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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 25 mars 2025, n° 23/02972

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/02972

25 mars 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 25 MARS 2025

(n° / 2025, 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/02972 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHDPX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 décembre 2022 -Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 20/08716

APPELANTE

Madame [K] [F], anciennement administrateur provisoire des sociétés civiles PHARMATOP et NEWPHARM, désignée à ces fonctions par ordonnance présidentielle du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES du 18 avril 2014,

De nationalité française

Demeurant [Adresse 11]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

MAROC

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Assistée de Me Yves-Marie LE CORFF de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R044,

INTIMÉS

Monsieur [G] [H]

Né le [Date naissance 5] 1948 à [Localité 12] (59)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Stéphanie DELACHAUX, avocate au barreau de PARIS, toque : E1811,

Assisté de Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS,

SCI PHARMATOP, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de VERSAILLES sous le numéro 407 552 702, dont le siège social est situé [Adresse 1], représentée par la SELARL P2G, prise en la personne de Maître [Z] [C], en qualité de liquidateur amiable,

C/O SELARL P2G

Dont le siège social est situé [Adresse 6]

[Localité 8]

SCI NEWPHARM, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de VERSAILLES sous le numéro 344 260 161, dont le siège social est situé [Adresse 1], représentée par la SELARL P2G, prise en la personne de Maître [Z] [C], en qualité de liquidateur amiable,

C/O SELARL P2G

Dont le siège social est situé [Adresse 6]

[Localité 8]

Madame [S] [P] dont le nom d'usage est [V], élisant domicile au cabinet de son conseil,

Née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9] (MAROC)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 13]

[Localité 3]

[Localité 10]

SUISSE

Représentées par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945,

Assistées de Me Frédéric MAURY, avocat au barreau de PARIS, toque : E1054,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2024, en audience publique, devant la cour, composée de :

Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Mme Constance LACHEZE, conseillère,

Monsieur François VARICHON, conseiller,

Qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Les sociétés civiles de recherche Newpharm et Pharmatop ont été créées en 1988 et 1996 pour exercer une activité de développement de produits pharmaceutiques, cosmétologiques et chimiques, notamment par l'exploitation de brevets en pharmacologie aux Etats-Unis, au Mexique et au Japon. Elles ont pour associés et fondateurs

Mme [S] [P] [V] et M. [G] [H] qui en a également été le gérant.

En mars 2014, un désaccord est survenu entre associés à l'occasion du renouvellement du mandat de gérant de M. [H] et, sur requêtes conjointes et par deux ordonnances du 18 avril 2014, le président du tribunal de grande instance de Versailles a désigné Me [K] [F] en qualité d'administrateur provisoire des sociétés Newpharm et Pharmatop avec pour mission principalement de gérer, d'administrer et de représenter les sociétés, conformément aux statuts et aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, et sous sa responsabilité.

Fin 2014, il était décidé de céder les éléments d'actif composés de brevets en pharmacologie et dans l'attente d'un accord des associés sur les modalités de cette cession -accord qui sera trouvé le 24 décembre 2015-, de la réalisation d'audits des brevets et de l'élaboration de la documentation juridique, les sociétés Newpharm et Pharmatop ont continué à percevoir les redevances des brevets sur deux de leurs comptes bancaires ouverts auprès du CIC et libellés pour l'un en dollars américains et pour l'autre en yens japonais.

Le 5 mai 2017, les brevets ont été cédés à une société de droit américain dénommée New Pharmatop L.P. au prix de 173 076 000 dollars américains. Après déduction de redevances intercalaires, le solde du prix de cession de 138 672 980 dollars a été viré, en dollars américains, sur le compte de l'étude de Me [F] ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations (la CDC) le 19 septembre 2017.

Le 21 septembre 2017, il a été procédé à la conversion de cette somme en euros pour 115 368 535 euros selon le cours de change à cette même date.

La mission de Me [F] a été prorogée à sa demande jusqu'au 31 janvier 2018, date à laquelle Me [F] a cessé ses activités professionnelles et les associés des sociétés Newpharm et Pharmatop ont décidé leurs dissolutions anticipées suivies de leurs liquidations amiables. Par décision du 12 mars 2018, les associés ont nommé la SELARL AJ Associés en la personne de Me [Z] [C] en qualité de liquidateur amiable de ces sociétés à compter du 1er février 2018.

Arguant d'une perte de change entre le 19 et le 21 septembre 2017 qu'ils chiffrent à la somme de 1 542 767 dollars, les sociétés Pharmatop et Newpharm, représentées par leur liquidateur amiable, Mme [V] et M. [H] ont saisi le tribunal judiciaire de Paris le 31 août 2020 aux fins de voir engager la responsabilité civile professionnelle de Me [F] et la garantie de la Caisse de garanties des administrateurs judiciaire et des mandataires judiciaires.

