CA Versailles, ch. civ. 1-2, 25 mars 2025, n° 24/01580
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Vice-président :
Mme Paccioni
Conseiller :
Mme Thivellier
Avocats :
Me Tofani, Me Lanoir, Me Claude de la SELAS Realyze
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre de contrat de crédit préalable acceptée le 28 juillet 2017, la société BNP Paribas Personal Finance a consenti à Mme [G] [E] épouse [N] un crédit d'un montant de 44 161,76 euros affecté à l'acquisition d'un véhicule Audi S3 remboursable en 72 échéances de 707,96 euros au taux débiteur fixe de 4,16 % par an.
Sur requête de la société BNP Paribas Personal Finance, une ordonnance d'injonction de payer du 3 février 2020 rendue par le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Versailles a condamné Mme [E] épouse [N] à lui payer la somme en principal de 39 222,55 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019.
Cette ordonnance n'a jamais été signifiée. Son caractère non-avenu a été constaté par jugement du juge des contentieux et de la protection de Versailles du 19 décembre 2023.
Sur une nouvelle requête présentée par la société BNP Paribas Personal Finance à la demande du greffe, une ordonnance d'injonction de payer du 30 novembre 2020 rendue par le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Versailles a condamné Mme [E] épouse [N] à lui payer la somme en principal de 39 222,55 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019, outre une somme de 57,31 euros au titre de frais accessoires.
Cette ordonnance a été signifiée le 11 janvier 2021.
Par courrier envoyé le 24 janvier 2023 et reçu au greffe le 26 janvier 2023, Mme [E] a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer.
Par jugement contradictoire du 13 novembre 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Versailles a :
- déclaré l'opposition irrecevable comme tardive,
- constaté que l'ordonnance d'injonction de payer du 30 novembre 2020 conserve tous ses effets,
- condamné Mme [E] épouse [N] aux dépens de la présente instance,
- condamné Mme [E] épouse [N] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration reçue au greffe le 4 mars 2024, Mme [E] épouse [N] a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 juin 2024, Mme [E] épouse [N], appelante, demande à la cour de :
- la recevoir en son appel,
Et y faisant droit,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 novembre 2023 par le juge des contentieux de la protection de Versailles,
- la recevoir en son opposition et déclarer non avenue l'ordonnance d'injonction de payer du 30 novembre 2020,
- déclarer la société BNP Paribas Personal Finance en conséquence irrecevable en sa demande en paiement,
Subsidiairement,
- déclarer société BNP Paribas Personal Finance forclose en sa demande, et prescrite en son action en paiement, et l'en débouter,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement, faute pour les obligations de l'emprunteur d'avoir pris effet,
- déclarer abusive les clauses insérées dans l'offre de prêt et ainsi rédigées :
- 'le prêteur pourra résilier le présent contrat après envoi à l'emprunteur d'une mise en demeure par lettre recommandée en cas de non-paiement à la bonne date de toute somme due au titre du présent contrat. En cas de résiliation du contrat par le prêteur, l'emprunteur sera tenu de rembourser immédiatement toutes les sommes restant dues en vertu du présent contrat',
- ' en cas de défaillance de la part de l'emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restantes dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt',
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes fondées sur une exigibilité anticipée du prêt ou en résiliation du contrat de prêt,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts en application des articles L .241-1, L. 312-12, L. 341 alinéa 1er, L. 312-17, L. 341-3, L. 312-16, L. 341-2, R. 312-10 et L. 341-8 du code de la consommation,
- ordonner à la société BNP Paribas Personal Finance de produire un décompte de sa créance conforme aux dispositions de l'article L. 341-8 du code de la consommation, avec imputation sur le capital :
- de chacun des versements effectués par elle,
- des intérêts courus au taux légal pour les particuliers sur les intérêts contenus dans chacun des versements effectués par elle,
- en l'absence de production de ce décompte, débouter la société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes, faute d'établir la preuve, qui lui incombe, du montant précis de sa créance,
- en tout état de cause, débouter la société BNP Paribas Personal Finance de toute demande de capitalisation des intérêts, contraire aux dispositions du code de la consommation relatives aux prêts personnels,
- si la cour considérait que la société BNP Paribas Personal Finance dispose d'une créance exigible à son égard, l'autoriser à s'en acquitter par 23 versements mensuels de 200 euros, suivis d'un 24ème versement soldant la dette en capital, intérêts et frais, chacun des versements devant s'imputer prioritairement sur le capital, et la société BNP Paribas Personal Finance devant lui adresser 15 jours au moins avant la date d'échéance du 24ème versement un décompte détaillé des sommes restant alors dues,
- si la cour refusait de prononcer la déchéance des intérêts, il sera dit que ceux-ci ne courront qu'au taux légal le temps des délais accordés, et sans majoration de 5 points de ce taux en considération du taux élevé de l'intérêt légal et du taux initial du prêt,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en première instance et la somme de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles en cause d'appel,
