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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 20 mars 2025, n° 24/05326

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fin Gourmet (SARL)

Défendeur :

Lalou (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vasseur

Conseillers :

Mme de Rocquigny du Fayel, Mme Igelman

Avocats :

Me Tizon, Me Luc

TJ Pontoise, du 23 juill. 2024, n° 24/00…

23 juillet 2024

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 28 octobre 2016, la société du Petit Paris, aux droits de laquelle vient la S.A.S. Lalou, a consenti un bail commercial à la S.A.R.L. Fin Gourmet, anciennement dénommée la société Le Bar des Amis, portant sur les locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 4] (Val-d'Oise) pour une durée de neuf années et moyennant un loyer mensuel de 1 200 euros hors charges.

Des loyers sont demeurés impayés.

Le 27 septembre 2023, la société Lalou a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire à l'encontre de la société Fin Gourmet, portant sur la somme totale de 12 181,50 euros.

Par acte du 16 janvier 2024, la société Lalou a fait assigner en référé la société Fin Gourmet aux fins d'obtenir principalement le constat de l'acquisition de la clause résolutoire, l'expulsion de la locataire et sa condamnation à titre provisionnel, au paiement des sommes de 12 500 euros au titre des loyers impayés et 3 102 euros correspondant à l'arriéré de charge, outre une indemnité d'occupation.

Par ordonnance contradictoire rendue le 23 juillet 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 28 octobre 2016 et la résiliation de ce bail à la date du 28 octobre 2023,

- ordonné, à défaut de départ volontaire des lieux situés au [Adresse 1] à [Adresse 5] (95) dans un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance, l'expulsion de la société Fin Gourmet et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Fin Gourmet à la société Lalou, à compter du 23 mai 2024, et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamnons la société Fin Gourmet au paiement de cette indemnité,

- condamné la société Fin Gourmet à payer à la société Lalou la somme provisionnelle de 21 271,50 euros correspondant aux loyers ou indemnités d'occupation et charges impayés, arrêtée à la date du 22 mai 2024 (échéance du mois de mai 2024 incluse), augmentée des intérêts de retard au taux légal à compter du 27 septembre 2023 pour la somme 12 002 euros (8 900 euros et 3 102 euros figurant sur le commandement de payer) et à compter de l'assignation du 16 janvier 2024 pour le surplus, outre capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

- rejeté la demande en délais de paiement de la société Fin Gourmet,

- condamné la société Fin Gourmet à payer à la société Lalou la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties,

- condamné la société Fin Gourmet au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer et de la dénonciation à la gérante de la société Fin Gourmet,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 6 août 2024, la société Fin Gourmet a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de dispositif, à l'exception de ce qu'elle a rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Fin Gourmet demande à la cour de :

'- d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- débouter la sas Lalou de sa demande en paiement des arriérés de charges d'eau ;

- la débouter de sa demande en acquisition de la clause résolutoire ;

- fixer la créance de la sas Lalou arrêtée au 22 mai 2024 à la somme de 21 271,50 euros ;

- ordonner la suspension de la clause résolutoire visée dans le commandement du 27 septembre 2023 ;

- accorder à la S.A.R.L. Fin Gourmet un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette ;

- débouter la sas Lalou de ses autres demandes,

y ajoutant,

- condamner la sas Lalou à payer à la s.A.R.L. Fin Gourmet, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner aux dépens.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Lalou demande à la cour, au visa des articles L. 145-41 et suivants du code de commerce, de :

'- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 23 juillet 2024 en ce qu'elle a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 28 octobre 2016 et la résiliation de ce bail à la date du 28 octobre 2023,

- ordonné, à défaut de départ volontaire des lieux situés au [Adresse 1] à [Localité 4] (95) dans un délai de quinze jours suivant la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Fin Gourmet et celle de tous occupants de son chef des locaux loués, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

- dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à la retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, ce conformément à ce que prévoient les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Fin Gourmet à la société Lalou, à compter du 23 mai 2024, et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné la société Fin Gourmet au paiement de cette indemnité,

- condamné la société Fin Gourmet à payer à la société Lalou la somme provisionnelle de 21 271,50 euros correspondant aux loyers ou indemnités d'occupation et charges impayés, arrêtée à la date du 22 mai 2024 (échéance du mois de mai 2024 incluse), augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2023 pour la somme de 12 002 euros (8 900 euros et 3 102 euros figurant sur le commandement de payer) et à compter de l'assignation du 16 janvier 2024 pour le surplus, outre capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

- rejeté la demande en délais de paiement de la société Fin Gourmet,

- condamné la société Fin Gourmet au paiement des dépens comprenant le coût du commandement de payer et de la dénonciation à la gérante de la société Fin Gourmet,

et y ajoutant,

- condamner la s.A.R.L. Fin Gourmet à régler à la sas Lalou la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

- condamner la s.A.R.L. Fin Gourmet aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Fin Gourmet indique avoir donné le fonds de commerce en location-gérance à deux locataires successifs qui n'ont réglé aucune redevance mais affirme avoir repris le paiement du loyer courant depuis le mois de mai 2024.

