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CA Lyon, 3e ch. a, 25 mars 2025, n° 24/02460

LYON

Ordonnance

Autre

CA Lyon n° 24/02460

25 mars 2025

N° RG 24/02460 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PRW4

décision du

Juge commissaire de LYON

Au fond

23jc11421

du 13 février 2024

ch n°

Société Coopérative LA CAISSE REGIONALE DE CREDITAGRICOLE

C/

S.A.S. FLORIOT CONSTRUCTION

SELARL MJ SYNERGIE

SELARL MJ SYNERGIE

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ORDONNANCE DU CONSEILLER

DE LA MISE EN ETAT DU 25 Mars 2025

APPELANTE :

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST,

Caisse de crédit agricole mutuel, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON et identifiée au SIREN sous le numéro 399 973 825, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés, en cette qualité, audit siège

Sis [Adresse 2],

([Localité 5]

Avocat constitué la SCP BAUFUME-SOURBE, représentée par Maître Emmanuelle BAUFUME, Avocat au Barreau de LYON, avocat postulant,et pour Avocat plaidant Maître Aude MANTEROLA, associée de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, Avocat au Barreau de PARIS (P0193), avocat pliadant substituée par Maître PASQUALINI, avocat au barreau de LYON.

INTIMEES :

La SELARL MJ SYNERGIE

MANDATAIRES JUDICIAIRES, immatriculée au RCS de Lyon sous

le numéro 538 422 056, représentée par Maître [M] [T] ou Maître [K] [S] Mandataires judiciaires,

Sis [Adresse 3]

([Localité 8]

La SELARL MJ SYNERGIE

MANDATAIRES JUDICIAIRES, immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 538 422 056, représentée par [H] [R] Mandataires judiciaires, Es qualités de liquidateurs judiciaires de : La Société FLORIOT CONSTRUCTION, SASU immatriculée au RCS de Bourg en Bresse sous le numéro 334 086 964, désignés à cette fonction par Jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 17 avril 2019.

Sis [Adresse 7],

([Localité 1]

ET

La Société FLORIOT CONSTRUCTION,

SAS immatriculée au RCS de Bourg en Bresse sous le numéro 334 86 964, société en liquidation judiciaire représentée au titre de ses droits propres par la Société TGL MANAGEMENT, SARL immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 810 032 557, dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège.

Sis [Adresse 6],

[Localité 1]

Représentées par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, avocat postulant et Maitre Maître Cécile FLANDROIS avocate au barreau de LYON, de la SELARL SVMH AVOCATS [Localité 8]

avocat plaidant.

********

Audience tenue par Sophie DUMURGIER, magistrate chargée de la mise en état de la 3ème chambre A de la cour d'appel de Lyon, assistée de Clémence RUILLAT, greffière lors de l'audience,

Les conseils des parties entendus ou appelés à notre audience du 25 Février 2025, ceux-ci ayant eu connaissance de la date du délibéré au 25 Mars 2025 ;

Signé par Sophie DUMURGIER , magistrate chargée de la mise en état de la 3ème chambre A de la cour d'appel de Lyon, assistée de Céline DESPLANCHES, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE : Contradictoire

*******

La SAS Floriot Construction a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 7 novembre 2018, qui a désigné la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire.

Par courrier du 17 décembre 2018, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est a déclaré sa créance au passif de la procédure, pour un montant de 154 900,17 euros à échoir à titre chirographaire, au titre d'une garantie à première demande concédée à la société SNCF Mobilité au titre de l'article 101 du code des marchés publics, dans le cadre de travaux réalisés par la société Floriot Construction.

A ce stade de la procédure, le passif chirographaire n'a pas été vérifié.

Par jugement du 17 avril 2019, le tribunal, après avoir adopté le plan de cession de la société Floriot Construction, a prononcé la conversion du redressement judiciaire de la société en liquidation judiciaire, en désignant la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires, représentée par Me [T] ou Me [S], et la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires, représentée par Me [R], en qualité de liquidateurs judiciaires.

Dans le cadre de la procédure de vérification des créances initiée par les liquidateurs judiciaires, la créance de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est été contestée par ces derniers par courrier en date du 4 mars 2022, aux motifs qu'elle était non conforme à la comptabilité de la société Floriot, qu'elle n'était pas justifiée, que la caution devait être levée, en l'absence de justificatifs et de mise en oeuvre des cautions et du paiement.

Aucune réponse n'a été apportée à ce courrier par le créancier qui a été informé, par courrier du 6 novembre 2023, du maintien de la contestation de sa créance et convoqué à l'audience du juge commissaire du 12 janvier 2024, lors de laquelle il a sollicité que sa créance soit admise dans les termes de sa déclaration de créance.

Par ordonnance rendue le 13 février 2024, le juge commissaire du tribunal de commerce de Lyon a :

- rejeté la créance de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est,

- dit que la décision sera mentionnée sur la liste des créances,

- dit que les dépens de l'ordonnance seront tirés en frais de procédure.

Par déclaration reçue au greffe le 21 mars 2024, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est a relevé appel de cette décision, portant sur le chef de l'ordonnance rejetant sa créance, en intimant la SELARL MJ Synergie-Mandataires judiciaires représentée par Me [M] [T] ou Me [K] [S], la SELARL MJ Synergie-Mandataires judiciaires représentée par Me [H] [R], ès-qualités de liquidateurs judiciaires de la société Floriot Construction, et la société Floriot Construction.

L'appelante a notifié ses conclusions au fond le 6 juin 2024.

Par conclusions d'incident notifiées le 21 août 2024, la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires, représentée par Me [T] ou Me [S], la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires, représentée par Me [R], ès qualités, et la société Floriot Construction demandent au conseiller de la mise en état de :

Vu les articles L.622-27, L.624-3 et R.624-1 du code de commerce,

- les dire, ès qualités, recevables et fondées,

- dire et juger que le courrier en date du 4 mars 2022 adressé au Crédit Agricole Centre Est par la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires constitue un courrier de contestation de créance qui a fait courir le délai de réponse visé par l'article L.622-27 du code de commerce,

- dire et juger que la Caisse régionale de Crédit Agricole Centre Est n'a pas répondu dans le délai légal à la contestation de créance qui lui a été adressée et que la voie d'appel lui est en conséquence fermée, le juge commissaire ayant suivi l'avis de rejet du liquidateur judiciaire,

- dire et juger en conséquence la Caisse régionale de Crédit Agricole Centre Est irrecevable en son appel,

- débouter en conséquence la Caisse régionale de Crédit Agricole Centre Est de l'intégralité de ses demandes,

- condamner le Crédit Agricole Centre Est à leur payer, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- débouter le Crédit Agricole Centre Est de toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Les intimées ont notifiées des conclusions au fond le 21 août 2024.

Par conclusions d'incident n°2 notifiées le 5 février 2025, l'appelante demande à la cour de :

Vu les articles L.622-24, L.622-25 du code de commerce,

Vu l'article L.622-27 du code de commerce,

A titre principal :

- se déclarer incompétent et dénué de pouvoir pour statuer sur l'application des dispositions de l'article L.624-3 du code de commerce,

A titre subsidiaire :

- renvoyer l'affaire à la juridiction de jugement,

A titre très subsidiaire :

- juger recevable l'appel qu'elle a formé à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13 février 2024 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Lyon,

En tout état de cause :

- débouter la SELARL MJ Synergie-Mandataires judiciaires représentée par Maître [M] [T], la SELARL MJ Synergie-Mandataires judiciaires représentée par Maître [H] [R], ès-qualités de liquidateurs judiciaires de la société Floriot Construction, et la société Floriot Construction de l'ensemble de leurs demandes, fins et contestations

- condamner la SELARL MJ Synergie-Mandataires judiciaires représentée par Maître [M] [T], la SELARL MJ Synergie-Mandataires judiciaires représentée par Maître [H] [R], ès-qualités de liquidateurs judiciaires de la société Floriot Construction, et la société Floriot Construction au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- allouer les dépens en frais privilégiés.

Par conclusions d'incident notifiées le 4 décembre 2024, les intimées maintiennent l'ensemble de leurs demandes formées dans le cadre de l'incident et demandent en outre au conseiller de la mise en état de débouter le Crédit agricole Centre Est de sa demande tendant à voir déclarer le conseiller de la mise en état incompétent et de sa demande de renvoi de l'incident devant la juridiction de jugement.

L'affaire a été retenue à l'audience d'incidents du 25 février 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la fin de non recevoir soulevée par les intimées devant le conseiller de la mise en état

La Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est excipe à titre principal de l'incompétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur la fin de non recevoir opposée par les intimées, qui relève selon elle de la compétence exclusive de la cour.

Elle invoque l'avis rendu le 3 juin 2021 par la Cour de cassation selon lequel le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge, pour soutenir que la fin de non recevoir tirée de l'application des dispositions de l'article L. 624-3 du code de commerce échappe aux pouvoirs du conseiller de la mise en état, les liquidateurs judiciaires ayant soulevé en première instance une fin de non recevoir tirée de l'absence de réponse au courrier de contestation dans le délai de trente jours, qui a été tranchée par le premier juge, de sorte que seule la cour dispose du pouvoir d'infirmer ou de confirmer cette décision.

Elle fait valoir que, contrairement à ce que soutiennent les intimées, le juge commissaire dont la décision est frappée d'appel a motivé le rejet de sa créance sur l'absence de réponse du créancier au courrier de contestation dans le sens de l'article L. 622-27 du code de commerce, tranchant ainsi la fin de non recevoir soulevée par les liquidateurs judiciaires à l'audience du 12 janvier 2024.

Elle en déduit que l'incident soulevé par les intimées impliquerait nécessairement pour le conseiller de la mise en état d'apprécier cette même irrecevabilité, fondée sur la qualification originelle du courrier de contestation.

Elle affirme que l'article L.624-3 du code de commerce ne peut conduire à l'irrecevabilité de l'appel prononcée par le conseiller de la mise en état que dans la seule hypothèse où la discussion élevée dans le courrier de contestation portait sur le fond de la créance et que le créancier n'a pas répondu dans le délai de trente jours, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la sanction du défaut de réponse dans ce délai ne s'appliquant pas lorsque la discussion porte, même partiellement, sur la régularité de la déclaration de créance, ce qui est précisément le cas.

Les liquidateurs judiciaires prétendent que le conseiller de la mise en état est exclusivement compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel, en application de l'article 913-5 du code de procédure civile et que c'est bien la recevabilité même de l'appel, du fait de la fermeture de cette voie de recours au Crédit agricole par l'article L. 624-3 du code de commerce, qui est l'objet du présent incident.

Ils affirment que, contrairement à ce que soutient la banque, il n'est pas demandé au conseiller de la mise en état de trancher une quelconque fin de non recevoir qui aurait été soumise en première instance au juge commissaire, l'ordonnance querellée ne tranchant aucune fin de non recevoir, et il ne lui est pas davantage demandé de confirmer ou infirmer cette ordonnance mais de prononcer l'irrecevabilité de la voie de recours exercée à son encontre, la voie de l'appel étant fermée au Crédit agricole en application de l'article L. 624-3 du code de commerce.

L'appel étant antérieur au 1er septembre 2024, les dispositions de l'article 913-5 du code de procédure civile issues du décret n°2023.1391 du 29 décembre 2023 sont inapplicables.

L'article 914 du code de procédure civile énonce que « Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat tendant à :

- prononcer la caducité de l'appel ;

- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ; .... »

L'article L.624-3 du code de commerce dispose que « Le recours contre les décisions du juge commissaires prises en application de la présente section est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire.

Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou partie et qui n'a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l'article L. 622-27 ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire. »

Il résulte de ce texte que, pour déterminer si une voie de recours est ouverte contre la décision du juge commissaire se prononçant sur l'admission de la créance de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est, contestée par les liquidateurs judiciaires, il est nécessaire d'apprécier si cette décision confirme la proposition du mandataire judiciaire et si cette proposition valait discussion de la créance au sens de l'article L. 622-27 du code de commerce.

Il doit être par ailleurs rappelé, qu'en application du principe selon lequel une disposition privant une partie d'une voie de recours doit être interprétée strictement, la Cour de cassation a énoncé plusieurs principes encadrant l'appréciation par les juges du fond de la discussion de la créance déclarée et de la confirmation par le juge commissaire de la proposition du mandataire judiciaire.

En l'espèce, le juge commissaire a rejeté la créance du Crédit agricole au motif que celui-ci n'avait apporté aucune réponse au courrier de contestation des liquidateurs judiciaires, dans le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce.

Aux termes des écritures au fond des parties, le débat porté devant la cour par l'appelante a notamment pour objet de déterminer si le courrier des liquidateurs judiciaires, en date du 4 mars 2022, vaut contestation au sens de l'article L.622-27 et s'il a fait courir le délai de réponse de trente jours du créancier, ce que conteste ce dernier qui considère que ce courrier porte, au moins partiellement, sur la régularité de sa déclaration de créance.

La décision sur la recevabilité du recours exercé par le créancier est ainsi de nature à remettre en cause l'application faite par le juge commissaire des dispositions de l'article L. 622-27 du code de commerce.

La fin de non recevoir tirée de l'application de l'article L.624-3 du code de commerce relève ainsi des pouvoirs du juge du fond et sera déclarée irrecevable devant le conseiller de la mise en état.

La SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires, représentée par Me [T] ou Me [S], la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires représentée par Me [R], ès qualités, et la société Floriot Construction seront condamnées aux dépens de l'incident, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile sont réunies en faveur de l'appelante. Toutefois, dans les circonstances particulières de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande qu'elle a fondée sur ce texte au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de l'incident.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons irrecevable devant le conseiller de la mise en état la fin de non recevoir opposée par les sociétés intimées sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce,

Condamnons la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires, représentée par Me [T] ou Me [S], la SELARL MJ Synergie-mandataires judiciaires représentée par Me [R], ès qualités, et la société Floriot Construction aux dépens de l'incident,

Déboutons la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Est de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT

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