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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 20 mars 2025, n° 21/04282

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Martin, Mme Vignon

Avocats :

Me Brahimi, Me Berard

TGI Nice, du 24 févr. 2021, n° 18/00203

24 février 2021

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat du 1 er janvier 1982, M. [D] [E], aux droits duquel est venue Mme [B] [K] veuve [U], a consenti à Mmes [R] [S] et [G] [O] un bail commercial portant sur un local à usage de salon de coiffure situé à [Localité 6],[Adresse 1].

Mme [R] [S], qui est devenue l'unique locataire suite au départ de Mme [G] [O], a fait valoir ses droits à la retraite en 2007 et a souhaité vendre le salon de coiffure en 2008.

La bailleresse a refusé de donner son autorisation, invoquant le fait que la preneuse avait cessé d'exploiter le fonds de commerce.

Le 8 juillet 2008, la bailleresse faisait signifier un congé pour le 29 septembre 2009 avec refus de paiement de l'indemnité d'éviction au motif que Mme [O] n'était plus inscrite au RCS depuis le 29 février 2008, situation empêchant les locataires, pour la bailleresse, de bénéficier du statut des baux commerciaux.

Mme [K] a assigné Mme [S] en refus de cession de son fonds artisanal tandis que les preneuses l'assignaient en paiement de l'indemnité d'éviction.

Par jugement prononcé le 16 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Nice disait que Mme [R] [S] remplissait les conditions exigées par l'article L 145-51 du code de commerce et qu'elle pourrait céder son fonds de commerce dans les conditions fixées par ce texte, rejetant également comme prématurée la demande en réparation du préjudice.

Mme [B] [K] interjetait appel de cette décision, sollicitant notamment la condamnation des preneuses à lui régler des indemnités d'occupation à compter du 1er octobre 2009.

Par arrêt du 10 décembre 2013, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- dit que le bail liant Mme [K] à Mme [S] et Mme [O] s'est renouvelé le 30 septembre 2001 pour une durée de neuf ans expirant le 29 septembre 2010 ;

- dit que Mme [S] était fondée à demander l'autorisation de céder son droit au bail selon les dispositions de l'article L 145 -51 du code de commerce ;

- condamné Mme [K] à payer à Mme [S] une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour refus de cession dudit fonds ;

- dit que le congé notifié le 4 juillet 2008 par Mme [K] à Mme [S] et Mme [O] a produit effet au 29 septembre 2010 ;

- reconnu à Mme [S] le droit à une indemnité d'éviction ;

- ordonné une expertise pour fixer l'indemnité d'occupation ;

- condamné solidairement Mme [S] et Mme [O] à payer à Mme [K] une indemnité d'occupation provisionnelle égale au loyer contractuel à compter du30 septembre 2010 ;

- débouté Mme [K] de sa demande de dommages-intérêts ;

- condamné Mme [K] à payer à Mme [S] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel relevait, concernant Mme [O], que celle-ci ne pouvait bénéficier du statut des baux commerciaux, cette dernière ne le revendiquant d'ailleurs pas.

Suite au décès de Mme [R] [S] le 17 novembre 2014, son mari, M. [F] [S], lui succédait, tandis que leur fille unique [T] [S] épouse [Z] venait en dernier aux droits de ses parents, suite au décès de son père.

L'expert judiciaire a évalué l'indemnité d'occupation à la somme totale de 64 960 euros pour la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014.

Par arrêt du 1er décembre 2015 signifié le 25 février 2016, la cour d'appel d'Aix-en-Provence s'est en particulier prononcée en ces termes :

- condamne Mme [K] à payer à M. [F] [S] pris en qualité d'époux survivant de feue Mme [R] [S] une indemnité d'éviction principale et accessoires de 120 951 euros ;

- fixe à la somme de 64 960 euros l'indemnité d'occupation dont sont solidairement redevables en deniers et quittances M. [F] [S] venant aux droits de Mme [S], Mme [O], sous déduction des sommes versées par avis à tiers détenteur;

- dit n'y avoir lieu en l'état à compensation entre les deux sommes ;

- confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 16 décembre 2011 en ses autres dispositions non contraires ;

- condamne Mme [K] à payer à M. [S], venant aux droits de Mme [S], la somme complémentaire de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et auxaux entiers dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Concernant la fixation de l'indemnité d'occupation, la cour d'appel relevait notamment que la bailleresse avait demandé à voir fixer l'indemnité d'occupation pour la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014, reconnaissant par là même, la reprise des locaux à cette date.

