CA Versailles, ch. civ. 1-5, 20 mars 2025, n° 24/05226
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 72A
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 MARS 2025
N° RG 24/05226 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WWHO
AFFAIRE :
S.C.I. [Localité 4] IMMOBILIER
C/
Syndic. de copro. [Adresse 1] À [Localité 4]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Juin 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE
N° RG : 24/00357
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 20.03.2025
à :
Me Laura CABRERA, avocat au barreau de VERSAILLES (296)
Me Thierry ALLAIN, avocat au barreau de VAL D'OISE (28)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. [Localité 4] IMMOBILIER
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
chez Univers automobiles, [Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Laura CABRERA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 296 - N° du dossier E00068JC
Plaidant : MeHani MADFAI, du barreau de Paris
APPELANTE
****************
Syndicat des copropriétaires [Adresse 1] À [Localité 4]
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Thierry ALLAIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 28 - N° du dossier 007352
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Février 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La SCI [Localité 4] Immobilier est propriétaire du lot n° 3 dans l'immeuble situé au [Adresse 1] à [Localité 4] (Val-d'Oise) soumis au statut de la copropriété.
Par jugement en date du 7 juillet 2022, le tribunal de proximité de Sannois a condamné la société [Localité 4] Immobilier à payer la somme de 2 479,69 euros au titre des charges et travaux impayés au 1er janvier 2022, outre 78 euros au titre des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, 100 euros à titre de dommages et intérêts outre 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
De multiples avis d'impayés et lettres de relance ont été par la suite encore adressés à la société et sont demeurés sans suite.
Par acte délivré le 27 mars 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier, a fait assigner en référé la société [Localité 4] Immobilier aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 19 111,36 euros au titre des charges de copropriété impayées au 19 décembre 2023, appel de fonds du 4ème trimestre 2023 inclus ainsi que sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 25 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :
- condamné la société [Localité 4] Immobilier à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier, la somme provisionnelle de 19 111,36 euros au titre des charges de copropriétés impayées comprises entre le 2 février 2022 et le 19 décembre 2023, l'appel provisionnel des charges pour le 4ème trimestre 2023 devenues exigibles et les frais de relance et de mise en demeure restant à la charge du copropriété en vertu de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- dit que la somme de 19 111,36 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 mars 2024,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au tire de la résistance abusive,
- condamné la société [Localité 4] Immobilier à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
- condamné la société [Localité 4] Immobilier au paiement des entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer et de l'état des renseignements hypothécaires,
- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 1er août 2024, la société [Localité 4] Immobilier a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de la résistance abusive et rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Dans ses dernières conclusions déposées le 16 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société [Localité 4] Immobilier demande à la cour, au visa des articles 9 et 33 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
'- réformer dans son intégralité l'ordonnance °24/00357 en date du 25 juin 2024, du juge des référés du Tribunal judiciaire de Pontoise ;
- déclarer recevables les demandes formées par la sci [Localité 4] Immobilier ;
- rejeter l'ensemble des prétentions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4] ;
à titre principal :
- enjoindre au syndic représentant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], de fournir la convocation à l'assemblée générale, les devis, factures et contrats ainsi que tout document justifiant les sommes demandées au titre des provisions pour travaux ;
- enjoindre au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4] de restituer la somme de 22 339, 48 euros correspondant à la saisie attribution effectuée sur le compte bancaire de la sci [Localité 4] Immobilier sous une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- déclarer que les charges de chauffage collectif demandées à la sci [Localité 4] Immobilier ne sont pas dues ;
à titre subsidiaire :
- déclarer que la somme due par la sci [Localité 4] Immobilier s'élève à 18 805,35 euros au titre des travaux de rénovation énergétique ;
et par voie de conséquence :
- condamner le syndicat des copropriétaires à restituer le surplus saisi à la sci [Localité 4] Immobilier ;
- condamner le syndic de copropriété à indemniser la sci [Localité 4] Immobilier à hauteur de 22 339, 49 euros au titre du préjudice de perte de chance de souscrire à un prêt bancaire ;
- condamner le syndic de copropriété à indemniser la sci [Localité 4] Immobilier à hauteur de 6 699, 54 euros au titre du préjudice de perte de chance de bénéficier de subventions publiques ;
- déclarer le syndic de copropriété responsable d'un manquement à son obligation de conseil ;
à titre reconventionnel :
- annuler la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 prise irrégulièrement, pour défaut de convocation à l'assemblée générale et pour abus de majorité ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à indemniser la sci [Localité 4] Immobilier à hauteur de5 000 euros correspondant au préjudice lié à l'exécution de l'ordonnance n°24/00357 en date du 25 juin 2024, du juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise.'
