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CA Nîmes, retention_recoursjld, 25 mars 2025, n° 25/00278

NÎMES

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CA Nîmes n° 25/00278

25 mars 2025

Ordonnance N°259

N° RG 25/00278 - N° Portalis DBVH-V-B7J-JQZP

Recours c/ déci TJ Nîmes

22 mars 2025

[W]

C/

LE PREFET DE L'AVEYRON

COUR D'APPEL DE NÎMES

Cabinet du Premier Président

Ordonnance du 25 MARS 2025

Nous, Mme Marine KARSENTI, Conseillère à la Cour d'Appel de Nîmes, désignée par le Premier Président de la Cour d'Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l'Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,

Vu l'arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français en date du 11 février 2025 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 18 mars 2025, notifiée le même jour à 11h35 concernant :

M. [B] [W]

né le 04 Février 1995 à [Localité 2]

de nationalité Algérienne

Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 21 mars 2025 à 09h55, enregistrée sous le N°RG 25/01473 présentée par M. le Préfet de l'Aveyron ;

Vu l'ordonnance rendue le 22 Mars 2025 à 14h15 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, qui a :

* Déclaré la requête recevable ;

* Ordonné pour une durée maximale de 26 jours commençant 4 jours après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, de M. [B] [W] ;

* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l'expiration d'un délai de 26 jours à compter du 21 mars 2025,

Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [B] [W] le 24 Mars 2025 à 15h30 ;

Vu l'absence du Ministère Public près la Cour d'appel de Nîmes régulièrement avisé ;

Vu la présence de Monsieur [E] [R], représentant le Préfet de l'Aveyron, agissant au nom de l'Etat, désigné pour le représenter devant la Cour d'Appel en matière de Rétention administrative des étrangers, entendu en ses observations ;

Vu l'assistance de Monsieur [I] [O] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Nîmes ;

Vu la comparution de Monsieur [B] [W], régulièrement convoqué ;

Vu la présence de Me Caroline GREFFIER, avocat de Monsieur [B] [W] qui a été entendue en sa plaidoirie ;

MOTIFS

Monsieur [W] a reçu notification le 11 février 2025 d'un arrêté préfectoral du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire national sans délai avec interdiction de retour pendant trois ans.

Par arrêté préfectoral en date du 18 mars 2025, qui lui a été notifié le jour même à 11h35, à sa levée d'écrou, il a été placé en rétention administrative aux fins d'exécution de la mesure d'éloignement.

Par requête reçue le 21 mars 2025 à 9h55, le Préfet de l'Aveyron a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes d'une demande en prolongation de la mesure.

Par ordonnance prononcée le 22 mars 2025 à 14h15, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes a rejeté les exceptions de nullité soulevées ainsi que les moyens présentés par Monsieur [W] et ordonné la prolongation de sa rétention administrative pour vingt-six jours.

Monsieur [W] a interjeté appel de cette ordonnance le 24 mars 2025 à 15h30. Sa déclaration d'appel relève l'irrégularité de la requête en prolongation pour incompétence de son signataire.

A l'audience, Monsieur [W] :

Déclare qu'il est de nationalité algérienne, qu'il a refusé d'embarquer le 18 mars 2025 parce que toute sa vie est en Espagne, qu'il a vécu, travaillé et été scolarisé en Espagne, qu'il est donc opposé à tout éloignement vers l'Algérie,

Sollicite l'infirmation de l'ordonnance et sa remise en liberté immédiate.

Son avocat :

Soutient le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation de la rétention,

Fait valoir qu'aucun élément au dossier ne prouve que les autorités espagnoles ont refusé la réadmission de M. [W], que ce dernier veut aller en Espagne.

M. [W] produit des billets d'avion indiquant qu'il a voyagé depuis l'Espagne. Sont produits à l'audience son passeport et sa carte d'identité en cours de validité ainsi qu'un titre de séjour expirant le 13 février 2023 et son permis de conduire espagnol.

Monsieur le Préfet pris en la personne de son représentant demande la confirmation de l'ordonnance critiquée. Il fait valoir que le titre de séjour espagnol de M. [W] lui a été retiré en 2019 et que le CCPD a indiqué que M. [W] était recherché en Espagne pour mettre à exécution une peine d'emprisonnement.

SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL :

L'appel interjeté par Monsieur [W] à l'encontre d'une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes dûment notifiée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il est donc recevable.

SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE EN PROLONGATION :

- en ce que son signataire n'aurait pas compétence pour ce faire :

Monsieur [W] soutient qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier la compétence du signataire de la requête en prolongation et la mention des empêchements éventuels des délégataires de signature. En l'espèce, le signataire de la requête ne serait pas compétent.

C'est à tort qu'il est argué de l'incompétence du signataire de la requête en prolongation signée pour le Préfet de l'Aveyron le 21 mars 2025 par M. [L] [N], directeur de la citoyenneté, alors qu'est joint à cette requête un arrêté préfectoral en date du 25 novembre 2024, régulièrement publié, lui portant délégation de signature notamment pour saisir le magistrat du siège des requêtes en prolongation des mesures de rétention.

L'apposition de sa signature sur cette requête présuppose l'empêchement des autres personnes ayant délégation, le retenu ne démontrant pas le contraire alors qu'en application de l'article 9 du code de procédure civile, c'est bien à lui qu'il incombe d'apporter la preuve du bienfondé de ses prétentions.

Le moyen d'irrecevabilité doit donc être écarté.

SUR LE FOND :

L'article L.611-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'article L611-3 du même code énumérant limitativement les situations dans lesquelles une décision portant obligation de quitter le territoire est exclue. L'article L.612-6 du même code dispose que l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français, les effets de cette interdiction cessant à l'expiration de la durée fixée par l'autorité administrative, à compter de l'exécution de la mesure.

L'article L. 741-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Les cas prévus par l'article L.731-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visent l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 et auquel l'article L. 741-1 renvoie, est considéré comme établi dans les cas suivants, conformément à l'article L. 612-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L'article L.741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise qu'en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »

Au motif de fond sur son appel, Monsieur [W] soutient que l'administration française ne démontre pas avoir engagé les démarches nécessaires à son départ. Il en conclut que la mesure de rétention dont il fait l'objet ne se justifie plus et doit donc être levée.

En l'espèce, Monsieur [W] est en possession d'un passeport algérien valide, d'une carte d'identité algérienne valide, d'un permis de conduire espagnol valide et d'un document espagnol intitulé « titre de séjour » dont la validité a expiré.

La réponse du CCPD de [Localité 3] en date du 18 février 2025 indique que M. [W] fait l'objet d'une fiche de recherche en Espagne et qu'il est en situation irrégulière en Espagne, son titre de séjour lui ayant été retiré en 2019 et toutes ses demandes de régularisation depuis 2019 ayant été refusées. Il est donc établi que le titre de séjour présenté par M. [W] ne lui donne pas de droit au séjour en Espagne. Aucun élément n'est produit selon lequel M. [W] aurait déposé une demande d'asile en Espagne, il a d'ailleurs contesté à l'audience en avoir jamais déposé.

Un vol a été réservé le 18 mars 2025 à destination d'[Localité 5], à bord duquel M. [W] a refusé d'embarquer. Il a confirmé ce refus en expliquant avoir construit sa vie en Espagne, où il veut retourner. Une réservation pour le 31 mars 2025 a été sollicitée.

L'administration n'a donc pas failli à ses obligations.

SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [W] :

Monsieur [W], présent irrégulièrement en France, est en possession d'un passeport algérien valide, d'une carte d'identité algérienne valide, d'un permis de conduire espagnol valide et d'un document espagnol intitulé « titre de séjour » dont la validité a expiré.

Il ne justifie d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays. Il ne produit aucun élément sur sa vie en Espagne avant son incarcération.

Son casier judiciaire porte trace de deux condamnations le 8 septembre 2020 à 10 mois d'emprisonnement et le 26 décembre 2023 à 15 mois d'emprisonnement pour des infractions à la législation sur les produits stupéfiants. Il a été incarcéré du 26 décembre 2023 au 18 mars 2025. Il a été élargi à cette date sous le régime de la libération conditionnelle.

Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

La prolongation de sa rétention administrative se justifie afin de procéder à son éloignement.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,

Vu l'article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,

Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l'application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

CONSTATANT qu'aucune salle d'audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n'est disponible pour l'audience de ce jour ;

DÉCLARONS recevable l'appel interjeté par Monsieur [B] [W] ;

CONFIRMONS l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

RAPPELONS que, conformément à l'article R.743-20 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].

Fait à la Cour d'Appel de Nîmes,

Le 25 Mars 2025 à

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

' Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 4] à M. [B] [W], par l'intermédiaire d'un interprète en langue arabe.

Le à H

Signature du retenu

Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :

- Monsieur [B] [W], par le Directeur du CRA de [Localité 4],

- Me Caroline GREFFIER, avocat

,

- Le Préfet de l'Aveyron

,

- Le Directeur du CRA de [Localité 4],

- Le Ministère Public près la Cour d'Appel de Nîmes,

- Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.

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