Elle affirme que les charges d'eau qui lui sont réclamées ne sont pas justifiées, les factures n'étant pas versées aux débats et aucune explication n'étant donnée sur la répartition de ces charges entre les différents occupants de l'immeuble.

Elle sollicite la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement, soulignant avoir repris l'exploitation directe du fonds de commerce.

La société Lalou conclut en réponse à la confirmation de l'ordonnance querellée, précisant qu'il existe des sous-compteurs permettant à chaque lot de connaître sa propre consommation et qu'elle produit les relevés des compteurs.

Elle s'oppose à l'octroi de délais de paiement.

Sur ce,

Sur la résiliation du bail

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.

Dans le cas d'espèce, le bail produit contient une telle clause résolutoire et aucune irrégularité formelle des commandements n'est invoquée.

Faute d'avoir payé ou contesté les sommes visées au commandement dans le délai imparti, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement ; l'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

En l'espèce, l'appelante ne conteste pas ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai imparti et ne formule aucun moyen de nature à faire obstacle à l'acquisition de la clause résolutoire.

Il convient de souligner en effet que, à supposer même que le montant réclamé dans le commandement de payer soit erroné, celui-ci reste valable pour la dette effectivement due et que le décompte figurant au commandement de payer faisait apparaître à la fois une dette de 8 900 euros au titre des loyers, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, et un arriéré de 3 102 euros au titre des charges d'eau qui sont discutées par la société Fin Gourmet.

La somme réclamée au titre des loyers visée dans les commandement de payer du 27 septembre 2023 n'ayant pas été intégralement réglée dans le délai d'un mois l'ayant suivi, il est ainsi acquis que le bail s'est retrouvé résilié à compter du 27 octobre 2023 par le jeu de l'acquisition de la clause résolutoire visée au commandement. L'ordonnance querellée sera confirmée de ce chef. Les dispositions subséquentes relatives à l'expulsion et au sort des biens meubles et objets mobiliers seront également confirmées.

Sur les demandes de provision

Selon l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Aux termes de l'article du 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il existe une contradiction entre le corps des écritures de la société Fin Gourmet, où elle développe des moyens visant à rejeter la demande de la société Lalou au titre des charges d'eau impayées et son dispositif dans lequel elle demande de sa dette soit fixée à la somme de 21 271,50 euros correspondant à la provision allouée par le premier juge, laquelle comprend la somme de 3 971, 50 euros au titre de charges d'eau dont l'ordonnance indique qu'elles ne sont pas sérieusement contestables.

Dès lors qu'en vertu de l'article 954 du code de procédure civile, 'la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif', il n'y a pas lieu d'examiner le moyen relatif au caractère indû des charges d'eau et l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Fin Gourmet à verser à titre provisionnel à la société Lalou la somme de 21 271, 50 euros au titre de l'arriéré locatif échu au 22 mai 2024.

A titre surabondant, la société Lalou verse aux débats les justificatifs établissant que la société Fin Gourmet dispose d'un compteur individuel d'eau et produit les relevés de ce compteur, étant souligné que la somme de 3 102 euros correspond à plus de deux années de consommation.

Aucune des deux parties ne remettant en cause ce chef de dispositif, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a fixé l'indemnité d'occupation au montant du loyer contractuellement prévu.

Sur la suspension de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement

Le 2e alinéa de l'article L. 145-41 du code de commerce dispose que :

'Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge'.

Selon l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, s'il est regrettable qu'aucune des parties n'ait pris la peine de produire devant la cour un décompte actualisé de la dette locative, de sorte que le dernier est daté du 3 mai 2024, il résulte de la pièce n°12 de l'intimée qu'aucun paiement n'est intervenu entre le 13 septembre 2023 et le 3 mai 2024, date à laquelle seule la somme de 1200 euros correspondant à un mois de loyer a été payée.

L'appelante, qui se contente de narrer ses malencontreuses expériences avec ses locataires, ne produit en outre aucune pièce de nature à démontrer sa capacité financière à assumer à l'avenir, outre le paiement du loyer courant, l'arriéré de la dette, fut-elle étalée dans le temps.

Ainsi, il convient de confirmer la décision querellée en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire formée par l'appelante.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de l'ordonnance entreprise relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale seront également confirmées.

Partie perdante, la société Fin Gourmet ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. et devra supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Lalou la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne la société Fin Gourmet à verser à la société Lalou la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Fin Gourmet aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président empêché et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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