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Décisions

CA Grenoble, ch.secu-fiva-cdas, 20 mars 2025, n° 23/02749

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/02749

20 mars 2025

C6

N° RG 23/02749

N° Portalis DBVM-V-B7H-L5BE

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ACO

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 20 MARS 2025

Appel d'une décision (N° RG 22/00436)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence

en date du 23 mars 2023

suivant déclaration d'appel du 5 juin 2023 (N° RG 23/02129)

déclaration d'appel rectificative le 18 juillet 2023 (N° RG 23/02749)

jonction le 11 septembre 2023 des 2 affaires sous le N° RG 23/02749

APPELANTES :

L'URSSAF AUVERGNE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

représentées par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE

INTIME :

Monsieur [H] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Florence BAILE de la SELARL EIDJ-ALISTER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Cécile DAMEZ-MERTENS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

En présence de Mme [K] [Z], Greffier stagiaire et de Mme [X] [P], Attachée de justice,

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 décembre 2024,

Mme Elsa WEIL, Conseiller chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par courrier en date du 15 décembre 2017, M. [H] [J] a reçu un appel de cotisation pour la cotisation subsidiaire maladie (CSM) dite Puma au titre de l'année 2016 pour un montant de 75 011 €.

En l'absence de paiement de sa part, l'URSSAF lui a délivré le 24 avril 2019, une mise en demeure datée du 17 avril 2019.

M. [H] [J] a saisi la commission d'action sociale le 11 juin 2019, en contestation de cet appel de cotisation, cette dernière rejetant son recours le 13 mars 2020.

Par signification du 18 août 2022, l'URSSAF lui a fait délivrer une contrainte datée du 12 août 2022 aux fins d'obtenir le règlement des cotisations CSM afférentes au 4ème trimestre 2016 d'un montant de 75 011 €.

M. [H] [J] a formé opposition à cette contrainte devant le tribunal judiciaire de Valence le 2 septembre 2022.

Par jugement en date du 23 mars 2023, le pôle social du Tribunal Judiciaire de Valence a :

- annulé la contrainte du 12 août 2022, par suite de l'irrégularité de l'appel de cotisations du 15 décembre 2017,

- jugé n'y avoir lieu à annulation dudit appel de cotisations, de l'avis amiable du 19 mars 2019, ainsi que de la mise en demeure du 17 avril 2019,

- débouté l'URSSAF Auvergne de l'intégralité de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes respectives d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'URSSAF Auvergne aux dépens, en ce compris les frais de signification.

Le 5 juin 2023, l'URSSAF Auvergne a interjeté appel de cette décision pour son compte et celui de M. [H] [J]. Le 18 juillet 2023, l'URSSAF Rhône Alpes a formé un appel rectificatif pour apparaître comme le seul appelant.

Une ordonnance de jonction entre les deux procédures a été prononcée le 11 septembre 2023.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 12 décembre 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 20 mars 2025.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

L'URSSAF Auvergne, selon ses conclusions d'appel responsives et récapitulatives, déposées le 23 octobre 2024, et reprises à l'audience demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [H] [J] de ses demandes,

- valider la contrainte du 12 août 2022 et signifiée le 18 août 2022 pour un montant de 75011 €,

- condamner M. [H] [J] au paiement de cette somme ainsi qu'au frais de signification de cette contrainte,

- condamner M. [H] [J] à lui verser la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] [J] aux entiers dépens.

L'URSSAF Auvergne soutient que son appel du 5 juin 2023 contient une erreur de forme qui ne cause aucun grief à M. [H] [J] et qui a été régularisé le 18 juillet 2023. En ce qui concerne cette deuxième déclaration d'appel, elle indique que les deux procédures ayant été jointe la présente procédure concerne tant l'Urssaf Auvergne que l'Urssaf Rhône Alpes, cette deuxième ayant été mentionnée à la suite d'une erreur de plume.

Sur le fond, elle indique que M. [H] [J] est redevable de la CSM, dans la mesure où il remplit toutes les conditions d'assujettissement à la cotisation Puma, l'affiliation au RSI ne constituant pas une cause d'exonération de cette cotisation. En ce qui concerne l'appel de cotisations, l'URSSAF explique que tant la mise en demeure que la contrainte visent expressément la période du 4ème trimestre 2016, ce qui a permis au cotisant de comprendre la période visée.

Par ailleurs, l'URSSAF souligne que tant la date d'appel de cotisation que la date de l'avis ont été décalés de quelques jours afin de fiabiliser l'avis d'échéance. Ainsi, elle estime que ce décalage ne cause aucun grief au cotisant, l'URSSAF disposant parallèlement de trois années pour recouvrir sa créance à compter de l'année civile au titre de laquelle elles sont dues. Elle relève qu'aucun texte ne sanctionne par la nullité le décalage dans le temps de l'envoi des cotisations et que ce dernier permet de faire courir le délai de 30 jours au terme duquel la cotisation sera exigible.

Sur les autres moyens soulevés par M. [H] [J], l'URSSAF rappelle que ce dernier est assujetti à la cotisation Puma et à la cotisation subsidiaire maladie prévue par l'article 380-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit un effet de seuil, ce texte ayant été déclaré conforme à la constitution par une décision du conseil constitutionnel du 27 septembre 2018 en renvoyant au pouvoir réglementaire de fixer le taux. Sur ce dernier point, elle souligne que le conseil d'Etat a également statué le 10 juillet 2019 sur le recours en excès de pouvoir introduit contre la circulaire du 15 novembre 2017 en rejetant ce dernier notamment en estimant la circulaire conforme au principe d'égalité devant les charges publiques prévu par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par ailleurs, elle considère que la réserve d'interprétation posée par le conseil constitutionnel renvoie au pouvoir réglementaire la possibilité de fixer les taux et les modalités de détermination de l'assiette de la cotisation de façon à ce que celle-ci n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Enfin, en ce qui concerne la protection des données personnelles, elle rappelle que l'utilisation de celles-ci transmises par la DGFIP à l'ACOSS est parfaitement légale, cette information figurant également sur son site afin que les personnes redevables puissent savoir qu'elles seront identifiées à partir des données de l'administration fiscale.

M. [H] [J], par ses conclusions d'intimée notifiées par RPVA le 22 octobre 2024, déposées le 25 novembre 2024 et reprises à l'audience demande à la cour de :

A TITRE PRINCIPAL,

- Déclarer nulle et de nul effet la déclaration d'appel régularisée par Maître Pierre-Luc Nisol le 5 juin 2023 pour le compte de Monsieur [H] [J] et l'URSSAF AUVERGNE, en l'absence de mandat de représentation pour Monsieur [H] [J], et donc l'appel irrecevable ;

- Déclarer irrecevable l'appel interjeté par l'URSSAF RHONE ALPES le 18 juillet 2023 en l'absence d'intérêt à agir de celle-ci, n'étant pas partie à la première instance et n'étant pas l'auteur de la contrainte contestée ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Valence le 23 mars 2023 ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

- Annuler la contrainte de l'URSSAF AUVERGNE du 12 août 2022 ;

- Débouter l'URSSAF RHÔNE-ALPES et l'URSSAF AUVERGNE de leur demande de condamnation de M. [H] [J] au paiement de la somme de 75 011 € au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l'année 2016 sans préjudice des majorations de retard complémentaire ;

- Débouter l'URSSAF RHÔNE-ALPES et l'URSSAF AUVERGNE de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, des frais et dépens, dont des frais de signification de la contrainte ;

- Condamner l'URSSAF AUVERGNE à payer à M. [H] [J] une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers frais et dépens, dont les frais de signification de la contrainte.

M. [H] [J] expose, à titre liminaire, que la déclaration d'appel du 5 juin 2023 est nulle car Me Nisol qui représente l'URSSAF a formé appel en son nom, alors même qu'il n'avait aucun pouvoir pour le représenter. Il considère qu'il s'agit d'un vice de fond, et qu'il n'a pas besoin de justifier d'un grief. En tout état de cause, il estime que cet appel lui fait grief puisqu'il pensait que la décision rendue par le tribunal judiciaire de Valence était devenue définitive.