- débouter la société BNP Paribas Personal Finance de toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société BNP Paribas Personal Finance aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 septembre 2024, la société BNP Paribas Personal Finance, intimée, demande à la cour de :
- la recevoir en ses présentes écritures et y faisant droit,
En conséquence,
- infirmer le jugement sus-énoncé et daté en ce qu'il a considéré l'opposition de Mme [E] irrecevable car tardive,
En conséquence et statuant sur les chefs critiqués,
A titre principal,
- débouter Mme [E] épouse [N] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [E] épouse [N] au paiement de la créance qui s'élève à la somme de 39 222,55 euros, au taux conventionnel de 4,16 % à compter du 8 août 2019 en vertu du contrat de prêt souscrit le 28 juillet 2017,
A titre subsidiaire, pour le cas où la cour considérerait que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée, et vu l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 et les articles 1224, 1227 et 1229 du même code,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit du 28 juillet 2017,
- condamner Mme [E] au paiement de la créance qui s'élève à la somme de 39 222,55 euros, au taux conventionnel de 4,16 % à compter de la décision à intervenir en vertu du contrat de prêt souscrit le 28 juillet 2017,
A titre très subsidiaire, pour le cas où la cour considérerait que la déchéance du droit aux intérêts doit néanmoins être ordonnée,
- condamner Mme [E] au paiement de la créance qui s'élève à la somme de 39 222,55 euros, au taux légal à compter du 8 août 2019, ce en vertu du contrat de prêt souscrit le 28 juillet 2017,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait considérer que la déchéance du terme n'est pas régulière et que la résiliation judiciaire ne peut être prononcée, il est demandé à la cour de, condamner Mme [E] au paiement de la créance qui, s'élève à la somme de 39 511,38 euros au taux conventionnel de 4,16 % à compter de la décision à intervenir, ce en vertu du contrat de prêt souscrit le 28 juillet 2017,
En tout état de cause,
- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel par application de l'article 699 du code de procédure civile, dont le recouvrement sera effectué par la Selas DLDA Avocats représentée par Maître Jack Beaujard, avocat au barreau des Hauts-de-Seine.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 décembre 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il est précisé que l'offre préalable ayant été régularisée postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur version issue de cette ordonnance.
Sur la recevabilité de l'opposition à ordonnance d'injonction de payer
Le premier juge a déclaré irrecevable l'opposition formée par Mme [E] épouse [N] aux motifs que le délai d'opposition avait commencé à courrier le 2 juillet 2021, date de la dénonciation de la saisie-attribution à l'emprunteur.
Mme [E] épouse [N], qui poursuit l'infirmation de ce chef du jugement et conclut à la recevabilité de son opposition, fait valoir en substance que la saisie-attribution du 2 juillet 2021 ayant été annulée par le juge de l'exécution de Versailles dans son jugement du 2 septembre 2022, elle ne peut produire aucun effet, notamment quant au délai d'un mois pour former opposition. Elle ajoute que l'acte de saisie-attribution n'était pas fondé sur l'ordonnance portant injonction de payer du 30 novembre 2020 mais sur celle du 3 février 2020, de sorte qu'elle ne peut valoir acte d'exécution de l'ordonnance du 30 novembre.
La société BNP Paribas Personal Finance conclut également à la recevabilité de l'opposition.
Elle explique que le tribunal judiciaire de Versailles lui a adressé une ordonnance exécutoire comportant une irrégularité du fait qu'elle visait l'ordonnance rendue le 3 février 2020. Elle reconnaît que les mesures ou tentatives de mesures d'exécution, notamment la saisie-attribution dénoncée le 2 juillet 2021, ont été faites par erreur en vertu de cette ordonnance qui était caduque. Elle en conclut que le délai d'opposition n'a été interrompu par aucune de ces mesures d'exécution et ce d'autant plus que par jugement du 2 septembre 2022, le juge de l'exécution a ordonné la mainlevée de cette saisie.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1416 du code de procédure civile, l'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance. Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
En l'espèce, il apparaît que l'ordonnance d'injonction de payer du 30 novembre 2020 a été signifiée à Mme [E] épouse [N] le11 janvier 2021 à l'étude, de sorte que le délai d'opposition n'a pas commencé à courir à cette date comme l'a justement relevé le premier juge.
La société BNP Paribas Personal Finance a dénoncé à l'appelante une saisie-attribution par acte d'huissier du 2 juillet 2021 qui précisait qu'elle était fondée sur 'une ordonnance portant injonction de payer mise au pied d'une requête rendue par le tribunal judiciaire en date du 03/02/2020 et revêtue de la formule exécutoire par le greffier en chef dudit tribunal en date du 26/03/2021".
Il apparaît ainsi que cette mesure d'exécution était fondée sur l'ordonnance portant injonction de payer du 3 février 2020 laquelle était caduque, sans qu'il puisse s'agir d'une simple erreur de date dans la mesure où l'ordonnance portant injonction de payer produite était celle du 3 février 2020 au verso de laquelle était apposée la formule exécutoire visant l'ordonnance du 30 novembre 2020.
En conséquence, l'acte de dénonciation de cette saisie-attribution n'a pu avoir eu pour effet de faire courir le délai d'opposition ouvert à Mme [E] épouse [N] à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer du 30 novembre 2020, et en l'absence de toute autre mesure d'exécution, l'opposition formée le 24 janvier 2023 doit donc être déclarée recevable.
Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Il convient donc de statuer à nouveau sur les demandes de la société BNP Paribas Personal Finance, le présent arrêt se substituant à l'ordonnance d'injonction de payer en application de l'article 1420 du code de procédure civile.
Sur le caractère non avenu de l'ordonnance portant injonction de payer
Mme [E] épouse [N] demande à la cour de déclarer l'ordonnance portant injonction de payer du 30 novembre 2020 non avenue en ce que la société BNP Paribas Personal Finance ne justifie pas avoir demandé l'apposition de la formule exécutoire dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai d'opposition, le courrier simple produit, non signé, daté du 12 janvier 2021, n'ayant aucune date certaine quant à sa date d'envoi effectif.
La société BNP Paribas Personal Finance s'oppose à cette demande en faisant valoir que l'ordonnance portant injonction de payer du 30 novembre 2020 a été signifiée le 11 janvier 2021 et que la formule exécutoire a été apposée le 26 mars 2021.
Sur ce,
Dès lors que l'opposition à l'ordonnance portant injonction de payer du 30 novembre 2020 est déclarée recevable, celle-ci prive par elle-même Mme [E] épouse [N] de se prévaloir d'un éventuel caractère non avenu de l'ordonnance puisqu'elle emporte de plein droit mise à néant de cette ordonnance, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur la forclusion et la prescription
Mme [E] épouse [N] demande à la cour de déclarer la société BNP Paribas Personal Finance forclose en son action, sur le fondement de l'article R. 312-35 du code de la consommation, du fait qu'au jour du dépôt des conclusions de la banque devant le premier juge, soit le 21 septembre 2023, un délai de plus de deux ans s'était écoulé depuis le 8 avril 2019, date du premier incident de paiement non régularisé.
Elle demande également de déclarer l'action de la société BNP Paribas Personal Finance prescrite sur le fondement de l'article L. 218-2 du code de la consommation, plus de deux ans s'étant écoulé depuis le prononcé de la déchéance du terme sans l'intervention d'un acte interruptif de prescription.
La société BNP Paribas Personal Finance soutient que la date du premier incident de paiement non régularisé est l'échéance du 5 février 2019. Elle indique qu'en matière d'ordonnance portant injonction de payer, le délai de prescription est interrompu par la signification de l'ordonnance, laquelle est intervenue en l'espèce le 11 janvier 2021, de sorte qu'en application des dispositions de l'article R. 312-35 du code de la consommation et 2241 du code civil, la prescription n'est pas acquise et son action n'est pas forclose.
Sur ce,
Il apparaît que le contrat de prêt litigieux est un crédit à la consommation au sens de l'article L. 311-1 du code de la consommation et que l'action de la banque tendant à obtenir le paiement de sa créance issue d'un tel crédit est une action en paiement engagée à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur, laquelle est soumise au délai de forclusion visé par l'article R. 312-35 du code de la consommation et non aux dispositions de l'article L. 218-2 du code de la consommation relatif au délai de prescription général pour les actions des professionnels envers les consommateurs.
L'article R. 312-35 susvisé dispose que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
En application de l'article 1342-10 du code civil, tous les règlements reçus par le créancier s'imputent sur les échéances les plus anciennement impayées par le débiteur.
En l'espèce, il ressort de l'historique de prêt (pièce 4 de l'intimée) que le premier impayé non régularisé doit être fixé au 5 février 2019 après imputation des paiements.
Il est de jurisprudence constante (Civ. 1ère , 5 novembre 2009, n°08-18.095 notamment) que la signification de l'ordonnance portant injonction de payer constitue une citation en justice qui interrompt les délais pour agir.
Ainsi, la signification de l'ordonnance portant injonction de payer du 30 novembre 2020 étant intervenue le 11 janvier 2021, soit dans le délai de deux ans suivant le premier impayé non régularisé, aucune forclusion de l'action du prêteur ne saurait être envisagée et la société BNP Paribas Personal Finance sera dite recevable en ses demandes.
Sur la prise d'effet du contrat de prêt
Mme [E] épouse [N] demande à la cour de débouter la banque de sa demande en paiement en faisant valoir que la date de livraison effective du véhicule financé n'est pas indiquée sur l'offre de prêt et qu'en application de l'article L. 312-48 du code de la consommation, la banque, qui a débloqué les fonds sans s'assurer de la livraison effective du véhicule, a perdu le droit d'en demander le remboursement à l'acheteur.
La société BNP Paribas Personal Finance réplique qu'elle verse aux débats l'attestation de livraison qui, si elle ne comporte aucune date, est bien signée par l'appelante. Il y est indiqué qu'elle reconnaît la remise effective du véhicule et demande la mise à disposition des fonds, ce qui vaut aveu extra-judiciaire et que le fait de reconnaître expressément être en possession du bien répond aux exigences du code de la consommation.
Elle ajoute que Mme [E] épouse [N] n'a jamais contesté ne pas avoir été livrée du bien objet du crédit affecté, de sorte qu'il n'existe aucune contestation sur l'exécution du contrat principal. Elle soutient qu'elle verse aux débats les preuves suffisantes de nature à démontrer que le bien a bien été livré et ainsi la preuve de l'existence de sa créance.
