CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 20 mars 2025, n° 23/15388
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15388 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIIBR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2023 - Juge des contentieux de la protection d'AUXERRE - RG n° 22/00156
APPELANTS
Madame [N] [S] épouse [F]
née le 15 août 1969 à [Localité 8] (89)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS,
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
Monsieur [C] [F]
né le 12 octobre 1966 à [Localité 8] (89)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS,
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉS
Maître [Y] [W], en qualité de mandataire ad hoc de la société FRANCE HABITAT SOLUTION, société par actions simplifiée
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
DÉFAILLANT
La société COFIDIS, société à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO suite à une fusion absorption ayant effet au 1er octobre 2015
N° SIRET : 325 307 106 00097
[Adresse 4]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- DÉFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 16 octobre 2012, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [C] [F] et Mme [N] [S] épouse [F] ont signé avec la société France Habitat Solution un bon de commande portant sur une installation photovoltaïque et d'une éolienne au prix de 26 500 euros.
Cet équipement a été financé au moyen d'un crédit affecté de même montant souscrit le même jour par M. et Mme [F] auprès de la société Groupe Sofemo aux droits de laquelle vient désormais la société Cofidis selon traité de fusion publié le 30 juillet 2015, remboursable sur 191 mois, soit après un moratoire de 11 mois, en 180 mensualités de 233,01 euros chacune hors assurance au taux contractuel annuel de 5,61 %, soit un TAEG de 5,97 %.
Par décision du 30 octobre 2012, la direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne a rejeté la demande de construction de l'éolienne.
Le 20 novembre 2012, M. [F] a signé une attestation de livraison et d'installation et de déblocage des fonds au profit du vendeur.
La société France Habitat Solution a été radiée le 28 septembre 2015.
Par ordonnance du 21 juin 2022, le président du tribunal de commerce d'Evry a désigné Maître [Y] [W] en qualité de mandataire ad hoc de la société France Habitat Solution pour la représenter dans le cadre de la procédure.
Le raccordement au réseau électrique de l'installation a été effectué et de l'électricité est revendue, la première facture produite ayant été émise le 22 décembre 2014.
Par actes des 1er et 5 juillet 2022, M. et Mme [F] ont fait assigner le mandataire ad hoc de la société France Habitat Solution et la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Auxerre aux fins de voir constater les irrégularités affectant le bon de commande et dès lors le contrat de vente, constater que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution, condamner la banque à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux et condamner cette dernière à leur verser les sommes de 26 500 euros au titre du capital emprunté, de 25 488,80 euros au titre des intérêts et frais conventionnels payés, de 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire du 29 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du tribunal de proximité d'Auxerre, a :
- déclaré prescrite l'action engagée par M. et Mme [F] contre la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo,
- déclaré irrecevables les demandes formées par M. et Mme [F] à l'encontre de la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo,
- déclaré prescrite l'action engagée par M. et Mme [F] contre la société France Habitat Solution représentée par M. [Y] [W],
- constaté l'absence de demande formée par M. et Mme [F] à l'encontre de la société France Habitat Solution représentée par M. [Y] [W],
- condamné M. et Mme [F] in solidum à payer à la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [F] in solidum aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Il a considéré qu'il n'avait à répondre qu'aux demandes telles qu'elles figuraient au dispositif des dernières conclusions reprises à l'audience, que ce dispositif ne comportait plus de demandes d'annulation des contrats qui étaient donc réputées abandonnées.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que la demande en remboursement du capital emprunté, des intérêts et la demande en indemnisation étaient fondées sur une inexécution contractuelle alléguée mais que la demande de décaissement des fonds avait été signée le 20 novembre 2012, que dès lors c'était à cette date qu'ils avaient eu connaissance dudit déblocage et que l'assignation ayant été délivrée plus de cinq ans plus tard, cette demande était prescrite. Il a ajouté qu'était également prescrite l'action intentée contre le vendeur fondée sur le contrat de vente du 16 octobre 2012 eu égard à la date de signature du contrat pour le moyen tiré de la méconnaissance du formalisme applicable au contrat et eu égard aux dates des factures de production électrique émises à compter du 22 décembre 2014 pour le moyen tiré du dol et que l'absence de toute demande à l'encontre du vendeur devait être constatée.