Par jugement du 07 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

- déclaré recevable l'action engagée à l'encontre de Me [F] à titre personnel ;

- déclaré le jugement commun à Mme [V] et à M. [H] ;

- condamné Me [F] à payer aux sociétés Pharmatop et Newpharm la somme de 1 395 093,34 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 aout 2020 ;

- débouté M. [H] de sa demande additionnelle de dommages et intérêts ;

- débouté Me [F] de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamné Me [F] aux dépens recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamné Me [F] à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 3 000 euros aux sociétés Pharmatop et Newpharm ainsi qu'à Mme [V] prises ensemble et la somme totale de 3 000 euros à M. [H] ;

- condamné les demandeurs à payer à la Caisse de garanties des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires la somme de 3 000 euros de ce même chef.

Le tribunal, après avoir rappelé que Me [F] avait bien pour mandat de signer l'acte de cession des actifs et d'en percevoir le prix, a estimé qu'il lui appartenait de verser les fonds sur un compte en dollars dont elle avait le contrôle, qu'au lieu de cela les fonds ont été versés sur un compte en euros, imposant une conversion, alors qu'elle n'avait pas reçu mandat pour cela et qu'elle n'avait pas demandé l'autorisation aux associés cédants. Le tribunal en a déduit qu'il s'agissait d'un manquement à son devoir de diligence et d'information constitutif d'une faute engageant sa responsabilité et a réparé le préjudice matériel en découlant par l'octroi de la somme de 1 395 093,3 euros équivalent à 1 542 767 dollars au 21 septembre 2017.

Sur les demandes additionnelles de M. [H] reprochant à l'administrateur provisoire de l'avoir contraint à souscrire une garantie à première demande avant de percevoir sa quote-part du prix de cession, il les a rejetées au motif que M. [H] avait signé le procès-verbal d'assemblée générale du 18 décembre 2017 et le protocole d'accord du 14 décembre 2017 entérinant la constitution d'une garantie à première demande des associés en contrepartie du versement de leur quote-part du prix de cession.

Par acte du 03 février 2023, Me [F] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions (n°4) remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 septembre 2024, Me [K] [F], anciennement administratrice provisoire désignée à ses fonctions par ordonnance du 18 avril 2014 demande à la cour :

- à titre principal, d'infirmer le jugement rendu le 07 décembre 2022 en toutes ses dispositions ;

- de dire irrecevable l'action engagée à son encontre par les sociétés Pharmatop et Newpharm représentées par leur liquidateur amiable, la SELARL P2G prise en la personne de Me [Z] [C], Mme [S] [P] [V] et M. [G] ;

- à titre subsidiaire, d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il l'a condamnée à payer aux sociétés Pharmatop et Newpharm la somme de 1 393 093,34 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 août 2020, ainsi que les sommes de 3 000 euros à Me [C] ès qualités, 3 000 euros à Mme [V] et 3 000 euros à M. [H] (sic) ;

- de débouter les sociétés Pharmatop et Newpharm représentées par leur liquidateur amiable, la SELARL P2G prise en la personne de Me [Z] [C], Mme [V] et

M. [H] de l'action en responsabilité civile professionnelle formée à son encontre ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande additionnelle de dommages et intérêts ;

- de débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner les intimés à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions (n°3) remises au greffe et notifiées par RPVA le 9 septembre 2024, la société Pharmatop et la société Newpharm représentées par leur liquidateur amiable Me [C] et Mme [S] [P] nom d'usage [V] demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré leur action recevable, le jugement commun a' Mme [V], condamné Me [F] a' verser aux socie'te's Pharmatop et Newpharm, représentées par leur liquidateur amiable Me [C], la somme de 1 395 093,34 euros, avec intérêts au taux légal a' compter du 31 août 2020, une indemnité procédurale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- statuant à nouveau, de débouter Me [F] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- de condamner Me [F] à payer aux sociétés Pharmatop et Newpharm, représentées par leur liquidateur amiable, Me [C] la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions (n°4) remises au greffe et notifiées par RPVA le 6 septembre 2024, M. [G] [H] demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Me [C] ès qualités, Mme [V] et lui-même recevables et fondés en leur action, condamné Mme [F] à verser à

Me [C] ès qualités la somme de 1 395 093,34 euros au titre du risque de change qu'elle a fait supporter aux sociétés qu'elle administrait ;

- d'infirmer pour le surplus le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande additionnelle ;

- de condamner Mme [F] à lui régler la somme de 600 000 euros en réparation de son entier préjudice en application de l'article 1240 du code civil, majorée des intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir ;

- de débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- de la condamner en tous les dépens, outre à lui régler une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée le jour de l'audience.

