CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 20 mars 2025, n° 23/14890
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14890 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGVH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mai 2023 - Juge des contentieux de la protection de SAINT OUEN - RG n° 11-22-00381
APPELANTS
Monsieur [M] [K]
né le 12 novembre 1960 à [Localité 8] (76)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
Madame [X] [R]
née le 27 septembre 1963 à [Localité 7] (76)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉES
La société FRANFINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 719 807 406 00884
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
La SARL ATHENA en la personne de Maître [U] [P], en qualité de mandataire liquidateur de la société AZUR SOLUTION ENERGIE, société par action simplifiée à associé unique prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 4 mars 2014, dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [X] [R] a acquis auprès de la société Azur Solution Energie une installation photovoltaïque composée d'un pack GSE sur mesure de 26 panneaux photovoltaïques et d'un kit Led relamping au prix de 29 591 euros.
Pour financer cette installation, Mme [R] et M. [M] [K] ont conclu le même jour avec la société Franfinance un contrat de crédit portant sur un capital de 29 591 euros, remboursable sur une durée de 144 mois, soit après un report en 12 mensualités de 49 euros et en 123 mensualités de 347,24 euros chacune hors assurance au taux d'intérêts contractuel de 5,80 % l'an soit un TAEG de 5,956 %.
Les panneaux photovoltaïques ont été installés et les fonds débloqués par la banque au profit du vendeur au vu d'une attestation de fin de travaux signée par Mme [R] le 5 mai 2014.
Le raccordement au réseau électrique a été effectué et de l'électricité est revendue depuis plusieurs années, la première facture ayant été émise le 28 août 2015 pour la période allant du 7 août 2014 au 6 août 2015.
La société Azur Solution Energie a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce d'Angers du 2 février 2022 et la Selarl Athena représentée par Maître [U] [P] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société.
Saisi les 30 mars et 29 avril 2022 par M. [K] et Mme [R] d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats et au remboursement des sommes réglées par eux au titre du contrat de crédit outre du prix de vente, au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de préjudice moral et d'une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Ouen, par un jugement réputé contradictoire du 12 mai 2023 auquel il convient de se reporter, a déclaré irrecevable comme prescrite l'intégralité des prétentions de M. [K] et Mme [R] et les a condamnés in solidum à payer à la société Franfinance une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que la demande d'annulation du contrat pour non-respect du formalisme contractuel intervenait plus de cinq ans après la signature de celui-ci, date à laquelle les requérants disposaient de toutes les informations utiles pour introduire leur action en justice. Il a relevé que ce délai de prescription de cinq ans n'était pas contraire au principe d'effectivité des droits d'autant que M. [K] et Mme [R] avaient aussi bénéficié d'un délai de rétractation de 14 jours.
S'agissant de l'action fondée sur un dol, il a relevé que M. [K] et Mme [R] étaient en mesure de déceler la tromperie alléguée tenant au défaut de rentabilité dès l'émission de la première facture le 28 août 2015 de telle sorte qu'elle était aussi prescrite.
S'agissant de l'action en responsabilité à l'encontre de la banque, il a relevé celle qui était fondée sur la complicité de la banque dans le cadre de la commission du dol avait le même point de départ et était donc aussi prescrite. Il a enfin considéré que l'action contre la banque fondée sur une faute dans le déblocage des fonds était prescrite comme intentée plus de cinq ans après ce déblocage sollicité le 5 mai 2014.