Par déclaration électronique du 18 septembre 2023, M. et Mme [F] ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposée électroniquement le 16 décembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter, ils demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau et y ajoutant,
- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- de constater les irrégularités affectant le bon de commande et, dès lors, le contrat de vente conclu avec la société France Habitat Solution,
- de constater que la société Cofidis, venant aux droits de la société groupe Sofemo, a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- de condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo à leur payer les sommes de :
- 26 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- 25 458,80 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux à la banque en exécution du prêt souscrit ;
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- en tout état de cause, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Cofidis,
- de constater l'existence d'une cause de résolution du contrat de vente pour inexécution contractuelle,
- de débouter la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions contraires,
- de condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo à supporter les dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 22 novembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter, la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire de déclarer les demandes de M. et Mme [F] irrecevables et subsidiairement mal fondées,
- en tout état de cause de condamner M. et Mme [F] solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
La déclaration d'appel et les conclusions de M. et Mme [F] ont été signifiées au mandataire ad hoc de la société venderesse par acte du 1er décembre 2023 délivré à domicile. Celui-ci n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 28 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour constate :
- que le contrat de vente conclu le 16 octobre 2012 entre la société France Habitat Solution et M. et Mme [F] est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,
- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la recevabilité des demandes
La cour n'est saisie d'aucune demande de nullité du contrat de vente. En effet la demande qui lui est faite "de constater les irrégularités affectant le bon de commande et, dès lors, le contrat de vente conclu avec la société France Habitat Solution" n'est pas assimilable à une demande de nullité du contrat. De même la demande qui lui est faite "de constater l'existence d'une cause de résolution du contrat de vente pour inexécution contractuelle" n'est pas une demande de résolution des contrats pour inexécution, La cour n'a donc pas à statuer sur des demandes inexistantes.
En l'absence de nullité des contrats, aucune créance de restitution n'existe et la banque ne peut donc en être privée. Cette demande apparaît irrecevable.
Les seules autres demandes qui lui sont faites sont donc dirigées contre la banque et tendent à la faire condamner :
- à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- à leur payer les sommes de :
- 26 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- 25 458,80 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux à la banque en exécution du prêt souscrit ;
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
outre une demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels.
M. et Mme [F] expliquent que lorsqu'ils ont demandé la désignation du mandataire ad hoc, ils ignoraient que la société France Habitat Solution avait été dissoute à la suite de la transmission des parts sociales entre les mains de la société Plesiosaurus, société dont le siège social est en Allemagne, et que la mise en cause de cette dernière domiciliée en Allemagne s'est avérée impossible dans la mesure où elle les exposait à engager des frais conséquents de nature à annihiler l'enjeu même du présent litige, rendait illusoire la mise en 'uvre de leurs garanties contractuelles de même que la restitution du prix de vente en cas de nullité des contrats et que l'action est avant tout une action en responsabilité contre la banque laquelle n'a pas procédé à la vérification des contrats et de leur exécution avant de débloquer les fonds entre les mains du vendeur.
Ils entendent donc obtenir la condamnation de la banque à leur rembourser le prix de vente et les frais et intérêts outre le paiement de dommages et intérêts supplémentaires pour avoir débloqué les fonds sur la base d'un contrat présentant des irrégularités formelles qu'elle aurait dû déceler au regard de l'absence de désignation suffisante des biens, d'indication des conditions d'exécution du contrat et notamment les modalités et délais de livraison , d'indication des modalités de financement et "au regard du dol" compte tenu de la promesse de rentabilité qui résulterait des documents contractuels et qui procède de la nature même de la chose vendue et serait mensongère et également du fait de la violation des obligations contractuelles du vendeur et reprochent à la banque un déblocage des fonds sans vérification suffisante de l'exécution du contrat, le tout en conservant l'installation qui fonctionne puisqu'ils ne demandent pas l'annulation des contrats, pas même du contrat de crédit, ce qui rendrait l'opération gratuite et leur permettrait au surplus de conserver les revenus qu'ils en tirent depuis plus de dix ans, sans préjudice des dommages et intérêts qu'ils sollicitent et sans tenir aucun compte du fait que toute action en responsabilité suppose un préjudice.