Sur ce,
En application de l'article L. 312-48 du code de la consommation, les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.
En l'espèce, outre le fait que Mme [E] épouse [N] ne conteste pas que le véhicule objet du crédit affecté lui a bien été livré, la banque verse aux débats des éléments permettant d'établir la livraison effective de ce bien, à savoir :
- le document 'demande de financement / attestation de livraison' qui comporte tant la demande de financement du bien signée par le vendeur le 28 juillet 2017 lequel certifie que la livraison du bien a été faite à l'acheteur, que l'attestation de livraison du bien que l'emprunteuse ne conteste pas avoir signée et dans lequel elle reconnaît que la livraison a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente et demande en conséquence au prêteur de procéder à la mise à disposition des fonds,
- la clause de réserve de propriété du véhicule signée par Mme [E] épouse [N] le 16 juillet 2017
- la facture du véhicule du 2 août 2017 au nom de l'appelante.
Il en résulte qu'alors que l'appelante n'allègue ni ne justifie d'un défaut d'exécution du contrat principal, la preuve de la livraison du bien est bien rapportée, de sorte que l'obligation de remboursement du crédit affecté de l'emprunteur a pris effet, peu important que l'attestation de livraison qu'elle a signée ne soit pas datée.
La demande de Mme [E] épouse [N] visant à débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement pour ce motif est en conséquence rejetée.
Sur la déchéance du terme
Mme [E] épouse [N] demande à la cour de débouter la société BNP Paribas Personal Finance de sa demande en paiement fondée sur une exigibilité anticipée du prêt aux motifs que les clauses de déchéance du terme du contrat de prêt, qui ne prévoient pas de délai raisonnable de mise en demeure du débiteur avant leur mise en oeuvre, constituent des clauses abusives qui doivent être réputées non écrites en application de l'article L. 241-1 du code de la consommation.
Elle ajoute que peut-être consciente de ce caractère abusif, la société BNP Paribas Personal Finance a tenté de faire jouer la déchéance du terme par l'envoi d'un courrier du 11 juillet 2019 la mettant en demeure de régler une somme de 3 359,50 euros dans un délai de 10 jours. Or elle soutient que cette mise en demeure est dépourvue d'effet du fait qu'un tel délai reste caractéristique d'une clause abusive et parce que ce courrier faisait partir ce délai à compter de la réception de la lettre qui ne l'a pas touchée.
La société BNP Paribas Personal Finance soutient qu'elle a valablement prononcé la déchéance du terme en faisant valoir que:
- la lettre de mise en demeure préalable à la déchéance du terme respecte le formalisme imposé par la jurisprudence,
- Mme [E] épouse [N] s'appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation du 22 mars 2023 qui concerne le délai et la clause d'exigibilité en matière de déchéance du terme alors qu'en l'espèce, c'est le délai de 10 jours, uniquement visé dans la lettre de mise en demeure préalable, qui est contesté et qui ne peut donc être considéré comme une clause abusive ; que le délai de 10 jours pour régler la somme de 3 359,50 euros est précis et raisonnable; que cependant, Mme [E] épouse [N] n'a pas donné suite et ne s'est jamais acquittée des sommes réclamées,
- cette lettre de mise en demeure n'est pas de nature contentieuse et que son défaut de réception effective par le débiteur n'affecte pas sa validité,
- Mme [E] épouse [N] s'appuie sur la jurisprudence de la Cour de cassation du 22 mars 2023 qui concerne une clause de déchéance du terme en cas de défaut de paiement d'une échéance à sa date et sans mise en demeure préalable ni préavis d'une durée raisonnable ni mécanisme de nature à permettre la régularisation d'un retard de paiement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le contrat ne prévoit pas d'exigibilité immédiate au premier manquement de l'emprunteur mais en cas d'incident de paiement caractérisé n'ayant fait l'objet d'aucune régularisation ni solution amiable et qui plus est, que la déchéance du terme ne peut intervenir qu'après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception,
- l'appelante se prévaut d'un autre arrêt de la Cour de cassation du même jour qui considère que la clause de résiliation de plein droit après une mise en demeure sans délai raisonnable crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur l'exposant ainsi à une aggravation soudaine de ses conditions de remboursement ; que selon elle, la Cour de cassation va plus loin que l'interprétation donne par le CJUE, qu'elle demande donc d'écarter l'application des dispositions de la directive 93/13 de la clause de déchéance du terme dans la mesure où la clause du contrat reflète bien les dispositions légales impératives en matière de crédit à la consommation,
- qu'en tout état de cause, il n'existe pas de déséquilibre dans la mesure où le recours à cette clause dépend de l'inexécution par l'emprunteur d'une obligation essentielle du contrat ; que cette inexécution est suffisamment grave par rapport à la durée et au montant du prêt ; qu'elle est conforme aux règles nationales applicables en la matière et que l'emprunteur dispose de moyens adéquats et efficaces lui permettant de remédier aux effets d'une telle clause.
Elle demande, à titre subsidiaire, à la cour de dire que la déchéance du terme a été valablement par la signification de l'ordonnance portant injonction de payer du 11 janvier au visa de l'article 1344 du code civil.
Sur ce,
A titre liminaire, la cour relève que Mme [E] épouse [N] demande à la cour de déclarer abusives deux clauses du contrat de prêt et qu'elle critique par ailleurs le délai de 10 jours effectivement mentionné dans le courrier de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, les clauses du contrat ne prévoyant aucun délai. Il convient donc d'examiner dans un premier temps les clauses critiquées du contrat comme le demande l'appelante.
Il résulte de l'article L. 212-1 du code de la consommation que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l'article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s'agissant de l'appréciation par une juridiction nationale de l'éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d'examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l'inexécution par le consommateur d'une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l'absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l'application d'une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.
Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l'arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu'il dégageait pour l'appréciation du caractère abusif d'une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l'ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d'apprécier le caractère abusif d'une clause contractuelle.
La Cour de cassation retient le caractère abusif des clauses de déchéance du terme ne prévoyant pas de délai de préavis raisonnable (Cass. 1ère civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044 ou civ. 1ère, 29 mars 2024, n°23-12.904).
En l'espèce, il résulte de l'article du contrat de prêt relatif :
- aux conditions et modalités de résiliation du contrat que ' le prêteur pourra résilier le présent contrat, après envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée en cas de non-paiement à la bonne date de toute somme due au titre du présent contrat. En cas de résiliation du contrat par le prêteur, l'emprunteur sera tenu de rembourser immédiatement toutes les sommes restant dues en vertu du présent contrat.'
- à l'avertissement sur les conséquences de la défaillance de l'emprunteur et indemnités en cas de retard de paiement et frais d'inexécution: 'en cas de défaillance de la part de l'emprunteur dans les remboursements, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.'
La seconde clause ne saurait être déclarée abusive dans la mesure où elle reprend les dispositions légales applicables en la matière, à savoir celles visées par l'article L. 312-39 du code de la consommation, ce qui n'est pas le cas de l'autre clause qui ne saurait donc être exclue de ce fait de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives.
La première clause prévoit la résiliation de plein droit du contrat de prêt après envoi d'une mise en demeure 'en cas de non-paiement à la bonne date de toute somme due au titre du présent contrat', de sorte qu'elle ne précise pas le nombre d'échéances impayées pouvant justifier la résiliation du contrat et ne mentionne pas de délai de préavis en faveur du consommateur emprunteur pour lui permettre de régulariser sa dette et éviter la résiliation de plein droit. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intimée, compte tenu de l'enjeu et des conséquences considérables d'une telle clause pour l'emprunteur qui se voit contraint de rembourser immédiatement la totalité des sommes restant dues au titre du prêt au bon vouloir du prêteur et sans respect d'un délai de préavis d'une durée raisonnable, celle-ci est de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et sans moyen de remédier aux effets d'une telle clause. Elle est donc abusive et doit être réputée non écrite.
Il s'ensuit que la déchéance du terme ne peut reposer sur cette clause, peu important l'envoi par la banque d'une mise en demeure à Mme [E] épouse [N] par lettre recommandée du l'invitant à régulariser la situation dans un délai de quinze jours (Civ. 2ème, 3 octobre 2024, n°21-25.823) ou par la signification de l'ordonnance portant injonction de payer.
La société BNP Paribas Personal Finance ne peut donc pas valablement opposer à Mme [E] épouse [N] la déchéance du terme fondée sur la mise en oeuvre de cette clause.
Sur la résiliation du prêt
La société BNP Paribas Personal Finance demande à titre subsidiaire, la résiliation du contrat de prêt sur le fondement de l'article 1227 du code civil en faisant valoir que la défaillance de Mme [E] épouse [N] dans le remboursement du prêt est suffisamment grave.
Mme [E] épouse [N] s'oppose à cette demande au motif que ses manquements ne revêtent pas une importance telle qu'ils pourraient justifier une résiliation du contrat et ce d'autant plus qu'elle a continué d'effectuer des règlements en 2019 avant que lui soit brutalement opposée une déchéance du terme en vertu d'une clause abusive.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
L'article 1228 dispose que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Le décompte de la créance de la société BNP Paribas Personal Finance arrêté au 7 août 2019 fait apparaître que des impayés sont survenus à compter du mois d'octobre 2018 qui ont été régularisés par la suite avant que l'emprunteur cesse tout règlement à partir du mois d'avril 2019, étant rappelé que la déchéance du terme a été prononcée en août 2019.
La cour constate qu'alors qu'elle considère la déchéance du terme non valablement acquise à son encontre, Mme [E] épouse [N], qui avait déjà cessé de rembourser le prêt, a continué par la suite, aucun versement n'étant justifié depuis le mois de mars 2019. Elle ne justifie pas avoir proposé au prêteur de poursuivre les règlements ou apurer la dette à l'amiable.
Etant rappelé que le remboursement du prêt était son unique obligation contractuelle, le défaut de paiement de Mme [E] épouse [N] est suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de prêt.
Il convient, par suite, de prononcer la résiliation du contrat de prêt pour défaut de paiement des emprunteurs.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Mme [E] épouse [N] fait valoir quatre moyens au soutien de sa demande visant à déchoir la banque de son droit aux intérêts conventionnels, ce à quoi s'oppose la société BNP Paribas Personal Finance en soutenant qu'elle a respecté ses obligations.
Il est relevé que, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, la banque justifie de la remise à cette dernière de la FIPEN prévue par l'article L. 312-12 du code de la consommation ainsi que de la fiche d'informations prévue par l'article L. 312-17 du même code dans la mesure où elle verse aux débats ces deux fiches comportant la signature de Mme [E] épouse [N], de sorte que la déchéance du droit aux intérêts n'est pas encourue par le prêteur pour ces deux motifs.
* Sur la consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
Mme [E] épouse [N] soutient que la société BNP Paribas Personal Finance ne justifie pas de la consultation du FICP ce qu'elle conteste.
Sur ce,
En application de l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6.
La société BNP Paribas Personal Finance produit un document (sa pièce 5) duquel il ressort qu'elle a effectué une consultation du FICP le 4 août 2017, soit avant le déblocage des fonds, pour la clé BDF 050566PNHE avec l'identité de Mme [E] épouse [N] en vue de l'octroi d'un crédit à la consommation avec la mention qu'il y a été répondu le 4 août 2017 à 13:41:38.
A l'époque de la signature du contrat, aucun formalisme n'était exigé quant à la justification de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers par les organismes prêteurs.
L'article 13 de l'arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers prévoyait, dans sa rédaction applicable au litige, donc avant sa modification par l'arrêté du 17 février 2020 qui a proposé un modèle type en annexe, qu'en application de l'article L. 751-6 du code de la consommation, afin de pouvoir justifier qu'ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes mentionnés à l'article 1er doivent, dans les cas de consultations aux fins mentionnées au I de l'article 2, conserver des preuves de cette consultation, de son motif et de son résultat, sur un support durable. En effet, la Banque de France ne délivrait pas de récépissé de la consultation de son fichier.
Or, le document communiqué ne comporte aucun référence, tel un numéro de dossier, permettant de rattacher la consultation en cause à l'instruction du dossier de crédit de l'intimé, ni le résultat de la consultation, en sorte qu'il ne satisfait pas aux exigences de ce texte et que la déchéance du droit aux intérêts doit être prononcée.
* Sur le corps huit
Mme [E] épouse [N] soutient que l'offre de prêt ne respecte pas les exigences de l'article R. 312-10 du code de la consommation imposant que le contrat soit rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit qui fait référence au point Didot et correspond à une hauteur de 3 mm du haut des lettres montantes au bas des lettres descendantes, plusieurs paragraphes de l'offre dénonçant un quotient nettement inférieur à 3 millimètres.
La société BNP Paribas Personal Finance fait valoir que l'offre doit être présentée de manière claire et lisible, ce qui procède d'une démarche subjective.
Concernant la notion de corps huit, elle relève qu'elle ne renvoie à aucune norme juridique et que coexistent la norme française (point Didot) et la norme anglo-saxonne (point Pica); que les techniques d'imprimerie ont évolué du fait que la typologie manuelle a fait place à celle informatique. Elle soutient que la jurisprudence actuelle considère que le corps huit doit être apprécié au regard du point Pica fixant à 2,816 mm la hauteur des lettres, unité standard pour les publications assistées par ordinateur et non des anciens points Didot qui sont obsolètes. Elle indique que dans l'encadré de la convention (paragraphe 2), la mesure entre l'extrémité supérieure de la lettre 'l' et l'extrémité inférieure de la lettre 'p' est de 3 mm, de sorte que l'offre répond aux exigences légales.
Sur ce,
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par l'article L. 312-28 est déchu du droit aux intérêts.
L'article L. 312-8 du code de la consommation dispose que l'offre de contrat de crédit est établie par écrit ou sur un autre support durable. Elle est remise ou adressée en autant d'exemplaires que de parties et, le cas échéant, à chacune des cautions.
Aux termes de l'article R. 312-10 du code de la consommation, le contrat de crédit prévu à l'article L. 312-28 est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.
La cour rappelle que le corps huit correspond à 3 mm en point Didot. S'il est exact qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne définit précisément le corps huit ou n'exclut le point Pica, pour autant, lorsque le législateur français a légiféré le 24 mars 1978 dans le domaine du droit de la consommation, il s'est référé implicitement à la norme typographique française et donc au point Didot. Il ne peut être laissé aux seuls établissements bancaires le soin de déterminer quel point et quelle police permettraient de considérer que l'offre de prêt est suffisamment lisible alors qu'il s'agit d'appliquer des textes d'ordre public ayant trait à la protection des consommateurs. Le corps huit correspond à 3 mm en point Didot. Le point de référence à multiplier par 8 reste le point Didot (soit 0,375), d'où une police de caractères d'au moins trois millimètres (0,375x8 = 3 mm). Par ailleurs, la taille de la police doit être considérée comme la hauteur maximale occupée par le dessin de tous les caractères, donc du bas des lettres descendantes au haut des lettres ascendantes y compris avec signes diacritiques, à laquelle s'ajoutent les talus de tête et de pied. Il suffit, pour s'assurer du respect de cette prescription réglementaire, de diviser la hauteur en millimètres d'un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu'il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.
En l'espèce, la banque indique que, dans l'encadré, les caractères sont de 3 millimètres, ce qui est exact.
Pour autant, la police est nettement inférieure dans les conditions générales de l'offre (pages 10 à 12). En effet, il ressort de l'examen de plusieurs paragraphes que les caractères sont compris entre 2,5 et 2,6 millimètres. Par exemple, dans le paragraphe:
- 'Opposition au démarchage téléphonique' (page 11), la distance entre le haut du 'O' (Opposition) et le bas du 'p' de préexistantes est de 16 mm pour 6 lignes, soit un quotient de 2,66 mm.
- 'Rapports entre le contrat de prêt et le contrat de vente' (page 10), la distance entre le haut du 'R' (Rapports) et le bas du 'p' (prêteur) est de 18 mm pour 7 lignes, soit un quotient de 2,57 mm.
- 'Agrément de l'emprunteur' (page 10), la distance entre le haut du 'A' (Agrément) et le bas du 'p' (prêteur) est de 21 mm pour 8 lignes, soit un quotient de 2,62 mm.
Par suite, il convient de déchoir la banque de son droit aux intérêts conventionnels pour ce motif.
Sur la créance de la banque
En cas de déchéance de son droit aux intérêts conventionnels, la société BNP Paribas Personal Finance demande que cette sanction ne s'étende pas aux intérêts et à tous leurs accessoires et que si la cour venait à prononcer la déchéance du droit aux intérêts, elle lui laisse le bénéfice de la majoration de 5 points en application de l'alinéa 2 de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Elle fait valoir que selon la Cour de cassation, il incombe au juge de réduire d'office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale, le taux résultant de l'application de l'article 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel.
Elle relève que si la sanction du prêteur doit être effective et dissuasive, il doit en être de même pour le débiteur qui ne s'acquitte pas des sommes réclamées, les intérêts moratoires étant destinés à réparer le préjudice résultant du retard dans l'exécution d'une obligation ayant un rôle d'incitation au remboursement rapide du créancier. Or, elle indique que Mme [E] épouse [N] n'a effectué aucun règlement depuis 5 ans. Elle ajoute que les montants qu'elle est susceptible de percevoir sont incertains tant dans leur principe que dans leur amplitude puisque cela dépend du comportement futur du débiteur et que les juges ne peuvent donc répondre à la directive de la Cour de justice qui souhaite une comparaison entre les montants susceptibles d'être perçus suite à la déchéance avec ceux qui auraient été perçus sans déchéance, ce que seul le juge de l'exécution peut faire.
Enfin, elle soutient que la déchéance s'applique aux intérêts conventionnels dus au titre de la période antérieure au jugement alors que l'intérêt légal au taux majoré, qui est le prix de l'immobilisation du capital, s'applique à l'éventuelle période supplémentaire d'immobilisation postérieure au jugement, de sorte qu'en faire bénéficier le prêteur ne compense pas la perte de sa rémunération due au titre de la période antérieure et que l'en priver revient en réalité à le sanctionner une seconde fois.
Mme [E] épouse [N] demande à la cour d'appliquer la seconde sanction prévue par l'article L. 341-8 alinéa 2 du code de la consommation et d'imputer sur le capital restant dû le montant des intérêts courus au taux légal pour les particuliers sur les intérêts contenus dans chacun des versements effectués par elle. Elle demande qu'il soit fait injonction à la banque de produire en conséquence un décompte de ces intérêts pour les déduire du capital et qu'à défaut, la banque soit déboutée de sa demande en paiement.
Sur ce,
En application de l'article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
La cour rappelle que les causes des déchéance du droit aux intérêts retenues entraînent de facto la déchéance totale du droits aux intérêts conventionnels, de sorte que la cour n'a pas de marge d'appréciation quant à l'étendue de cette sanction.
Au vu de ce texte, la créance de la banque s'établit comme suit :
- capital prêté : 44 161,76 euros
- à déduire les versements intervenus : 13 658,54 euros,
soit 30 503,22 euros.
La somme retenue au titre des versements comprend les sommes versées par Mme [E] épouse [N] au titre des intérêts qui sont donc bien imputées sur le capital restant dû conformément à l'alinéa 2 de l'article L. 341-8 susvisé. Il convient d'ajouter que cette somme sera minorée des intérêts au taux légal ayant couru sur les versements effectués par l'emprunteur au titre des intérêts, dont la société BNP Paribas Personal Finance devra justifier du montant par la production d'un décompte, sans qu'il y ait lieu de la débouter de sa demande en paiement en l'absence de ce document comme le demande l'appelante.
Bien que déchue de son droit aux intérêts, la société BNP Paribas Personal Finance est fondée, en vertu de l'article 1353 du code civil, à réclamer à l'emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter du 21 septembre 2023, date à laquelle elle a demandé la résiliation du prêt et les sommes restant dues.
En application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, le taux d'intérêt légal est en principe majoré de plein droit deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.
L'article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs prévoit que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l'Union Européenne (affaire C-565/12) a dit pour droit que l'article 23 de la directive 2008/48 s'oppose à l'application d'intérêts à taux légal lesquels sont en outre majorés de plein droit deux mois après le caractère exécutoire d'une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l'application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s'il avait respecté ses obligations découlant de la directive.
Il appartient donc au juge du fond d'apprécier la portée de la sanction prononcée et de vérifier si elle revêt un caractère suffisamment dissuasif et effectif comme l'a rappelé la Cour de cassation (1ère civ. 28 juin 2023, pourvoi n°22-10.560). Il convient ainsi de comparer les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l'hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu'il percevrait en application de la sanction de la violation de cette obligation.
En l'espèce, le taux d'intérêt contractuel est de 4,16%, l'intérêt légal était de 4,22 % à la date de la mise en demeure et de 3,71 % à la date du présent arrêt, de sorte que l'application de l'intérêt légal majoré de cinq points conduirait à permettre à la société BNP Paribas Personal Finance de percevoir des sommes d'un montant qui serait très supérieur à celui dont elle aurait pu bénéficier au titre des intérêts conventionnels qu'elle a perdu le droit de percevoir, ce que la cour est en mesure de s'assurer par cette simple comparaison sans qu'il y ait lieu de se placer au stade de l'exécution comme le demande la banque. De même, l'application du taux d'intérêt légal non majoré lui permettrait de percevoir des sommes très légèrement inférieures à celles résultant de l'application du taux conventionnel.
Ainsi, pour assurer l'effectivité et le caractère proportionné et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prononcée en raison du non-respect par la banque de ses obligations légales impératives quand bien même l'emprunteur tarderait à lui rembourser les sommes restant dues, il convient d'écarter purement et simplement les intérêts légaux de retard, ce qui ne constitue pas une double sanction avec la perte des intérêts conventionnels mais la continuité de cette sanction en évitant que le prêteur, privé de son droit aux intérêts conventionnels, perçoive malgré tout des intérêts d'un montant supérieur ou équivalent par le biais des intérêts moratoires.
Il convient donc de condamner Mme [E] épouse [N] au paiement de la somme de 30 503,22 euros sans intérêts ni majoration, cette somme devant être minorée des intérêts au taux légal ayant couru sur les versements effectués par l'emprunteur au titre des intérêts.
Sur les délais de paiement
Mme [E] épouse [N] demande à bénéficier de délais de paiement par le versement de 23 mensualités de 200 euros et une 24ème mensualité correspondant au solde restant dû en faisant valoir qu'elle perçoit un revenu annuel de 20 000 euros.
La société BNP Paribas Personal Finance s'oppose à cette demande aux motifs qu'elle n'a perçu aucune somme depuis 5 ans de sorte que Mme [E] épouse [N] s'est déjà octroyée les plus larges délais de paiement et que ses revenus ne lui permettraient pas de respecter de tels délais.
Sur ce,
Selon l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d'effectuer une offre sérieuse et précise de règlement et d'apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu'il est en capacité de régler l'intégralité de sa dette dans le délai proposé.
En l'espèce, Mme [E] épouse [N] justifie avoir perçu, en 2022, un revenu annuel de 21 290 euros, soit un revenu mensuel moyen de 1 774 euros. Elle ne fait pas état de ses charges.
Elle ne démontre donc pas être en capacité financière d'apurer sa dette, au regard de son montant important, dans le délai légal. En outre, force est de constater qu'elle a déjà bénéficié de fait de larges délais qu'elle ne justifie pas avoir mis à profit pour commencer à apurer sa dette.
Il y a donc lieu de rejeter sa demande de délais.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [E] épouse [N], qui succombe à titre principal, est condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux frais irrépétibles étant par ailleurs confirmées.
Il convient de la condamner à verser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné Mme [E] épouse [N] aux dépens et à verser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'opposition formée par Mme [E] épouse [N] à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer du 30 novembre 2020 rendue par le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Versailles ;
Met à néant les dispositions de l'ordonnance d'injonction de payer rendu le 30 novembre 2020 par le juge des contentieux de la protection siégeant au tribunal de proximité de Versailles ;
Déclare l'action de la société BNP Paribas Personal Finance recevable ;
Prononce la résiliation du contrat de prêt conclu le 28 juillet 2017 aux torts de l'emprunteur ;
Déchoit la société BNP Paribas Personal Finance de son droit aux intérêts conventionnels ;
Condamne Mme [G] [E] épouse [N] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 30 503,22 euros sans intérêts ni majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier et dit que cette somme sera minorée des intérêts au taux légal ayant couru sur les versements effectués Mme [G] [E] épouse [N] au titre des intérêts, dont la société BNP Paribas Personal Finance devra justifier du montant par la production d'un décompte ;
Déboute Mme [G] [E] épouse [N] de sa demande de délais de paiement ;
Rejette toute autre demande ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [G] [E] épouse [N] à verser à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [G] [E] épouse [N] aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la Selas DLDA, représentée par Me Beaujard, avocat qui en fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, Greffière en pré-affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.