Cass. 2e civ., 27 mars 2025, n° 22-23.948
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Lots 20 & 21 - Malbosc (Sté), 47 quai du Verdanson (Sté)
Défendeur :
Bureau Veritas construction (SAS), QBE Europe (Sté), Areas dommages (Sté), GAN assurances (SA), MAAF assurances (SA), Carrières & matériaux Sud-Est (SAS), SMABTP (Sté), Urbat promotion (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martinel
Rapporteur :
M. Waguette
Avocat général :
Mme Trassoudaine-Verger
Avocats :
SCP Duhamel, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Delvolvé et Trichet, SCP Gadiou et Chevallier, SARL Le Prado - Gilbert, SCP Richard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 octobre 2022), des désordres étant survenus dans l'ensemble immobilier qu'elles avaient fait édifier, les sociétés Lots 20 & 21 - Malbosc et 47 quai du Verdanson ont obtenu, par un arrêt d'une cour d'appel du 10 février 2009, la condamnation de la société GAN assurances, assureur dommages-ouvrage, à financer les travaux de reprise.
2. La société GAN assurances a saisi un tribunal de grande instance d'un recours subrogatoire à l'encontre des intervenants à l'acte de construire et des assureurs, les sociétés Urbat promotion, Bureau Veritas construction, QBE Europe, Montpellier béton, MAAF assurances, Areas dommages, SMABTP et M. [G].
3. Par un jugement du 13 juillet 2017, le tribunal de grande instance a condamné solidairement les défendeurs à payer une certaine somme à la société GAN assurances et a fixé, dans leurs rapports entre elles, la part contributive de chacune des parties condamnées. Il a été relevé appel de cette décision.
4. Parallèlement, en mai 2017, les sociétés Lots 20 & 21 - Malbosc et 47 quai du Verdanson ont assigné les mêmes locateurs d'ouvrages et leurs assureurs devant un tribunal de grande instance à fin de les voir condamner à indemniser leurs préjudices immatériels. Par une ordonnance du 25 septembre 2018, un juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire.
5. Le 9 septembre 2020, les sociétés demanderesses ont sollicité la réinscription de l'affaire.
6. Par une ordonnance du 21 décembre 2021, le juge de la mise en état a rejeté les demandes des sociétés Bureau Veritas construction et QBE Europe tendant à voir constater la péremption de l'instance. Ces dernières ont relevé appel de la décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. Les sociétés Lots 20 & 21 - Malbosc et 47 quai du Verdanson font grief à l'arrêt de constater que l'instance est périmée depuis le 24 août 2020, alors « que lorsqu'il existe un lien de dépendance direct et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; que les sociétés Lots 20 & 21 - Malbosc et 47 quai du Verdanson faisaient valoir qu'il existait un lien de dépendance direct et nécessaire entre la procédure concernant leurs dommages matériels initiée le 19 septembre 2011 par la société GAN assurances dans le cadre de son recours subrogatoire devant le tribunal de grande instance de Montpellier, et la présente instance initiée par acte du 9 mai 2017 par elles devant la même juridiction aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices immatériels « puisque l'arrêt de la cour d'appel sur les responsabilités invoquées est une pièce incontournable qui a pour but de permettre au juge du fond de statuer sur les demandes de la concluante » ; qu 'elles faisaient également valoir que par message RPVA du 13 septembre 2018, l'avocat de la société GAN assurances avait sollicité un renvoi de l'affaire « dans l'attente de l'arrêt de la cour » et que par message RPVA du 14 septembre 2018, l'avocat de la société SMABTP avait également sollicité un renvoi « dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel » ; que, par suite, la radiation prononcée le 25 septembre 2018 était « motivée par la nécessité de surseoir à toutes les décisions avant l'arrêt à intervenir de la cour d'appel » ; qu'elles avaient ainsi établi, d'une part, un lien de dépendance direct et nécessaire entre les deux instances et, d'autre part, que la société GAN assurances, dans le cadre de l'instance concernant les dommages matériels, « avait conclu le 6 août 2020, soit dans le délai souhaité par le Bureau Veritas au 24 août 2020 », interrompant le délai de péremption des deux instances ; que pour juger la péremption acquise, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'il appartenait aux parties de s'emparer de « l'existence éventuelle de ce lien entre les deux instances » pour saisir le juge de la mise en état d'une demande de sursis à statuer ; qu'en s'abstenant de rechercher si ce lien de dépendance direct et nécessaire était effectivement établi, de sorte qu'une diligence accomplie dans le cadre de la procédure en appel suffisait à interrompre le délai de péremption de la présente instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 386 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ce texte qu'un acte interruptif de péremption peut être accompli dans une instance différente dès lors que les deux instances se rattachent entre elles par un lien de dépendance direct et nécessaire.
9. Pour constater la péremption de l'instance, l'arrêt retient que les sociétés Lots 20 & 21 - Malbosc et 47 quai du Verdanson ne peuvent pas utilement se fonder sur l'existence d'un lien de dépendance entre les deux instances en cours pour soutenir qu'une diligence accomplie dans l'instance d'appel, en l'espèce la signification de conclusions par la société GAN assurances le 6 août 2020, a interrompu le délai de péremption de l'instance en cours devant le tribunal et qu'il appartenait aux parties de sauvegarder leurs droits et de s'emparer de l'existence éventuelle de ce lien entre les deux instances pour saisir le juge de la mise en état d'une demande de sursis à statuer.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, s'il n'existait pas un lien direct et nécessaire entre les deux instances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 octobre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Bureau Veritas construction, la société QBE Europe, M. [G], exerçant sous l'enseigne Bet Jibe, la société Areas dommages, la société GAN assurances, la société MAAF assurances, la société Carrières & matériaux Sud-Est, la société SMABTP et la société Urbat promotion aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Bureau Veritas construction, la société QBE Europe, M. [G], exerçant sous l'enseigne Bet Jibe, la société Areas dommages, la société GAN assurances, la société MAAF assurances, la société Carrières & matériaux Sud-Est, la société SMABTP et la société Urbat promotion et les condamne in solidum à payer à la société Lots 20 & 21 - Malbosc et à la société 47 quai du Verdanson, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille vingt-cinq.