CA Chambéry, 1re ch., 25 mars 2025, n° 24/00438
CHAMBÉRY
Autre
Autre
NH/SL
N° Minute
1C25/150
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 25 Mars 2025
N° RG 24/00438 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOIM
Décision attaquée : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBERTVILLE en date du 29 Décembre 2023
Appelante
Mme [T] [Y], demeurant [Adresse 3] SUISSE
Représentée par Me Pascale MASOERO, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
Intimées
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET & GUYONNET ès qualités de Liquidateur judiciaire de la SCI OWENS, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats au barreau de CHAMBERY
S.E.L.A.R.L. AJ UP, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Sans avocat constitué
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 18 Novembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 janvier 2025
Date de mise à disposition : 25 mars 2025
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
Par requête en date du 2 août 2022 la SELARL Etude Bouvet & Guyonnet, en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Owens et de la SARL Luxury 1850, a sollicité du président du tribunal judiciaire d'Albertville la désignation d'un mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850, avec mission d'exercer leurs droits propres dans toutes instances liées à la procédure de liquidation judiciaire.
Par ordonnance en date du 23 août 2022, il a été fait droit à cette demande et la SELARL AJ UP, en la personne de maître [P] [Z], a été désignée en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850 pour l'exercice de leurs droits propres dans toutes instances liées à la procédure de liquidation judiciaire, et ce pour une durée d'un an.
Par acte de commissaire de justice en date du 13 juillet 2023, Mme [T] [Y], en sa qualité de gérante de la société Luxury 1850, a assigné la SELARL Etude Bouvet & Guyonnet et la SELARL AJ UP devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville, aux fins de rétractation de cette ordonnance.
Par ordonnance réputée contradictoire du 29 décembre 2023, le juge des référés a :
- Déclaré recevable l'action en rétractation intentée par Mme [Y], en sa qualité de gérante de la société Luxury 1850 ;
- Dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance du 23 août 2022 désignant la société AJ UP en la personne de Me [Z] comme mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850 ;
- Rejeté les autres demandes ;
- Condamné Mme [Y] aux dépens.
La décision retient notamment que l'ordonnance comme la requête visent les motifs commandant de déroger au principe du contradictoire et sont par ailleurs bien fondées compte tenu de la confusion entre les intérêts personnels des dirigeants et les intérêts des sociétés.
Par déclaration au greffe du 27 mars 2024, Mme [Y] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :
- Dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance du 23 août 2022 désignant la société AJ UP en la personne de Me [Z] comme mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850 ;
- Condamné Mme [Y] aux dépens.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 4 juin 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [Y] demande à la cour de :
- Infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 29 décembre 2023 par le président du tribunal judiciaire d'Albertville ;
Et, statuant de nouveau,
- Rétracter dans sa totalité l'ordonnance rendue le 23 août 2022 à la requête de l'Etude Bouvet & Guyonnet, en qualité de liquidateur judiciaire d'Owens et Luxury 1850 ;
- Condamner l'Etude Bouvet & Guyonnet aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [Y] fait notamment valoir que :
' Rien ne légitimait, au cas d'espèce, qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, dont la violation ne peut être régularisée a posteriori dans le cadre de l'instance en rétractation ;
' Ni l'ordonnance, ni la requête sur laquelle elle s'appuie ne contiennent de motivation spécifique quant aux raisons justifiant que l'ensemble des parties intéressées à débattre de l'utilité et du bien-fondé de la mesure sollicitée n'aient pas été appelées et qu'ainsi aucune circonstance justifiant la dérogation à la contradiction n'a été caractérisée, cette circonstance ne pouvant résulter de la seule urgence ;
' La démonstration d'un grief n'est pas une condition nécessaire à la recevabilité de la demande de rétractation ;
' Rien ne justifie sur le fond la nécessité d'une telle désignation qui répond à des conditions strictes tenant à la défaillance ou la vacance de la direction ou à l'existence d'un trouble manifestement illicite dans l'exercice de cette direction, aucune de ces conditions n'étant remplie en l'espèce ;
' Les décisions judiciaires passées, qui avaient justifié la désignation d'un administrateur provisoire, ne peuvent fonder la désignation d'un mandataire ad hoc, leurs missions étant différentes.