La banque soulève la prescription des demandes ce à quoi M. et Mme [F] s'opposent en faisant valoir que si le contrat a été conclu le 16 octobre 2012, il sont des consommateurs profanes et :
- qu'ils ne sont pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,
- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [V] [Z] et [R] [E] ainsi que d'une formule du Professeur [K] selon laquelle le délai de prescription doit être un délai utile, ce qui fait écho au principe d'efficacité et d'effectivité des sanctions consacré en droit européen de la consommation, spécialement en cas de manquement par le professionnel du crédit à ses obligations,
- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,
- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier car ne comprenant pas toutes les mentions obligatoires, ce qui a entraîné pour eux un défaut d'information préjudiciable dont ils n'ont pu se rendre compte que bien après la signature du bon de commande et relèvent que si la loi impose à la banque de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds, c'est précisément parce qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer,
- que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,
- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, celle de la signature du contrat d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,
- qu'il existe un risque que le consommateur perde ses droits sans jamais en avoir eu connaissance,
- que s'agissant de l'action en nullité fondée sur un dol, le dommage consiste au premier chef pour eux dans le fait d'avoir été engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses, que l'appréciation de la rentabilité d'une installation ou de biens d'équipement censés produire un gain ou une économie d'énergie sur de nombreuses années suppose nécessairement un tant soit peu de recul et qu'à supposer même que l'on puisse considérer, et ce de façon totalement artificielle, qu'ils auraient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats, ou plutôt même dès le déblocage des fonds, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce seul élément était insuffisant pour mettre en cause la responsabilité de la banque, puisqu'il fallait encore qu'une faute puisse lui être imputée, ce qu'ils ignoraient,
- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Les contrats dont l'annulation n'est pas demandée mais dont il est soutenu que la banque aurait dû déceler les irrégularités ont été conclus le 16 octobre 2012 et les fonds ont été débloqués par la banque au vu d'une demande des acheteurs du 20 novembre 2012. M. et Mme [F] ont engagé l'instance par une assignation délivrée les 1er et 5 juillet 2022 au mandataire liquidateur du vendeur et à la société Cofidis qui vient aux droits de la société Groupe Sofemo.
Toute l'argumentation des appelants qui se gardent d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait leur être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de leur action en responsabilité en se fondant sur la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme du contrat de vente dont ils ne demandent pas l'annulation pour autant. Les suivre dans cette voie reviendrait à rendre imprescriptible une action en responsabilité de la banque fondée sur des irrégularités formelles du contrat de vente puisque seule la date à laquelle ils l'invoquent pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.
En l'espèce le fait permettant d'agir contre la banque qui aurait débloqué les fonds sans vérifier l'existence d'irrégularités formelles est précisément ce déblocage des fonds lequel a été réalisé à une date antérieure de plus de cinq ans à la délivrance des assignations et M. et Mme [F] ne peuvent prétendre repousser ce point de départ au motif qu'ils n'étaient pas en mesure de se rendre compte de la faute de la banque faute d'avoir pu eux-mêmes déceler ces irrégularités dès lors que ce qu'ils reprochent est l'absence de mentions ou de précisions qui étaient parfaitement visibles sur le bon de commande dès sa signature et ils ne peuvent prétendre repousser ce point de départ à la date de leur connaissance juridique des conséquences de cette absence. La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat n'est pas applicable, puisque précisément, en l'espèce, M. et Mme [F] étaient en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont ils déplorent l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux. La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas non plus transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.
Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.
Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
Il n'y a pas non plus d'atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.
S'agissant du dol, commis par le vendeur ou la banque c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. et Mme [F] ont pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point du délai du délai de prescription.
Dès lors qu'ils invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.
