CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 20 mars 2025, n° 24/07026
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Darwin (SAS)
Défendeur :
PG (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Neto
Conseillers :
Mme Mogilka, M. Desgouis
Avocats :
Me Miloudi, Me Chambonnaud
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé régularisé le 2 septembre 2019, la société civile immobilière (SCI) PG a donné à bail commercial à la société par actions simplifiées (SAS) Darwin des locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant le paiement d'un loyer mensuel d'un montant de 2 150 € hors taxes et charges, outre une provision sur charges mensuelles d'un montant de 100 €.
Conclu pour une durée de 9 ans, le bail a pris effet le 20 juin 2019. Il stipule en son article 11 la résiliation de plein droit en cas de non paiement de tout ou partie d'un seul terme de loyer ou de charges.
Suivant acte sous seing privé régularisé le 30 juillet 2019, Mme [O] [V] s'est portée caution personnelle et solidaire de toutes les sommes dues au titre dudit bail.
Suivant exploit du 5 avril 2023, la SCI PG a fait délivrer à la SAS Darwin un commandement de payer visant la clause résolutoire pour règlement de la somme de 5 460, 53 € au titre des loyers impayés, mois de mars 2023 inclus, outre 158, 53 € correspondant au coût de l'acte.
Suivant exploit délivré le 12 avril 2023, le commandement de payer a été dénoncé à Mme [O] [V].
Invoquant le caractère infructueux de ce commandement, la SCI PG a, suivant exploit délivré le 2 juin 2023, fait assigner la SAS Darwin et Mme [O] [V], en sa qualité de caution solidaire, devant le président du tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé, aux fins notamment d'entendre constater la résiliation du bail consenti.
Suivant ordonnance réputée contradictoire rendue le 12 avril 2024, le juge des référés a :
constaté au 6 mai 2023 la résiliation du bail commercial liant les parties, ainsi que l'occupation illicite du local à usage commercial situé [Adresse 1] à [Localité 4] ;
ordonné à la SAS Darwin de libérer de corps et de biens ainsi que de tous occupants de son chef, les locaux litigieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance ;
ordonné, à défaut, l'expulsion de la SAS Darwin et de tous occupants de son chef des lieux loués, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
condamné solidairement la SAS Darwin et Mme [O] [V] à payer à la SCI PG à titre provisionnel la somme de 8 172, 62 € au titre des loyers et charges échus au 17 mai 2023 (terme de mai 2023 inclus) ;
condamné solidairement la SAS Darwin et Mme [O] [V] à payer à la SCI PG une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation de 2 460 € par mois à compter du 6 mai 2024 et jusqu'à libération effective des lieux ;
condamné solidairement la SAS Darwin et Mme [O] [V] à payer à la SCI PG la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties du surplus ;
condamné la SAS Darwin et Mme [O] [V] aux dépens de la procédure, dont compris le coût du commandement de payer et celui de la dénonce à caution.
Suivant déclaration enregistrée au greffe le 3 juin 2024, la SAS Darwin a interjeté appel de l'ordonnance en toutes ses dispositions dûment reprises.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 3 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, la SAS Darwin sollicite de la cour qu'elle infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :
déboute la SCI PG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
suspende les effets de la clause résolutoire ;
condamne tout succombant à lui verser la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 22 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour plus ample expose' des prétentions et moyens, la SCI PG demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et de condamner la SAS Darwin à lui verser la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles engagés en cause d'appel.
La déclaration d'appel du 6 juin 2024 a été signifiée à Mme [O] [V] le 14 juin 2024, de même que les conclusions d'appelant lui ont été signifiées le 2 août 2024. Celle-ci n'a pas constitué avocat.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance au 28 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il convient de relever que Mme [O] [V], qui n'a pas constitué avocat, n'a donc formé aucun appel incident. Il y a donc lieu de ne statuer que dans les limites de l'appel interjeté par la SAS Darwin.
Sur la suspension des effets de la clause résolutoire :
L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Le premier alinéa de l'article 835 du même code dispose également que le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes des dispositions de l'article L. 145-41, alinéa 1, du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En application des dispositions de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement.
Aux termes des dispositions de l'article L. 145-41, alinéa 2, du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée : la clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Les dispositions de l'article 1343-5 du code civil précisent en outre que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Il convient de rappeler qu'en matière de baux commerciaux, le juge saisi d'une demande de délais peut les accorder et suspendre les effets de la clause résolutoire de façon rétroactive au locataire à jour de ses loyers, tant qu'aucune décision constatant la résolution du bail n'est passée en force de chose jugée.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le bail commercial consenti le 2 septembre 2019 par la SCI PG à la SAS Darwin comporte en son article 11 une clause résolutoire ainsi rédigée : « faute d'exécution de l'une des clauses du bail, et notamment faute de paiement d'un seul terme de loyer, des intérêts de retard, des charges accessoires, et des frais de commandement et de mise en demeure, le bail sera résilié de plein droit, un mois après une mise en demeure par simple lettre recommandée ou commandement resté infructueux ».
Partant, le premier juge a débouté la SAS Darwin de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause, celle-ci ne produisant aux débats aucun élément sur sa situation économique.
Dans ses dernières conclusions, la société appelante réitère ses demandes et soutient avoir apuré l'intégralité de sa dette locative.
Elle verse à ce titre un ordre de virement, réalisé le 20 juin 2024, d'un montant de 10 509 € (Pièce n°3 appelante). Elle affirme en outre être à jour de ses loyers courants, sans pour autant en administrer la preuve.
En réplique, la SCI PG s'oppose à l'octroi de délais de paiement susceptibles d'engendrer la suspension des effets de la clause résolutoire.
Elle indique à ce titre que, si l'arriéré locatif s'élevait à la somme de 13 480 € au mois de février 2024 (sa pièce n°5), il s'élevait, en janvier 2025, à la somme de 30 123, 40 €, incluant le terme de janvier 2025 (sa pièce n°8).
Elle prétend ainsi n'avoir reçu aucun règlement de la locataire depuis le 16 août 2024.
Elle justifie de la délivrance de deux saisies attributions adressées à la Lyonnaise de Banque LB AG Port, établissement bancaire de la SAS Darwin, les 5 novembre 2024 et 3 janvier 2025, pour des montants respectifs de 20 636, 18 € et 24 576, 55 € en exécution de l'ordonnance déférée (Pièce n°9 intimée).
Face aux éléments produits par la société intimée, la SAS Darwin n'apporte aucune explication ni contradiction.
Dès lors, au regard de l'accroissement significatif de la dette locative tout au long de la procédure et plus spécialement depuis l'intervention de l'ordonnance déférée, du fait que la société appelante ne s'acquitte pas de ses loyers et charges courants, comme de l'absence de justification de sa situation économique, la SAS Darwin sera déboutée de sa demande de délais et l'ordonnance entreprise confirmée en ce qu'elle a :
constaté au 6 mai 2023 la résiliation du bail commercial liant les parties, ainsi que l'occupation illicite du local à usage commercial situé [Adresse 1] à [Localité 4] ;
ordonné à la SAS Darwin de libérer de corps et de biens ainsi que de tous occupants de son chef, les locaux litigieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance ;
ordonné, à défaut, l'expulsion de la SAS Darwin et de tous occupants de son chef des lieux loués, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
condamné la SAS Darwin à payer à la SCI PG à titre provisionnel la somme de 8 172, 62 € au titre des loyers et charges échus au 17 mai 2023 (terme de mai 2023 inclus) ;
condamné la SAS Darwin à payer à la SCI PG une provision à valoir sur l'indemnité d'occupation de 2 460 € par mois à compter du 6 mai 2024 et jusqu'à libération effective des lieux ;
débouté les parties du surplus.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Etant donné que l'appelante succombe en appel, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a :
condamné la SAS Darwin à payer à la SCI PG la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SAS Darwin aux dépens de la procédure, dont compris le coût du commandement de payer et celui de la dénonce à caution.
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, il convient, pour les mêmes raisons, de condamner la SAS Darwin aux dépens d'appel.
En application des dispositions de l'article 700 du même code, l'équité commande en outre de condamner la SAS Darwin à payer à la SCI PG la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles, non compris dans les dépens, engagés par elle en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme l'ordonnance déférée en toute ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS Darwin à payer à la SCI PG la somme de 2 000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles engagés par elle en cause d'appel ;
Condamne la SAS Darwin aux entiers dépens d'appel.