Par dernières écritures du 1er juillet 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SELARL Etude Bouvet & Guyonnet demande à la cour de :
- Confirmer l'ordonnance de référé du 29 décembre 2023 ;
- Débouter Mme [Y] de toutes ses prétentions et demandes ;
En tout état de cause,
- Condamner Mme [Y] à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [Y] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :
' Le liquidateur judiciaire n'a pas entendu priver de ses droits propres la dirigeante en général, en toute responsabilité, il n'a pu que prendre acte des réalités existantes et des blocages pouvant être constitués au titre des droits propres ouverts à chacun des débiteurs dont les associés et les bénéficiaires effectifs sont en conflit, dès lors, la requête aux fins de voir désigner un mandataire ad hoc pour représenter les sociétés Owens et Luxury 1850 s'imposait ;
' Que tant l'urgence que la divergence des intérêts entre les dirigeants commandaient de procéder par voie d'ordonnance sur requête et que Mme [Y] a pu, sur le fondement de l'article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, instaurer le contentieux et la discussion contradictoire qui n'avait pas pu avoir lieu auparavant, de sorte que la contradiction a donc été rétablie ;
' Mme [Y] ne démontre pas que l'ordonnance du 23 août 2022 lui ait fait grief ni qu'elle ait porté préjudice aux sociétés qu'elle gère ;
' L'ordonnance du 23 août 2022 était provisoire, elle a épuisé ses effets au 23 août 2023, il n'y a donc plus lieu à rétractation de l'ordonnance, faute d'objet ;
' Contrairement à ce que Mme [Y] invoque, le texte de l'article L. 641-9 II du code de commerce n'a jamais été limité aux cas de vacances de la gérance par maladie, disparition etc., et s'applique à d'autres situations, dont celle du cas d'espèce liée à son attitude qui met en péril les intérêts des sociétés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 18 novembre 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 6 janvier 2025.
Motifs de la décision
En application des dispositions de l'article L 641-9 du code de commerce, « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. (')
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public. » ;
Ces dispositions fixent les voies procédurales permettant la désignation d'un mandataire dans une telle hypothèse ; la dérogation au principe de la contradiction est donc en l'espèce autorisée par la loi elle-même et le requérant est fondé sinon contraint, d'agir par voie de requête sans avoir à démontrer l'existence de circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement ;
Le juge saisi, comme le juge de la rétractation, n'est dès lors tenu de vérifier que la réunion des conditions prévues par la loi pour ordonner la mesure sollicitée sans avoir à caractériser les circonstances exigeant la dérogation au contradictoire, cette obligation ne s'imposant à lui que dans l'hypothèse où la loi ne prévoit pas une telle dérogation, cas des requêtes dites générales ou innommées ;
En conséquence, les moyens tendant à l'infirmation pour violation non justifiée du contradictoire, sont sans effet ;
Au fond, Mme [Y] soutient qu'aucune nécessité ne commandait de désigner un mandataire en ses lieu et place pour assurer les droits propres des sociétés Owens et Luxury 1850 dans toutes les instances liées à la procédure judiciaire ;
Il doit être constaté que le texte de l'article L641-9 II précité ne qualifie pas la nécessité de désigner un mandataire en lieu et place des dirigeants sociaux d'impérative et ne la limite pas à des situations de vacance ou de trouble manifestement illicite ;
Il apparaît en l'espèce que les deux sociétés ont un même et unique gérant, Mme [Y], même si la SA Owenshill est également co-gérante de la SCI Owens, et ce alors que les intérêts de ces deux sociétés sont divergents voire opposés ; les différentes décisions judiciaires versées aux débats et aujourd'hui définitives, permettent en outre de constater les conflits majeurs qui opposent les associés des deux sociétés ; ces associés, personnes morales, ont pour bénéficiaires économiques messieurs [S] et [B], eux-mêmes évidemment en conflit, alors que Mme [Y] ne conteste pas être en lien affectif avec M. [B] ce qui ne saurait lui permettre d'assurer avec objectivité les intérêts des sociétés dont elle est la gérante ;