Dans ses dernières conclusions déposées le 29 novembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] demande à la cour de :
'- déclarer la S.C.I. [Localité 4] Immobilier irrecevable en ses demandes dirigées contre le syndic, qui n'est pas partie à la procédure, et tendant à :
- sa condamnation au paiement d'une somme de 22 339,49 euros au titre d'un « préjudice de perte de chance de souscrire à un prêt bancaire »,
- sa condamnation au paiement d'une somme de 6 699,54 euros au titre d'un « préjudice de perte de chance de bénéficier de subventions publiques »
- déclarer la S.C.I. [Localité 4] Immobilier irrecevable en sa demande d'annulation de « la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 », comme étant nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile,
- subsidiairement, déclarer la S.C.I. [Localité 4] Immobilier forclose en sa demande d'annulation de « la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 »,
en tout état de cause, déclarer mal-fondée la S.C.I. [Localité 4] Immobilier en son appel,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,
y ajoutant,
- condamner la S.C.I. [Localité 4] Immobilier à payer au concluant une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la S.C.I. [Localité 4] Immobilier à payer au concluant une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la S.C.I. [Localité 4] Immobilier de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- condamner la S.C.I. [Localité 4] Immobilier aux entiers dépens et dire que ceux d'appel pourront directement être recouvrés par Maître Thierry Allain, avocat aux offres de droit, par application de l'article 699 du code de procédure civile.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre principal la société [Localité 4] Immobilier demande tout d'abord à la cour d'enjoindre au syndic de communiquer les justificatifs relatifs aux montants réclamés et d'ordonner la restitution des sommes indûment perçues par le syndicat des copropriétaires sous astreinte en faisant valoir qu'elle n'a jamais eu d'explication sur la provision pour travaux d'un montant de 22 332,14 euros qui lui est réclamée ; que malgré ses multiples demandes, le syndic ne lui a pas transmis les justificatifs, en violation des dispositions de l'article 33 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété.
Elle demande ensuite de la décharger des charges de chauffage injustement réclamées pour un montant de 1 187,94 euros alors qu'elle est équipé d'un système de climatisation réversible et n'est donc pas raccordée au chauffage collectif, ainsi que la restitution des sommes indûment perçues à ce titre.
A titre subsidiaire, si la cour venait à reconnaître le bien fondé des sommes demandées par le syndicat des copropriétaires, elle invoque la responsabilité du syndic, premièrement en ce que la répartition des charges est basée sur un calcul erroné des tantièmes (656/91160 au lieu de 656/101150), de sorte que la somme réclamée aurait dû s'élever au montant de 18 805,35 euros.
Elle demande à cet égard d'annuler l'appel de fonds initialement émis en raison de l'erreur commise et à titre subsidiaire, de reconnaître que la somme qu'elle doit est vraisemblablement inférieure à celle calculée, et ordonner la restitution du trop perçu.
Elle argue ensuite d'un défaut de consultation des copropriétaires sur le mode de financement des travaux, faisant valoir que la résolution n° 21 de l'assemblée générale du 24 novembre 2022 prévoit la souscription par le syndic d'un emprunt collectif auprès de la Caisse d'Epargne, réservé aux copropriétaires souhaitant y recourir ; que faute de l'avoir fait, elle a été contrainte de régler comptant la somme de 22 332,14 euros pour des travaux dont elle n'avait même pas été informée, la privant de la possibilité de souscrire à un prêt avantageux, ce qui constitue une perte de chance qu'il convient d'indemniser à hauteur de la somme réclamée (22 339,48 euros).
Elle allègue également d'un manquement du syndic à son mandat de déposer une demande de subventions publiques susceptible de réduire le coût des travaux, réduction qui peut être évaluée entre 30 et 45 % du montant des travaux, de sorte qu'elle sollicite une indemnisation à hauteur de 6 699,64 euros correspondant à la perte de chance de bénéficier de subventions publiques.
Elle conclut par ailleurs au manquement du syndic à son obligation de conseil lors de la prise de décision concernant les travaux de rénovation énergétique d'un montant de 2 649 282,08 euros, sans présentation d'élément de nature à éclairer les copropriétaires.
A titre reconventionnel, la société [Localité 4] Immobilier sollicite l'annulation de la décision de l'assemblée générale pour défaut de convocation, ainsi que pour absence de notification du procès-verbal de l'assemblée générale litigieuse.