Par acte d'huissier de justice signifié le 14 décembre 2017, Mme [B] [K] veuve [U] faisait assigner Mme [T] [Z] née [S] en qualité d'héritière de Mme [R] [S] et Mme [G] [O] en paiement solidaire ou in solidum des indemnités d'occupation qui lui étaient dues entre le 10 septembre 2010 et le 26 décembre2016, des sommes dues au titre des charges de copropriété et l'impôt foncier de 2008 au 26 décembre 2016, et les impôts fonciers de 2003 à 2007.

Par jugement contradictoire du 24 février 2021, le tribunal judiciaire de Nice s'est prononcé en ces termes :

- condamne solidairement Mme [T] [Z] née [S] et Mme [G] [O] à payer à Mme [B] [K] veuve [U], en deniers ou quittances valables la somme de 23200 euros à titre d'indemnités d'occupation du 30 septembre 2010 au 13 décembre 2012 ;

- déclare Mme [B] [K] veuve [U] irrecevable en ses demandes d'indemnités d'occupation pour la période postérieure à la date du 13 décembre 2012, comme étant prescrites;

- déboute Mme [B] [K] veuve [U] du surplus de ses demandes ;

- ordonne l'exécution provisoire ;

- dit n'y avoir lieu a application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fait masse des dépens, qui seront supportes par moitie entre les parties.

Le 22 mars 2021, Mme [B] [K] veuve [U] formait un appel en ces termes : '

l'appel tend à la réformation ou à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il: "

- déclare Mme [U] irrecevable en ses demandes d'indemnités d'occupation pour la période postérieure à la date du 13décembre 2012 comme prescrites;

- déboute Mme [U] du surplus de ses demandes;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- fais masse des dépens qui seront supportés par moitié entre les parties."

L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance prononcée le 17 décembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2024, Mme [B] [K] veuve [U] demande à la cour de :

- recevoir Mme [B] [K] veuve [U] en son appel,

- réformer le jugement du 24 février 2021 en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [T] [S] [Z] en sa qualité d'ayant droit de sa mère et Mme [G] [O] solidairement au payement de la somme de 64960 euros à titre d'indemnité d'occupation,

- rejeter la fin de non-recevoir soutenue par Mesdames [T] [S] épouse [Z] et Mme [G] [O] au titre de la prescription de la demande de paiement des charges de copropriété et de la demande de remboursement pour l'impôt foncier pour les années 2012, 2013 et 2014,

vu l'article L 111 -3-6 du code de procédure civile d'exécution qui confirme le caractère exécutoire des avis à tiers détenteurs notifiés entre le 5 juin 2007 et le 15 avril 2011.

Vu les articles 1346 et 2232 du code civil,

- juger que Mesdames [R] [S] et Mme [G] [O] étaient redevables des sommes objets des avis à tiers détenteurs et ce à concurrence des charges taxes foncières dont elles étaient redevables vis-à-vis de leur bailleresse pour la période de 2006 au 31 mars 2014,

- condamner solidairement à pour le moins in solidum Mesdames [T] [S] épouse [Z] venant aux droits de sa mère Mme [R] [S] et Mme [G] [O] au paiement de la somme de 28 892 euros,

- condamné Mme [S] et Mme [O] à payer à Mme [U] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

à titre subsidiaire,

Si la cour devait retenir une prescription quinquennale pour les charges et les fonciers,

Condamner Mme [S] et Mme [O] au payement de l'import foncier pour les années 2012 à 2014 soit à la somme de 3 527, 75 euros,

- condamner Mme [S] et Mme [O] au paiement des charges locatives pour les années 2012 à 2014 soit 6 981, 63 euros,

- condamner Mme [T] [S] épouse [Z] au paiement de la somme de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2024, Mme [T] [S] épouse [Z] et Mme [G] [O] demandent à la cour de :

Vu les articles L 110-4, L 145-28 et L 145 -60 du code de commerce, 2224 du code civil,

- recevoir les intimées en leur appel incident ;

- infirmer le jugement en ce qu'il condamne les intimées à payer une indemnité d'occupation et

statuant à nouveau :

en application de la prescription prévue par l'article L 145'60 du code de commerce,

- juger prescrite en totalité la demande du bailleur concernant l'indemnité d'occupation due postérieurement à la date pour laquelle le congé a été donné, et débouter le bailleur de ce chef de demande ;

- infirmer en conséquence la décision en ce qu'elle a condamné les intimées à payer la somme de

23.200 euros,

subsidiairement, en cas d'application de la prescription de cinq ans :

' après application de la prescription des sommes pouvant être dues antérieurement au 13 décembre 2012, prescription interrompue par assignation du 14 décembre 2017, infirmer sur le montant de la somme allouée et fixer la créance de l'appelante concernant l'indemnité d'occupation à la somme de 12.907,40 € ;

- confirmer pour le surplus, en déboutant l'appelante de ses demandes de paiement de charges et impôts fonciers non justifiés ;

- débouter l'appelante de sa demande nouvelle et accessoire relevant du juge de l'exécution saisi au demeurant par assignation du 5 juin 2024 ;

- condamner Mme [B] [K] à payer aux intimées 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

MOTIFS

1-sur la demande en paiement des indemnités d'occupation

Selon l'article L145-28 al 1 du code de commerce :Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

L'article L145-60 du même code dispose :Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.

L'article 2241 du code civil énonce :La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Selon l'article L111-3 du code des procédures civiles d'exécution, invoqué par l'appelante :Seuls constituent des titres exécutoires :

1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;

L'article L111-4 du même code, invoqué par l'appelante, ajoute :L'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa.

L'appelante sollicite la condamnation solidaire des anciennes locataires à lui payer une somme de 64 960 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014.

Pour dire que sa demande en paiement n'est pas prescrite, l'appelante soutient que :

- la demande de paiement de l'indemnité d'occupation l'est en vertu des arrêts du 16 décembre 2013 et 1 er décembre 2015,qui eux peuvent être exécutés pendant 10 ans, constituant des titres exécutoires comme le précise l'article L 211 -3 du code des procédures civiles d'exécution,

- le tribunal ne fait aucune mention de l'arrêt du 16 décembre 2013, qui a condamné Mme [S] et Mme [O] à payer une une indemnité d'éviction, dont l'exécution ne peut être prescrite avant le 14 décembre 2023,

- l'arrêt du 1 er décembre 2015, liquide l'indemnité d'occupation à 64 960 euros donc la créance d'indemnité d'occupation est bien due par les locataires jusqu'à la libération des lieux dont la cour dans son arrêt a retenu qu'elle était due jusqu'au 31 mars 2014.

Les intimées s'opposent à la demande en paiement d'indemnités d'occupation de la bailleresse, en invoquant la prescription biennale, en ces termes:

- il appartient au bailleur de réclamer, dans les deux ans du fait générateur, l'indemnité d'occupation,

- en cas de contestation, l'action en paiement de l'indemnité d'occupation ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du locataire au bénéfice d'une indemnité d'éviction,

- l'arrêt du 10 décembre 2013 juge le principe du droit à indemnité d'éviction du locataire et la prescription de deux ans débute en principe à compter de cette date,

- durant la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 2 décembre 2015, le bailleur a réclamé la condamnation du locataire à payer diverses sommes, mais qu'il n'a pas qualifié d'indemnité d'occupation,

- en supposant que ces conclusions aient interrompu la prescription, alors même que le bailleur a été débouté, un nouveau délai aurait débuté au 1 er décembre 2015,

- l'action du bailleur pour réclamer l'indemnité d'occupation était donc prescrite au 30 novembre 2017,

- or, l'assignation du 14 décembre 2017 a été signifiée postérieurement au délai de deux ans prévu par l'article L 145-60 du code de commerce.

Il convient de distinguer la question de la prescription applicable aux indemnités d'occupation dues par les deux intimées, seule Mme [S] ayant droit à l'application du statut des baux commerciaux et à l'indemnité d'éviction.

- sur la prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation dirigée contre Mme [G] [O]

Dans son arrêt du 10 décembre 2013, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a retenu que Mme [O] n'avait pas droit au bénéfice du statut des baux commerciaux, tandis que l'arrêt du 1er décembre 2015 condamne la bailleresse à payer une indemnité d'éviction à Mme [S] seulement.

Ainsi, à compter de la date d'effet au 29 septembre 2010, du congé notifié le 4 juillet 2008, Mme [O] était redevable, envers la bailleresse, d'indemnités d'occupation de droit commun (ayant un fondement indemnitaire compensatoire) et non statutaire.

Or, l'action en paiement de l'indemnité d'occupation de droit commun due par un locataire à compter de la date d'effet d'un congé, dès lors qu'il n'a pas droit à une indemnité d'éviction, ne dépend pas de la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce mais est soumise à la prescription quinquennale de droit commun.

La bailleresse sollicite la condamnation de Mme [O] à lui payer des indemnités d'occupation la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014.

L'arrêt au fond du 1er décembre 2015 relève que Mme [B] [K] a demandé, par conclusions du 2 juillet 2015, à la cour, d'homologuer le rapport d'expertise, lequel concluait en particulier sur le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [O] pour la période litigieuse du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014 concernée par la demande de la bailleresse.

La bailleresse avait donc bien présenté , dans le délai de la prescription quinquennale, une demande en justice, en paiement des indemnités d'occupation dues par Mme [G] [O] sur la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014.

Par ailleurs, l'arrêt du 2 décembre 2015, intervenu dans le délai de la prescription quinquennale applicable aux indemnités d'occupation dues sur la période du 30 septembre 2010 au 2 mars 2014, a fait droit aux demandes en paiement de la bailleresse en ces termes :'fixe à la somme de 64 960 euros l'indemnité d'occupation dont sont solidairement redevables en deniers et quittances, M. [F] [S], venant aux droits de Mme [S], et Madame [O], sous déduction des sommes versées par avis à tiers détenteur'.

En définitive, l'action en paiement des indemnités d'occupation due par Mme [O] pour la période litigieuse du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014 n'est pas prescrite.

La cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, opposée par les intimées.

- sur la prescription de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation dirigée contre Mme [S]

En l'espèce, les indemnités d'occupation litigieuses dues par Mme [S] à la bailleresse sont, contrairement à ce qui a été jugé pour Mme [O], de nature statutaire. Elles ne constituent pas des indemnités d'occupation de droit commun. En effet, compte tenu de la cessation du bail par l'effet du refus de renouvellement, aucun loyer ne peut être réclamé à la preneuse et le statut des baux commerciaux prévoit dans cette hypothèse, que la preneuse devient débitrice d'une indemnité d'occupation qui doit être fixée conformément aux dispositions dudit statut.

Il est en outre constant que le délai de l'action en paiement de l'indemnité d'occupation fondée sur l'article L. 145-28 du code de commerce ne peut commencer à courir avant le jour où est définitivement consacré, dans son principe, le droit du preneur au bénéfice d'une indemnité d'éviction.

En l'espèce, dès lors que la bailleresse avait contesté le droit des héritiers de la preneuse initiale (Mme [R] [S]) au bénéfice d'une indemnité d'éviction, le délai de la prescription biennale, applicable à son action en paiement des indemnités d'occupation (pour la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014), a commencé à courir à compter de l'arrêt du 10 décembre 2013, lequel a reconnu à la locataire le droit à une indemnité d'éviction.

Pour ne pas être atteinte par la prescription biennale, l'action de la bailleresse, en fixation d'une indemnité d'occupation,devait donc intervenir avant le 10 décembre 2015, ce qui a bien été le cas.

En effet, l'arrêt au fond du 1er décembre 2015 relève que Mme [B] [K] a demandé, par conclusions du 2 juillet 2015, à la cour, d'homologuer le rapport d'expertise, lequel concluait en particulier sur du montant de l'indemnité d'occupation due au titre de la période réclamée par la bailleresse(30 septembre 2010 au 31 mars 2014).

D'ailleurs, l'arrêt du 2 décembre 2015 a fait droit à l'action de la bailleresse en fixation de l'indemnité d'occupation en ces termes : 'fixe à la somme de 64 960 euros l'indemnité d'occupation dont sont solidairement redevables en deniers et quittances, M. [F] [S], venant aux droits de Mme [S], et Madame [O], sous déduction des sommes versées par avis à tiers détenteur'.

La cour rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, opposée par les intimées.

2-sur le bien-fondé de la demande en paiement des indemnités d'occupation

Par arrêt du 1er décembre 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a fixé à la somme de 64 960 euros l'indemnité d'occupation dont sont solidairement redevables en deniers et quittances Monsieur [F] [S] venant aux droits de Mme [S], et Mme [O], sous déduction des sommes versées par avis à tiers détenteur.

Les preneuses ne critiquent pas, à titre subsidiaire, le montant des indemnités d'occupation qui leur est réclamé par la bailleresse (64 960 euros), pour la période litigieuse (du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014), lequel correspond au montant fixé par cette cour d'appel dans son arrêt du 1er décembre 2015.

Infirmant le jugement en toutes ses dispositions sur les indemnités d'occupation, la cour condamne Mmes [T] [S] [Z] et [G] [O] à payer in solidum à Mme [B] [K] veuve [U] la somme de 64 960 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014, sous déduction des sommes versées par avis à tiers détenteur, en application de l'arrêt du 1er décembre 2015 prononcé par cette cour.

3-sur la demande en paiement de charges et d'impôts fonciers

L'appelante sollicite, à titre principal, la condamnation des intimées à lui payer les

charges et impôts fonciers pour la période de 2006 au 31 mars 2014, soit 28 892€.

A titre subsidiaire, dans le cas où une prescription de cinq ans s'appliquait au recouvrement des charges et des taxes foncières, la bailleresse sollicite le paiement d'une somme de 3 527,75 euros au titre de l'impôt foncier et de 6 981, 63 pour les charges, au titre des années 2012 à 2014.

- sur la recevabilité au regard de la prescription

Selon l'article 2224 du code civil :Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Vu l'article L 111-3 6° du code des procédures civiles d'exécution dont il résulte notamment que constituent des titres exécutoires les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement,

Vu l'article 1346 du code civil invoqué par l'appelante dont il résulte notamment que"La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette."

Pour s'opposer au paiement des charges et taxes foncières réclamés par la bailleresses, les intimées invoquent la prescription quinquennale et font valoir que la demande de ce chef ne pourra porter sur des sommes antérieures au 13 décembre 2012, soit cinq années avant l'assignation du 13 décembre 2017, qui peut être considérée comme interruptive de prescription

Pour s'opposer à la prescription quinquennale de son action en paiement de charges et taxes foncières dues antérieurement au 14 décembre 2012, soit 5 ans avant son assignation en paiement, Mme [B] [K] invoque une subrogation du créancier du caractère exécutoire pendant 10 ans des avis à tiers détenteurs validés.

Il est constant que se prescrivent par cinq ans les actions en paiement des loyers et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts.

En l'espèce, la demande en paiement de charges, par la bailleresse, a été formée pour la première fois le 14 décembre 2017, date de l'acte introductif d'instance devant le tribunal judiciaire de Nice, Mme [B] [K] sollicitant alors la condamnation des anciennes locataires à lui payer des charges de copropriété depuis 2008 au 26 décembre 2016.

De plus, Mme [B] [K] ne démontre aucunement la subrogation qui aurait eu lieu en sa faveur et c'est à juste titre que les intimées soutiennent que les avis à tiers détenteur ne peuvent avoir aucun effet sur les rapports juridiques entre le débiteur principal et le tiers saisi dont les rapports juridiques demeurent autonomes.

Dès lors, la cour juge prescrite la demande en paiement portant sur des charges et impôts dues antérieurement au 14 décembre 2012.

Il y a lieu d'examiner la demande subsidiaire de la bailleresse en paiement de l'impôt foncier pour les années non couvertes par la prescription, soit 2012 à 2014, ce qui correspond selon elle à un dû de 3 527, 75 euros.

- sur le bien-fondé de la demande en paiement de charges et d'impôts fonciers dus pour la période postérieure au 14 décembre 2012

Concernant les charges réclamées pour la période postérieure au 14 décembre 2012, les anciennes preneuses estiment que les sommes réclamées ne sont pas exigibles et ne sont pas justifiées. Elles précisent, en outre, que le bail a pris le 31 août 2010 et que le montant de l'indemnité d'occupation est conforme à la valeur locative et globale, incluant les accessoires tels que charges et impôts fonciers. Les preneuses ajoutent que la cour a fixé une indemnité d'occupation à laquelle il ne peut être ajouté des accessoires dont il est déjà tenu compte.

En l'espèce, il a été précédemment jugé, sur le principe, que seuls les charges et taxes foncières postérieures au 14 décembre 2012 pouvaient être réclamées aux anciennes preneuses.

En outre, selon l'arrêt de cette cour du 10 décembre 2013, le congé de la bailleresse a produit effet au 29 septembre 2010. Les charges et impôts réclamées postérieurement au 14 décembre 2012, alors que le bail avait pris fin, sont intégrées au montant des indemnités d'occupation proposées par l'expert judiciaire, et qui a été homologué par la cour dans son arrêt du 1er décembre 2015. La cour a d'ores et déjà fixé les montants d'indemnités d'occupation dues par les anciennes preneuses pour la période postérieure au 29 septembre 2010 et il ne saurait être ajouté des coûts supplémentaires.

En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il déboute Mme [B] [K] de sa demande en paiement des charges et taxes foncières.

3-sur la demande de la bailleresse en indemnisation d'un préjudice moral

Vu l'article 1240 du code civil,

Aucun abus des intimées n'est en l'espèce démontré, celles-ci ayant pu se méprendre sur les droits et obligations de chacun.

Mme [B] [K] est déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral.

4-sur le surplus et sur les frais du procès

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande des intimées de débouter l'appelante de sa demande nouvelle relevant du juge de l'exécution, cette dernière ne présentant plus, dans ses dernières conclusions, une telle demande.

Compte tenu de la solution apportée au litige, le jugement est infirmé du chef de l'article 700 et des dépens.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile,Mme [T] [S] épouse [Z] est condamnée à payer une somme de 4000 euros à Mme [B]

[K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [T] [S] épouse [Z] et Mme [G] [O] sont condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement :

- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il rejette les demandes de Mme [B] [K] en paiement des charges et taxes foncières,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription soulevées par les intimées,

- condamne Mmes [T] [S] [Z] et [G] [O] à payer in solidum à Mme [B] [K] veuve [U] la somme de 64 960 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 30 septembre 2010 au 31 mars 2014, sous déduction des sommes versées par avis à tiers détenteur , en application de l'arrêt du 1er décembre 2015 prononcé par cette cour,

- déboute Mme [B] [K] de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral,

- déclare sans objet la demande des intimées de débouter l'appelante de sa demande nouvelle relevant du juge de l'exécution,

- condamne Mme [T] [S] épouse [Z] à payer à Mme [B] [K] une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Mme [T] [S] épouse [Z] et Mme [G] [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

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