Le contrat de rachat d'électricité avec la société EDF n'est pas produit mais ils versent aux débats des factures émises à compter du 22 décembre 2014, cette dernière concerne la période du 17 décembre 2013 au 17 décembre 2014 et n'est d'ailleurs pas la première puisque le 17 décembre 2013, le relevé de production était à 2 500. Ils étaient donc, plus de cinq ans avant leur action, en mesure de connaître la production de leur installation dès lors cette demande est également prescrite.
S'agissant du déblocage des fonds avant exécution totale, le fait générateur de la responsabilité de la banque est là encore celui du déblocage des fonds qui a été réalisé dans les suites de la demande faite à la banque par les emprunteurs à une date qui est nécessairement antérieure à celle du raccordement puisque tel est le reproche qui lui est fait.
Le raccordement étant antérieur à la date de la première facture, cette demande est également prescrite.
Le jugement doit donc être confirmé.
S'agissant de la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels, il convient de rappeler que c'est M. et Mme [F] qui ont agi contre la banque, que la banque ne les pas assignés en paiement du solde du crédit et n'a pas formé de demande reconventionnelle en ce sens.
Elle s'est bornée à conclure à l'irrecevabilité des demandes et subsidiairement à leur débouté.
Dès lors cette demande n'est pas un moyen de défense et apparaît prescrite l'assignation ayant été délivrée plus de cinq ans après la signature du contrat de crédit le 16 octobre 2012. Elle n'avait pas été formulée en première instance à titre autonome mais il était déjà demandé la restitution des frais et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
M. et Mme [F] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel.
Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société Cofidis à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels irrecevable comme prescrite ;
Condamne M. [C] [F] et Mme [N] [S] épouse [F] in solidum à payer la somme de 3 000 euros à la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [C] [F] et Mme [N] [S] épouse [F] in solidum aux dépens d'appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
ARRÊT DU 20 MARS 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15388 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIIBR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 juin 2023 - Juge des contentieux de la protection d'AUXERRE - RG n° 22/00156
APPELANTS
Madame [N] [S] épouse [F]
née le 15 août 1969 à [Localité 8] (89)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS,
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
Monsieur [C] [F]
né le 12 octobre 1966 à [Localité 8] (89)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Me Victoria ZAZA, avocat au barreau de PARIS,
ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE de la SELARL BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI
INTIMÉS
Maître [Y] [W], en qualité de mandataire ad hoc de la société FRANCE HABITAT SOLUTION, société par actions simplifiée
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
DÉFAILLANT
La société COFIDIS, société à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO suite à une fusion absorption ayant effet au 1er octobre 2015
N° SIRET : 325 307 106 00097
[Adresse 4]
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 janvier 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
- DÉFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 16 octobre 2012, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [C] [F] et Mme [N] [S] épouse [F] ont signé avec la société France Habitat Solution un bon de commande portant sur une installation photovoltaïque et d'une éolienne au prix de 26 500 euros.
Cet équipement a été financé au moyen d'un crédit affecté de même montant souscrit le même jour par M. et Mme [F] auprès de la société Groupe Sofemo aux droits de laquelle vient désormais la société Cofidis selon traité de fusion publié le 30 juillet 2015, remboursable sur 191 mois, soit après un moratoire de 11 mois, en 180 mensualités de 233,01 euros chacune hors assurance au taux contractuel annuel de 5,61 %, soit un TAEG de 5,97 %.
Par décision du 30 octobre 2012, la direction régionale des affaires culturelles de Bourgogne a rejeté la demande de construction de l'éolienne.
Le 20 novembre 2012, M. [F] a signé une attestation de livraison et d'installation et de déblocage des fonds au profit du vendeur.
La société France Habitat Solution a été radiée le 28 septembre 2015.
Par ordonnance du 21 juin 2022, le président du tribunal de commerce d'Evry a désigné Maître [Y] [W] en qualité de mandataire ad hoc de la société France Habitat Solution pour la représenter dans le cadre de la procédure.
Le raccordement au réseau électrique de l'installation a été effectué et de l'électricité est revendue, la première facture produite ayant été émise le 22 décembre 2014.
Par actes des 1er et 5 juillet 2022, M. et Mme [F] ont fait assigner le mandataire ad hoc de la société France Habitat Solution et la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Auxerre aux fins de voir constater les irrégularités affectant le bon de commande et dès lors le contrat de vente, constater que la banque a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution, condamner la banque à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux et condamner cette dernière à leur verser les sommes de 26 500 euros au titre du capital emprunté, de 25 488,80 euros au titre des intérêts et frais conventionnels payés, de 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire du 29 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du tribunal de proximité d'Auxerre, a :
- déclaré prescrite l'action engagée par M. et Mme [F] contre la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo,
- déclaré irrecevables les demandes formées par M. et Mme [F] à l'encontre de la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo,
- déclaré prescrite l'action engagée par M. et Mme [F] contre la société France Habitat Solution représentée par M. [Y] [W],
- constaté l'absence de demande formée par M. et Mme [F] à l'encontre de la société France Habitat Solution représentée par M. [Y] [W],
- condamné M. et Mme [F] in solidum à payer à la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [F] in solidum aux dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Il a considéré qu'il n'avait à répondre qu'aux demandes telles qu'elles figuraient au dispositif des dernières conclusions reprises à l'audience, que ce dispositif ne comportait plus de demandes d'annulation des contrats qui étaient donc réputées abandonnées.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que la demande en remboursement du capital emprunté, des intérêts et la demande en indemnisation étaient fondées sur une inexécution contractuelle alléguée mais que la demande de décaissement des fonds avait été signée le 20 novembre 2012, que dès lors c'était à cette date qu'ils avaient eu connaissance dudit déblocage et que l'assignation ayant été délivrée plus de cinq ans plus tard, cette demande était prescrite. Il a ajouté qu'était également prescrite l'action intentée contre le vendeur fondée sur le contrat de vente du 16 octobre 2012 eu égard à la date de signature du contrat pour le moyen tiré de la méconnaissance du formalisme applicable au contrat et eu égard aux dates des factures de production électrique émises à compter du 22 décembre 2014 pour le moyen tiré du dol et que l'absence de toute demande à l'encontre du vendeur devait être constatée.
Par déclaration électronique du 18 septembre 2023, M. et Mme [F] ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposée électroniquement le 16 décembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter, ils demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement et statuant à nouveau et y ajoutant,
- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,
- de constater les irrégularités affectant le bon de commande et, dès lors, le contrat de vente conclu avec la société France Habitat Solution,
- de constater que la société Cofidis, venant aux droits de la société groupe Sofemo, a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et de la condamner à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- de condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo à leur payer les sommes de :
- 26 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- 25 458,80 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux à la banque en exécution du prêt souscrit ;
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- en tout état de cause, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société Cofidis,
- de constater l'existence d'une cause de résolution du contrat de vente pour inexécution contractuelle,
- de débouter la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions contraires,
- de condamner la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo à supporter les dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 22 novembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter, la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo demande à la cour :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire de déclarer les demandes de M. et Mme [F] irrecevables et subsidiairement mal fondées,
- en tout état de cause de condamner M. et Mme [F] solidairement à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
La déclaration d'appel et les conclusions de M. et Mme [F] ont été signifiées au mandataire ad hoc de la société venderesse par acte du 1er décembre 2023 délivré à domicile. Celui-ci n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 décembre 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience le 28 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour constate :
- que le contrat de vente conclu le 16 octobre 2012 entre la société France Habitat Solution et M. et Mme [F] est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,
- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,
- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la recevabilité des demandes
La cour n'est saisie d'aucune demande de nullité du contrat de vente. En effet la demande qui lui est faite "de constater les irrégularités affectant le bon de commande et, dès lors, le contrat de vente conclu avec la société France Habitat Solution" n'est pas assimilable à une demande de nullité du contrat. De même la demande qui lui est faite "de constater l'existence d'une cause de résolution du contrat de vente pour inexécution contractuelle" n'est pas une demande de résolution des contrats pour inexécution, La cour n'a donc pas à statuer sur des demandes inexistantes.
En l'absence de nullité des contrats, aucune créance de restitution n'existe et la banque ne peut donc en être privée. Cette demande apparaît irrecevable.