Pour solliciter la nullité de la délibération du 24 novembre 2022, elle fait encore valoir qu'il y a eu un abus du recours à la passerelle de l'article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 lors du vote de la décision d'approbation de la résolution n° 3 portant sur les travaux de rénovation énergétique.
Enfin, elle reproche au syndic d'avoir procédé à une saisie-attribution d'un montant de 22 339,48 euros sur son compte bancaire, dans la hâte et de mauvaise foi, de sorte qu'elle sollicite la restitution des sommes indûment perçues sous astreinte de 500 euros par jour de retard et la condamnation du syndicat des copropriétaires à des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros en réparation de son préjudice.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier (la SARL HCI), conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées contre le syndic qui n'est pas partie à la procédure s'agissant des demandes tendant à sa condamnation au paiement d'une somme de 22 339,49 euros au titre d'un préjudice de perte de chance de souscrire un prêt bancaire ainsi qu'au paiement d'une somme de 6 699,54 euros au titre d'un préjudice de perte de chance de bénéficier de subventions publiques.
Il conclut ensuite à l'irrecevabilité de la demande de l'appelante en sa demande d'annulation de la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 comme étant nouvelle à hauteur d'appel, et subsidiairement de déclarer cette demande forclose.
En tout état de cause, il sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée en soutenant que la société [Localité 4] Immobilier a été destinataire de l'ensemble des appels de fonds, convocations et notifications des procès-verbaux d'assemblées générales.
Il rappelle les termes du procès-verbal de l'assemblée tenue le 24 novembre 2022 pour justifier des appels de fonds émis, explique que chacun des copropriétaires a pu prendre connaissance de l'appel d'offres, du CCTP qui a été établi et des devis des diverses sociétés consultées.
Il soutient produire l'ensemble des justificatifs, de sorte que la demande de l'appelante est sans objet.
Il ajoute que la société [Localité 4] Immobilier ne prouve pas qu'elle ne serait pas raccordée au chauffage collectif, alors qu'elle s'était auparavant acquittée chaque année de ces charges sans les contester.
Il conclut au rejet de la demande d'indemnisation d'un préjudice du fait de l'exécution de l'ordonnance entreprise, relevant que l'appelante n'invoque aucun fondement juridique à l'appui de cette demande et que de surcroît, elle ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute de nature contractuelle ou extra-contractuelle de sa part.
Il sollicite quant à lui l'allocation de substantiels dommages et intérêts, faisant valoir que l'appel de la société [Localité 4] Immobilier est manifestement abusif, qu'elle ne s'acquitte jamais régulièrement des charges dont elles est redevable, ce qui l'a contraint à s'adresser à deux reprises à la justice ; qu'il a subi un incontestable préjudice puisque les travaux ont été budgétisés et appelés, et ne peuvent pas être réalisés du fait de la carence de certains copropriétaires, comme la société [Localité 4] Immobilier.
Sur la recevabilité des demandes à l'égard du syndic
L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, tandis que l'article 32 suivant prévoit qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Il est constant que des prétentions ne peuvent être valablement émises qu'à l'encontre d'une partie attraite à la procédure.
Au cas présent, si la société [Localité 4] Immobilier forme des demandes à l'égard du syndicat des copropriétaires, nécessairement représenté par son syndic en exercice, elle formule également des demandes de condamnations à l'encontre du syndic de copropriété, à titre personnel, en réparation de divers manquements allégués.
Le syndic de copropriété, en la personne de la société HCI, n'est toutefois pas partie à la présente action, de sorte que nulle demande à son encontre ne peut prospérer.
Les demandes de la société [Localité 4] Immobilier aux fins de voir condamner le syndic de copropriété à réparer les préjudices de perte de chance invoqués seront déclarées irrecevables, étant surabondamment relevé que ces demandes encourent également l'irrecevabilité du fait qu'elles ne sont pas formulées, devant la juridiction des référés, à titre provisionnel.
Sur les demandes relatives aux charges de copropriété
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipements communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots.
L'approbation des comptes du syndic par l'assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges.
En vertu des dispositions conjuguées des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, il appartient au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité.
Pour justifier de sa demande en paiement, le syndicat des copropriétaires communique :
- le décompte des charges postérieures au 2 janvier 2022 et arrêtées au 19 décembre 2023, laissant apparaître à cette date un solde débiteur de 19 111,36 euros,
- les appels de fonds de l'année 2021, de l'année 2022 ainsi que la régularisation pour 2022, les appels de fonds pour l'année 2023,
- les avis d'impayés et relances pour les années 2022 et 2023, à l'exception de celui concernant l'appel de fonds travaux concernant la « rénovation énergétique », émis le 19 décembre 2023 (ce qui est surprenant au regard des autres appels de l'année 2023 visant cette « provision pour travaux »),
- les procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires tenues les 20 janvier, 13 octobre et 24 novembre 2022, ainsi que celui de l'assemblée générale du 25 mai 2023.
Ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires qui poursuit le recouvrement de charges de copropriété est tenu de produire le procès-verbal de l'assemblée générale approuvant les comptes de l'exercice correspondant, force est de constater que cet élément, pour ce qui concerne les charges de l'année 2023, n'est pas versé aux présents débats.
Dès lors que seul est communiqué le procès-verbal du 25 mai 2023 approuvant les charges de l'année 2022, seuls les impayés au 31 décembre de cette année-là peuvent faire l'objet d'une condamnation à titre de provision, avec l'évidence requise en référé.
Il ressort du décompte établi par l'intimé, qu'à cette date, et après déduction de la régularisation d'un montant de 231,89 euros pour l'exercice 2021 et du solde créditeur de 213, 37 euros ayant suivi le règlement de la somme de 3 500 euros par la société [Localité 4] Immobilier en exécution du jugement du 7 juillet 2022, la provision restant due s'élève à 1 052,10 euros.
Dans ces conditions, les moyens et demandes formulés par l'appelante pour les sommes réclamées au titre de l'année 2023 deviennent sans objet au titre du présent litige, étant par ailleurs observé que la demande aux fins « d'enjoindre au syndic de communiquer les justificatifs relatifs aux montants réclamés », outre qu'elle n'est basée sur aucun fondement juridique, est particulièrement imprécise.
S'agissant des demandes de restitution de sommes, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'obligation de restitution des sommes perçues en vertu d'une décision assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de sa réformation, le débiteur étant rétabli dans ses droits en nature ou par équivalent. Le présent arrêt vaut titre exécutoire de la créance de restitution de la société [Localité 4] Immobilier sans qu'il y ait lieu de statuer sur ce point, étant au surplus relevé qu'à cet égard également, l'appelante n'invoque pas non plus de fondement juridique.
En ce qui concerne les demandes de l'appelante visant à l'annulation de l'appel de fonds initialement émis concernant les travaux de rénovation énergétique, à l'annulation de la convocation à l'assemblée générale du 24 novembre 2022, à l'annulation de la notification du procès-verbal de la tenue de cette assemblée et à l'annulation de la décision d'approbation de la résolution n°3 de cette assemblée, elles n'encourent pas d'irrecevabilité puisqu'elles doivent être considérées comme visant à écarter les prétentions adverses au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Toutefois, ces demandes, qui au demeurant concernent les charges prévisionnelles de l'année 2023 pour lesquelles il a été ci-dessus examiné qu'elles ne pouvaient donner lieu à référé, excèdent en tout état de cause les pouvoirs de la juridiction des des référés, qui est juge de l'évidence et ne peut trancher une question de fond.
Enfin, il doit être observé qu'en faisant exécuter par voie de saisie-attribution la décision dont appel, le syndicat des copropriétaires n'a fait qu'user d'une modalité d'exécution que la loi lui permet, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre.
En conséquence de tout ce qui précède, par voie d'infirmation de l'ordonnance querellée, il convient de condamner la société [Localité 4] Immobilier à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 1 052,10 euros à titre de provision à valoir sur les charges impayées arrêtées au 31 décembre 2022, et de dire n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes des parties.
L'appel de la société [Localité 4] Immobilier prospérant en partie, il ne saurait caractériser une procédure abusive et le syndicat sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
La société [Localité 4] Immobilier étant partiellement accueillie en son recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
L'appelante ne gagnant toutefois que partiellement son procès, il convient de dire que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés.
Le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Déclare irrecevables les demandes de réparation formées par la société [Localité 4] Immobilier à l'encontre du syndic de copropriété,
Infirme l'ordonnance du 25 juin 2024,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société [Localité 4] Immobilier à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic, la somme de 1 052,10 euros à titre de provision à valoir sur les charges impayées arrêtées au 31 décembre 2022,
Déclare recevable la demande d'annulation de la société [Localité 4] Immobilier,
Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes des parties,
Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic de sa demande au titre de la procédure abusive,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président empêché et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
DE
VERSAILLES
Code nac : 72A
Chambre civile 1-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 MARS 2025
N° RG 24/05226 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WWHO
AFFAIRE :
S.C.I. [Localité 4] IMMOBILIER
C/
Syndic. de copro. [Adresse 1] À [Localité 4]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 25 Juin 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE
N° RG : 24/00357
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 20.03.2025
à :
Me Laura CABRERA, avocat au barreau de VERSAILLES (296)
Me Thierry ALLAIN, avocat au barreau de VAL D'OISE (28)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C.I. [Localité 4] IMMOBILIER
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
chez Univers automobiles, [Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Laura CABRERA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 296 - N° du dossier E00068JC
Plaidant : MeHani MADFAI, du barreau de Paris
APPELANTE
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Syndicat des copropriétaires [Adresse 1] À [Localité 4]
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Thierry ALLAIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 28 - N° du dossier 007352
INTIME
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Février 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Greffière lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
La SCI [Localité 4] Immobilier est propriétaire du lot n° 3 dans l'immeuble situé au [Adresse 1] à [Localité 4] (Val-d'Oise) soumis au statut de la copropriété.
Par jugement en date du 7 juillet 2022, le tribunal de proximité de Sannois a condamné la société [Localité 4] Immobilier à payer la somme de 2 479,69 euros au titre des charges et travaux impayés au 1er janvier 2022, outre 78 euros au titre des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, 100 euros à titre de dommages et intérêts outre 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
De multiples avis d'impayés et lettres de relance ont été par la suite encore adressés à la société et sont demeurés sans suite.
Par acte délivré le 27 mars 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier, a fait assigner en référé la société [Localité 4] Immobilier aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 19 111,36 euros au titre des charges de copropriété impayées au 19 décembre 2023, appel de fonds du 4ème trimestre 2023 inclus ainsi que sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 25 juin 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :
- condamné la société [Localité 4] Immobilier à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier, la somme provisionnelle de 19 111,36 euros au titre des charges de copropriétés impayées comprises entre le 2 février 2022 et le 19 décembre 2023, l'appel provisionnel des charges pour le 4ème trimestre 2023 devenues exigibles et les frais de relance et de mise en demeure restant à la charge du copropriété en vertu de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- dit que la somme de 19 111,36 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 mars 2024,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au tire de la résistance abusive,
- condamné la société [Localité 4] Immobilier à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 3], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
- condamné la société [Localité 4] Immobilier au paiement des entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer et de l'état des renseignements hypothécaires,
- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 1er août 2024, la société [Localité 4] Immobilier a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de la résistance abusive et rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Dans ses dernières conclusions déposées le 16 octobre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société [Localité 4] Immobilier demande à la cour, au visa des articles 9 et 33 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, 18-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, 699 et 700 du code de procédure civile, de :
'- réformer dans son intégralité l'ordonnance °24/00357 en date du 25 juin 2024, du juge des référés du Tribunal judiciaire de Pontoise ;
- déclarer recevables les demandes formées par la sci [Localité 4] Immobilier ;
- rejeter l'ensemble des prétentions du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4] ;
à titre principal :
- enjoindre au syndic représentant le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], de fournir la convocation à l'assemblée générale, les devis, factures et contrats ainsi que tout document justifiant les sommes demandées au titre des provisions pour travaux ;
- enjoindre au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4] de restituer la somme de 22 339, 48 euros correspondant à la saisie attribution effectuée sur le compte bancaire de la sci [Localité 4] Immobilier sous une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- déclarer que les charges de chauffage collectif demandées à la sci [Localité 4] Immobilier ne sont pas dues ;
à titre subsidiaire :
- déclarer que la somme due par la sci [Localité 4] Immobilier s'élève à 18 805,35 euros au titre des travaux de rénovation énergétique ;
et par voie de conséquence :
- condamner le syndicat des copropriétaires à restituer le surplus saisi à la sci [Localité 4] Immobilier ;
- condamner le syndic de copropriété à indemniser la sci [Localité 4] Immobilier à hauteur de 22 339, 49 euros au titre du préjudice de perte de chance de souscrire à un prêt bancaire ;
- condamner le syndic de copropriété à indemniser la sci [Localité 4] Immobilier à hauteur de 6 699, 54 euros au titre du préjudice de perte de chance de bénéficier de subventions publiques ;
- déclarer le syndic de copropriété responsable d'un manquement à son obligation de conseil ;
à titre reconventionnel :
- annuler la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 prise irrégulièrement, pour défaut de convocation à l'assemblée générale et pour abus de majorité ;
- condamner le syndicat des copropriétaires à indemniser la sci [Localité 4] Immobilier à hauteur de5 000 euros correspondant au préjudice lié à l'exécution de l'ordonnance n°24/00357 en date du 25 juin 2024, du juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise.'
Dans ses dernières conclusions déposées le 29 novembre 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] demande à la cour de :
'- déclarer la S.C.I. [Localité 4] Immobilier irrecevable en ses demandes dirigées contre le syndic, qui n'est pas partie à la procédure, et tendant à :
- sa condamnation au paiement d'une somme de 22 339,49 euros au titre d'un « préjudice de perte de chance de souscrire à un prêt bancaire »,
- sa condamnation au paiement d'une somme de 6 699,54 euros au titre d'un « préjudice de perte de chance de bénéficier de subventions publiques »
- déclarer la S.C.I. [Localité 4] Immobilier irrecevable en sa demande d'annulation de « la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 », comme étant nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile,
- subsidiairement, déclarer la S.C.I. [Localité 4] Immobilier forclose en sa demande d'annulation de « la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 »,
en tout état de cause, déclarer mal-fondée la S.C.I. [Localité 4] Immobilier en son appel,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,
y ajoutant,
- condamner la S.C.I. [Localité 4] Immobilier à payer au concluant une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la S.C.I. [Localité 4] Immobilier à payer au concluant une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la S.C.I. [Localité 4] Immobilier de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,
- condamner la S.C.I. [Localité 4] Immobilier aux entiers dépens et dire que ceux d'appel pourront directement être recouvrés par Maître Thierry Allain, avocat aux offres de droit, par application de l'article 699 du code de procédure civile.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
A titre principal la société [Localité 4] Immobilier demande tout d'abord à la cour d'enjoindre au syndic de communiquer les justificatifs relatifs aux montants réclamés et d'ordonner la restitution des sommes indûment perçues par le syndicat des copropriétaires sous astreinte en faisant valoir qu'elle n'a jamais eu d'explication sur la provision pour travaux d'un montant de 22 332,14 euros qui lui est réclamée ; que malgré ses multiples demandes, le syndic ne lui a pas transmis les justificatifs, en violation des dispositions de l'article 33 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété.
Elle demande ensuite de la décharger des charges de chauffage injustement réclamées pour un montant de 1 187,94 euros alors qu'elle est équipé d'un système de climatisation réversible et n'est donc pas raccordée au chauffage collectif, ainsi que la restitution des sommes indûment perçues à ce titre.
A titre subsidiaire, si la cour venait à reconnaître le bien fondé des sommes demandées par le syndicat des copropriétaires, elle invoque la responsabilité du syndic, premièrement en ce que la répartition des charges est basée sur un calcul erroné des tantièmes (656/91160 au lieu de 656/101150), de sorte que la somme réclamée aurait dû s'élever au montant de 18 805,35 euros.
Elle demande à cet égard d'annuler l'appel de fonds initialement émis en raison de l'erreur commise et à titre subsidiaire, de reconnaître que la somme qu'elle doit est vraisemblablement inférieure à celle calculée, et ordonner la restitution du trop perçu.
Elle argue ensuite d'un défaut de consultation des copropriétaires sur le mode de financement des travaux, faisant valoir que la résolution n° 21 de l'assemblée générale du 24 novembre 2022 prévoit la souscription par le syndic d'un emprunt collectif auprès de la Caisse d'Epargne, réservé aux copropriétaires souhaitant y recourir ; que faute de l'avoir fait, elle a été contrainte de régler comptant la somme de 22 332,14 euros pour des travaux dont elle n'avait même pas été informée, la privant de la possibilité de souscrire à un prêt avantageux, ce qui constitue une perte de chance qu'il convient d'indemniser à hauteur de la somme réclamée (22 339,48 euros).
Elle allègue également d'un manquement du syndic à son mandat de déposer une demande de subventions publiques susceptible de réduire le coût des travaux, réduction qui peut être évaluée entre 30 et 45 % du montant des travaux, de sorte qu'elle sollicite une indemnisation à hauteur de 6 699,64 euros correspondant à la perte de chance de bénéficier de subventions publiques.
Elle conclut par ailleurs au manquement du syndic à son obligation de conseil lors de la prise de décision concernant les travaux de rénovation énergétique d'un montant de 2 649 282,08 euros, sans présentation d'élément de nature à éclairer les copropriétaires.
A titre reconventionnel, la société [Localité 4] Immobilier sollicite l'annulation de la décision de l'assemblée générale pour défaut de convocation, ainsi que pour absence de notification du procès-verbal de l'assemblée générale litigieuse.
Pour solliciter la nullité de la délibération du 24 novembre 2022, elle fait encore valoir qu'il y a eu un abus du recours à la passerelle de l'article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965 lors du vote de la décision d'approbation de la résolution n° 3 portant sur les travaux de rénovation énergétique.
Enfin, elle reproche au syndic d'avoir procédé à une saisie-attribution d'un montant de 22 339,48 euros sur son compte bancaire, dans la hâte et de mauvaise foi, de sorte qu'elle sollicite la restitution des sommes indûment perçues sous astreinte de 500 euros par jour de retard et la condamnation du syndicat des copropriétaires à des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros en réparation de son préjudice.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice le cabinet Habitat Confort Immobilier (la SARL HCI), conclut à l'irrecevabilité des demandes dirigées contre le syndic qui n'est pas partie à la procédure s'agissant des demandes tendant à sa condamnation au paiement d'une somme de 22 339,49 euros au titre d'un préjudice de perte de chance de souscrire un prêt bancaire ainsi qu'au paiement d'une somme de 6 699,54 euros au titre d'un préjudice de perte de chance de bénéficier de subventions publiques.
Il conclut ensuite à l'irrecevabilité de la demande de l'appelante en sa demande d'annulation de la décision d'assemblée générale du 24 novembre 2022 comme étant nouvelle à hauteur d'appel, et subsidiairement de déclarer cette demande forclose.
En tout état de cause, il sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée en soutenant que la société [Localité 4] Immobilier a été destinataire de l'ensemble des appels de fonds, convocations et notifications des procès-verbaux d'assemblées générales.
Il rappelle les termes du procès-verbal de l'assemblée tenue le 24 novembre 2022 pour justifier des appels de fonds émis, explique que chacun des copropriétaires a pu prendre connaissance de l'appel d'offres, du CCTP qui a été établi et des devis des diverses sociétés consultées.
Il soutient produire l'ensemble des justificatifs, de sorte que la demande de l'appelante est sans objet.
Il ajoute que la société [Localité 4] Immobilier ne prouve pas qu'elle ne serait pas raccordée au chauffage collectif, alors qu'elle s'était auparavant acquittée chaque année de ces charges sans les contester.
Il conclut au rejet de la demande d'indemnisation d'un préjudice du fait de l'exécution de l'ordonnance entreprise, relevant que l'appelante n'invoque aucun fondement juridique à l'appui de cette demande et que de surcroît, elle ne rapporte pas la preuve d'une quelconque faute de nature contractuelle ou extra-contractuelle de sa part.
Il sollicite quant à lui l'allocation de substantiels dommages et intérêts, faisant valoir que l'appel de la société [Localité 4] Immobilier est manifestement abusif, qu'elle ne s'acquitte jamais régulièrement des charges dont elles est redevable, ce qui l'a contraint à s'adresser à deux reprises à la justice ; qu'il a subi un incontestable préjudice puisque les travaux ont été budgétisés et appelés, et ne peuvent pas être réalisés du fait de la carence de certains copropriétaires, comme la société [Localité 4] Immobilier.
Sur la recevabilité des demandes à l'égard du syndic
L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, tandis que l'article 32 suivant prévoit qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Il est constant que des prétentions ne peuvent être valablement émises qu'à l'encontre d'une partie attraite à la procédure.
Au cas présent, si la société [Localité 4] Immobilier forme des demandes à l'égard du syndicat des copropriétaires, nécessairement représenté par son syndic en exercice, elle formule également des demandes de condamnations à l'encontre du syndic de copropriété, à titre personnel, en réparation de divers manquements allégués.
Le syndic de copropriété, en la personne de la société HCI, n'est toutefois pas partie à la présente action, de sorte que nulle demande à son encontre ne peut prospérer.
Les demandes de la société [Localité 4] Immobilier aux fins de voir condamner le syndic de copropriété à réparer les préjudices de perte de chance invoqués seront déclarées irrecevables, étant surabondamment relevé que ces demandes encourent également l'irrecevabilité du fait qu'elles ne sont pas formulées, devant la juridiction des référés, à titre provisionnel.
Sur les demandes relatives aux charges de copropriété
L'article 835 alinéa 2 du code de procédure prévoit que le président du tribunal judiciaire peut dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
Aux termes de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipements communs en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots.
L'approbation des comptes du syndic par l'assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges.
En vertu des dispositions conjuguées des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, il appartient au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité.
Pour justifier de sa demande en paiement, le syndicat des copropriétaires communique :
- le décompte des charges postérieures au 2 janvier 2022 et arrêtées au 19 décembre 2023, laissant apparaître à cette date un solde débiteur de 19 111,36 euros,
- les appels de fonds de l'année 2021, de l'année 2022 ainsi que la régularisation pour 2022, les appels de fonds pour l'année 2023,
- les avis d'impayés et relances pour les années 2022 et 2023, à l'exception de celui concernant l'appel de fonds travaux concernant la « rénovation énergétique », émis le 19 décembre 2023 (ce qui est surprenant au regard des autres appels de l'année 2023 visant cette « provision pour travaux »),
- les procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires tenues les 20 janvier, 13 octobre et 24 novembre 2022, ainsi que celui de l'assemblée générale du 25 mai 2023.
Ainsi, alors que le syndicat des copropriétaires qui poursuit le recouvrement de charges de copropriété est tenu de produire le procès-verbal de l'assemblée générale approuvant les comptes de l'exercice correspondant, force est de constater que cet élément, pour ce qui concerne les charges de l'année 2023, n'est pas versé aux présents débats.
Dès lors que seul est communiqué le procès-verbal du 25 mai 2023 approuvant les charges de l'année 2022, seuls les impayés au 31 décembre de cette année-là peuvent faire l'objet d'une condamnation à titre de provision, avec l'évidence requise en référé.
Il ressort du décompte établi par l'intimé, qu'à cette date, et après déduction de la régularisation d'un montant de 231,89 euros pour l'exercice 2021 et du solde créditeur de 213, 37 euros ayant suivi le règlement de la somme de 3 500 euros par la société [Localité 4] Immobilier en exécution du jugement du 7 juillet 2022, la provision restant due s'élève à 1 052,10 euros.
Dans ces conditions, les moyens et demandes formulés par l'appelante pour les sommes réclamées au titre de l'année 2023 deviennent sans objet au titre du présent litige, étant par ailleurs observé que la demande aux fins « d'enjoindre au syndic de communiquer les justificatifs relatifs aux montants réclamés », outre qu'elle n'est basée sur aucun fondement juridique, est particulièrement imprécise.
S'agissant des demandes de restitution de sommes, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 111-10 du code des procédures civiles d'exécution, l'obligation de restitution des sommes perçues en vertu d'une décision assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de sa réformation, le débiteur étant rétabli dans ses droits en nature ou par équivalent. Le présent arrêt vaut titre exécutoire de la créance de restitution de la société [Localité 4] Immobilier sans qu'il y ait lieu de statuer sur ce point, étant au surplus relevé qu'à cet égard également, l'appelante n'invoque pas non plus de fondement juridique.
En ce qui concerne les demandes de l'appelante visant à l'annulation de l'appel de fonds initialement émis concernant les travaux de rénovation énergétique, à l'annulation de la convocation à l'assemblée générale du 24 novembre 2022, à l'annulation de la notification du procès-verbal de la tenue de cette assemblée et à l'annulation de la décision d'approbation de la résolution n°3 de cette assemblée, elles n'encourent pas d'irrecevabilité puisqu'elles doivent être considérées comme visant à écarter les prétentions adverses au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Toutefois, ces demandes, qui au demeurant concernent les charges prévisionnelles de l'année 2023 pour lesquelles il a été ci-dessus examiné qu'elles ne pouvaient donner lieu à référé, excèdent en tout état de cause les pouvoirs de la juridiction des des référés, qui est juge de l'évidence et ne peut trancher une question de fond.
Enfin, il doit être observé qu'en faisant exécuter par voie de saisie-attribution la décision dont appel, le syndicat des copropriétaires n'a fait qu'user d'une modalité d'exécution que la loi lui permet, de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre.
En conséquence de tout ce qui précède, par voie d'infirmation de l'ordonnance querellée, il convient de condamner la société [Localité 4] Immobilier à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 1 052,10 euros à titre de provision à valoir sur les charges impayées arrêtées au 31 décembre 2022, et de dire n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes des parties.
L'appel de la société [Localité 4] Immobilier prospérant en partie, il ne saurait caractériser une procédure abusive et le syndicat sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
La société [Localité 4] Immobilier étant partiellement accueillie en son recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
L'appelante ne gagnant toutefois que partiellement son procès, il convient de dire que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés.
Le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,
Déclare irrecevables les demandes de réparation formées par la société [Localité 4] Immobilier à l'encontre du syndic de copropriété,
Infirme l'ordonnance du 25 juin 2024,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société [Localité 4] Immobilier à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic, la somme de 1 052,10 euros à titre de provision à valoir sur les charges impayées arrêtées au 31 décembre 2022,
Déclare recevable la demande d'annulation de la société [Localité 4] Immobilier,
Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes des parties,
Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 4], représenté par son syndic de sa demande au titre de la procédure abusive,
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés,
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président empêché et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président