Les mêmes décisions font apparaître que les décisions de Mme [Y] ne traduisent pas un simple désaccord avec les organes de la procédure collective mais une difficulté à faire prévaloir les intérêts des sociétés dont elle est la gérante ; ainsi en est-il des paiements effectués en période suspecte au détriment des deux sociétés et au bénéfice de sociétés (Vonston et Octopussy Realty) dont le bénéficiaire économique est M. [B], paiements annulés judiciairement ;
De même Mme [Y], en qualité de représentante de la SCI Owens, dès après la fin de mission du mandataire désigné par l'ordonnance sur requête ayant donné lieu au jugement déféré, a-t-elle interjeté appel de l'ordonnance du juge commissaire ayant ordonné la vente du chalet Mowgli, dont il est pourtant établi qu'en sa qualité d'exploitante par la société Luxury 1850, elle n'a pas réglé régulièrement les loyers et n'a pas permis l'entretien de ce bien, inexploitable en l'état, l'appel ayant été interjeté aux côtés de la société Owens Invest dont le bénéficiaire économique est M. [B] ;
L'ensemble de ces éléments caractérise la nécessité de désigner un mandataire en lieu et place de la dirigeante, pour exercer les droits propres des sociétés Owens et Luxury 1850 dans toutes instances liées à la procédure de liquidation judiciaire et il convient en conséquence de confirmer la décision déférée ;
Mme [Y] supportera la charge des dépens et versera à la Selarl Etude Bouvet & Guyonnet la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 29 décembre 2023 par la présidente du tribunal judiciaire d'Albertville ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [T] [Y] à payer à la Selarl Etude Bouvet & Guyonnet, en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Owens et de la SARL Luxury 1850, la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [Y] aux dépens d'appel.
Arrêt de Défaut rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 25 mars 2025
à
Me Pascale MASOERO
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
Copie exécutoire délivrée le 25 mars 2025
à
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
N° Minute
1C25/150
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 25 Mars 2025
N° RG 24/00438 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HOIM
Décision attaquée : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBERTVILLE en date du 29 Décembre 2023
Appelante
Mme [T] [Y], demeurant [Adresse 3] SUISSE
Représentée par Me Pascale MASOERO, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
Intimées
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET & GUYONNET ès qualités de Liquidateur judiciaire de la SCI OWENS, dont le siège social est situé [Adresse 1]
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocats au barreau de CHAMBERY
S.E.L.A.R.L. AJ UP, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Sans avocat constitué
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 18 Novembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 janvier 2025
Date de mise à disposition : 25 mars 2025
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
Par requête en date du 2 août 2022 la SELARL Etude Bouvet & Guyonnet, en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Owens et de la SARL Luxury 1850, a sollicité du président du tribunal judiciaire d'Albertville la désignation d'un mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850, avec mission d'exercer leurs droits propres dans toutes instances liées à la procédure de liquidation judiciaire.
Par ordonnance en date du 23 août 2022, il a été fait droit à cette demande et la SELARL AJ UP, en la personne de maître [P] [Z], a été désignée en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850 pour l'exercice de leurs droits propres dans toutes instances liées à la procédure de liquidation judiciaire, et ce pour une durée d'un an.
Par acte de commissaire de justice en date du 13 juillet 2023, Mme [T] [Y], en sa qualité de gérante de la société Luxury 1850, a assigné la SELARL Etude Bouvet & Guyonnet et la SELARL AJ UP devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Albertville, aux fins de rétractation de cette ordonnance.
Par ordonnance réputée contradictoire du 29 décembre 2023, le juge des référés a :
- Déclaré recevable l'action en rétractation intentée par Mme [Y], en sa qualité de gérante de la société Luxury 1850 ;
- Dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance du 23 août 2022 désignant la société AJ UP en la personne de Me [Z] comme mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850 ;
- Rejeté les autres demandes ;
- Condamné Mme [Y] aux dépens.
La décision retient notamment que l'ordonnance comme la requête visent les motifs commandant de déroger au principe du contradictoire et sont par ailleurs bien fondées compte tenu de la confusion entre les intérêts personnels des dirigeants et les intérêts des sociétés.
Par déclaration au greffe du 27 mars 2024, Mme [Y] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :
- Dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance du 23 août 2022 désignant la société AJ UP en la personne de Me [Z] comme mandataire ad hoc des sociétés Owens et Luxury 1850 ;
- Condamné Mme [Y] aux dépens.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 4 juin 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme [Y] demande à la cour de :
- Infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 29 décembre 2023 par le président du tribunal judiciaire d'Albertville ;
Et, statuant de nouveau,
- Rétracter dans sa totalité l'ordonnance rendue le 23 août 2022 à la requête de l'Etude Bouvet & Guyonnet, en qualité de liquidateur judiciaire d'Owens et Luxury 1850 ;
- Condamner l'Etude Bouvet & Guyonnet aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [Y] fait notamment valoir que :
' Rien ne légitimait, au cas d'espèce, qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, dont la violation ne peut être régularisée a posteriori dans le cadre de l'instance en rétractation ;
' Ni l'ordonnance, ni la requête sur laquelle elle s'appuie ne contiennent de motivation spécifique quant aux raisons justifiant que l'ensemble des parties intéressées à débattre de l'utilité et du bien-fondé de la mesure sollicitée n'aient pas été appelées et qu'ainsi aucune circonstance justifiant la dérogation à la contradiction n'a été caractérisée, cette circonstance ne pouvant résulter de la seule urgence ;
' La démonstration d'un grief n'est pas une condition nécessaire à la recevabilité de la demande de rétractation ;
' Rien ne justifie sur le fond la nécessité d'une telle désignation qui répond à des conditions strictes tenant à la défaillance ou la vacance de la direction ou à l'existence d'un trouble manifestement illicite dans l'exercice de cette direction, aucune de ces conditions n'étant remplie en l'espèce ;
' Les décisions judiciaires passées, qui avaient justifié la désignation d'un administrateur provisoire, ne peuvent fonder la désignation d'un mandataire ad hoc, leurs missions étant différentes.
Par dernières écritures du 1er juillet 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SELARL Etude Bouvet & Guyonnet demande à la cour de :
- Confirmer l'ordonnance de référé du 29 décembre 2023 ;
- Débouter Mme [Y] de toutes ses prétentions et demandes ;
En tout état de cause,
- Condamner Mme [Y] à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [Y] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :
' Le liquidateur judiciaire n'a pas entendu priver de ses droits propres la dirigeante en général, en toute responsabilité, il n'a pu que prendre acte des réalités existantes et des blocages pouvant être constitués au titre des droits propres ouverts à chacun des débiteurs dont les associés et les bénéficiaires effectifs sont en conflit, dès lors, la requête aux fins de voir désigner un mandataire ad hoc pour représenter les sociétés Owens et Luxury 1850 s'imposait ;
' Que tant l'urgence que la divergence des intérêts entre les dirigeants commandaient de procéder par voie d'ordonnance sur requête et que Mme [Y] a pu, sur le fondement de l'article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, instaurer le contentieux et la discussion contradictoire qui n'avait pas pu avoir lieu auparavant, de sorte que la contradiction a donc été rétablie ;
' Mme [Y] ne démontre pas que l'ordonnance du 23 août 2022 lui ait fait grief ni qu'elle ait porté préjudice aux sociétés qu'elle gère ;
' L'ordonnance du 23 août 2022 était provisoire, elle a épuisé ses effets au 23 août 2023, il n'y a donc plus lieu à rétractation de l'ordonnance, faute d'objet ;
' Contrairement à ce que Mme [Y] invoque, le texte de l'article L. 641-9 II du code de commerce n'a jamais été limité aux cas de vacances de la gérance par maladie, disparition etc., et s'applique à d'autres situations, dont celle du cas d'espèce liée à son attitude qui met en péril les intérêts des sociétés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance du 18 novembre 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 6 janvier 2025.
Motifs de la décision
En application des dispositions de l'article L 641-9 du code de commerce, « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. (')
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public. » ;
Ces dispositions fixent les voies procédurales permettant la désignation d'un mandataire dans une telle hypothèse ; la dérogation au principe de la contradiction est donc en l'espèce autorisée par la loi elle-même et le requérant est fondé sinon contraint, d'agir par voie de requête sans avoir à démontrer l'existence de circonstances justifiant que la mesure sollicitée ne soit pas prise contradictoirement ;
Le juge saisi, comme le juge de la rétractation, n'est dès lors tenu de vérifier que la réunion des conditions prévues par la loi pour ordonner la mesure sollicitée sans avoir à caractériser les circonstances exigeant la dérogation au contradictoire, cette obligation ne s'imposant à lui que dans l'hypothèse où la loi ne prévoit pas une telle dérogation, cas des requêtes dites générales ou innommées ;
En conséquence, les moyens tendant à l'infirmation pour violation non justifiée du contradictoire, sont sans effet ;
Au fond, Mme [Y] soutient qu'aucune nécessité ne commandait de désigner un mandataire en ses lieu et place pour assurer les droits propres des sociétés Owens et Luxury 1850 dans toutes les instances liées à la procédure judiciaire ;
Il doit être constaté que le texte de l'article L641-9 II précité ne qualifie pas la nécessité de désigner un mandataire en lieu et place des dirigeants sociaux d'impérative et ne la limite pas à des situations de vacance ou de trouble manifestement illicite ;
Il apparaît en l'espèce que les deux sociétés ont un même et unique gérant, Mme [Y], même si la SA Owenshill est également co-gérante de la SCI Owens, et ce alors que les intérêts de ces deux sociétés sont divergents voire opposés ; les différentes décisions judiciaires versées aux débats et aujourd'hui définitives, permettent en outre de constater les conflits majeurs qui opposent les associés des deux sociétés ; ces associés, personnes morales, ont pour bénéficiaires économiques messieurs [S] et [B], eux-mêmes évidemment en conflit, alors que Mme [Y] ne conteste pas être en lien affectif avec M. [B] ce qui ne saurait lui permettre d'assurer avec objectivité les intérêts des sociétés dont elle est la gérante ;
Les mêmes décisions font apparaître que les décisions de Mme [Y] ne traduisent pas un simple désaccord avec les organes de la procédure collective mais une difficulté à faire prévaloir les intérêts des sociétés dont elle est la gérante ; ainsi en est-il des paiements effectués en période suspecte au détriment des deux sociétés et au bénéfice de sociétés (Vonston et Octopussy Realty) dont le bénéficiaire économique est M. [B], paiements annulés judiciairement ;
De même Mme [Y], en qualité de représentante de la SCI Owens, dès après la fin de mission du mandataire désigné par l'ordonnance sur requête ayant donné lieu au jugement déféré, a-t-elle interjeté appel de l'ordonnance du juge commissaire ayant ordonné la vente du chalet Mowgli, dont il est pourtant établi qu'en sa qualité d'exploitante par la société Luxury 1850, elle n'a pas réglé régulièrement les loyers et n'a pas permis l'entretien de ce bien, inexploitable en l'état, l'appel ayant été interjeté aux côtés de la société Owens Invest dont le bénéficiaire économique est M. [B] ;
L'ensemble de ces éléments caractérise la nécessité de désigner un mandataire en lieu et place de la dirigeante, pour exercer les droits propres des sociétés Owens et Luxury 1850 dans toutes instances liées à la procédure de liquidation judiciaire et il convient en conséquence de confirmer la décision déférée ;
Mme [Y] supportera la charge des dépens et versera à la Selarl Etude Bouvet & Guyonnet la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 29 décembre 2023 par la présidente du tribunal judiciaire d'Albertville ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [T] [Y] à payer à la Selarl Etude Bouvet & Guyonnet, en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Owens et de la SARL Luxury 1850, la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Mme [T] [Y] aux dépens d'appel.
Arrêt de Défaut rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 25 mars 2025
à
Me Pascale MASOERO
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
Copie exécutoire délivrée le 25 mars 2025
à
la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN