Livv
Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-7, 25 mars 2025, n° 25/01754

VERSAILLES

Ordonnance

Autre

CA Versailles n° 25/01754

25 mars 2025

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14H



N° RG 25/01754 - N° Portalis DBV3-V-B7J-XCSQ

Du 25 MARS 2025

ORDONNANCE

LE VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ

A notre audience publique,

Nous, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Natacha BOURGUEIL, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [Y] [S] [O]

né le 19 Avril 2002 à [Localité 5] (PEROU)

de nationalité Péruvienne

Actuellement retenu au CRA de [Localité 6]

assisté de Mme [P], interprète en langue espagnole

assisté de Me Sofian BOUZERARA, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 193

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro du 25/03/2025 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

DEMANDEUR

ET :

PREFECTURE DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 1]

[Localité 2]

assistée de Me Aimilia IOANNIDOUde la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : R079

DEFENDERESSE

Et comme partie jointe le ministère public absent

Vu les dispositions des articles L. 742-1 et suivants et R743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'extrait individualisé du registre prévu par l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'obligation de quitter le territoire français notifiée par le préfet des Hauts-de-Seine le 18 mars 2025 à M. [Y] [S] [O] ;

Vu l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 18 mars 2025 portant placement de l'intéressé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 4 jours, notifiée le même jour ;

Vu la requête en contestation du 21 mars 2025 de la décision de placement en rétention du 18 mars 2025 par M. [Y] [S] [O] ;

Vu la requête de l'autorité administrative en date du 21 mars 2025 tendant à la prolongation de la rétention de M. [Y] [S] [O] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 26 jours ;

Le 24 mars 2025 à 9h57, M. [Y] [S] [O] a relevé appel de l'ordonnance prononcée à distance avec l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle par le juge du tribunal judiciaire de Versailles le 22 mars 2025 à 14h13, qui a rejeté les moyens d'irrecevabilité/irrégularité, rejeté la requête en contestation de la décision de placement en rétention administrative, déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [Y] [S] [O] régulière et ordonné la prolongation de la rétention de M. [Y] [S] [O] pour une durée de vingt-six jours à compter du 21 mars 2025.

Il sollicite, dans sa déclaration d'appel, l'annulation de l'ordonnance, subsidiairement, sa réformation et la fin de la rétention. A cette fin, il soulève :

- l'erreur manifeste d'appréciation

- l'absence de menace à l'ordre public

- l'absence de diligences de l'administration

Et demande l'assignation à résidence.

Les parties ont été convoquées en vue de l'audience.

A l'audience, le conseil de M. [Y] [S] [O] a soutenu les moyens développés dans la déclaration d'appel. Sur l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation, il vit aujourd'hui à [Localité 4], il est hébergé par M. [D] [U], il peut être placé à résidence. Il n'est pas une menace à l'ordre public : pas d'antécédant pénal, pas de condamnation. Il n'y a pas de diligence à reconnaître. Il sollicite le rejet de la requête de la Préfecture et l'infirmation de l'ordonnance et la libération de M. [S] [O].

Le conseil de la préfecture s'est opposé aux moyens soulevés et a demandé la confirmation de la décision entreprise, en faisant valoir que le conseil soutient l'existence de garanties de représentation mais cela ne ressort des pièces du dossier. Il a bien remis une CNI mais pas de passeport. Il invoque 2 adresses différentes. Il ne produit pas de bail ou de facture à son nom. Cette résidence ne semble pas effective ni permanente. L'adresse proposée au titre de l'appel ne semble pas remplir les conditions posées par le texte. Le débat sur les garanties de représentation : M. [S] s'est maintenu sur le territoire sans faire la demande d'un titre justifié. Il y a un risque de fuite caractérisé.

M. [S] est connu pour des faits pénalement répréhensibles. Les 2 critères sont donc remplis.

M. [Y] [S] [O] a indiqué pour son changement d'adresse, l'avoir donné à son avocat. Il est en France depuis un an ¿.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d'appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

L'article R 743-11 du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.

En l'espèce, l'appel, dont le délai a été prorogé au jour ouvrable suivant dès lors qu'il a expiré un samedi, un dimanche ou un jour férié a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.

Sur l'erreur manifeste d'appréciation

L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que :

« L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Le préfet n'est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention.

Il y a lieu de se placer à la date à laquelle le préfet a statué pour procéder à l'examen de la légalité de l'arrêté de placement en rétention.

La combinaison des articles L.741-1, L.731-1 et L.612-3 permet de retenir que l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la validité de son visa, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il n'a pas de liens personnels et familiaux en France anciens et stables, présente un risque de se soustraire à la décision d'éloignement le concernant.

La décision de placement en rétention querellée vise expressément cette situation pour M. [S] [O], de sorte que l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas établie.

Sur l'absence de menace à l'ordre public

Aux termes de l'article L.741-1 du CESEDA « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »

Le retenu prétend qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public.

La menace à l'ordre public fait l'objet d'une appréciation in concreto, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé et, le cas échéant, sa volonté d'insertion ou de réhabilitation.

Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national.

L'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public (ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dont la jurisprudence peut inspirer le juge judiciaire dans un souci de sécurité juridique CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l'intérieur, B).

La commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public, mais, surtout, cette menace doit être réelle à la date considérée. Ce n'est pas l'acte troublant l'ordre public qui est recherché, mais bien la réalité de la menace.

Il ressort des pièces du dossier qu'il a été interpellé pour des faits de conduite d'un véhicule sans permis, de blanchiment, concours à une opération de placement dissimulation ou conversion du produit d'un délit de proxénétisme aggravé, ces faits faisant l'objet de poursuites selon le PV d'avis à magistrat du 18 mars à 17h30, et qu'il est connu au fichier des empreintes automatisées pour conduite d'un véhicule sans permis et circulation avec un véhicule sans assurance. Ainsi, la preuve de la menace à l'ordre public est bien caractérisée étant précisé s'agissant d'une première prolongation que la motivation de son placement en rétention ne repose pas sur cette seule condition.

En conséquence, le moyen sera rejeté.

Sur l'insuffisance des diligences de l'administration

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

Si l'intéressé ne présente ni passeport ni garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables à une assignation à résidence, il importe de permettre à l'autorité administrative d'effectuer toutes démarches utiles auprès des autorités consulaires compétentes de façon à mettre en 'uvre la décision de reconduite à la frontière qui a été prise.

En l'espèce, l'autorité administrative justifie avoir saisi l'autorité consulaire péruvienne, pays dont se réclame le retenu, le 19 mars 2025 à 12h44 et a ainsi démontré qu'elle a accompli les diligences utiles afin de déterminer le pays de destination du retenu et d'organiser son départ.

Le moyen sera rejeté.

Sur l'assignation à résidence

En vertu de l'article L 743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution. Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence doit faire l'objet d'une motivation spéciale.

L'article L 743-14 précise que l'étranger, à la demande du juge, justifie que le local affecté à son habitation principale proposé pour l'assignation satisfait aux exigences de garanties de représentation effectives.

En l'espèce, Il ne peut qu'être constaté que l'intéressé, s'il justifie de la remise d'un passeport original et valide auprès de la préfecture, il ne justifie toutefois pas de garanties de représentation liées à l'existence d'une adresse certaine et stable puisque s'il invoque une adresse chez une amie à [Localité 4] dans son appel, au cours de la procédure de garde à vue il avait déclaré vivre à [Localité 3], n'a toutefois aucune intention de quitter le territoire français, comme cela ressort de ses déclarations lors de son audition devant les services de police et à l'audience, alors que l'objectif de l'assignation à résidence est de permettre à l'intéressé d'organiser son retour vers son pays d'origine par ses propres moyens et sans coercition.

Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE le recours recevable en la forme,

REJETTE les moyens,

CONFIRME l'ordonnance entreprise.

Fait à Versailles, le 25 mars 2025 à

Et ont signé la présente ordonnance, Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK, Première présidente de chambre et Natacha BOURGUEIL, Greffière

La Greffière, La Première présidente de chambre,

Natacha BOURGUEIL Nathalie BOURGEOIS-DE RYCK

Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.

l'intéressé, l'interprète, l'avocat

POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.

Article R 743-20 du CESEDA :

' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.

Articles 973 à 976 du code de procédure civile :

Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site