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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ., 20 mars 2025, n° 23/02177

CAEN

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

De Montfiquet (SCI)

Défendeur :

Celtat (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Emily

Conseillers :

Mme Courtade, M. Gouarin

Avocats :

Me Balavoine, Me David, Me Riou, Me Dartois, Me Rumin

TJ Argentan, du 7 sept. 2023, n° 22/0001…

7 septembre 2023

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS

Selon acte notarié du 28 juin 1989, la SCI de Montfiquet (la SCI) a donné à bail à construction à la société VET 14, aux droits de laquelle vient la SAS Celtat, un terrain situé [Adresse 4] à [Localité 6], cadastré section AT [Cadastre 3] d'une contenance totale de 81a 82ca, pour une durée de trente-deux années à compter du 1er octobre 1988 expirant le 30 septembre 2020, à charge pour le preneur d'y édifier un bâtiment à usage de magasin de vente et de stockage d'une superficie d'au moins 1.500 m2, moyennant un loyer annuel de 120.000 francs HT (soit 18.293,88 euros) payable en quatre termes trimestriels et révisable tous les trois ans en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction, outre les impôts, taxes, contributions et redevances relatifs au terrain et à la construction, y compris ceux qui seraient de droit à la charge du bailleur.

Le preneur a fait édifier sur le terrain loué un bâtiment dans lequel la société Celtat exploite une activité commerciale sous l'enseigne Districenter.

Le 11 septembre 2020, M. [W] [X], expert près cette cour, a, à la demande du bailleur, établi un rapport sur l'état du bâtiment.

Des discussions ont été engagées par les parties sur la conclusion d'un bail commercial à effet au 1er octobre 2020 et la prise en charge des travaux concernant le bâtiment.

Le 21 décembre 2021, la SCI a assigné la société Celtat devant le tribunal judiciaire d'Argentan aux fins, notamment, de voir condamner celle-ci à faire procéder à diverses réparations sur le bâtiment édifié sur le terrain loué, à payer une indemnité d'occupation et ordonner son expulsion.

Par jugement du 7 septembre 2023, le tribunal judiciaire d'Argentan a :

- condamné la société Celtat à procéder aux travaux de remise en état du bâtiment litigieux, à savoir nettoyage des chéneaux et mise en place de filtres de descentes ou crépines, permettant de prévenir toute obstruction des descentes des eaux pluviales par des feuilles ou objets divers, suppression des diverses sorties en toiture équipant un ancien système de chauffage abandonné et remplacement par des éléments de couverture adaptés, réfection de la peinture métallisée en-dessous de l'emprise d'un ancien panneau publicitaire, réfection des parties de bardage endommagées laissant à l'air libre l'isolant, traitement de la structure sur les zones corrodées, réfection des quatre issues de secours défectueuses et révision générale des portes de secours (notamment descellement des bâtis, déformation de la tôle constituant la face intérieure des portes et de la peinture), réfection des bordures extérieures, consolidation de la paroi au niveau de la fissure importante sur le mur en aggloméré séparant la réserve du magasin, remplacement de la totalité de la partie basse du bardage (et travaux consécutifs nécessaires de façon que l'immeuble soit conforme aux règles de l'art), et ce, sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de trois mois consécutifs à la signification de sa décision,

- débouté la SCI de ses demandes plus amples ou contraires au titre des travaux de remise en état,

- débouté la SCI de sa demande d'expulsion et d'allocation d'une indemnité d'occupation,

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SCI à payer à la société Celtat la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon déclaration du 18 septembre 2023, la SCI a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 16 décembre 2024, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes plus amples ou contraires au titre des travaux de remise en état, de sa demande d'expulsion et d'allocation d'une indemnité d'occupation, a débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires, a condamné la SCI à payer à la société Celtat la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens et a assorti la condamnation à procéder à des travaux d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de trois mois consécutifs à la signification de sa décision, statuant à nouveau de ces chefs, de condamner à titre principal la société Celtat à déposer la couverture fibrociment, rechercher une éventuelle contamination à l'amiante et, si nécessaire, décontaminer la totalité de la charpente, des dalles de faux plafond et de tout réseau, appareillage et matériel situé dans le plénum et plus généralement la réalisation de toutes mesures et travaux en lien avec la présence d'amiante (notamment déménagement complet de tous les produits, matériels, aménagement de la surface de vente, des bureaux, locaux techniques, dépose des climatisations, dépose et/ou décontamination des réseaux électriques, de chauffage, plan de retrait ou encapsulage...), réaliser et poser une nouvelle couverture de type bac acier isolé (épaisseur minimale 60 mm), d'assortir cette condamnation d'une astreinte d'un montant de 1.000 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai d'un mois consécutif à la signification de la décision à intervenir.

Subsidiairement, elle demande à la cour d'ordonner une expertise avec pour mission d'examiner la toiture de l'immeuble litigieux, de déterminer les réparations nécessaires et de fournir tous éléments sur les responsabilités et les préjudices.

La SCI demande à la cour de prononcer l'expulsion de la société Celtat, si besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, sous astreinte d'un montant de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et de condamner l'intimée à lui payer une indemnité d'occupation annuelle de 147.000 euros HT à compter du 1er octobre 2020 en quittances ou deniers jusqu'à parfaite libération des lieux et réalisation des travaux ordonnés.

À titre subsidiaire, l'appelante demande à la cour de surseoir à statuer sur le montant de l'indemnité d'occupation, d'ordonner une expertise avec pour mission de donner son avis sur la valeur locative de l'immeuble et sur le montant de l'indemnité d'occupation depuis le 1er octobre 2020 et de fournir tous éléments d'appréciation des préjudices subis et de condamner l'intimée à lui payer à titre provisionnel une indemnité d'occupation annuelle de 147.000 euros HT à compter du 1er octobre 2020 en quittances ou deniers jusqu'à parfaite libération des lieux et réalisation des travaux ordonnés.

En tout hypothèse, la SCI demande que la cour déboute l'intimée de toutes ses prétentions et sollicite la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 10 décembre 2024, la société Celtat demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la SCI de ses demandes concernant les travaux de couverture et de désamiantage.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris s'agissant du bail commercial et de l'expulsion, de juger en conséquence que les parties sont liées par un bail commercial consenti le 14 août 2020 à effet au 1er octobre 2020 et de débouter l'appelante de toutes ses demandes sur ces points.

Subsidiairement, elle demande à la cour de dire et juger que la SCI a engagé sa responsabilité envers elle, de désigner un expert avec pour mission de rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail et de l'état des locaux, tous éléments permettant de déterminer le préjudice subi par la société Celtat et consécutifs à la perte de fonds de commerce, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession d'un fonds d'importance identique et de la réparation du trouble commercial, de surseoir à statuer sur la fixation du préjudice dans l'attente du dépôt du rapport.

L'intimée sollicite la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 15.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.

La mise en état a été clôturée le 18 décembre 2024.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIFS

1. Sur les demandes relatives au bail à construction

Selon l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation, constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail.

Le bail à construction est conclu pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Il peut se prolonger par tacite reconduction.

Suivant l'article L. 251-4, le preneur est tenu de toutes les charges, taxes et impôts relatifs tant aux constructions qu'au terrain. Il est tenu au maintien des constructions en bon état d'entretien et des réparations de toute nature.

L'appelante fait grief au tribunal d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner le preneur à faire procéder à des travaux de désamiantage éventuel et de remplacement de la toiture de la construction édifiée sur le terrain loué, alors que le rapport amiable établi par M. [X], expert, conclut que, compte tenu de l'ancienneté des plaques de fibrociment, leur pérennité n'est plus assurée à court et moyen terme, que leur remplacement est à programmer dans un avenir assez proche, si bien que le preneur doit être condamné à faire procéder aux travaux nécessités par l'état de la toiture.

En réplique, l'intimée soutient qu'en application du droit commun du bail la mise à la charge du preneur des travaux résultant de la vétusté ou nécessités par une mise en conformité doivent faire l'objet d'une clause expresse du bail, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que le preneur n'est tenu que d'une remise en état des lieux en état d'usage normal, que le rapport non contradictoire produit par le bailleur mentionne que la toiture est en bon état et que le nécessaire remplacement futur des plaques de fibrociment est dû à leur ancienneté et non à un défaut d'entretien.

Les dispositions des articles 1719 et 1755 du code civil invoquées par l'intimée ne sont pas applicables au bail à construction, ces dispositions figurant parmi les règles communes aux baux des maisons et des biens ruraux et particulières aux baux à loyers, lesquels concernent le louage des maisons et des meubles, alors que le bail à construction porte sur le louage d'un terrain à charge pour le preneur d'y édifier un bâtiment dont il demeure propriétaire durant la durée du bail et qu'il a la charge d'entretenir.

S'agissant des obligations du preneur à l'égard du bâtiment édifié sur le terrain loué, le bail à construction se trouve soumis aux dispositions spéciales de l'article L. 251-4 du code de la construction et de l'habitation précitées.

En l'espèce, le bail à construction conclu entre les parties le 28 juin 1989 prévoit que les constructions devront être édifiées conformément aux règles de l'art, aux prescriptions réglementaires et aux obligations résultant du permis de construire et que le preneur devra, pendant toute la durée du bail, conserver en bon état d'entretien les constructions édifiées et tous les aménagements qu'il y aura apportés et effectuer, à ses frais et sous sa responsabilité, les réparations de toute nature, y compris les grosses réparations définies par l'article 606 du code civil et par l'usage.

Ainsi, le bail en cause ne met pas à la charge du preneur une obligation de mettre en conformité le bâtiment construit sur le terrain loué à d'éventuelles nouvelles normes, la société Celtat étant seulement tenue de restituer à l'expiration du bail un bâtiment en bon état d'entretien.

Or il ressort du rapport amiable établi le 11 septembre 2020 à la demande du bailleur, soit dix-neuf jours avant l'expiration du bail, corroboré par les photographies annexées et par le diagnostic amiante établi le 15 octobre 2020 (pièce appelante n°6), d'une part, que la couverture est dans l'ensemble en bon état, que les plaques de fibrociment ne présentent pas de fissures apparentes et sont exemptes de végétation tels que lichens et mousses et que, vu leur ancienneté, la pérennité de ces éléments préfabriqués n'est cependant plus assurée à court et moyen terme, si bien que leur remplacement est à programmer dans un avenir assez proche, d'autre part, que le diagnostic amiante réalisé quinze jours après l'expiration du bail conclut à la nécessité d'une évaluation périodique et non d'une action de protection immédiate du matériau de la toiture.

Il s'ensuit qu'à la date d'expiration du bail à construction litigieux le bâtiment édifié par le preneur était en bon état d'entretien et ne nécessitait pas de travaux de désamiantage ni de remplacement de couverture, de sorte qu'aucun manquement à ses obligations contractuelles ne saurait être imputé au preneur et que le rejet des demandes du bailleur au titre de ces travaux doit être confirmé.

Les modalités de l'astreinte fixée par le tribunal seront confirmées en ce qu'elles résultent d'une exacte appréciation des circonstances de la cause demeurant pertinente en cause d'appel.

2. Sur les demandes relatives au bail commercial

Il résulte des dispositions de l'article L. 145-1 du code de commerce qu'il n'est pas nécessaire que le bail commercial soit écrit, que, toutefois, la seule occupation des lieux non accompagnée du paiement d'un loyer ne suffit pas à caractériser l'existence d'un bail commercial verbal, qui suppose l'accord des parties sur la chose et le prix du loyer et que, pour le commerçant, la preuve du bail commercial peut être rapportée par tous moyens.

L'appelante fait grief au tribunal, dont l'intimée s'approprie les motifs, d'avoir retenu l'existence d'un bail commercial entre les parties aux motifs qu'au 14 août 2020 un accord était intervenu entre les parties sur les conditions essentielles d'un bail commercial telles que la désignation du bien loué, la durée du bail, la date de prise d'effet, le montant de la participation du preneur aux charges et à la taxe foncière, le loyer, que ce n'est qu'à compter du 25 septembre 2020 que le bailleur a évoqué la remise en état du local et adressé un protocole d'accord en ce sens, que le projet de bail commercial transmis le 1er octobre 2020 par le bailleur reprend ces conditions et que la société Celtat s'acquitte du loyer depuis le 1er octobre 2020, alors que la conclusion d'un bail commercial à l'expiration du bail à construction était subordonnée à la signature d'un protocole d'accord prévoyant la prise en charge par le preneur de tous les travaux de remise en état du bâtiment, y compris ceux de désamiantage et de remplacement de la couverture et qu'aucun accord n'est intervenu entre les parties sur les conditions essentielles du bail commercial, contestées par le preneur lui-même.

En l'espèce, il ressort des courriels échangés par les parties entre le 30 avril 2020 et le 25 mai 2021 que la société Celtat a sollicité le 30 avril 2020 la conclusion d'un bail commercial à compter du 1er octobre 2020 à l'expiration du bail à construction, que ces courriels n'évoquent que des propositions et des contre-propositions portant notamment sur le montant du loyer et les charges ainsi qu'un simple projet de bail commercial.

L'appelante soutient vainement que la proposition de bail commercial émise par ses soins le 15 juin 2020 subordonnait la conclusion d'un tel bail à la prise en charge des travaux de remise en état du bâtiment, qui ne sont pas mentionnés dans le courriel de transmission de cette proposition et dont la SCI ne démontre pas avoir connu la réalité avant le rapport de visite des lieux établi par son expert le 11 septembre 2020.

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ne saurait être déduit de la seule demande de communication d'un 'projet de bail' par le preneur le 14 août 2020 que celui-ci aurait donné son accord aux conditions posées par le bailleur, dès lors qu'aucun accord définitif des parties sur les conditions essentielles, dont le montant du loyer, ne résulte des courriels jusqu'alors échangés et que la demande par le preneur de transmission d'un simple 'projet de bail' traduit sa volonté de régulariser un bail écrit et non verbal et d'étudier les conditions et charges dudit bail en vue d'éventuelles modifications, d'ailleurs demandées ultérieurement par la société Celtat.

En effet, cette simple demande de transmission d'un projet de bail ne constitue pas la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre et ne vaut pas acceptation de celle-ci au sens de l'article 1118 du code civil.

Le 25 septembre 2020, la SCI a transmis à la société Celtat un projet de protocole d'accord prévoyant la signature d'un bail commercial subordonnée à la réalisation par ce dernier de travaux de remise en état du bâtiment comprenant le désamiantage et le remplacement de la toiture, dont elle avait pris connaissance par le rapport de visite établi le 11 septembre précédent.

Le 1er octobre 2020, la SCI a transmis à la société Celtat le projet de bail commercial puis, le 19 octobre suivant, le dossier de diagnostic technique.

Après des relances adressées par la SCI les 8, 19 octobre et 6 novembre 2020, la société Celtat a, le 14 janvier 2021, retourné le projet de bail commercial accompagné de ses observations, indiqué qu'elle acceptait de prendre à sa charge les travaux de remise en état correspondant à son obligation d'entretien mais non ceux relatifs à la toiture et proposé d'insérer dans le bail commercial une clause reprenant son engagement de réaliser dans l'année les travaux listés, ce qui démontre que, selon les parties, la négociation des termes du bail commercial n'était pas achevée.

La société Celtat a maintenu sa position par courriel du 11 février 2021, réitérant son souhait de 'régularisation du bail'.

Le 25 mai 2021, la SCI a mis en demeure la société Celtat de quitter les locaux litigieux.

Il résulte de ces courriels que les parties entendaient signer un bail commercial écrit, subordonnant la conclusion d'un bail commercial en suite du bail à construction à la détermination de la charge des travaux de remise en état du bâtiment objet dudit bail, et qu'aucun accord n'était intervenu entre elles à cette date.

Au regard de ces éléments dont il résulte qu'aucun accord n'est intervenu entre les parties sur les conditions d'un bail commercial à partir du 1er octobre 2020, la preuve de l'existence d'un bail commercial verbal ne se trouve pas rapportée.

Il importe peu à cet égard que la société Celtat ait continué à occuper les lieux avec l'accord de la SCI le temps des négociations et ait payé le loyer convenu au projet de bail commercial, dès lors qu'il ne saurait être déduit de ces circonstances de fait un consentement de la SCI aux conditions posées par la société Celtat et la reconnaissance sans équivoque d'un bail commercial verbal, la SCI ayant établi pour cette période une facture d'indemnité d'occupation et non de loyer.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la SCI de sa demande d'expulsion et d'allocation d'une indemnité d'occupation.

La cour statuant à nouveau, il convient d'ordonner l'expulsion de la société Celtat des locaux litigieux, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu en l'état d'assortir cette mesure d'une astreinte.

La société Celtat sera condamnée à payer à la SCI une indemnité d'occupation d'un montant annuel de 100.000 euros HT indexé sur l'indice des loyers commerciaux et payable par termes mensuels égaux à compter du 1er octobre 2020 et jusqu'à libération effective des lieux, correspondant à la valeur locative des locaux en cause à cette date au regard du rapport de visite du 11 septembre 2020, des éléments de comparaison produits et de la proposition faite par le bailleur au preneur à cette période, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise sur ce point.

3. Sur la demande indemnitaire du preneur

Au visa de l'article 1104 du code civil, la société Celtat soutient qu'en transmettant le protocole d'accord visant la réalisation des travaux à la fin du mois de septembre 2020, au terme du bail à construction et en revenant sur le principe du bail commercial dont les conditions avaient pourtant été arrêtées, la SCI a manqué à son obligation de négocier et d'exécuter les conventions de bonne foi, l'a placée 'dans une situation précaire et devant le fait accompli pour exiger en réalité la réalisation de travaux qui ne lui incombaient pas' et l'a privée d'une chance d'exploiter son fonds de commerce dans d'autres locaux.

Cependant, il résulte des motifs qui précèdent qu'aucun accord définitif entre les parties n'est intervenu sur la conclusion d'un bail commercial à l'expiration du bail à construction, de sorte qu'il ne peut être reproché à la SCI d'être revenue sur un accord sur ce point.

Par ailleurs, les échanges entre les parties relèvent d'une négociation de bonne foi entre opérateurs économiques expérimentés, étant rappelé que la conclusion d'un bail commercial à l'expiration d'un bail à construction n'est pas de droit.

Enfin, la société Celtat continue d'occuper les locaux en cause et d'y exploiter son fonds de commerce malgré l'expiration du bail à construction le 30 septembre 2020, sans établir la réalité d'une recherche de nouveaux locaux tels ceux de la société Newco évoqués dans ses conclusions.

Le rejet de la demande indemnitaire formée par la société Celtat sera donc confirmé.

4. Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution donnée au litige, les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront infirmées.

La société Celtat, qui succombe en ses principales prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à la SCI de Montfiquet la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Celtat à procéder aux travaux de remise en état du bâtiment litigieux, à savoir nettoyage des chéneaux et mise en place de filtres de descentes ou crépines, permettant de prévenir toute obstruction des descentes des eaux pluviales par des feuilles ou objets divers, suppression des diverses sorties en toiture équipant un ancien système de chauffage abandonné et remplacement par des éléments de couverture adaptés, réfection de la peinture métallisée en-dessous de l'emprise d'un ancien panneau publicitaire, réfection des parties de bardage endommagées laissant à l'air libre l'isolant, traitement de la structure sur les zones corrodées, réfection des quatre issues de secours défectueuses et révision générale des portes de secours (notamment descellement des bâtis, déformation de la tôle constituant la face intérieure des portes et de la peinture), réfection des bordures extérieures, consolidation de la paroi au niveau de la fissure importante sur le mur en aggloméré séparant la réserve du magasin, remplacement de la totalité de la partie basse du bardage (et travaux consécutifs nécessaires de façon que l'immeuble soit conforme aux règles de l'art), et ce, sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de trois mois consécutifs à la signification de sa décision, a débouté la SCI de [Adresse 7] de ses demandes plus amples ou contraires au titre des travaux de remise en état et a débouté la société Celtat de sa demande indemnitaire ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI de Montfiquet de sa demande d'expulsion et d'allocation d'une indemnité d'occupation ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Ordonne à la société Celtat de quitter les locaux situés [Adresse 4] à [Localité 6], cadastré section AT [Cadastre 3] dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt ;

A défaut de libération volontaire des lieux par la société Celtat, autorise la SCI de Montfiquet à faire procéder à l'expulsion de cette dernière des locaux situés [Adresse 4] à [Localité 6], cadastré section AT [Cadastre 3], au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

Condamne la société Celtat à la SCI de Montfiquet une indemnité d'occupation d'un montant annuel de 100.000 euros HT, indexée sur l'indice des loyers commerciaux et payable par termes mensuels égaux à compter du 1er octobre 2020 et jusqu'à libération effective des lieux ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Celtat aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la SCI de Montfiquet la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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