Par déclaration du 31 août 2023, M. [K] et Mme [R] ont relevé appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposée électroniquement le 16 décembre 2024, ils demandent à la cour :
- de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel et d'y faire droit,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes en annulation des contrats, en ce qu'il les a condamnés à payer la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance et statuant à nouveau,
- de les déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Azur Solution Energie et en conséquence la nullité du contrat de crédit,
- de mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Azur Solution Energie l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais,
- de constater que la société Franfinance avait commis une faute dans le déblocage des fonds et ddevait être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- de condamner la société Franfinance à leur verser l'intégralité des sommes suivantes :
- 29 591,00 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- 19 246,57 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux à la société Franfinance en exécution du prêt souscrit,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- de débouter la société Franfinance et la société Azur Solution Energie de toutes leurs prétentions, fins et conclusions contraires.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2025 la société Franfinance demande à la cour :
- de confirmer le jugement et statuant à nouveau,
- à titre principal,
- de déclarer irrecevables les demandes en nullité des contrats, de dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées, de les rejeter ainsi que leur demande en restitution des mensualités réglées,
- à titre subsidiaire, en cas d'annulation des contrats, de déclarer irrecevable la demande des appelants visant à être déchargés de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins de les en débouter, de condamner in solidum M. [K] et Mme [R] à lui restituer l'intégralité du capital restant dû soit la somme de 29 591 euros,
- en tout état de cause, de déclarer irrecevables la demande visant à voir priver la banque de sa créance de restitution ainsi que celle de dommages et intérêts et de les rejeter,
- très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice, de limiter en conséquence la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [K] et Mme [R] d'en justifier et en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et de dire et juger que M. [K] et Mme [R] restent tenus in solidum de restituer l'entier capital à hauteur de 29 591 euros au titre du crédit,
- à titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de créance de la banque, de condamner M. [K] et Mme [R] in solidum à lui payer la somme de 29 591 euros correspondant au capital perdu au titre du contrat de crédit à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable et de leur enjoindre de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à Maître [U] [P], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Azur Solution Energie dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de dire et juger qu'à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement/restitution du capital prêté et subsidiairement, de les priver de leur créance de restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,
- de débouter M. [K] et Mme [R] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
- en tout état de cause, de les condamner in solidum à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil.
La déclaration d'appel et les premières conclusions des appelants ont été dénoncées à Maître [U] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Azur Solution Energie par acte du 15 novembre 2023 délivré à personne morale. Les premières conclusions de la société Franfinance lui ont été dénoncées par acte du 27 février 2024 délivré à personne morale et ses secondes conclusions par acte du 9 janvier 2025 selon les mêmes modalités. Le liquidateur judiciaire de la société Azur Solution Energie n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 21 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour constate :
- que le contrat de vente conclu le 4 mars 2014 est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 et dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,
- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la recevabilité des demandes
En nullité des contrats
La banque soulève la prescription de l'action en nullité formelle comme de l'action en nullité pour dol ce à quoi M. [K] et Mme [R] s'opposent en faisant valoir que si le contrat a été conclu le 4 mars 2014, il sont des consommateurs profanes et :
- qu'ils ne sont pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,
- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [Z] [G] et [V] [T] ainsi que d'une formule du Professeur [J] selon laquelle le délai de prescription doit être un délai utile, ce qui fait écho au principe d'efficacité et d'effectivité des sanctions consacré en droit européen de la consommation, spécialement en cas de manquement par le professionnel du crédit à ses obligations,
- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,
- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier car ne comprenant pas toutes les mentions obligatoires, ce qui a entraîné pour eux un défaut d'information préjudiciable dont ils n'ont pu se rendre compte que bien après la signature du bon de commande et relèvent que si la loi impose à la banque de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds, c'est précisément parce qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer,
- que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,
- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, celle de la signature du contrat d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,
- que s'agissant de l'action en nullité fondée sur un dol, le dommage consiste au premier chef pour eux dans le fait d'avoir été engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses, que l'appréciation de la rentabilité d'une installation ou de biens d'équipement censés produire un gain ou une économie d'énergie sur de nombreuses années suppose nécessairement un tant soit peu de recul et qu'à supposer même que l'on puisse considérer, et ce de façon totalement artificielle, qu'ils auraient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats, ou plutôt même dès le déblocage des fonds, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce seul élément était insuffisant pour mettre en cause la responsabilité de la banque, puisqu'il fallait encore qu'une faute puisse lui être imputée, ce qu'ils ignoraient,
- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.
En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Les contrats dont l'annulation est demandée ont été conclus le 4 mars 2014 et M. [K] et Mme [R] ont engagé l'instance par assignations délivrées les 30 mars et 29 avril 2022 au mandataire liquidateur du vendeur et à la société Franfinance.
Toute l'argumentation des appelants qui se gardent d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait leur être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de leur action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme. Les suivre dans cette voie reviendrait à rendre imprescriptible une action en nullité purement formelle puisque seule la date à laquelle ils l'invoquent pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.