Les seules autres demandes qui lui sont faites sont donc dirigées contre la banque et tendent à la faire condamner :
- à procéder au remboursement de l'ensemble des sommes versées par eux au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux,
- à leur payer les sommes de :
- 26 500 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,
- 25 458,80 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux à la banque en exécution du prêt souscrit ;
- 5 000 euros au titre du préjudice moral,
- 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
outre une demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels.
M. et Mme [F] expliquent que lorsqu'ils ont demandé la désignation du mandataire ad hoc, ils ignoraient que la société France Habitat Solution avait été dissoute à la suite de la transmission des parts sociales entre les mains de la société Plesiosaurus, société dont le siège social est en Allemagne, et que la mise en cause de cette dernière domiciliée en Allemagne s'est avérée impossible dans la mesure où elle les exposait à engager des frais conséquents de nature à annihiler l'enjeu même du présent litige, rendait illusoire la mise en 'uvre de leurs garanties contractuelles de même que la restitution du prix de vente en cas de nullité des contrats et que l'action est avant tout une action en responsabilité contre la banque laquelle n'a pas procédé à la vérification des contrats et de leur exécution avant de débloquer les fonds entre les mains du vendeur.
Ils entendent donc obtenir la condamnation de la banque à leur rembourser le prix de vente et les frais et intérêts outre le paiement de dommages et intérêts supplémentaires pour avoir débloqué les fonds sur la base d'un contrat présentant des irrégularités formelles qu'elle aurait dû déceler au regard de l'absence de désignation suffisante des biens, d'indication des conditions d'exécution du contrat et notamment les modalités et délais de livraison , d'indication des modalités de financement et "au regard du dol" compte tenu de la promesse de rentabilité qui résulterait des documents contractuels et qui procède de la nature même de la chose vendue et serait mensongère et également du fait de la violation des obligations contractuelles du vendeur et reprochent à la banque un déblocage des fonds sans vérification suffisante de l'exécution du contrat, le tout en conservant l'installation qui fonctionne puisqu'ils ne demandent pas l'annulation des contrats, pas même du contrat de crédit, ce qui rendrait l'opération gratuite et leur permettrait au surplus de conserver les revenus qu'ils en tirent depuis plus de dix ans, sans préjudice des dommages et intérêts qu'ils sollicitent et sans tenir aucun compte du fait que toute action en responsabilité suppose un préjudice.
La banque soulève la prescription des demandes ce à quoi M. et Mme [F] s'opposent en faisant valoir que si le contrat a été conclu le 16 octobre 2012, il sont des consommateurs profanes et :
- qu'ils ne sont pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,
- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [V] [Z] et [R] [E] ainsi que d'une formule du Professeur [K] selon laquelle le délai de prescription doit être un délai utile, ce qui fait écho au principe d'efficacité et d'effectivité des sanctions consacré en droit européen de la consommation, spécialement en cas de manquement par le professionnel du crédit à ses obligations,
- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,
- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier car ne comprenant pas toutes les mentions obligatoires, ce qui a entraîné pour eux un défaut d'information préjudiciable dont ils n'ont pu se rendre compte que bien après la signature du bon de commande et relèvent que si la loi impose à la banque de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds, c'est précisément parce qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer,
- que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,
- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, celle de la signature du contrat d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,
- qu'il existe un risque que le consommateur perde ses droits sans jamais en avoir eu connaissance,
- que s'agissant de l'action en nullité fondée sur un dol, le dommage consiste au premier chef pour eux dans le fait d'avoir été engagés dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses, que l'appréciation de la rentabilité d'une installation ou de biens d'équipement censés produire un gain ou une économie d'énergie sur de nombreuses années suppose nécessairement un tant soit peu de recul et qu'à supposer même que l'on puisse considérer, et ce de façon totalement artificielle, qu'ils auraient eu conscience du dommage dans toute son ampleur dès la signature des contrats, ou plutôt même dès le déblocage des fonds, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ce seul élément était insuffisant pour mettre en cause la responsabilité de la banque, puisqu'il fallait encore qu'une faute puisse lui être imputée, ce qu'ils ignoraient,
- qu'en application de ces principes solidement établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée.
