à payer à la société Safran Electronics & Défense la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de la société Wipelec au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Wipelec aux dépens d'appel.