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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 25 mars 2025, n° 24/00685

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 24/00685

25 mars 2025

ARRET N°123

N° RG 24/00685 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G767

L.M /V.D

[J]

C/

PARQUET GENERAL

S.E.L.A.R.L. [I] ET ASSOCIES MANDATAIRE JUDICIAIRE

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 25 MARS 2025

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00685 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G767

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 février 2024 rendu(e) par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.

APPELANT :

Monsieur [B] [J]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 9] (89)

[Adresse 2]

[Localité 7]

ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant la SARL BAPC, avocat au barreau de NANTES

INTIMES :

S.E.L.A.R.L. [I] ET ASSOCIES MANDATAIRE JUDICIAIRE Agissant en sa qualité de mandataire de la liquidation judiciaire de la SAS [20],

[Adresse 5]

[Localité 6]

ayant pour avocat plaidant Me Henri BODIN de la SELARL BODIN AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau des SABLES D'OLONNE

Madame la Procureure Générale , près la Cour d'Appel de Poitiers

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Madame Lydie MARQUER, Présidente

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSÉ DU LITIGE

La société à responsabilité limitée dénommée [17] est une société exerçant une activité de holding ayant pour dirigeant et associé unique Monsieur [B] [J].

La société [17] ainsi que Monsieur [J], agissant à titre personnel, ont constitué une société à responsabilité limitée dénommée [19], devenue depuis une société par actions simplifiée dénommée [20] lors d'une assemblée générale mixte en date du 31 octobre 2013. La société a principalement pour objet la conception, l'importation de produits ou composés électroniques, l'importation ou le négoce de poste de produits Bazar et plus généralement toutes opérations juridiques, économiques ou financières, civiles et commerciales se rattachant à l'objet sus-indiqué ou tout autre objet connexe.

Aux termes d'une délibération en date du 24 février 2015, l'assemblée générale extraordinaire de la société [20] a décidé d'une modification de date de l'exercice social, d'une augmentation de capital social à hauteur de 62.876 euros par la création de 2.858 actions ordinaires et l'attribution du droit de souscription à Monsieur [J] et à la société [17], du transfert du siège social de la société à [Localité 11], de la souscription des 2.858 actions nouvellement créées ramenant le capital social de la société [20] à la somme de 471.438 euros représenté par 21.429 actions réparties comme il suit :

- Société [17] : 6.000 actions ordinaires ; - Monsieur [J] : 6.858 actions ordinaires ;

- Société [21] : 4.285 actions de préférences;

- Société [22] : 1 action de préférence ;

- Société de [16] : 4.285 actions de préférences.

Aux termes d'une assemblée générale extraordinaire du 31 mai 2013, les associés de la société [19] ont décidé de transformer la société en société par actions simplifiée, de nommer en qualité de président la société [17] représentée par Monsieur [J], décidé d'une augmentation de capital social s'élevant à 100.000 euros pour le porter à 185.710 euros par l'émission de 8.571 actions et ainsi attribuer la totalité de ces actions de préférence au profit de :

- Société [21] : 4.285 actions ;

- Société [22] : 1 action ;

- Société de [16] : 4.285 actions.

Par un jugement en date du 7 octobre 2015, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a admis la société [20] au bénéfice d'une procédure de sauvegarde.

Par un jugement en date du 11 janvier 2017, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a arrêté un plan de sauvegarde de la société [20] sur une durée de 120 mois. Maître [Z] [I] a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par ordonnance du 28 août 2017, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a désigné la société [I] & Associés prise en la personne de Maître [S] [I], en remplacement de Maître [Z] [I].

Par jugement en date du 9 octobre 2019, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a prononcé la résolution du plan de sauvegarde et ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée au bénéfice de la société [20]. Maître [S] [I] a été désigné liquidateur.

Par jugement en date du 11 mars 2020, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a admis la société [17] au bénéfice d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée et a désigné Maître [S] [I] en la qualité de liquidateur.

En 1997, Monsieur [K] [J] (père de M. [B] [J]), Madame [H] [J] (soeur de M. [B] [J]), Monsieur [B] [J] et Monsieur [E] [J] avaient constitué une société à responsabilité limitée dénommée [13]. Cette société a pour objet social le négoce d'équipements électroniques, multimédias embarqués pour automobiles, bateaux, autocars et tout autres moyens de transports.

Le 30 avril 2014, le capital social de cette dernière était détenue par :

- Monsieur [K] [J] : 90 parts ;

- Monsieur [B] [J] : 60 parts.

Le 11 septembre 2014, Monsieur [B] [J] a cédé à Madame [J] 60 parts qu'il détenait dans la société [13].

Aux termes d'une assemblée générale extraordinaire du 26 septembre 2016, la société [13] est devenue une société par actions simplifiée et M. [K] [J] a été nommé président.

A cette époque, la société [13] disposait de locaux communs avec la société [20].

Par jugement en date du 16 avril 2019, le tribunal de commerce de Sens a admis la société [13] au bénéfice d'une procédure de sauvegarde.

Par jugement en date du 15 octobre 2019, ladite procédure a été convertie en redressement judiciaire et la société [8] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 17 décembre 2019, le tribunal de commerce de Sens a prononcé la liquidation judiciaire de la société [13] et désigné la société [8] en la qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier en date du 6 octobre 2022, la société [I] & Associés prise en la personne de Maître [S] [I], ès qualités de liquidateur de la société [20], a attrait Monsieur [B] [J] devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.

Dans l'assignation, le liquidateur indiquait avoir relevé une insuffisance d'actif de la société [20] dont le montant s'élèverait à la somme de 1.004.623,02 euros, résultant de fautes de gestion de Monsieur [B] [J] via la société [17], en maintenant artificiellement la société en activité aux moyens de procédés illégaux pour obtenir une trésorerie fictive, ces opérations fictives trouvant leurs origines dans la gérance de fait de la société [13]. M. [K] [J] se serait rendu coupable d'opérations financières fictives au bénéfice de la société [20] facilités par M. [B] [J], son fils, représentant légal de la société [20] et gérant de fait de la société [13].

Le liquidateur demandait la condamnation de M. [B] [J] à payer la somme de 1.004.623, 02 euros correspondant au montant de l'insuffisance d'actif.

Par jugement en date du 21 février 2024, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a statué ainsi :

- dit et juge l'assignation du 6 octobre 2022 signifiée conformément aux dispositions 659 du code de procédure civile régulière ;

- dit et juge Monsieur [B] [J] pour partie irrecevable et mal fondé en ses fins de non recevoir opposées à la société [I] & Associés, représentée par Maître [I] en sa qualité de liquidateur de la société [20] et l'en déboute ;

- déclare Monsieur [B] [J] mal fondé en l'ensemble de ses demandes ;

- condamne Monsieur [B] [J] à payer à la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, la somme de 703.619,95 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif concernant la société [20];

- condamne Monsieur [B] [J] à payer à la société [I] & Associés, ès qualités, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne Monsieur [B] [J] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 18 mars 2024, Monsieur [B] [J] a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués en intimant le Parquet général ainsi que la société [I] & Associés, prise en la personne de Maître [I] en qualité de liquidateur de la société [20].

Monsieur [B] [J], par dernières conclusions transmises le 17 juin 2024, demande à la cour, par réformation de la décision entreprise, de :

À titre principal :

- déclarer que le tribunal de commerce de La Roche sur Yon n'a pas été régulièrement saisi par une demande initiale relative au litige entre la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités et Monsieur [B] [J] ;

- déclarer la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, irrecevable en ses demandes ;

- débouter la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, de toutes ses demandes à son encontre ;

A titre subsidiaire :

- déclarer la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, irrecevable ses demandes à son encontre ;

- déclarer la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, mal fondé en ses demandes à son encontre ;

- débouter la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, de toutes ses demandes à son encontre ;

En tout état de cause :

- condamner la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société [I] & Associés, Maître [I], ès qualités, aux dépens.

La société Pelletier&Associés, par dernières conclusions transmises le 9 septembre 2024, demande à la cour de :

- débouter Monsieur [B] [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon le 21 février 2024 pour l'ensemble de ses dispositions ;

Y ajoutant :

- condamner Monsieur [B] [J] à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [B] [J] aux dépens d'appel.

Par avis en date du 7 octobre 2024, le parquet général a pris connaissance du dossier et déclaré s'en rapporter.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2025.

MOTIVATION

Sur l'assignation délivrée selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile

M. [B] [J] soutient que l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif délivrée le 6 octobre 2022 selon les modalités prévues à l'article 696 du code de procédure civile est inexistante pour n'avoir pas été délivrée par l'huissier de justice à sa dernière adresse connue alors que ce dernier la connaissait et qu'il aurait été touché à sa personne si l'assignation lui avait été délivrée à cette adresse.

En rappelant que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif se prescrit par 3 ans à compter du jugement de liquidation judiciaire, il en déduit que l'assignation inexistante du 6 octobre 2022 n'a pu valablement interrompre le délai de prescription, si bien que Maître [I] ès qualités est aujourd'hui prescrit et donc irrecevable en ses demandes formées à son encontre.

Il en déduit aussi que cette assignation inexistante n'a pu valablement saisir le tribunal de commerce dont la saisine est irrégulière, ce qui constitue une fin-de non recevoir qu'il peut opposer à Maître [I] sans avoir à justifier d'un grief.

La selarl [I] considère que la théorie de 'l'inexistence' avancée par M. [J] est inopérante au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, seul le régime de la nullité étant applicable, de sorte que la demande de nullité déguisée de M. [J] qui n'est pas une fin de non-recevoir que ce soit au titre de la prescription ou au titre de l'absence de saisine du tribunal de commerce, est irrecevable pour ne pas avoir été présentée in limine litis devant le juge de première instance.

Le liquidateur soutient qu'en tout état de cause, la dernière adresse connue invoquée par l'appelant à laquelle l'huissier de justice aurait du l'assigner est une adresse à laquelle M. [J] lui-même avait demandé à l'huissier de ne plus envoyer de courriers, indiquant que le suivi de courrier postal de cette adresse était désormais expiré. Maître [I] considère que l'huissier de justice a fait des investigations répondant aux exigences légales pour trouver l'adresse de M. [J]. Il ajoute qu'à supposer même que des carences soient relevées dans les diligences de l'huissier, la nullité de l'assignation ne serait encourue que sur la démonstration d'un grief, laquelle n'est pas faite.

Réponse de la cour d'appel :

L'article 659 du code de procédure civile prévoit que lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, le commissaire de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.

Une cour d'appel est tenue de vérifier si les diligences mentionnées au procès-verbal sont suffisantes et si l'adresse du destinataire n'aurait pas pu être obtenue selon le moyen indiqué par les conclusions (Civ. 1ère, 20 octobre 1993, n° 92-11.540).

En l'espèce, le commissaire de justice mandaté par le mandataire liquidateur retrace des diligences précises dans le procès-verbal de recherches infructueuses mais a délivré l'assignation au [Adresse 2]) alors que cette dernière adresse n'était pas la dernière adresse connue de M. [B] [J] et ce, même si à la mairie où il s'est rendu, il lui a été indiqué que M. [J] était inscrit sur le fichier citoyen à cette adresse.

En effet, le commissaire de justice mentionne qu'à la suite de l'avis de passage à cette adresse, il a reçu un appel d'une femme se présentant comme étant la mère de la femme occupant le logement situé [Adresse 2], laquelle lui a indiqué que sa fille habite les lieux depuis cinq ans et que M. [J] est inconnu à cette adresse.

Il était donc très probable que M. [J] n'était plus domicilié à cette adresse depuis au moins 5 ans au moment de l'assignation, soit depuis octobre 2019.

Or, d'autres adresses de M. [J] étaient connues depuis cette date.

Certes, le courrier recommandé que le mandataire avait adressé à M. [J] au [Adresse 3] à [Localité 18] était revenu avec la mention 'n'habite pas à l'adresse indiquée' en janvier 2020.

Certes, M. [B] [J] avait adressé à l'huissier de justice le 10 janvier 2021 un courrier lui demandant d'arrêter de lui envoyer des courriers au [Adresse 4] à [Localité 12] pour ne plus importuner sa mère qui y résidait en précisant qu'en tout état de cause, il n'y résidait plus et n'avait pas reconduit le suivi de courrier depuis septembre 2020.

Il n'en demeure pas moins que la dernière adresse connue de M. [B] [J] était bien, comme il le soutient, cette adresse chez sa mère, où le commissaire de justice, qui la connaissait, aurait du faire des diligences pour vérifier si il y résidait encore et trouver, le cas échéant, son adresse actuelle.

La Cour de cassation a jugé que la notification d'un acte en un lieu autre que ceux qui sont prévus par la loi ne vaut pas notification (Civ. 2ème 9 décembre 1997, n° 96-11.488), ce qui est le cas d'une signification à une autre adresse que la dernière adresse connue.

Toutefois, cette irrégularité de la signification n'a pas pour conséquence de rendre l'acte inexistant.

Il a été jugé que l'absence d'adresse ou l'inexactitude de celle-ci constitue une irrégularité affectant l'acte de saisine et non le mode de saisine et dès lors il s'agit d'une nullité soumise à l'article 114 du code de procédure civile (Voir notamment Civ 2ème 19 janvier 2017 P16-11658).

Or, selon l'article 114 du code de procédure civile, la nullité pour vice de forme ne peut

être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

En l'occurrence, c'est à juste titre que le mandataire judiciaire soutient que M. [J] ne démontre pas avoir subi un grief alors qu'il a lui-même, par un courrier adressé à l'huissier de justice, indiqué que les correspondances qui lui seraient adressées à cette adresse ne lui parviendraient plus puisqu'il n'avait pas renouvelé son suivi de courrier postal et que les précédents plis avaient été retournés.

Dès lors qu'aucun grief n'est démontré par M. [J], la nullité de l'assignation n'est pas encourue, l'action du mandataire liquidateur diligentée dans le délai de 5 ans du jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire mentionné à l'article L 651-2 du code de commerce étant donc recevable comme non prescrite et le tribunal de La Roche-sur-Yon ayant été valablement saisi.

En conséquence, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a 'dit et jugé l'assignation du 6 octobre 2022 signifiée conformément aux dispositions 659 du code de procédure civile régulière' avec ses conséquences de droit.

Sur l'intérêt et la qualité à agir de la selarl [I] ès qualités

M. [J] conteste sa qualité de dirigeant de fait de la société [13] et prétend que toute la démonstration de Maître [S] [I] repose sur les fautes de gestion qu'il aurait commises en tant que tel au détriment de cette société qui en aurait subi un préjudice, s'étonnant donc que ce soit sa responsabilité en tant que dirigeant de la société [20] qui soit recherchée et non en tant que dirigeant de la société [13] et qui plus est par le liquidateur de la société [20] et non par celui de [13]. Il en déduit que Maître [I] est dépourvu de tout droit à agir pour préserver les intérêts des créanciers de cette dernière société.

La selarl [I] rétorque que c'est bien à la responsabilité de M. [J] pour les fautes de gestion qu'il a commises en sa qualité de dirigeant de droit de la société [20] au détriment de la collectivité des créanciers de cette dernière société qui est recherchée et que dès lors, c'est bien Maître [I], liquidateur de la société [20] qui a qualité pour agir à l'encontre du dirigeant de droit de celle-ci et la circonstance que les procédés douteux mis en place par M. [J] pour constituer fictivement une trésorerie à la société [20] ait pu préjudicier à la société [14] relève effectivement de la compétence du liquidateur de cette dernière mais n'est pas l'objet de la présente instance.

Réponse de la cour d'appel :

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Selon l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

En l'espèce, Maître [I] en sa qualité de liquidateur de la société [20] est recevable comme ayant qualité à agir en responsabilité à l'encontre du dirigeant de droit de cette société en liquidation dès lors qu'il estime que ce dernier est responsable de l'insuffisance d'actifs de cette société, la question de savoir si des fautes peuvent lui être imputées en tant que dirigeant de droit de cette société, de la qualification de ses fautes et du lien de causalité entre ces fautes et l'insuffisance d'actif de [20] relevant du fond du droit et non de la qualité à agir de la selarl [I] prise en la personne de Maître [I] ès qualités de mandataire liquidateur de [20].

Il conviendra donc de rejeter la fin de non recevoir soulevée par M. [B] [J] tirée de l'absence de qualité à agir de Maître [I] ès qualités à son encontre en sa qualité de dirigeant de droit de la société [20] par confirmation du jugement entrepris.

Sur le fond,

Aux termes de l'article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

Sur les fautes de gestion

La selarl [I] agit en responsabilité contre M. [B] [J] en sa qualité de dirigeant de droit de la société [20] en lui reprochant les fautes de gestion suivantes :

- opérations fictives de la société [20] facilitées par son représentant légal, M. [B] [J] :

des règlements ont été faits par la société [13] au profit de [20] qui correspondaient à des opérations fictives ou inexistantes, des factures ayant été émises au bénéfice de [20] par [13] sans contrepartie, ce qui avait pour conséquence de faire bénéficier à [20] d'une trésorerie qui ne correspondait pas à son activité.

Ce constat résulte selon le liquidateur de l'analyse de la comptabilité faite par le cabinet [10] de la société [13] et de la société [20].

Maître [I] considère qu'au regard des montants évoqués et du caractère récurrent des opérations, M. [J] ne pouvait qu'en avoir conscience. Quand bien même il n'aurait pas eu connaissance et conscience qu'il recevait des fonds sans contrepartie, cela caractériserait une incurie de M. [J] constitutive d'une faute excédant la simple négligence alors que parallèlement, la société [20] essuyait une baisse de son chiffre d'affaires importante.

Il considère que M. [B] [J] se comportait comme le dirigeant de fait de la société [15], ce qui explique la facilité avec lesquelles les opérations fictives et injustifiées ont pu se réaliser sans qu'elles appellent de réserves de la part de l'une ou l'autre partie.

- poursuite en connaissance de cause d'une activité déficitaire :

Maître [I] expose que les faits ci-dessus relatés ont permis à la société [20] de poursuivre une activité déficitaire, essayant de masquer celle-ci en faisant supporter à [13] ses besoins de trésorerie. Cela a selon lui contribué à l'insuffisance d'actifs puisque non seulement les sommes détournées de la société [13] donnent lieu à obligation à restitution (la société [13] a déclaré une créance au passif de la liquidation judiciaire de la sas [20] pour un montant de 155 218,34 euros outre des dommages intérêts) mais encore, par la trésorerie ainsi artificiellement générée, la société [20] a pu pendant plus de deux ans poursuivre une activité déficitaire générant de nouvelles dettes et augmentant le passif de la société, lequel ressort à 1 020 789,337 euros.

M. [J] conteste toute responsabilité en soutenant qu'il n'était pas le dirigeant de droit de la société [13], dont il n'était même plus associé depuis 2014 et il considère que Maître [I] échoue à démontrer qu'il en était le dirigeant de fait, les 4 pièces qu'il produit à cet égard étant insuffisantes à faire cette preuve. C'est par erreur et dans l'urgence qu'alors qu'il était présent sur le site de [Localité 11], qu'il a attesté du transfert de deux salariés sur ce site en 2018 ; sur 130 devis de la société [13], seule deux ont été signés par M. [B] [J], une erreur ayant été commise par le service de comptabilité ; Maître [I] ne dit rien de comment il aurait pu contrecarrer les dirigeants de droit d'[15] ; si M. [B] [J] est en possession d'un certain nombre de documents concernant cette dernière société qu'il a pu produire dans la présente affaire, il invoque les relations régulières entre les deux sociétés qui partageaient des locaux communs pour l'expliquer. En tous les cas, pour M. [J], il ne s'agit pas d'actes positifs de dirigeant, nécessaires à démontrer qu'il était dirigeant de fait alors qu'il n'avait pas accès aux comptes bancaires D'[15], ne pouvant donc être à l'origine de virements ou paiements à [20]. Selon lui, en l'absence de preuve qu'il puisse être à l'origine des flux financiers entre les deux sociétés qualifiés de frauduleux par le liquidateur, il ne peut être condamné au remboursement d'une quelconque somme.

M. [B] [J] prétend que la poursuite d'activité déficitaire n'est pas une cause légale de responsabilité pour insuffisance d'actif mais seulement une cause de faillite personnelle et que le liquidateur échoue dans la démonstration de l'aggravation du passif qu'il lui impute également. Il soutient la thèse selon laquelle le liquidateur est tombé dans le piège de M. [K] [J], son père, seul et unique dirigeant de la société [13] aux seules fins de détourner les regards de sa gestion fautive à l'occasion de laquelle il n'a pas craint de se livrer à l'abus de biens sociaux.

Il prétend que les virements reçus par [20] sont justifiés et bien que les comptes de la société soient restés entre les mains du cabinet comptable et qu'il n'ait gardé que peu d'archives, il a pu cependant retrouver plusieurs éléments de nature à démontrer que les reproches de Maître [I] ès qualités sont mal fondés.

Réponse de la cour d'appel :

La faute de gestion n'est pas définie par la loi et elle a pu être définie comme 'toute faute commise dans l'administration générale de la société, par action ou mission' ([N] [A] et [M] [G], Traité de droit commercial).

En jurisprudence, de nombreuses fautes de gestion ont pu être retenues comme les man'uvres pour transférer les risques financiers des autres sociétés du groupe à la société soumise à la procédure collective sans aucune contrepartie (Com. 27 juin 2006) ou la poursuite d'une exploitation déficitaire sans prendre les mesures qui s'imposaient pour y mettre fin (Com. 1er juill. 1975, Rev. sociétés 1976. 499, note J.-P. Sortais. ' Lyon, 25 janv. 2007, n° 05-00.914, BICC 15 avr. 2007, n° 869).

M. [J] ne peut donc sérieusement prétendre que la poursuite d'une activité déficitaire ne peut fonder une action en responsabilité pour insuffisance d'actif.

Ce qui est reproché à M. [B] [J], c'est d'avoir manoeuvré, à l'aide de sa proximité avec la société [15], pour faire croire à une trésorerie de la société [20] qui était inexistante et ainsi d'avoir augmenté le passif de celle-ci et maintenu son activité déficitaire alors qu'il aurait du prendre les mesures pour y mettre fin plus tôt.

C'est par une motivation complète, précise et pertinente, non contredite par les pièces versées et les débats devant la cour d'appel, que la cour adopte, que le tribunal de commerce de La Roche sur Yon a retenu la responsabilité de M. [B] [J] pour insuffisance d'actif de la société [20].

En effet, en sa qualité de dirigeant de droit, M. [J] doit pouvoir justifier des sommes perçues par la société pour un montant de 155 218,34 euros, le défaut de justification des contreparties réelles de ces sommes versées par la société [13], dans laquelle M. [J] avait des parts sociales et au titre de laquelle il a posé des actes positifs de dirigeant de fait, étant au moins une négligence grave de nature à engager sa responsabilité, étant relevé qu'en appel, pas plus qu'en première instance, M. [J] n'a fourni la comptabilité de la société à compter du 1er septembre 2018 qui lui avait été demandée par le mandataire.

Ensuite, le tribunal de commerce a retenu à bon droit la responsabilité fautive de M. [B] [J] en ce que grâce à cette trésorerie fictive, il a poursuivi l'activité déficitaire de la société en aggravant encore son passif au cours de sa dernière année d'exercice alors que sa situation était déjà irrémédiablement compromise, ce qui constitue une deuxième faute de gestion de nature à engager sa responsabilité en tant que dirigeant.

Le lien de causalité entre ses fautes et le préjudice subi par la communauté des créanciers du fait de l'aggravation du passif est établie puisque ce sont les fautes de gestion de M. [J] qui ont entraîné l'aggravation du passif après que l'entreprise ait bénéficié d'une procédure de sauvegarde.

Le passif postérieur à la procédure de sauvegarde est d'un montant de 703 619,95 euros.

Il convient de condamner M. [B] [J] à payer une somme de 500 000 euros entre les mains de Maître [I] ès qualités en réparation du préjudice subi par la communauté des créanciers du fait de ses fautes de gestion.

Le jugement déféré sera donc confirmé sauf sur le montant de la somme à verser au liquidateur.

Sur les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a condamné M. [B] [J] à verser une somme équitablement appréciée à hauteur de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, de même qu'aux dépens.

En cause d'appel, M. [B] [J] devra encore verser une somme de 3 000 euros à Maître [I] ès qualités et en sa qualité de partie perdante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, il sera en outre condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré sauf sur le montant de la condamnation au titre de la responsabilité de M. [B] [J] pour l'insuffisance d'actif de la société [20] ;

Et statuant à nouveau sur ce chef de jugement infirmé,

Condamne M. [B] [J] à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [I] & Associés mandataires judiciaires, représentée par Maître [S] [I], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [20], la somme de 500 000 euros au titre de sa responsabilité pour l'insuffisance d'actif de la société [20] ;

Et y ajoutant,

Condamne M. [B] [J] à payer à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée [I] & Associés mandataires judiciaires, représentée par Maître [S] [I], pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [20] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [J] aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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