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Les contrats dont l'annulation n'est pas demandée mais dont il est soutenu que la banque aurait dû déceler les irrégularités ont été conclus le 16 octobre 2012 et les fonds ont été débloqués par la banque au vu d'une demande des acheteurs du 20 novembre 2012. M. et Mme [F] ont engagé l'instance par une assignation délivrée les 1er et 5 juillet 2022 au mandataire liquidateur du vendeur et à la société Cofidis qui vient aux droits de la société Groupe Sofemo.
Toute l'argumentation des appelants qui se gardent d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait leur être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de leur action en responsabilité en se fondant sur la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme du contrat de vente dont ils ne demandent pas l'annulation pour autant. Les suivre dans cette voie reviendrait à rendre imprescriptible une action en responsabilité de la banque fondée sur des irrégularités formelles du contrat de vente puisque seule la date à laquelle ils l'invoquent pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.
En l'espèce le fait permettant d'agir contre la banque qui aurait débloqué les fonds sans vérifier l'existence d'irrégularités formelles est précisément ce déblocage des fonds lequel a été réalisé à une date antérieure de plus de cinq ans à la délivrance des assignations et M. et Mme [F] ne peuvent prétendre repousser ce point de départ au motif qu'ils n'étaient pas en mesure de se rendre compte de la faute de la banque faute d'avoir pu eux-mêmes déceler ces irrégularités dès lors que ce qu'ils reprochent est l'absence de mentions ou de précisions qui étaient parfaitement visibles sur le bon de commande dès sa signature et ils ne peuvent prétendre repousser ce point de départ à la date de leur connaissance juridique des conséquences de cette absence. La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat n'est pas applicable, puisque précisément, en l'espèce, M. et Mme [F] étaient en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont ils déplorent l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux. La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas non plus transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.
Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes.
Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre efficacement.
Il n'y a pas non plus d'atteinte au principe d'égalité des armes, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.
S'agissant du dol, commis par le vendeur ou la banque c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. et Mme [F] ont pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point du délai du délai de prescription.
Dès lors qu'ils invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils connaissaient la production réelle de leur installation.
Le contrat de rachat d'électricité avec la société EDF n'est pas produit mais ils versent aux débats des factures émises à compter du 22 décembre 2014, cette dernière concerne la période du 17 décembre 2013 au 17 décembre 2014 et n'est d'ailleurs pas la première puisque le 17 décembre 2013, le relevé de production était à 2 500. Ils étaient donc, plus de cinq ans avant leur action, en mesure de connaître la production de leur installation dès lors cette demande est également prescrite.
S'agissant du déblocage des fonds avant exécution totale, le fait générateur de la responsabilité de la banque est là encore celui du déblocage des fonds qui a été réalisé dans les suites de la demande faite à la banque par les emprunteurs à une date qui est nécessairement antérieure à celle du raccordement puisque tel est le reproche qui lui est fait.
Le raccordement étant antérieur à la date de la première facture, cette demande est également prescrite.
Le jugement doit donc être confirmé.
S'agissant de la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels, il convient de rappeler que c'est M. et Mme [F] qui ont agi contre la banque, que la banque ne les pas assignés en paiement du solde du crédit et n'a pas formé de demande reconventionnelle en ce sens.
Elle s'est bornée à conclure à l'irrecevabilité des demandes et subsidiairement à leur débouté.
Dès lors cette demande n'est pas un moyen de défense et apparaît prescrite l'assignation ayant été délivrée plus de cinq ans après la signature du contrat de crédit le 16 octobre 2012. Elle n'avait pas été formulée en première instance à titre autonome mais il était déjà demandé la restitution des frais et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
M. et Mme [F] qui succombent doivent être condamnés aux dépens d'appel.
Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés par la société Cofidis à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déclare la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels irrecevable comme prescrite ;
Condamne M. [C] [F] et Mme [N] [S] épouse [F] in solidum à payer la somme de 3 000 euros à la société Cofidis venant aux droits de la société Groupe Sofemo sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [C] [F] et Mme [N] [S] épouse [F] in solidum aux dépens d'appel ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente