CA Bordeaux, 1re ch. civ., 24 mars 2025, n° 22/02033
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Poirel
Conseillers :
Mme Vallée, M. Breard
Avocats :
Me Habib, Me Cuif, Me Maxwell, Me Maillet
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
1 - Selon bon de commande du 22 juin 2015, M. [S] [U] a confié à la société Sugold exerçant sous l'enseigne Institut des Nouvelles Energies, la fourniture et la pose d'une installation solaire photovoltaïque d'une puissance globale de 3000 Wc composée de 12 panneaux photovoltaïques monocristallins Thomson Energy, pour un montant de 21.500 euros.
Cette opération a été financée par un crédit affecté souscrit par M. [U] selon offre préalable acceptée le même jour auprès de la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance, pour un montant de 21.500 euros remboursable en 120 mensualités de 283,31 euros avec assurance facultative au taux de 5,76% l'an.
2- La société Sungold a été placée en liquidation judiciaire selon jugement du 6 septembre 2016 et, par décision du 26 juillet 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la clôture de la liquidation de ladite société pour insuffisance d'actif.
3- Par acte du 22 janvier 2020, M. [U] a fait assigner la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, et Me [X] [H] ès qualité mandataire ad hoc de la société Sungold devant le tribunal de proximité d'Arcachon, aux fins d'obtenir l'annulation du contrat de vente et celle subséquente du contrat de crédit affecté ainsi que la condamnation de la banque à lui rembourser la somme de 24.998,35 euros.
4- Suivant jugement avant-dire-droit du 27 mai 2021, le tribunal de proximité d'Arcachon a ordonné une expertise confiée à M. [T], lequel, par courrier du 13 septembre 2021, avisait le tribunal qu'il ne pouvait procéder aux opérations d'expertise dans la mesure où la maison équipée des panneaux litigieux avait été vendue.
5- Par jugement réputé contradictoire du 8 février 2022, le tribunal de proximité d'Arcachon a :
- déclaré irrecevable l'action intentée par M. [U] ;
- condamné M. [U] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'amende civile ;
- condamné M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné M. [U] aux entiers dépens.
6- M. [U] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration du 24 avril 2022.
7- Par dernières conclusions déposées le 29 octobre 2024, M. [U] demande à la cour de :
- infirmer la décision rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Arcachon, du 8 février 2022 en ce qu'elle a :
- déclaré irrecevable l'action intentée par M. [U] ;
- condamné M. [U] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'amende civile ;
- condamné M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [U] aux entiers dépens.
Et partant, statuant à nouveau :
- déclarer recevables les prétentions de M. [U] ;
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions.
Au fond :
- prononcer l'annulation du contrat de vente liant M. [U] et la société Sungold ;
- prononcer l'annulation du contrat de crédit affecté liant M. [U] et la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque.
En conséquence :
- ordonner le remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque des sommes qui lui ont été versées par M. [U], à savoir la somme de 24 998,35 euros.
À titre subsidiaire :
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque à verser à M. [U], la somme de 24 998,35 euros à titre de dommage et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque.
En tout état de cause :
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque à verser à M. [U] la somme de :
- 3 000 euros au titre de son préjudice économique et son trouble de jouissance ;
- 3 000 euros au ti tre de son préjudice moral.
En tout état de cause :
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque à payer à M. [U], la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque au paiement des entiers dépens.
8- Par dernières conclusions déposées le 11 octobre 2022, la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, demande à la cour de :
- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant :
- condamner M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [U] aux dépens d'appel.
Subsidiairement, si la Cour venait à infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de M. [U] irrecevable :
- débouter en tout état de cause M. [U] de l'ensemble de ses demandes comme étant parfaitement infondées :
- condamner M. [U] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [U] aux dépens d'appel.
À titre infiniment subsidiaire, si la Cour infirmait le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de M. [U] irrecevable et, en outre, venait à prononcer la nullité du bon de commande et corrélativement celle du contrat de crédit accessoire :
- débouter M. [U] du surplus de ses demandes dirigées à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque, comme étant infondées, et en tout état de cause manifestement disproportionnées ;
- ordonner la remise des choses en l'état ;
- condamner M. [U] à restituer à la société BNP Paribas Personal Finance le montant du financement, soit la somme de 21 500 euros ;
- donner acte à la société BNP Paribas Personal Finance de ce qu'elle restituera à M. et Mme [U] les mensualités et remboursements qu'ils ont effectués ;
- ordonner compensation entre les sommes réciproquement dues par les parties;
- condamner tout succombant à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner tout succombant aux entiers dépens.
9- M. [H], ès qualité de mandataire ad hoc de la société Sungold, n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions des parties lui ont été régulièrement signifiées.
10- L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 18 novembre 2024. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 4 novembre 2024.
11- Lors de l'audience, le président a demandé aux parties de faire valoir leurs observations, d'une part, sur la question de savoir si toutes les parties concernées sont mises en cause, en particulier le nouveau propriétaire de l'habitation sur laquelle la centrale photovoltaïque est installée, d'autre part, sur l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 juillet 2024 (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754).
Le 26 novembre 2024, le conseil de la société BNP Paribas Personal Finance a produit une note en délibéré dûment autorisée.
Le 05 décembre 2024, le conseil de M. [U] a fait valoir ses observations selon une note en délibéré dûment autorisée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action en annulation de M. [U]
12- L'appelant reproche au tribunal d'avoir considéré qu'il n'avait ni qualité ni intérêt à agir au motif qu'il n'était plus propriétaire du bien immobilier où sont installés les panneaux litigieux, alors qu'il soutient, d'une part, que s'il a effectivement vendu sa maison, cette vente n'emportait nullement cession du contrat signé par lui avec la société Sungold et que le contrat de crédit affecté conclu avec la banque a continué à produire ses effets puisqu'il a intégralement soldé ledit prêt, indépendamment de la vente de sa propriété, d'autre part, que dès l'acte introductif d'instance, la société Sungold avait été radiée à la suite d'un jugement ayant prononcé la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, de sorte que le mandataire ad'hoc n'aurait jamais eu les fonds suffisants ni pour récupérer l'installation photovoltaïque ni pour lui rembourser le prix de l'installation. Affirmant qu'il a qualité et intérêt à agir, il sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action irrecevable.
13- La société BNP Paribas Personal Finance conclut au contraire à la confirmation de la décision entreprise, faisant valoir que M. [U] n'a plus qualité à agir en nullité du contrat de vente dans la mesure où il a vendu le bien immobilier équipé des panneaux photovoltaïques et que les nouveaux propriétaires, qui seuls pourraient reprendre l'action à leur compte, n'ont pas été attraits à la procédure.
Sur ce :
14- L'article 31 du code de procédure civile dispose :
'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.'
L'article 32 du même code énonce :
'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir'.
15- Il est constant que l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention, ainsi que la qualité à agir, s'apprécient au jour de l'introduction de la demande en justice.
16- En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [U] a cédé l'immeuble sur lequel étaient installés les panneaux photovoltaïques, antérieurement à l'introduction de l'instance.
17- Toutefois, en application de l'article 1181 du code civil, l'action en nullité relative pour irrespect des dispositions du code de la consommation étant réservée à celui des contractants que la loi entend protéger, l'acquéreur à titre particulier d'un bien est sans qualité pour engager une action en nullité en raison des irrégularités du contrat de vente dont aurait été victime le vendeur, en dépit de la subrogation générale qu'il détient en vertu de la vente.
18- Il s'ensuit que l'action en nullité formée par M. [U] est recevable, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.
Sur la nullité du contrat de vente
19- A l'appui de sa demande en nullité, M. [U] soutient que le bon de commande ne respecte pas les dispositions du code de la consommation en ce qu'il reproduit les mauvais articles dudit code dans les conditions générales de vente, ne contient ni les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ni la date de livraison, ne précise pas suffisamment le prix du bien ou du service et enfin comporte une information erronée quant au point de départ du délai de rétractation et au texte applicable.
20- La société BNP Paribas Personal Finance ne conclut pas sur les motifs invoqués au soutien de la demande en nullité, faisant valoir la renonciation de M. [U] à se prévaloir des irrégularités du bon de commande et la couverture de la nullité du fait de l'exécution volontaire du contrat par ce dernier.
Sur ce,
21- Le contrat principal liant la société Sungold à M. [U] a été conclu le 22 juin 2015 à l'occasion d'un démarchage à domicile. Il est par suite soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
22- Aux termes de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, le contrat doit comprendre, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.
L'article L. 121-17, paragraphes I et III, dispose :
« I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1o Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2o Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;'
Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation,
'Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, ainsi que celles du service numérique ou du contenu numérique, compte tenu de leur nature et du support de communication utilisé, et notamment les fonctionnalités, la compatibilité et l'interopérabilité du bien comportant des éléments numériques, du contenu numérique ou du service numérique, ainsi que l'existence de toute restriction d'installation de logiciel ;
2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d'un prix en application des articles L. 112-1 à L. 112-4-1 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le
professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ;'
23- En l'espèce, il est indiqué dans les conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande : '4-Délais : Le délai de livraison figurant au recto du présent contrat est donné à titre indicatif et ne peut dépasser une limite de 200 jours à compter de la prise d'effet du contrat.' Or, seule la mention 'Livraison dans un délai de trois mois maximum' figure au recto du bon de commande.
Comme le soutient justement M. [U], cette indication est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L. 111-1,3° du code de la consommation, dès lors qu'il n'est pas distingué entre le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des biens et celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'est engagé et qu'un tel délai global ne permet pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations.
24- C'est également à juste titre que l'appelant fait valoir que les modalités d'exercice du droit de rétractation sont erronées puisqu'en vertu de l'article L. 121-21 du code de la consommation, dans sa version applicable à l'espèce, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement à compter soit de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 121-16-2, soit de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens.
Or, le bon de commande conclu par les parties portant sur la fourniture d'une centrale photovoltaïque ainsi que sur l'installation complète et la mise en service de ces matériels a donc pour objet à la fois la livraison de biens et la fourniture d'une prestation de services destinée à leur installation et mise en service, ce qui doit conduire à l'assimiler à un contrat de vente faisant courir le délai de rétractation de quatorze jours à compter de la réception du matériel par M. [U] et non à compter de la conclusion du contrat (Civ. 1ère, 12 juillet 2023, n°21-25.671).
Dès lors, la mention d'un délai de quatorze jours à partir du jour de la commande dans le bon de rétractation est erronée et est susceptible de faire croire à l'acheteur qu'il est expiré avant même la livraison des biens.
25- Il résulte de ce qui précède que les irrégularités affectant le bon de commande sont pleinement démontrées. Ces manquements suffisent à entraîner la nullité du contrat, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de nullité allégués.
26- La banque fait valoir que cette nullité est toutefois couverte en raison de l'exécution volontaire du contrat.
27- Il est de règle que la nullité qui découle de l'irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.
28- L'article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose :
'L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.
A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.
La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers'.
29- Il s'en déduit que la confirmation d'un acte nul impose, d'une part, la connaissance du vice l'ayant affecté et, d'autre part, l'intention de le réparer.
30- Il est constant que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l'envoi par le professionnel d'une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l'article 1183 précité. (Civ. 1ère, 24 janvier 2024, 22-16.116, 22-19.339)
31- En l'espèce, la banque, qui soutient que l'acte nul a été confirmé, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la connaissance par M. [U] des vices affectant le bon de commande, étant observé que les conditions générales de vente de celui-ci se réfèrent non pas aux dispositions applicables au contrat notamment fixées par l'article L. 111-1 du code de la consommation, mais aux articles L. 121-23 et suivants du même code, pourtant abrogés en 2014.
32- Le seul fait que M. [U] ait laissé le contrat s'exécuter en acceptant la livraison et en signant l'attestation de réception des travaux, ne peut s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité, alors que ces faits ne démontrent pas qu'il a eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande en litige et l'intention de les réparer.
33- Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la confirmation de l'acte nul et de prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 22 juin 2015 entre la société Sungold et M. [U].
Sur la nullité du contrat de crédit
34- Pour financer l'opération litigieuse, M. [U] a souscrit auprès de la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance un contrat de crédit affecté, suivant offre préalable acceptée le 22 juin 2015. Le contrat, dont la conclusion n'est pas discutée, est par suite soumis aux dispositions des articles L. 311-30 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour de sa conclusion.
35- Aux termes de l'article L. 311-32 du même code, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
36- En application de ces dispositions, et au regard de l'annulation du contrat conclu par acceptation du bon de commande du 22 juin 2015, le contrat de crédit affecté au financement de l'opération doit également être annulé de plein droit.
Sur les restitutions consécutives à l'annulation du contrat de prêt
37- En cas d'annulation d'un contrat, les prestations exécutées donnent lieu à restitution. Néanmoins, tout contractant peut voir sa responsabilité contractuelle engagée en cas de manquement à ses obligations, les créances réciproques des parties pouvant alors se compenser plus ou moins complètement.
Ainsi, il est de jurisprudence constante que la nullité du contrat de crédit affecté implique la restitution par le prêteur des remboursements perçus et la restitution par l'emprunteur du capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
Cependant, le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
Sur la faute de la banque
38- M. [U] reproche à la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance d'avoir délivré les fonds au vendeur sans s'être assurée que celui-ci avait exécuté son obligation et sans procéder préalablement, auprès du vendeur et de l'emprunteur, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de démarchage à domicilie était affecté d'une cause de nullité.
39- La banque réplique qu'aucune disposition légale ni aucune stipulation contractuelle ne fonde juridiquement l'obligation du prêteur de contrôler la régularité du bon de commande, ajoutant que cette obligation, d'origine prétorienne, contrevient tant au principe de non immixtion qu'à l'effet relatif des contrats. Elle ajoute qu'elle a débloqué les fonds au vu d'un certificat de livraison, signé par M. [U] le 19 juillet 2015, lequel a attesté sans réserve que la livraison des biens et la fourniture de la prestation de service avaient été pleinement effectués conformément au contrat principal de vente et demandé à la banque de procéder à la remise des fonds.
40- Il résulte d'une jurisprudence bien établie que commet une faute la banque qui verse les fonds prêtés au vendeur de panneaux photovoltaïques sans avoir dûment et préalablement vérifié la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation. La banque commet également une faute en ne s'assurant pas au moyen de toutes démarches utiles, de la bonne exécution des travaux par le vendeur des panneaux photovoltaïques conformément à ses engagements contractuels avant de débloquer les fonds prêtés.
41- En l'espèce, premièrement la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance s'est fait remettre un bon de commande qui ne respecte pas les règles de forme prescrites par le code de la consommation, ainsi qu'il a été jugé ci-avant. En s'abstenant de vérifier la régularité formelle du contrat principal, alors que les irrégularités du bon de commande notamment quant à l'absence du délai de livraison et aux modalités d'exercice du droit de rétractation étaient manifestes, la banque, qui est spécialisée dans les opérations de crédit affectées dans le cadre de démarchage à domicile, a manqué à son obligation. Deuxièmement, si M. [U] a complété, daté et signé l'attestation de livraison, assurant que 'la livraison du ou des bien(s) et/ou la fourniture de la prestation de services (...) a (ont) été pleinement effectuée(s) conformément au contrat principal de vente', il n'est toutefois pas discutable, ainsi que le soutient justement l'appelant, qu'à la date du 19 juillet 2015, date de signature de l'attestation, l'ouvrage ne pouvait raisonnablement être terminé alors que le contrat prévoyait l'exécution par la société Sungold des démarches administratives, de la mise en conformité Consuel et du raccordement au réseau Erdf, ce que la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance sait pertinemment pour financer couramment ce type d'installation soumise à une autorisation de travaux de la part de la commune, à une vérification de conformité par le Consuel, enfin à l'intervention du distributeur d'énergie, lequel dispose d'un monopole quant au raccordement de toute installation privative au réseau public d'énergie électrique, partie avec laquelle tout particulier désireux de revendre de l'électricité doit négocier une convention, ce qui prend plusieurs mois. La banque est donc en cela fautive de se défaire de l'intégralité des fonds en faveur du vendeur dont les prestations par définition ne sont pas terminées puisqu'il s'est engagé à procéder au raccordement au réseau, quand bien même l'attestation de fin de travaux signée par l'acquéreur lui a été dûment remise.
42- Il apparaît, en définitive, que la la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance a versé les fonds sans s'assurer de la régularité formelle du contrat principal et de sa complète exécution, ces manquements étant constitutifs de fautes susceptibles d'engager sa responsabilité contractuelle.
Sur les préjudices de M. [U]
43- La société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que M. [U] ne justifie d'aucun préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute du prêteur, ajoutant que la liquidation judiciaire du vendeur n'est pas de nature de constituer un tel préjudice dès lors que l'installation photovoltaïque litigieuse fonctionne parfaitement.
44- M. [U] rétorque que la faute de la banque lui a occasionné un préjudice caractérisé, compte tenu de l'insolvabilité de la société Sungold placée en liquidation judiciaire puis radiée suite au jugement prononçant la clôture de ladite liquidation pour insuffisance d'actif, par la privation de la contrepartie de la restitution du bien vendu. Il en conclut que la société BNP Paribas Personal Finance doit être privée de son droit à restitution du capital et condamnée en conséquence à lui restituer la somme de 24.998,35 euros. Il réclame en outre la condamnation de la banque à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 3.000 euros au titre de son préjudice économique et son trouble de jouissance et celle de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral.
45- Il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est insolvable.
En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation. D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, le consommateur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
46- En l'espèce, l'insolvabilité de la société Sungold n'est pas contestée et résulte de son seul placement en liquidation judiciaire, ladite société ayant en outre été radiée suite à un jugement du 26 juillet 2019 prononçant la clôture de la liquidation de la société pour insuffisance d'actif.
47-Il s'ensuit que M. [U] a subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.
48-En conséquence, la société BNP Paribas Personal Finance sera déboutée de sa demande de remboursement du capital emprunté et condamnée à restituer à M. [U] l'ensemble des sommes versées depuis l'origine du contrat, soit la somme de 24.998,35 euros, sans qu'il y ait lieu de limiter le remboursement dû par la banque, M. [U] justifiant d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé.
49- S'agissant du préjudice économique et du trouble de jouissance invoqués, résultant de la nécessité pour l'emprunteur de réduire son niveau de vie et d'obérer sa trésorerie disponible afin d'honorer les échéances du prêt souscrit, ils ne sont pas la conséquence de l'annulation du contrat principal. Or, faute de démonstration par M. [U] d'un préjudice en lien direct et certain avec la faute de la banque, il convient de rejeter les demandes formées à ce titre.
50-Enfin, s'agissant du préjudice moral, M. [U] ne rapporte aucunement la preuve de ce que la société prêteuse a commis la moindre manoeuvre frauduleuse, quand bien même des carences de sa part ont été retenues auparavant, en sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur l'amende civile
51-Compte tenu des développements qui précèdent, le jugement entrepris ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a condamné M. [U] à une amende civile au motif qu'il avait agi de manière abusive en intentant une action alors qu'il n'avait pas qualité à agir en trompant le tribunal.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
52-Il convient d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
53- La société BNP Paribas Personal Finance, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant de nouveau,
Déclare recevable l'action en nullité formée par M. [S] [U],
Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 22 juin 2015 entre M. [S] [U] et la société Sungold,
Constate la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté conclu entre M. [S] [U] et la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [S] [U] la somme de 24.998,35 euros,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [S] [U] la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.