SUR CE,

- Sur la recevabilité de l'action

Me [F] soutient que pour valablement rechercher sa responsabilité professionnelle sur le fondement de l'article 1240 du code civil, elle devait être mise en cause à titre personnel, ce qui n'a pas été le cas, l'acte introductif d'instance ayant été délivré à « Maître [K] [F] anciennement administrateur provisoire des sociétés civiles PHARMATOP et NEWPHARM, désignée à ces fonctions par ordonnance présidentielle du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES du 18 avril 2014 » que ce soit devant le tribunal ou devant la cour d'appel, que dès lors elle ne peut pas faire l'objet d'une condamnation sans avoir été entendue ou appelée de sorte que l'action n'est pas recevable.

M. [H] rappelle que ce moyen a été soulevé d'office par le tribunal mais non par

Me [F] en première instance et il affirme qu'elle a été assignée à titre personnel pour des actes commis dans le cadre du mandat d'administrateur provisoire qui lui était confié et non ès qualités, que les précisions apportées dans l'assignation font référence à ses fonctions professionnelles habituelles d'administrateur judiciaire et sont superfétatoires, que ces précisions ne sauraient conduire à considérer que sa responsabilité était recherchée ès qualités, ce qui n'aurait pas de sens car cela reviendrait à rechercher la responsabilité des sociétés Newpharm et Pharmatop.

Les sociétés Pharmatop et Newpharm ainsi que Mme [V] font valoir que

Me [F] a été assignée à titre personnel s'agissant d'une action en responsabilité civile au regard des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions, qu'elles n'ont jamais entendu mettre en cause Me [F] ès qualités, car cela aurait abouti à leur propre condamnation, que la précision selon laquelle Me [F] était « anciennement » administrateur provisoire n'équivaut pas à une mise en cause ès qualités, admettant que l'acte introductif d'instance comportait à cet égard une précision superfétatoire.

Sur ce,

A titre liminaire, il sera précisé que la fin de non-recevoir tirée de l'intérêt à agir des demandeurs, a été soulevée d'office par le tribunal à l'audience du 26 octobre 2022, la question étant de déterminer si la défenderesse avait été assignée en son nom personnel ou en sa qualité d'administrateur judiciaire. Après avoir relevé que Me [F] avait été attraite à la procédure « Maître [K] [F] anciennement administrateur provisoire des sociétés civiles Pharmatop et Newpharm », le tribunal a estimé qu'elle avait bien été assignée à titre personnel, et non en qualité d'administrateur judiciaire, qualité dont elle ne disposait plus au jour de la délivrance de l'assignation.

Aux termes de l'article 14 du code de procédure civile, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée.

Une action en responsabilité civile professionnelle d'un administrateur judiciaire ou d'un mandataire judiciaire n'est recevable que s'il est partie à titre personnel à l'instance.

En l'espèce, l'acte introductif de la présente instance a été délivré le 31 août 2020 à

Me [F] en ces termes : « Maître [K] [F] (') anciennement administrateur provisoire des sociétés civiles Pharmatop et Newpharm ».

La mention précitée, qui n'est pas libellée comme il est d'usage selon les termes « prise en sa qualité d'administrateur provisoire » ou « agissant en qualité d'administrateur provisoire » ne permet pas de considérer que Me [F] a été mise en cause en qualité d'administrateur provisoire des sociétés Newpharm et Pharmatop.

Il ne fait d'ailleurs pas de doute que sa responsabilité était recherchée par les sociétés et leurs associés au titre de sa responsabilité professionnelle et non ès qualités, ce qui dans cette dernière hypothèse aurait conduit à faire peser les condamnations éventuellement prononcées sur les sociétés demanderesses.

Me [F] avait au demeurant parfaitement appréhendé l'objet du litige qui était de voir sa responsabilité professionnelle engagée puisque ce n'est pas elle qui avait soulevé le moyen en première instance mais le tribunal.

C'est donc à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir, déclaré l'action recevable et par suite, dit le jugement commun a' Mme [V] et M. [H].

- Sur la responsabilité de l'administrateur provisoire relative au risque de change

Sur la faute

Les sociétés Pharmatop et Newpharm ainsi que Mme [V] font valoir que le périmètre de la mission de l'administrateur provisoire exclut les actes de disposition graves sans l'accord unanime des associés, que tant la cession d'actifs que la conversion du prix de cession comme accessoire de la vente doivent être qualifiées d'actes graves échappant à son pouvoir d'administrateur provisoire, que Me [F] a violé les termes de sa mission et les statuts de la société administrée auxquels elle devait se conformer, d'une part, en surprenant les associés en faisant verser les fonds sur son compte ouvert auprès de la CDC alors qu'elle avait le contrôle du compte de Pharmatop en dollars, et d'autre part, en passant outre l'accord unanime des associés pour tout acte de disposition grave prévu par les statuts (art. 24 et 33) ;

Elles précisent que Me [F] était informée par la CDC dès le 14 septembre 2017 donc avant le virement, que la somme de 138 672 980 dollars serait versée sur son compte en euros et ferait l'objet d'une conversion au taux de change avant de pouvoir être créditée, qu'elle n'a relayé l'information aux associés que le 21 septembre postérieurement au virement les mettant devant le fait accompli, que le 25 septembre elle leur a indiqué que le prix de cession avait été converti en euros à sa demande, qu'elle ne justifie aucunement que l'encaissement des fonds auprès de la CDC et l'exigence de leur conversion en euros aient été pour elle une obligation légale ou réglementaire, qu'elle disposait d'un compte CIC en dollars ouvert au nom de Pharmatop et fonctionnant sous sa signature, qu'un accord sur le virement des fonds sur le compte de Pharmatop était scellé dès le 29 mars 2017 comme l'avait proposé Me [F] le 29 mars 2017, que les redevances intercalaires entre décembre 2016 et le closing du 15 septembre 2017 avait été réparties en dollars américains entre les associés par le débit du compte CIC en dollars de Pharmatop, que les associés lui avaient fait part oralement et à plusieurs reprises de leur refus de procéder à la conversion du prix de cession pour éviter toute perte de change, qu'elle n'a pas respecté les règles du mandat, qu'elle ne les a pas démenties sur la possibilité et l'accord trouvé de domiciliation du prix de cession sur le compte de Pharmatop, manquant à son obligation de conseil et d'information, en n'informant pas clairement et préalablement les vendeurs que le prix devait être encaissé sur le compte de la CDC et converti en euros.

Elles ajoutent qu'une autre de ses fautes consiste à avoir communiqué le RIB de la CDC en lieu et place du RIB du compte CIC en dollars de la société Pharmatop qui fonctionnait sous sa signature, que l'acquéreur des brevets n'a jamais exigé que la CDC soit récipiendaire du prix de vente, ni de « garantie d'actif général », ni de garantie de passif, ni de garantie de garantie, ni de séquestre partiel du prix, l' Asset Purchase Agreement (APA) ayant stipulé un plafond de garantie en cas de déclarations inexactes des vendeurs à 50 millions de dollars américains, couvert par le prix de cession, que les associés ont consenti une garantie à première demande à titre de garantie des garanties sous la contrainte de

Me [F] sans quoi l'acompte sur dividendes ne leur aurait pas été versé, alors qu'aux termes de l'assemblée générale ordinaire et extraordinaire du 18 décembre 2017, les associés avaient décidé, pour assurer la solvabilité de la société Pharmatop au regard de ses engagements, que soit conservée sur le compte de Pharmatop au CIC la contrevaleur de 50 millions de dollars américains sur une période de 18 mois, puis de la contrevaleur de 25 millions de dollars US pour les 18 mois suivants.

M. [H] précise que la faute reprochée à Me [F] est d'avoir violé sciemment les règles du mandat en ayant porté au crédit du compte CDC le prix alors que les associés n'ont jamais donné leur accord à pareil virement qui les exposait à un risque de change qui s'est produit (la CDC ne pouvant conserver des sommes en devises étrangères) alors que les cessionnaires n'avaient jamais manifesté pareille exigence.

Il soutient qu'en sa qualité d'administrateur provisoire elle n'avait aucune obligation de porter les fonds sur le compte CDC ouvert au nom de son étude, d'autant moins que le compte CIC ouvert au nom de la société Pharmatop fonctionnait sous sa signature, qu'elle opère une confusion volontaire entre les obligations pesant sur elle en qualité d'administrateur judiciaire et en qualité d'administrateur provisoire qui ne permet pas d'aller à l'encontre des instructions reçues des associés sous réserve qu'elles soient conformes aux statuts, que Me [F] a outrepassé sa mission d'administrateur provisoire qui ne lui permettait pas d'agir comme s'il lui avait été confié un mandat d'administrateur judiciaire, qu'étant désignée pour une mission civile sur requête conjointe des associés, il convient d'appliquer les règles du mandat, que non seulement Me [F] n'a pas consulté les associés, mais elle a aussi été à l'encontre de leurs instructions en violation des règles du mandat, que l'APA ne contient pas de disposition contractuelle qui aurait pu l'autoriser à agir ainsi qu'il lui est reproché, qu'il n'a jamais été exigé de la part des vendeurs une garantie de passif ni de séquestration du prix qui auraient pu justifier le versement auprès de la CDC, que Me [F] a toujours permis le virement des redevances des brevets sur ce compte CIC ouvert en dollars, que l'article R. 814-3 du code de commerce autorise la tenue de comptes en dehors de la CDC, que dans l'éventualité d'une répartition de prix intempestive, elle pouvait se contenter de la limite du plafond de garantie de 50 millions de dollars US, que Me [F] est de mauvaise foi lorsqu'elle prétend avoir obtenu le soutien des associés car ils étaient en copie du mail du 3 avril transmettant les numéros d'Iban du compte CDC à son conseil rédacteur, ce qui n'a pu que passer inaperçu au vu du nombre de pages des documents contractuels, du court délai laissé au conseil de M. [H] pour les contrôler et du fait que le conseiller rédacteur de

Me [F] avait confirmé que rien n'avait été modifié omettant de signaler l'insertion du nouvel Iban support de l'erreur quant à l'opération de crédit.

Il prétend que la thèse soutenue par Mme [F] selon laquelle elle aurait viré les fonds à la CDC parce qu'elle était tenue d'une obligation de moyens née de la garantie générale souscrite dans le cadre de l'APA assimilable à une garantie de passif est infondée, tant au regard du contenu de l'APA, qui a fixé le périmètre des obligations respectives des parties, que conformément aux règles les plus élémentaires du consensualisme de ce qu'est une garantie de passif en droit positif, que ce n'est que le 18 décembre 2017 que les associés ont convenu de renoncer à l'APA et de constituer des garanties à première demande, bien que n'étant pas prévues à l'APA après qu'ils se soient trouvés empêchés de disposer du prix séquestré par Me [F] pour s'assurer du paiement de ses honoraires et du complément d'honoraires de 500 000 euros réclamé par son conseil [O] [M], que ce prétexte de garantie à première demande est apparu le 5 octobre 2017 postérieurement au paiement du prix, pour justifier le problème survenu, qu'en réalité, les fonds ont été bloqués auprès de la CDC pour permettre à Me [F] de négocier en position de force ses honoraires contestés calculés à partir d'un barème officieux des administrateurs judiciaires versaillais ayant pour assiette de calcul le prix de l'opération et non au temps passé, qu'elle entendait ainsi percevoir lesdits honoraires sur l'année 2018, année blanche, ce qu'elle est parvenue à faire avec le protocole d'accord de janvier 2018 homologué judiciairement, et que dans cette optique, elle n'a pas souhaité soumettre ses honoraires à la taxe du président du tribunal de grande instance l'ayant désignée.

Me [F] rétorque qu'elle n'a commis aucune faute, qu'en tant que membre d'une profession réglementée, elle a reçu un mandat judiciaire compte tenu du désaccord des associés ne permettant plus un fonctionnement normal des sociétés Pharmatop et Newpharm, qu'elle a veillé à la parfaite exploitation des brevets et à leur renouvellement, qu'à l'issue d'un long processus de négociation, elle est parvenue à régulariser une convention d'achat d'actifs le 10 mai 2017, qui prévoyait dès l'origine le versement du prix de vente sur un compte ouvert auprès de la CDC.

Elle ajoute que les termes de cet accord ont été scrupuleusement étudiés de sorte que les intimés ne sauraient prétendre avoir été « surpris » par le virement réalisé ou qu'il y aurait eu substitution de RIB à leur insu, que la société Newpharmatop LP entendait en domiciliant le règlement à la CDC, s'assurer que les obligations consenties à son égard par les parties venderesses seraient efficacement garanties, que les parties avaient convenu du versement du prix sur le compte de Pharmatop et que dès sa nomination, un compte Pharmatop avait été ouvert auprès de la CDC.

Elle précise que dans le cadre de la convention d'achat, les sociétés Pharmatop et Newpharm avaient garanti la véracité de leurs déclarations relatives à la consistance des actifs cédés, ce qui constituait un engagement de garantie qui portait sur l'intégralité du prix versé, que la fourniture d'une garantie à première demande a été acceptée par tous, qu'en qualité d'administrateur provisoire des sociétés cédantes, il lui appartenait de s'assurer que les associés ne puissent de quelque manière que ce soit, notamment en décidant d'une répartition du prix, vider de leur portée les engagements pris à l'égard de la société Newpharmatop LP, qu'à cet égard, il pesait sur elle une obligation de moyens d'y veiller, notamment en exigeant le maintien de la garantie pendant près de deux ans après la régularisation de l'acte de cession, que M. [H] a refusé de remettre les garanties souscrites à Me [F] mais a accepté de les confier à Me [C] pour pouvoir bénéficier de la répartition du prix lui revenant et que si les acquéreurs avaient refusé le versement sur le compte de la CDC, ils auraient dû faire retour à l'acquéreur du solde du prix déjà perçu.

Sur ce,

L'administrateur provisoire est responsable, en tant que mandataire, des fautes qu'il a pu commettre et qui ont causé un préjudice.

Ses pouvoirs sont par principe limités à des actes de conservation et d'administration, sans préjudice d'éventuels actes de disposition dont la validité serait appréciée à l'aune de l'intérêt social.

En l'espèce, il est constant que Me [F] a été désignée en qualité d'administrateur provisoire avec pour mission notamment de gérer, d'administrer et de représenter les sociétés, conformément aux statuts et aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, et sous sa responsabilité.

La pertinence de l'opération de cession litigieuse unanimement souhaitée par les associés Mme [V] et M. [H] n'est pas discutée, Me [F] ayant reçu pour mandat de procéder à la cession des actifs des sociétés Newpharm et Pharmatop. A cet effet, un mandat de vente a été confié à la banque Lazard et une mission d'accompagnement a été confiée au Cabinet Brown Rudnick. Une convention d'achat d'actifs, ou Asset purchase Agreement (APA), a été signée le 10 mai 2017 puis l'opération de cession d'actifs a été finalisée le 15 septembre 2017 avec la signature des closing documents.

Il est toutefois reproché à Me [F] d'avoir violé sciemment les règles de ce mandat en ayant fait virer le prix de cession au crédit d'un compte ouvert auprès de la CDC alors que les associés n'avaient pas donné leur accord à pareil virement qui les exposait à un risque de change qui s'est produit (la CDC ne pouvant conserver des sommes en devises étrangères) alors que les cessionnaires n'avaient jamais manifesté pareille exigence.

Les échanges de courriels versés aux débats montrent qu'au stade de l'élaboration de l'APA, à la question du conseil des sociétés Pharmatop et Newpharm relative à la répartition du prix d'achat entre les deux entités à la clôture de l'opération, Me [F] répondait le 29 mars 2017 (pièce 17-2 des sociétés Pharmatop et Newpharm) qu'il était plus simple que les fonds soient versés sur le compte de Pharmatop à charge pour celle-ci d'opérer les rétrocessions nécessaires puis confirmait par un message ultérieur qu'il convenait de prévoir dans l'acte qu'à la demande des vendeurs, la société Pharmatop encaissera les fonds et fera le nécessaire pour les répartir. Des échanges entre les deux sociétés, leurs associés et leurs conseils, il apparaît que ce sont les coordonnées bancaires de la société Pharmatop qui sont réclamées pour permettre la rédaction de l'acte de cession (pièce 18 des sociétés Pharmatop et Newpharm).

Le RIB communiqué par courriel de Me [F] du 3 avril 2017 mentionnait un compte ouvert à la CDC au nom de « Maître [K] [F] » et le message d'accompagnement n'attirait pas l'attention du conseil sur le fait que ce RIB n'était pas celui de la société Pharmatop.

Ce sont finalement les références bancaires de ce compte ouvert au nom de « [K] [F] (Administrateur judiciaire) » auprès de la CDC qui ont été annexées à l'acte de cession.

Il n'est pas discuté que le paiement des actifs par la société cessionnaire a été réalisé le 19 septembre 2017 et crédité sur ledit compte le 21 septembre, emportant dans le même temps la conversion du prix de vente de dollars américains en euros, conversion obligatoire pour permettre de créditer des fonds sur un compte ouvert auprès de la CDC.

Par courriel du 25 septembre 2017, Me [F] s'en expliquait en ces termes : « la CDC a converti le prix en euros à ma demande car il n'existait aucune possibilité d'assurer par une autre voie l'inscription du prix de cession au compte de l'affaire à mon étude et qu'il s'agit là du respect de mes normes professionnelles. Je suis désolée comme tout le monde de l'incidence sur le prix mais il n'existait pas d'autre solutions techniques pour respecter mes obligations professionnelles. Je vous rappelle à ce titre que j'interviens au titre d'une mission judiciaire qui comporte ses propres règles et obligations qui, en, contrepartie, assurent les personnes qui nous « subissent » un niveau de sécurité important » (souligné par les soins de la cour).

Pour autant dans le cadre de la présente instance, Me [F] ne justifie ni n'allègue de façon circonstanciée, d'une quelconque obligation légale ou réglementaire en ce sens, et ce n'est que le 25 septembre 2017, soit postérieurement à l'opération, que Me [F] a pour la première fois fait état de la nécessité de conserver le montant des garanties prévues à l'APA de 50 millions de dollars pour permettre aux sociétés de répondre à leurs engagements de garantie. En tout état de cause, cette diligence n'imposait ni à l'administrateur provisoire de faire verser la totalité du prix de la vente sur son compte ouvert auprès de la CDC, ni d'en conserver la totalité par devers lui.

Il n'est pas non plus justifié de ce que Me [F] se soit au préalable concertée avec les associés d'une quelconque manière que ce soit sur le choix de la CDC comme dépositaire des fonds alors qu'il était acquis à la lecture des précédents échanges que le compte de la société Pharmatop devait être crédité, ou sur l'accord donné pour que le paiement soit accompagné d'une conversion du prix en euros, alors que Me [F] n'ignorait pas, à tout le moins depuis le 14 septembre précédent l'opération, que le versement du prix sur son compte ouvert auprès de la CDC impliquait une conversion en euros avant de pouvoir être crédité.

La teneur du message précité témoigne au contraire de l'ignorance dans laquelle ont été tenues les sociétés Pharmatop et Newpharm ainsi que leurs associés et leurs conseils quant aux modalités de paiement du prix de vente finalement adoptées.

Il en résulte une violation de son mandat par manquement à son devoir d'information et de conseil en omettant de solliciter l'accord des associés pour fixer les modalités de la conversion ainsi que l'a justement retenu le tribunal.

Au surplus, s'ajoutent les difficultés que Me [F] indique avoir rencontrées dans la fixation de ses honoraires dont le montant était considéré comme excessif par M. [H], ces difficultés remontant à juin 2015 à l'occasion de la taxation de ses premiers honoraires, les intimés ayant souhaité voir fixer les honoraires de l'administrateur provisoire au temps passé quand Me [F] a obtenu du président du tribunal de grande instance de Versailles que ses émoluments aient pour assiette les redevances encaissées sous sa gérance (à savoir une somme supérieure à 30 millions d'euros du 18 avril 2014 au 30 avril 2015).

Mme [V] et M. [H] ayant manifesté leur désaccord quant à l'assiette proposée dès juin 2015, les parties ont convenu en novembre 2017 de la nomination d'un « tiers accompagnateur » en la personne de M. [W] en vue de la signature d'un protocole d'accord.

Il ressort en outre du compte-rendu de la réunion du 5 octobre 2017 organisée à l'initiative de Me [F] et rédigé de sa main qu'elle avait entendu se prémunir contre d'éventuelles « actions » en s'abstenant à titre conservatoire de procéder à la répartition des fonds avant d'être couverte d'un quitus général l'en préservant à la suite de mises en demeure qu'elle avait reçues postérieurement à la cession litigieuse.

La conjonction de ces éléments confirme la thèse des intimés selon laquelle Me [F] a entendu se prémunir contre d'éventuels conflits dans la fixation de ses honoraires et d'éventuelles actions en responsabilité, qu'elle a délibérément et sans en informer ses administrées et leurs associés dirigé le paiement vers son compte ouvert auprès de la CDC et qu'elle a accepté la conversion des sommes en euros sans considération aucune pour le taux de change alors en vigueur.

Ces faits constituent un manquement aux termes de sa mission, par violation des statuts des sociétés Newpharm et Pharmatop qui imposent l'unanimité pour la réalisation d'actes de disposition et par manquement à son obligation générale d'information et de transparence, alors que même si l'on suit le raisonnement de Me [F], celle-ci pouvait se prémunir d'un manquement à son obligation de moyens en informant Mme [V] et M. [H] de la nécessité de garantir à la disposition du cessionnaire la somme de 50 millions de dollars, seule exigence de l'APA, suivant des modalités qui pouvaient être consensuellement convenues.

Sur le préjudice

Me [F] soutient que le préjudice subi est une perte de chance qui ne peut s'apprécier au 21 septembre 2017 puisqu'à cette date il n'a pas été demandé la conversion des euros en dollars mais qui doit s'apprécier à la date de redistribution de fonds aux associés, que les premiers décaissements sont intervenus à compter du 18 décembre 2017, que la conversion en euros a permis de protéger l'opération d'une baisse du cours du dollars et que les intimées n'ont subi aucun préjudice au regard des aléas des taux de change en vigueur lorsqu'elles ont perçu les fonds issus de cette cession.

Les sociétés Pharmatop, Newpharm et Mme [V] font valoir que la faute consistant en la conversion en euros des fonds perçus en dollars est en relation causale directe avec la perte de change, ce qui leur donne droit à la réparation intégrale de leur préjudice, un gain manqué constitué d'une perte de change de 1 542 767 dollars américains, que l'absence d'aléa et le fait que le préjudice soit intégralement consommé exclut que le préjudice puisse consister en une perte de chance.

M. [H] réplique qu'il ne lui appartient pas de corriger les conséquences des actes dommageables de Me [F] en se livrant à des opérations bancaires et en spéculant sur le taux de change et que les associés ont simplement subi une perte de change au jour de l'opération litigieuse, pour en déduire qu'il est bien fondé à réclamer la réparation intégrale de son préjudice.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La victime d'un dommage n'a aucune obligation de minimiser son préjudice.

En l'occurrence, le prix de cession a été versé par le cessionnaire OrbiMed pour Newpharmatop LP auprès de la CDC le 19 septembre 2017 pour un montant de 138.672.980 dollars américains.

Après accord de Me [F] pour une conversion en euros, la somme créditée en euros sur le compte ouvert au nom de celle-ci le 21 septembre 2019 s'élevait à 115.368.535 euros.

Alors que selon le courriel de Me [F], une conversion d'euros et dollars aurait abouti à un crédit en dollars de 137.130.213 euros au cours du jour, il en résulte que le préjudice découlant de la conversion du prix de cession en euros à un taux de change désavantageux a directement causé aux cédants une perte de change intervenue le 21 septembre 2017 de 1.542.767 dollars. Le préjudice allégué est donc bel et bien caractérisé et il n'appartenait pas à Mme [V] et M. [H] de suivre l'évolution du cours euros/dollars pour le cas échéant recouvrer la perte ainsi subie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Me [F] à payer ladite somme en euros au taux de change du 21 septembre 2017, soit la somme de 1.395.093,34 euros avec intérêts au taux légal mais il sera infirmé en ce qu'il a pris pour point de départ du calcul des intérêts la date de l'assignation. Conformément à l'article 1231-7 du code civil, ce point de départ demeurera au jour du jugement, le 7 décembre 2022.

- Sur la responsabilité de l'administrateur provisoire relative à la garantie à première demande

M. [H] soutient que Me [F] a commis une faute en le contraignant à consentir une garantie à première demande non prévue à l'APA, que le virement des fonds sur le compte de la CDC constitue pour lui un préjudice allant au-delà d'une perte de change, le privant de la faculté de négocier les honoraires de Me [F] et lui imposant de supporter le coût important de la garantie à première demande dépourvue de légitimité juridique, que ce préjudice est personnel, que l'homologation du protocole d'accord ne saurait l'empêcher de continuer à se prévaloir des circonstances dans lesquelles il a été signé pour fonder ses réclamations indemnitaires, qu'asphyxié financièrement par le paiement de l'impôt, il n'a eu d'autre choix que d'accepter la proposition d'honoraires qui lui a été faite dans le cadre d'une médiation mais n'a pas renoncé à faire valoir son dommage personnel.

Me [F] réplique que M. [H] lui a donné quitus pour la totalité de sa mission à l'exception de l'opération de conversion de dollars en euros du prix de cession à la CDC en septembre 2017, qu'à cette date, il avait connaissance du montant des honoraires réclamés et qui ont été arrêtés, et il avait souscrit l'engagement de garantie à première demande, que l'allégation d'un manquement tenant à la déloyauté en lien avec une prétendue substitution du RIB annexé à l'acte de cession n'est pas sérieux eu égard à l'assistance des conseils de Mme [V] et M. [H] rémunérés 7,2 millions d'euros et que la CDC a imposé la conversion du prix d'acquisition.

Sur ce,

S'il est indéniable qu'un conflit était né entre M. [H] et Me [F] quant à la conversion du prix de cession en euros et quant au versement des honoraires de cette dernière, il apparaît que ce conflit a été pour partie solutionné par la signature le 14 décembre 2017 d'un protocole d'accord ayant valeur de transaction selon ses propres termes.

Il ressort de ce protocole d'accord que M. [H] a pu contester le montant des émoluments réclamés par Me [F] et qu'entre autres dispositions, l'accord prévoit leur fixation et l'ordre du jour de l'assemblée générale devant être convoquée par Me [F], cet ordre du jour devant notamment comporter le quitus pour sa gestion, avec réserve sur l'opération de conversion de dollars et euros du prix de cession à la CDC en septembre 2017. Cette dernière résolution a été votée lors de l'assemblée du 18 décembre 2017.

Par la signature de ce protocole d'accord, les parties ont entendu mettre fin au litige les opposant, en toutes ses composantes, à l'exception de la perte de change expressément réservée, si bien que M. [H] ne justifie pas d'un préjudice personnel tenant à une contrainte qui l'aurait obligé à accepter les honoraires de Me [F], sauf à remettre en cause ledit protocole.

S'agissant de son engagement de garantie à première demande, il a pour contrepartie l'engagement de garantie figurant à l'acte de cession et n'est pas constitutif d'un préjudice personnel.

C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes de M. [H] et il convient en conséquence de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Me [F] qui succombe en son appel, devra en supporter les dépens, le jugement étant confirmé de ce chef, et ne peut prétendre à l'octroi d'une quelconque indemnité procédurale.

Elle sera condamnée à verser aux intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, d'une part aux sociétés Pharmatop et Newpharm et à Mme [V] prises ensemble une somme de 5.000 euros et d'autre part à M. [H] une somme de 5.000 euros, le jugement étant également confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il a pris pour point de départ du calcul des intérêts la date de l'assignation ;

Statuant à nouveau,

Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 1.395.093,34 euros ont pour point de départ le 7 décembre 2022, jour du jugement ;

Y ajoutant,

Condamne Me [K] [F] aux dépens d'appel ;

Condamne Me [K] [F] à payer aux sociétés Pharmatop et Newpharm et à

Mme [V] prises ensemble une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Me [K] [F] à payer M. [H] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Me [K] [F] de ses demandes de ce chef.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

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