De plus, il souligne que la régularisation du 18 juillet 2023 n'en est pas une puisque c'est l'URSSAF Rhône Alpes qui en est à l'origine alors qu'elle n'avait aucun intérêt à agir. A ce titre, il rappelle que les Urssaf sont des personnes de droit privé distinctes, bénéficiant de numéros de Siren différents.

A titre subsidiaire, sur le fond, M. [H] [J] soutient que la contrainte du 12 août 2022 et signifiée le 18 août 2022 est nulle car :

- l'appel de cotisation en date du 15 décembre 2017 est trop tardif, sans que le cotisant ne soit dans l'obligation de justifier d'un grief pour invoquer la nullité de cet appel,

- il n'était pas en mesure de connaitre la période à laquelle se rapportent les cotisations réclamées par l'URSSAF, puisqu'il existe une différence entre l'appel de cotisation qui mentionne l'année 2016 et les autres documents qui font référence au 4ème trimestre 2016, alors même que la somme réclamée était toujours identique.

- l'appel de cotisation ne respecte pas la réglementation en matière de données personnelles, le décret n° 2018-392, qui a autorisé la mise en 'uvre par la DGFIP d'un traitement automatisé de transfert de données à caractère personnel à destination de l'ACOSS, n'ayant été publié que le 24 mai 2018. Or, il relève que l'URSSAF ne l'a pas informé de la transmission de ses données personnelles par l'administration fiscale, conformément aux dispositions de l'article 32 de la LIL.

- l'absence de décret prévoyant un plafonnement de la CSM est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques. Ainsi il explique que par une décision du 27 septembre 2018 (n° 2018-735), le Conseil Constitutionnel a émis une réserve d'interprétation concernant la CSM et que selon celui-ci, le pouvoir règlementaire devait fixer le taux de la contribution et ses modalités de détermination de l'assiette de façon à ce que la cotisation n'entraine pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Or, aucune mesure de plafonnement n'a été prévue pour l'année 2016, ce qui constitue, selon lui, une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la nullité de la déclaration d'appel :

1. L'article 901 du code de procédure civile dispose que ' la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.

2. En l'espèce, l'URSSAF Auvergne a formé appel le 5 juin 2023 contre la décision rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence le 23 mars 2023, tant en son nom que pour le compte de son adversaire, M. [H] [J]. Dès lors, dans la mesure où l'appel a été formé pour le compte de l'URSSAF, la désignation par cette dernière de M. [H] [J] également en qualité d'appelant, est manifestement une erreur matérielle qui ne saurait être analysée en une nullité de fond.

Par ailleurs, informée par le greffe de cette erreur, l'appelante a souhaité rectifier cet appel initial afin de faire apparaître M. [H] [J] en qualité d'intimé. Ce faisant, une nouvelle erreur a été commise l'appel étant formé au nom de l'URSSAF Rhône-Alpes alors que l'URSSAF présent dans la cause était l'URSSAF Auvergne.

M. [H] [J] estime que les URSSAF étant des personnes de droit privées distinctes, l'URSSAF Rhône-Alpes ne pouvait agir pour le compte de l'URSSAF Auvergne. Toutefois, par ordonnance en date du 11 septembre 20223, les deux procédures ont été jointes, les deux URSSAF se trouvant désormais l'une et l'autre dans la cause.

Au demeurant, la première déclaration d'appel n'étant affectée que d'une erreur matérielle, la déclaration rectificative n'a pas de conséquence sur la régularité de la déclaration d'appel initiale.

Les deux moyens de M. [H] [J] seront donc écartés et la déclaration d'appel formée le 5 juin 2023 sera déclarée recevable.

Sur le fond :

3. A titre liminaire la cour rappelle que les textes relatifs à la cotisation subsidiaire maladie applicables au présent litige sont les suivants :

' L'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er janvier 2019 prévoyait que les personnes mentionnées à l'article L. 160-1 sont redevables d'une cotisation annuelle lorsqu'elles remplissent les conditions suivantes :

1° Leurs revenus tirés, au cours de l'année considérée, d'activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret ; en outre, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d'activités professionnelles exercées en France de l'autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;

2° Elles n'ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d'allocation de chômage au cours de l'année considérée ; il en est de même, lorsqu'elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l'autre membre du couple.

Cet article prévoyait également que la cotisation est recouvrée l'année qui suit l'année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d'État ; et que les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l'établissement de l'impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 380-2, conformément à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.

L'article R. 380-4 du même code, dans sa version en vigueur depuis le 06 mai 2017, dispose que la cotisation mentionnée à l'article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l'année suivant celle au titre de laquelle elle est due, et elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. Il prévoit également que, au plus tard à l'issue de ce délai, l'assuré qui estime que le montant appelé ne tient pas compte de manière exacte de sa situation ou de ses revenus peut s'acquitter du montant de la cotisation dont il estime être redevable sur la base de tout élément probant qu'il communique à l'organisme chargé du recouvrement .

4. En l'espèce, M. [H] [J] ne conteste plus devoir être assujetti à la cotisation subsidiaire maladie, le jugement de première instance ayant d'ailleurs rappelé qu'au regard de ses revenus issus de son capital et de son patrimoine, il était redevable de celle-ci, mais il critique uniquement les modalités par lesquelles celle-ci lui est réclamée.

Sur l'envoi tardif des appels de cotisations :

5. M. [H] [J] estime que par application de l'article R 380-4 du code de la sécurité sociale, l'URSSAF aurait dû appeler au plus tard la cotisation le 30 novembre 2017, et que l'appel fait le 15 décembre 2017 est prescrit ce qui ne lui permet plus de recouvrer celle-ci.

La Cour de cassation considère, cependant, que le non-respect par l'organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l'article R. 380-4 a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Civ. 2ème, 6 janvier 2022, n° 20-16.379, et plus récemment Civ 2ème 25 avril 2024, n°22-13481). Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette position : le texte cité ne prévoit aucune sanction au non-respect du délai en termes de nullité ou forclusion de l'appel à cotisation ; la prévision du délai de l'appel à cotisation est immédiatement suivie d'une disposition visant le caractère exigible de la cotisation dans les trente jours de l'appel, donc au plus tard le 30 décembre, le dépassement du délai prévu entraînant par conséquent le seul report de l'exigibilité et du point de départ de calcul des majorations de retard, ce qui ne saurait faire grief au cotisant comme le souligne l'URSSAF.

Par ailleurs, il convient de rappeler que les cotisations de sécurité sociale sont portables et non quérables. De ce fait, il appartenait au cotisant de s'acquitter spontanément de sa dette de cotisation et, comme le rappelle la cour de cassation, seul un appel de cotisation postérieur à l'expiration du délai de prescription s'opposerait à la mise en recouvrement de la cotisation.

Le moyen sera donc écarté et le jugement infirmé.

Sur la connaissance des périodes visées par l'appel de cotisations :

6. L'article R 244-1 du code de la sécurité sociale pris en application dans sa rédaction applicable pour la même période dispose que :

' L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement est établi en application des dispositions de l'article L. 243-7, le document mentionne au titre des différentes périodes annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre d'observations corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l'agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d'observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l'agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l'article R. 243-59 figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant qui fait l'objet de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article R. 133-2, la prescription des actions mentionnées aux articles L. 244-7 et L. 244-11 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif .

7. En l'espèce, M. [H] [J] considère que, l'appel de cotisations visant comme période l'année 2016 alors que la mise en demeure, ainsi que la contrainte, font état du 4ème trimestre 2016, il n'a pas été mis en mesure de comprendre le montant des sommes réclamées.

L'article R 380-4 du code de la sécurité sociale relatif à l'appel de cotisation, cependant, ne fait pas état d'exigences particulières quant au montant à la nature et à la cause de l'appel de cotisation à la différence de celui concernant la mise en demeure. En ce qui concerne cette dernière, elle fait suite à un avis amiable daté du 19 mars 2019 dans lequel l'URSSAF précisait déjà la période visée, soit du 1er octobre 2016 au 31 décembre 2016 ainsi que le motif du recouvrement, et le montant des cotisations (pièce 4 de l'intimé).

Par ailleurs la mise en demeure daté du 17 avril 2016 (pièce 5 de l'intimé) précise :

- la cause : recouvrement pour absence de versement,

- la nature des sommes dues : cotisation subsidiaire maladie,

- les montants et périodes en précisant s'il s'agit de cotisations, de pénalités ou de majorations de retard ;

- les éventuels versements enregistrés.

Dès lors, M. [H] [J] a bien eu connaissance de la cause de la nature et du montant des sommes qui lui sont réclamées par cette contrainte (pièce 7 de l'intimé), qui reprend les éléments de la mise en demeure et qui satisfait aux exigences de motivation des article L 244-2 et R 244-1 du code de la sécurité sociale.

Le moyen sera donc écarté.

Sur le respect de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 :

8. La cour constate que les deux avis de la CNIL (Délibération n° 2017-250 du 14 septembre 2017 portant avis sur un projet de décret portant création d'un traitement automatisé de transfert de données fiscales relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ; Délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret autorisant la mise en 'uvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale et d'un traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la prise en charge des frais de santé et modifiant le décret n° 2015-390 du 3 avril 2015) et le texte réglementaire relatifs au traitement et au transfert des données entre les administrations par la création d'un système au niveau de l'ACOSS (Décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 autorisant la mise en 'uvre d'un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, d'un traitement de données à caractère personnel destiné au contrôle de la résidence et modifiant le décret n° 2015-390 du 3 avril 2015, qui ' autorise également la création d'un traitement de données à caractère personnel dénommé ' Contrôle de la condition de résidence par les organismes de sécurité sociale , qui a pour objet la transmission par l'administration fiscale aux organismes d'assurance maladie concernés des données nécessaires au contrôle du respect des critères de prise en charge des frais de santé au titre de la protection universelle maladie ont bien précédé le premier appel à cotisation, daté du 15 décembre 2017 (pièce 1 de l'intimé), sans que la parution ultérieure de l'un des deux avis de la CNIL n'ait de conséquence sur la régularité du décret du 3 novembre 2017, cette communication de données ayant par ailleurs été prévue par l'article L. 380-2.

Le décret n° 2018-392 du 24 mai 2018 portant création d'un traitement automatisé de transfert de données relatives aux redevables de la cotisation annuelle prévue à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale n'a fait qu'ajouter un traitement automatisé permettant de transférer à l'ACOSS les données fiscales nécessaires à la détermination de l'assiette sociale et au calcul de la cotisation subsidiaire maladie des personnes et spécialement issues des formulaires fiscaux de déclaration de revenus n° 2042 (déclaration des ' particuliers ) nécessaires à l'ACOSS pour la détermination de l'assiette sociale et le calcul de la CSM des personnes qui y sont assujetties. Il ne s'agissait donc pas d'une régularisation a posteriori des transferts accomplis précédemment entre la DGFIP et l'ACOSS et les URSSAF.

Au surplus, en ce qui concerne le défaut d'information évoqué par M. [H] [J], l'article R. 112-2 prévoit que, avec le concours des organismes de sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale prend toutes mesures utiles afin d'assurer l'information générale des assurés sociaux. Il est constant que cette obligation générale d'information dont les organismes de sécurité sociale sont débiteurs envers les assurés ne leur impose, en l'absence de demande de ceux-ci, ni de prendre l'initiative de les renseigner sur leurs droits éventuels, ni de porter à leur connaissance des textes publiés au Journal officiel de la République française. Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'URSSAF a procédé à une campagne d'information générale sur son site internet, comme il n'est pas contesté que l'organisme a également procédé à des envois de courriers informatifs en novembre 2017.

Les moyens de M. [H] [J] doivent donc également être ici rejetés

Sur la réserve d'interprétation :

9. M. [H] [J] soutient que le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2018-735 du 27 septembre 2018, qui s'impose aux autorités juridictionnelles et doit être appliquée directement, a jugé que les modalités de calcul de la CSM entrainent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il estime que l'effet combiné de la fixation d'un seuil d'assujettissement, d'un abattement sur les revenus du capital, de l'absence de plafonnement de l'assiette de la cotisation ou de son montant et d'un taux de 8 % arbitraire crée une telle rupture d'égalité et elle cite deux exemples chiffrés.

L'URSSAF réplique que le Conseil constitutionnel a validé la conformité à la Constitution de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale relatif à la CSM, en émettant juste une réserve d'interprétation pour l'avenir afin que le pouvoir réglementaire fixe le taux et les modalités de détermination de l'assiette de la CSM de façon à éviter une rupture caractérisée de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. Elle ajoute que seul le Conseil d'État serait compétent pour apprécier la validité des décrets pris en application de la loi du 21 décembre 2015, et qu'il a d'ailleurs rejeté un tel recours contre le dispositif réglementaire de la CSM par une décision du 10 juillet 2019. L'URSSAF écarte l'application de la réserve de manière rétroactive du fait qu'elle s'adresse aux autorités de l'État sans que le Conseil constitutionnel ne prévoie une telle rétroactivité.

10. La cour entend rappeler que les dispositions de l'article L. 380-2 ont été déclarées conformes à la Constitution, le point n° 19 de la décision du Conseil constitutionnel disposant juste que : ' Enfin, la seule absence de plafonnement d'une cotisation dont les modalités de détermination de l'assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n'est pas, en elle-même, constitutive d'une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Le point n° 21 conclut ensuite que : ' Il résulte de tout ce qui précède que la première phrase du 1° et, sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant les charges publiques, ni celui d'égalité devant la loi.

Par ailleurs, ainsi que le souligne l'URSSAF, le Conseil constitutionnel n'a pas estimé que les dispositions litigieuses au cours de la période antérieure à sa décision causaient une rupture d'égalité devant les charges publiques, n'a pas déclaré que ces dispositions (mises en application notamment par un décret du 19 juillet 2016) étaient rétroactivement non conformes à la Constitution, et n'a pas aménagé dans le temps les effets de sa décision : il a seulement prévu une réserve d'interprétation qui ne vaut dès lors que pour l'avenir.

Enfin, au regard du litige soumis à la cour, M. [H] [J] se prévaut de considérations générales, mais ne justifie à aucun moment de manière précise en quoi il aurait été victime d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, ni d'un défaut d'équité qui aurait découlé du changement ultérieur de la réglementation sur le taux et les modalités de calcul de l'assiette de la cotisation, et il ne réalise aucune comparaison entre les deux réglementations appliquées à sa situation personnelle.

Le moyen relevant une inconstitutionnalité des dispositions dont l'URSSAF revendique l'application est donc infondé.

11. Dès lors, l'ensemble des moyens soulevés par M. [H] [J] ayant été écartés, la contrainte du 12 août 2022, signifiée le 18 août 2022 pour un montant de 75011 € sera validée et M. [H] [J] condamné au paiement de cette somme au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l'année 2016 ainsi qu'aux frais de signification de la contrainte.

12. Succombant à l'instance, M. [H] [J] sera condamné au paiement des dépens ainsi qu'à verser la somme de 3000€ à l'URSSAF Auvergne au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi, :

DÉCLARE la déclaration d'appel de l'URSSAF Auvergne recevable,

INFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Valence du 23 mars 2023,

Et statuant à nouveau,

VALIDE la contrainte du 12 août 2022, signifiée le 18 août 2022 pour un montant de 75 011 €,

CONDAMNE M. [H] [J] à payer à l'URSSAF Auvergne une somme de 75 011 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie pour l'année 2016,

CONDAMNE M. [H] [J] au paiement des frais de signification de la contrainte,

CONDAMNE M. [H] [J] à verser à l'URSSAF Auvergne la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [H] [J] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par Mme [Z], Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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