En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence. La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat n'est pas applicable, puisque précisément, en l'espèce, M. [K] et Mme [R] étaient en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont ils déplorent l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux. La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas non plus transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.
Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.
Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
Il n'y a pas non plus d'atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.
Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle qui n'était donc recevable que jusqu'au 3 mars 2019 inclus, cette action est prescrite et M. [K] et Mme [R] sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que cette demande de nullité formelle était irrecevable.
S'agissant de la demande en nullité pour dol commis par le vendeur ou la banque, c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. [K] et Mme [R] ont pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point de départ du délai de prescription.
Dès lors qu'ils invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.
Il résulte des propres pièces de M. [K] et Mme [R] qu'ils connaissaient cette production plus de cinq ans avant d'assigner le vendeur et le prêteur dès lors cette demande est également prescrite, le jugement devant être confirmé sur ce point.
En responsabilité de la banque
M. [K] et Mme [R] imputent à la banque des fautes de participation au dol du vendeur par son silence dolosif mais aussi dans le déblocage des fonds sans vérification du bon de commande comme sur la foi d'une attestation incomplète ce à quoi la banque oppose une prescription.
L'action pour dol étant prescrite, l'action en responsabilité pour participation au dol l'est aussi son point de départ étant également la date à la laquelle M. [K] et Mme [R] connaissaient la production de l'installation.
Pour le surplus, le fait générateur est celui du déblocage des fonds qui a été réalisé dans les suites de la demande faite à la banque par Mme [R] le 5 mai 2014 et cette demande est donc également prescrite. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré ces demandes prescrites.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
M. [K] et Mme [R] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel.
Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société Franfinance à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Condamne Mme [X] [R] et M. [M] [K] in solidum à payer la somme de 3 000 euros à la société Franfinance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [X] [R] et M. [M] [K] in solidum aux dépens d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/14890 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGVH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mai 2023 - Juge des contentieux de la protection de SAINT OUEN - RG n° 11-22-00381
APPELANTS
Monsieur [M] [K]
né le 12 novembre 1960 à [Localité 8] (76)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
Madame [X] [R]
née le 27 septembre 1963 à [Localité 7] (76)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉES
La société FRANFINANCE, société anonyme à conseil d'administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 719 807 406 00884
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
La SARL ATHENA en la personne de Maître [U] [P], en qualité de mandataire liquidateur de la société AZUR SOLUTION ENERGIE, société par action simplifiée à associé unique prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 4 mars 2014, dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [X] [R] a acquis auprès de la société Azur Solution Energie une installation photovoltaïque composée d'un pack GSE sur mesure de 26 panneaux photovoltaïques et d'un kit Led relamping au prix de 29 591 euros.
Pour financer cette installation, Mme [R] et M. [M] [K] ont conclu le même jour avec la société Franfinance un contrat de crédit portant sur un capital de 29 591 euros, remboursable sur une durée de 144 mois, soit après un report en 12 mensualités de 49 euros et en 123 mensualités de 347,24 euros chacune hors assurance au taux d'intérêts contractuel de 5,80 % l'an soit un TAEG de 5,956 %.
Les panneaux photovoltaïques ont été installés et les fonds débloqués par la banque au profit du vendeur au vu d'une attestation de fin de travaux signée par Mme [R] le 5 mai 2014.
Le raccordement au réseau électrique a été effectué et de l'électricité est revendue depuis plusieurs années, la première facture ayant été émise le 28 août 2015 pour la période allant du 7 août 2014 au 6 août 2015.
La société Azur Solution Energie a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce d'Angers du 2 février 2022 et la Selarl Athena représentée par Maître [U] [P] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société.
Saisi les 30 mars et 29 avril 2022 par M. [K] et Mme [R] d'une demande tendant principalement à l'annulation des contrats et au remboursement des sommes réglées par eux au titre du contrat de crédit outre du prix de vente, au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de préjudice moral et d'une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Ouen, par un jugement réputé contradictoire du 12 mai 2023 auquel il convient de se reporter, a déclaré irrecevable comme prescrite l'intégralité des prétentions de M. [K] et Mme [R] et les a condamnés in solidum à payer à la société Franfinance une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que la demande d'annulation du contrat pour non-respect du formalisme contractuel intervenait plus de cinq ans après la signature de celui-ci, date à laquelle les requérants disposaient de toutes les informations utiles pour introduire leur action en justice. Il a relevé que ce délai de prescription de cinq ans n'était pas contraire au principe d'effectivité des droits d'autant que M. [K] et Mme [R] avaient aussi bénéficié d'un délai de rétractation de 14 jours.
S'agissant de l'action fondée sur un dol, il a relevé que M. [K] et Mme [R] étaient en mesure de déceler la tromperie alléguée tenant au défaut de rentabilité dès l'émission de la première facture le 28 août 2015 de telle sorte qu'elle était aussi prescrite.
S'agissant de l'action en responsabilité à l'encontre de la banque, il a relevé celle qui était fondée sur la complicité de la banque dans le cadre de la commission du dol avait le même point de départ et était donc aussi prescrite. Il a enfin considéré que l'action contre la banque fondée sur une faute dans le déblocage des fonds était prescrite comme intentée plus de cinq ans après ce déblocage sollicité le 5 mai 2014.
Par déclaration du 31 août 2023, M. [K] et Mme [R] ont relevé appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposée électroniquement le 16 décembre 2024, ils demandent à la cour :
- de les déclarer recevables et bien fondés en leur appel et d'y faire droit,
- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il déclaré irrecevables comme prescrites leurs demandes en annulation des contrats, en ce qu'il les a condamnés à payer la somme totale de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance et statuant à nouveau,
- de les déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Azur Solution Energie et en conséquence la nullité du contrat de crédit,
- de mettre à la charge de la liquidation judiciaire de la société Azur Solution Energie l'enlèvement de l'installation litigieuse et la remise en état de l'immeuble à ses frais,
- de constater que la société Franfinance avait commis une faute dans le déblocage des fonds et ddevait être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- de condamner la société Franfinance à leur verser l'intégralité des sommes suivantes :
- 29 591,00 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- 19 246,57 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux à la société Franfinance en exécution du prêt souscrit,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- de débouter la société Franfinance et la société Azur Solution Energie de toutes leurs prétentions, fins et conclusions contraires.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2025 la société Franfinance demande à la cour :
- de confirmer le jugement et statuant à nouveau,
- à titre principal,
- de déclarer irrecevables les demandes en nullité des contrats, de dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées, de les rejeter ainsi que leur demande en restitution des mensualités réglées,
- à titre subsidiaire, en cas d'annulation des contrats, de déclarer irrecevable la demande des appelants visant à être déchargés de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins de les en débouter, de condamner in solidum M. [K] et Mme [R] à lui restituer l'intégralité du capital restant dû soit la somme de 29 591 euros,
- en tout état de cause, de déclarer irrecevables la demande visant à voir priver la banque de sa créance de restitution ainsi que celle de dommages et intérêts et de les rejeter,
- très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice, de limiter en conséquence la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [K] et Mme [R] d'en justifier et en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et de dire et juger que M. [K] et Mme [R] restent tenus in solidum de restituer l'entier capital à hauteur de 29 591 euros au titre du crédit,
- à titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de créance de la banque, de condamner M. [K] et Mme [R] in solidum à lui payer la somme de 29 591 euros correspondant au capital perdu au titre du contrat de crédit à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable et de leur enjoindre de restituer, à leurs frais, le matériel installé chez eux à Maître [U] [P], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Azur Solution Energie dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d'électricité, et de dire et juger qu'à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement/restitution du capital prêté et subsidiairement, de les priver de leur créance de restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,
- de débouter M. [K] et Mme [R] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
- en tout état de cause, de les condamner in solidum à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil.
La déclaration d'appel et les premières conclusions des appelants ont été dénoncées à Maître [U] [P], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Azur Solution Energie par acte du 15 novembre 2023 délivré à personne morale. Les premières conclusions de la société Franfinance lui ont été dénoncées par acte du 27 février 2024 délivré à personne morale et ses secondes conclusions par acte du 9 janvier 2025 selon les mêmes modalités. Le liquidateur judiciaire de la société Azur Solution Energie n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 21 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour constate :
- que le contrat de vente conclu le 4 mars 2014 est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 et dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,
- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la recevabilité des demandes
En nullité des contrats
La banque soulève la prescription de l'action en nullité formelle comme de l'action en nullité pour dol ce à quoi M. [K] et Mme [R] s'opposent en faisant valoir que si le contrat a été conclu le 4 mars 2014, il sont des consommateurs profanes et :
- qu'ils ne sont pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,
- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [Z] [G] et [V] [T] ainsi que d'une formule du Professeur [J] selon laquelle le délai de prescription doit être un délai utile, ce qui fait écho au principe d'efficacité et d'effectivité des sanctions consacré en droit européen de la consommation, spécialement en cas de manquement par le professionnel du crédit à ses obligations,
- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,
- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier car ne comprenant pas toutes les mentions obligatoires, ce qui a entraîné pour eux un défaut d'information préjudiciable dont ils n'ont pu se rendre compte que bien après la signature du bon de commande et relèvent que si la loi impose à la banque de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds, c'est précisément parce qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer,
- que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,
- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, celle de la signature du contrat d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,
- que s'agissant de l'action en nullité fondée sur un dol, le dommage consiste au premier chef pour eux dans le fait d'avoir été engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses, que l'appréciation de la rentabilité d'une installation ou de biens d'équipement censés produire un gain ou une économie d'énergie sur de nombreuses années suppose nécessairement un tant soit peu de recul et qu'à supposer même que l'on puisse considérer, et ce de façon totalement artificielle, qu'ils auraient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats, ou plutôt même dès le déblocage des fonds, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce seul élément était insuffisant pour mettre en cause la responsabilité de la banque, puisqu'il fallait encore qu'une faute puisse lui être imputée, ce qu'ils ignoraient,
- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.
En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Les contrats dont l'annulation est demandée ont été conclus le 4 mars 2014 et M. [K] et Mme [R] ont engagé l'instance par assignations délivrées les 30 mars et 29 avril 2022 au mandataire liquidateur du vendeur et à la société Franfinance.
Toute l'argumentation des appelants qui se gardent d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait leur être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de leur action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme. Les suivre dans cette voie reviendrait à rendre imprescriptible une action en nullité purement formelle puisque seule la date à laquelle ils l'invoquent pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.
En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence. La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat n'est pas applicable, puisque précisément, en l'espèce, M. [K] et Mme [R] étaient en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont ils déplorent l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux. La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas non plus transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.
Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.
Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
Il n'y a pas non plus d'atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.
Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle qui n'était donc recevable que jusqu'au 3 mars 2019 inclus, cette action est prescrite et M. [K] et Mme [R] sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que cette demande de nullité formelle était irrecevable.
S'agissant de la demande en nullité pour dol commis par le vendeur ou la banque, c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. [K] et Mme [R] ont pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point de départ du délai de prescription.
Dès lors qu'ils invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.
Il résulte des propres pièces de M. [K] et Mme [R] qu'ils connaissaient cette production plus de cinq ans avant d'assigner le vendeur et le prêteur dès lors cette demande est également prescrite, le jugement devant être confirmé sur ce point.
En responsabilité de la banque
M. [K] et Mme [R] imputent à la banque des fautes de participation au dol du vendeur par son silence dolosif mais aussi dans le déblocage des fonds sans vérification du bon de commande comme sur la foi d'une attestation incomplète ce à quoi la banque oppose une prescription.
L'action pour dol étant prescrite, l'action en responsabilité pour participation au dol l'est aussi son point de départ étant également la date à la laquelle M. [K] et Mme [R] connaissaient la production de l'installation.
Pour le surplus, le fait générateur est celui du déblocage des fonds qui a été réalisé dans les suites de la demande faite à la banque par Mme [R] le 5 mai 2014 et cette demande est donc également prescrite. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré ces demandes prescrites.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
M. [K] et Mme [R] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel.
Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société Franfinance à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Condamne Mme [X] [R] et M. [M] [K] in solidum à payer la somme de 3 000 euros à la société Franfinance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [X] [R] et M. [M] [K] in solidum aux dépens d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente