CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 21 mars 2025, n° 24/16553
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 21 MARS 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16553 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKDQW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2024 - Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2024L01168
APPELANTE
S.A. CIE DE SECURITE PRIVEE ET INDUSTRIELLE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 479 764 227
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090
Assistée par Me Thomas HEINTZ et de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS toque P35 et Me Eric SEBBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0040
INTIMÉES
S.E.L.A.R.L. MJC2A prise en la personne de Me [V] [C] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et de liquidateur judiciaire de la société S.A. CIE DE SECURITE PRIVEE ET INDUSTRIELLE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de EVRY sous le n° 501 184 774
Représentée par Me Julien ANDREZ de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : P334
S.E.L.A.R.L. FHBX en la personne de Me [M] [T] prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la S.A. CIE DE SECURITE PRIVEE ET INDUSTRIELLE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 491 975 041
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La société Compagnie De Sécurité Privée Et Industrielle (CSPI) exerce une activité de gardiennage.
Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard.
Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce d'Evry a adopté le plan de redressement de la société CSPI et la SELARL MJC2A, en la personne de Me [C], a été nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par requête du 15 mai 2024, la SELARL MJC2A, ès-qualités, a saisi le tribunal en résolution du plan de redressement.
Par jugement du 24 septembre 2024, le tribunal de commerce d'Evry a constaté l'état de cessation des paiements et résolu le plan de redressement de la société CSPI, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 24 mars 2023. Il a nommé la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [C] en qualité de liquidateur judiciaire, et la SELARL FHBX prise en la personne de Me [T] en qualité d'administrateur judiciaire et autorisé le maintien de l'activité jusqu'au 22 décembre 2024, et ce, sous la seule responsabilité de l'administrateur, dit qu'il pourra y mettre fin à tout moment, si l'intérêt public l'exige.
Par déclaration du 27 septembre 2024, la société CSPI a interjeté appel de ce jugement en intimant la SELARL MJC2A ès-qualités et la SELARL FHBX ès-qualités.
Par ordonnance du 7 novembre 2024, le délégué du premier président de la cour d'appel a débouté la société CSPI de sa demande d'arrêt d'exécution provisoire.
La SELARL FHBX n'a pas constitué avocat mais la déclaration d'appel lui a été régulièrement signifiée le 7 novembre 2024.
*****
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 mars 2025, la société Compagnie De Sécurité Privée et Industrielle demande à la cour de :
A titre principal,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 septembre 2024 ;
Statuant à nouveau,
Débouter la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [C], ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
Fixer la date de cessation des paiements au 24 septembre 2024 ;
Dire que la fin de la période d'observation fixée au 22 mars 2025 doit être reportée au prononcé de l'arrêt à intervenir ;
Dire que les dépens seront comptés en frais privilégiés de procédure collective.
*****
Par dernières conclusions déposées au greffe et signifiées par voie électronique le 13 février 2025, la société MJC2A demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 24 septembre 2024 par le tribunal de commerce d'Evry ;
Employer les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
*****
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le non-respect du plan de redressement.
La société CSPI soutient que conformément à l'article L.626-21 alinéa 3 du code de commerce, elle n'est pas tenue de provisionner entre les mains du commissaire à l'exécution du plan le montant des dividendes de son plan de redressement correspondant à des créances litigieuses. Par ailleurs, elle fait valoir que les créances 36 et 25 font doublons, car la créance de la société HSBC a été incluse dans son passif alors qu'elle avait pour objet de garantir celle de la société Flashbird.
La SELARL MJC2A ès-qualités réplique que la société CSPI fait une lecture erronée de l'article L.626-21 du code de commerce en confondant les créances sur lesquelles le plan doit porter et la répartition des créances entre les créanciers.
S'agissant de l'assiette du passif à prendre en considération dans le plan, elle soutient qu'il faut retenir l'intégralité du passif exigible, y compris les créances contestées. La procédure de redressement judiciaire de la société CSPI ayant été ouverte le 1er juillet 2021, elle n'a pas pu bénéficier de la modification de l'article L.626-10 du code de commerce applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, qui permet de limiter le plan aux seules créances non contestées. La SELARL MJC2A souligne que la société a d'ailleurs bien pris en compte dans son plan l'apurement de l'intégralité du passif, y compris les créances contestées, pour un montant de 17 000 000€. Elle précise que les créances ne peuvent être réparties qu'à compter de leur admission définitive au passif et que c'est donc de manière infondée, parce qu'elle ne parvient pas à respecter les échéances du plan que la société CSPI a cessé de provisionner le passif contesté.
S'agissant du respect du plan, l'intimée relève que les versements effectués par la société n'ont jamais été spontanés mais qu'ils résultent des différentes requêtes en résolution ayant été introduites ce qui démontre les difficultés de respecter le plan. Elle explique que la société devait procéder au règlement des échéances mensuelles à compter du 10 décembre 2022, mais qu'elle n'a procédé à un premier virement de 20 360,92€ que le 14 avril 2023, après une première demande en résolution du plan du commissaire à l'exécution du plan. Par la suite, elle a effectué des règlements pour solder l'échéance annuelle du 10 décembre 2023 en vue de l'audience du 26 février 2024, puis elle a réglé les sommes dues afin d'être à jour pour l'audience du 16 septembre 2024 après la nouvelle requête en résolution du plan présentée par le commissaire à l'exécution du plan.
Sur ce,
Il est admis que pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021, le plan de redressement doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, peu important que certaines d'entre elles soient contestées, sachant que l'inscription d'une créance au plan ne préjuge pas de son admission définitive au passif.
La Cour de cassation a ainsi jugé que, sous l'empire des lois de 1985 et de 2005, la prise en compte des créances contestées s'imposait pour l'élaboration des plans (Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-27.527, F-P+B : JurisData n° 2019-004152).
En l'espèce, la procédure de redressement judiciaire de la société CSPI a été ouverte 1er juillet 2021 avant l'entrée en vigueur du nouvel article L.626-10 du code de commerce. Le plan de redressement de la société SCPI a ainsi intégré conformément à la loi en vigueur les créances déclarées mais également celles contestées. La société SCPI ne peut dès lors critiquer devant la présente instance l'intégration dans son passif des créances contestées. Aussi, le moyen soulevé relatif au doublon éventuel entre la créance de 1 176 279,37 euros par HSBC et celle déclarée par Flasbird est inopérant dans la mesure où ces créances sont des créances contestées.
La cour rappelle cependant que si le plan peut être adopté sans attendre l'issue de la vérification des créances, l'exécution du plan ne peut, au contraire, profiter qu'aux créanciers dont les droits ont fait l'objet d'une admission définitive au passif du débiteur. La seule participation des créanciers à la négociation du projet de plan ne leur donne pas vocation à bénéficier automatiquement des dispositions du plan.
Quant au respect du plan, la CSPI fait valoir qu'elle s'est mise à jour de toutes ses mensualités par le versement d'une somme de 126 053 euros avant l'audience du 16 septembre 2024 et qu'un règlement complémentaire de 75 818,50 euros a été versé dans le cadre du délibéré. Maître [C] ne conteste pas que la dernière annuité du plan a été payée, il relève cependant que la société CSPI a manqué dès la première année à ses obligations dans le cadre du plan, ce qui l'a conduit à solliciter la résolution du plan, procédure qui n'a pas été maintenue à la suite d'un dégrèvement fiscal modifiant le passif du plan et d'une régularisation des paiements, qu'il a toutefois été contraint de déposer une nouvelle requête en mai 2024 en raison d'un retard de règlement des échéances du plan (107 736 euros) et de la création de nouvelles dettes auprès de l'URSSAF et de [Localité 6] Humanis.
Il en résulte que la société CSPI a honoré son plan en payant les deux premières annuités même si elle ne s'est jamais acquittée dès l'origine des échéances à la bonne date. Or, si le seul retard dans la régularisation des dividendes rend possible la résolution du plan, celle-ci ne s'impose toutefois pas au juge conformément à l'article L.626-7 I, alinéa 2 du code de commerce.
En revanche, il en va différemment lorsqu'il est constaté en cours d'exécution d'un plan de redressement, l'existence d'un état de cessation des paiements, qu'en effet dans un tel cas, la loi impose au juge de prononcer la résolution du plan et d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire lorsque le redressement est impossible.
II. Sur l'existence d'un état de cessation des paiements et les perspectives de redressement.
Sur l'état de cessation des paiements
La société CSPI fait valoir qu'elle était endettée auprès de l'URSSAF et du groupe [Localité 6] Humanis, mais qu'un échéancier a été proposé par le groupe [Localité 6] Humanis, qu'un premier moratoire pour les cotisations salariales a été accordé par l'URSSAF et honoré, et qu'un second moratoire sur les cotisations patronales allait être validé par l'URSSAF. Elle avance qu'elle disposait sur son compte Thémis au jour de l'audience préalable au jugement de première instance, d'un solde créditeur de 91 790,79€ et qu'elle attendait le versement par la société d'affacturage Ebedex les sommes de 47 778€ et 82 472€. Au 17 décembre 2024, elle affirme que son compte Thémis présentait un solde de 697 143,70€. Elle précise enfin que son chiffre d'affaires a doublé depuis 2022.
La SELARL MJC2A réplique que l'activité de la société CSPI a généré un passif postérieur important à l'adoption du plan. Son passif antérieur s'élevait à la somme de totale de 17 350 113,76€, et s'élève aujourd'hui à la somme de 19 558 801,97€. De plus, elle soutient que la société débitrice ne prouve pas que les accords en cours avec le groupe [Localité 6] Humanis et l'URSSAF se sont concrétisés. Un échéancier avait été convenu avec le groupe [Localité 6] Humanis mais par suite d'un rejet par la banque du prélèvement d'août 2024, un nouvel échéancier a été proposé mais n'a pas fait l'objet de retour de la société. Par ailleurs, l'URSSAF a rejeté l'échéancier présenté par la société.
Sur ce,
Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En outre, aux termes de l'article L. 631-1 du même code, la cessation des paiements est définie comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
En l'espèce, au jour où la cour statue, le passif de la société hors plan est composé d'une part d'une dette de l'URSSAF à hauteur de 929 045,77 euros exigible à la date du 25 juin 2024. La société CSPI ne s'explique pas sur le montant de cette créance mais indique que la part salariale des cotisations en souffrance aurait été réglée. Elle produit ainsi des échanges avec l'URSSAF entre le mois de septembre 2023 et le 20 septembre 2024 dont il ressort que la société a procédé à différents règlements (124 629 euros le 9 août 2024) et qu'elle sollicite un échéancier pour le règlement des sommes restant impayées. Au jour où la cour statue, aucun moratoire n'a été consenti par l'URSSAF. La créance post plan de l'URSSAF constitue par conséquent du passif exigible.
D'autre part, le passif postérieur de la société est également composé d'une créance de [Localité 6] Humanis à hauteur de 199 203, 40 euros. Il résulte cependant d'un courriel du 27 septembre 2024 émanant de cet organisme qu'un échéancier a bien été mis en place mais que le prélèvement des cotisations du mois d'août 2024 ayant été rejeté par la banque, [Localité 6] Humanis a dû proposer à la société CSPI de revoir l'échéancier : un premier versement de 18 640 euros au 10 octobre 2024 et 11 versements de 18 638 euros de novembre 2024 à septembre 2025. Il se déduit de ces éléments que [Localité 6] Humanis avait consenti à la mise en place d'un échéancier. Cependant, cet accord au jour où la cour statue n'a pu être honoré - la société étant en liquidation judiciaire depuis le 26 septembre 2024- et il ne peut dès lors être affirmé que [Localité 6] Humanis consente toujours à tel échéancier en l'absence d'un courrier émanant de [Localité 6] Humanis indiquant qu'elle maintient sa proposition d'apurement nonobstant la liquidation judiciaire, et en ferait si la décision de première instance était infirmée.
Quant à l'actif disponible, aucun élément comptable actualisé n'est produit au jour où la cour statue. La société CSPI communique seulement un relevé de compte bancaire en date du 23 septembre 2024 qui fait état d'un solde créditeur de 107 302,59 euros. Cet actif non actualisé ne permet pas en tout état de cause de payer les créances nées post plan ainsi que l'échéance mensuelle du plan à hauteur de 33 747 euros. Si la société CSPI verse un prévisionnel de trésorerie faisant état duquel il ressort d'un solde théorique de 383 287 euros pour décembre 2024, aucun élément comptable ne vient corroborer cette prévision.
Il en résulte que la société CSPI est en état de cessation des paiements puisqu'elle est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible postérieur.
Sur la date d'état de cessation des paiements.
La société CSPI soutient que la date de cessation des paiements a été arbitrairement fixée au 24 mars 2023, sans qu'elle ait pu faire valoir ses observations conformément à l'article L. 631-8. Elle ajoute que le désistement par la SELARL MJC2A de sa première demande de résolution de plan a été validé par le tribunal le 26 février 2024, de sorte qu'elle ne pouvait, à cette date, être en état de cessation des paiements. Elle soutient que la date devrait être arrêtée à la date du jugement dont appel, soit le 24 septembre 2024, car les échéances dues au titre du plan étaient alors réglées, un moratoire avait été mis en place avec le groupe [Localité 6] Humanis et la société attendait un retour de l'URSSAF. En tout état de cause, l'état de cessation des paiements ne saurait, selon elle, être antérieur au 13 mai 2024, date à laquelle l'URSSAF prenait acte d'une demande de moratoire.
La SELARL MJC2A réplique que la date de cessation des paiements ne peut être reportée à plus de 18 mois, ce qui correspond au 24 mars 2023. Or, la société était déjà été en état de cessation des paiements antérieurement, car elle avait cessé de régler ses cotisations patronales à l'URSSAF depuis août 2022, et ses impayés fiscaux remontent à plusieurs années. Son état de cessation des paiements avait déjà été constaté par le tribunal de commerce d'Evry dans son jugement du 1er juillet 2022. La date doit selon elle être maintenue au 24 mars 2023.
Sur ce,
L'article L. 631-8 du code de commerce dispose que « le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure ».
En l'espèce, il est constant qu'à partir de mars 2024, la société a cessé de provisionner le passif contesté contrairement à ce qui était prévu dans son plan de redressement. Il ressort des pièces produites que dès le 1er janvier 2024, la société ne réglait plus ses créances de l'URSSAF et [Localité 6] Humanis puisque le montant de la créance de l'URSSAF était à cette date de 992 041 euros et la créance [Localité 6] Humanis était de 188 549,13 euros. Aucun autre élément versé aux débats ne permet de reporter la date d'état de cessation des paiements à une date antérieure. Si la créance [Localité 6] Humanis a fait l'objet d'un échéancier, il n'en est pas de même de l'intégralité de la créance Urssaf. Une demande de moratoire auprès de l'URSSAF au 13 mai 2024 n'a aucune incidence sur le passif exigible. Il en résulte seulement que la société CSPI était dans l'incapacité de pouvoir régler sa dette de l'URSSAF à défaut d'obtention d'un moratoire, ce qu'elle n'a pas eu. Aussi, était-elle dès le 1er janvier 2024 en état de cessation des paiements.
La cour retiendra par conséquent la date du 1er janvier 2024.
Sur les perspectives de redressement
La société CSPI fait valoir qu'elle avait communiqué un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie prouvant sa capacité à réaliser un chiffre d'affaires de 780 000€ par mois sur les 6 prochains mois, et un résultat de 403 000€. Son activité est régulière et sa clientèle s'est renouvelée ; elle est ainsi référencée aujourd'hui auprès de grands noms de la distribution, tels qu'Intermarché et Auchan.
La SELARL MJC2A réplique que la société n'a pas été en capacité de respecter les premières échéances du plan dans les délais fixés, et ne pourra vraisemblablement pas régler les échéances à venir d'un montant plus élevé. Par ailleurs, son activité a généré un passif postérieur qui ne cesse de croître.
Sur ce,
En l'espèce, si la société communique un prévisionnel d'exploitation jusqu'en mars 2025 et de trésorerie jusqu'en décembre 2024, force est de constater qu'aucun élément comptable ne vient corroborer ces différentes prévisions au jour où la cour statue en mars 2025 et la société CSPI est dans l'incapacité d'apporter devant la cour tous les éléments de preuve justifiant de la réalisation de ces prévisions.
La cour relève que la société CSPI a généré un passif post plan très important qu'elle est dans l'incapacité de régler.
La cour constate également que la société a réglé avec grandes difficultés ses deux premières annuités alors que les échéances étaient d'un montant très inférieur à celles à venir puisque l'annuité à venir représente désormais 5 % du passif alors que les deux premières représentaient 2% et 3% du passif.
Aucun élément comptable actualisé ne permet d'envisager des perspectives réelles de redressement permettant d'apurer le passif post plan et antérieur.
Il en résulte que la société CSPI est en état de cessation des paiements et n'a aucune perspective de redressement. La cour confirmera par conséquent le jugement.
Sur la prolongation de la période d'observation
La société CSPI fait valoir que le tribunal de commerce d'Evry avait prolongé une première fois la période d'observation jusqu'au 22 mars 2025. Le dossier étant plaidé devant la cour le 19 mars 2025, la cour n'aura pas statué au 22 mars de sorte que la période d'observation doit être prolongée jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt.
La SELARL MJC2A ne conclut pas sur ce point.
Sur ce,
La cour rendant son arrêt le 21 mars 2025, cette demande est non-avenue.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry le 26 septembre 2024 sauf en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 24 mars 2023 ;
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Fixe la date de cessation des paiements au 1er janvier 2024 ;
Dit que les dépens seront comptés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 21 MARS 2025
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16553 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKDQW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2024 - Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2024L01168
APPELANTE
S.A. CIE DE SECURITE PRIVEE ET INDUSTRIELLE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 479 764 227
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090
Assistée par Me Thomas HEINTZ et de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS toque P35 et Me Eric SEBBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0040
INTIMÉES
S.E.L.A.R.L. MJC2A prise en la personne de Me [V] [C] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et de liquidateur judiciaire de la société S.A. CIE DE SECURITE PRIVEE ET INDUSTRIELLE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de EVRY sous le n° 501 184 774
Représentée par Me Julien ANDREZ de la SELARL SEKRI VALENTIN ZERROUK, avocat au barreau de PARIS, toque : P334
S.E.L.A.R.L. FHBX en la personne de Me [M] [T] prise en sa qualité d'administrateur judiciaire de la S.A. CIE DE SECURITE PRIVEE ET INDUSTRIELLE
[Adresse 5]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 491 975 041
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
La société Compagnie De Sécurité Privée Et Industrielle (CSPI) exerce une activité de gardiennage.
Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal de commerce d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard.
Par jugement du 21 novembre 2022, le tribunal de commerce d'Evry a adopté le plan de redressement de la société CSPI et la SELARL MJC2A, en la personne de Me [C], a été nommée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par requête du 15 mai 2024, la SELARL MJC2A, ès-qualités, a saisi le tribunal en résolution du plan de redressement.
Par jugement du 24 septembre 2024, le tribunal de commerce d'Evry a constaté l'état de cessation des paiements et résolu le plan de redressement de la société CSPI, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son égard, et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 24 mars 2023. Il a nommé la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [C] en qualité de liquidateur judiciaire, et la SELARL FHBX prise en la personne de Me [T] en qualité d'administrateur judiciaire et autorisé le maintien de l'activité jusqu'au 22 décembre 2024, et ce, sous la seule responsabilité de l'administrateur, dit qu'il pourra y mettre fin à tout moment, si l'intérêt public l'exige.
Par déclaration du 27 septembre 2024, la société CSPI a interjeté appel de ce jugement en intimant la SELARL MJC2A ès-qualités et la SELARL FHBX ès-qualités.
Par ordonnance du 7 novembre 2024, le délégué du premier président de la cour d'appel a débouté la société CSPI de sa demande d'arrêt d'exécution provisoire.
La SELARL FHBX n'a pas constitué avocat mais la déclaration d'appel lui a été régulièrement signifiée le 7 novembre 2024.
*****
Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 mars 2025, la société Compagnie De Sécurité Privée et Industrielle demande à la cour de :
A titre principal,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 24 septembre 2024 ;
Statuant à nouveau,
Débouter la SELARL MJC2A prise en la personne de Me [C], ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
Fixer la date de cessation des paiements au 24 septembre 2024 ;
Dire que la fin de la période d'observation fixée au 22 mars 2025 doit être reportée au prononcé de l'arrêt à intervenir ;
Dire que les dépens seront comptés en frais privilégiés de procédure collective.
*****
Par dernières conclusions déposées au greffe et signifiées par voie électronique le 13 février 2025, la société MJC2A demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 24 septembre 2024 par le tribunal de commerce d'Evry ;
Employer les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
*****
Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le non-respect du plan de redressement.
La société CSPI soutient que conformément à l'article L.626-21 alinéa 3 du code de commerce, elle n'est pas tenue de provisionner entre les mains du commissaire à l'exécution du plan le montant des dividendes de son plan de redressement correspondant à des créances litigieuses. Par ailleurs, elle fait valoir que les créances 36 et 25 font doublons, car la créance de la société HSBC a été incluse dans son passif alors qu'elle avait pour objet de garantir celle de la société Flashbird.
La SELARL MJC2A ès-qualités réplique que la société CSPI fait une lecture erronée de l'article L.626-21 du code de commerce en confondant les créances sur lesquelles le plan doit porter et la répartition des créances entre les créanciers.
S'agissant de l'assiette du passif à prendre en considération dans le plan, elle soutient qu'il faut retenir l'intégralité du passif exigible, y compris les créances contestées. La procédure de redressement judiciaire de la société CSPI ayant été ouverte le 1er juillet 2021, elle n'a pas pu bénéficier de la modification de l'article L.626-10 du code de commerce applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, qui permet de limiter le plan aux seules créances non contestées. La SELARL MJC2A souligne que la société a d'ailleurs bien pris en compte dans son plan l'apurement de l'intégralité du passif, y compris les créances contestées, pour un montant de 17 000 000€. Elle précise que les créances ne peuvent être réparties qu'à compter de leur admission définitive au passif et que c'est donc de manière infondée, parce qu'elle ne parvient pas à respecter les échéances du plan que la société CSPI a cessé de provisionner le passif contesté.
S'agissant du respect du plan, l'intimée relève que les versements effectués par la société n'ont jamais été spontanés mais qu'ils résultent des différentes requêtes en résolution ayant été introduites ce qui démontre les difficultés de respecter le plan. Elle explique que la société devait procéder au règlement des échéances mensuelles à compter du 10 décembre 2022, mais qu'elle n'a procédé à un premier virement de 20 360,92€ que le 14 avril 2023, après une première demande en résolution du plan du commissaire à l'exécution du plan. Par la suite, elle a effectué des règlements pour solder l'échéance annuelle du 10 décembre 2023 en vue de l'audience du 26 février 2024, puis elle a réglé les sommes dues afin d'être à jour pour l'audience du 16 septembre 2024 après la nouvelle requête en résolution du plan présentée par le commissaire à l'exécution du plan.
Sur ce,
Il est admis que pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021, le plan de redressement doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, peu important que certaines d'entre elles soient contestées, sachant que l'inscription d'une créance au plan ne préjuge pas de son admission définitive au passif.
La Cour de cassation a ainsi jugé que, sous l'empire des lois de 1985 et de 2005, la prise en compte des créances contestées s'imposait pour l'élaboration des plans (Cass. com., 20 mars 2019, n° 17-27.527, F-P+B : JurisData n° 2019-004152).
En l'espèce, la procédure de redressement judiciaire de la société CSPI a été ouverte 1er juillet 2021 avant l'entrée en vigueur du nouvel article L.626-10 du code de commerce. Le plan de redressement de la société SCPI a ainsi intégré conformément à la loi en vigueur les créances déclarées mais également celles contestées. La société SCPI ne peut dès lors critiquer devant la présente instance l'intégration dans son passif des créances contestées. Aussi, le moyen soulevé relatif au doublon éventuel entre la créance de 1 176 279,37 euros par HSBC et celle déclarée par Flasbird est inopérant dans la mesure où ces créances sont des créances contestées.
La cour rappelle cependant que si le plan peut être adopté sans attendre l'issue de la vérification des créances, l'exécution du plan ne peut, au contraire, profiter qu'aux créanciers dont les droits ont fait l'objet d'une admission définitive au passif du débiteur. La seule participation des créanciers à la négociation du projet de plan ne leur donne pas vocation à bénéficier automatiquement des dispositions du plan.
Quant au respect du plan, la CSPI fait valoir qu'elle s'est mise à jour de toutes ses mensualités par le versement d'une somme de 126 053 euros avant l'audience du 16 septembre 2024 et qu'un règlement complémentaire de 75 818,50 euros a été versé dans le cadre du délibéré. Maître [C] ne conteste pas que la dernière annuité du plan a été payée, il relève cependant que la société CSPI a manqué dès la première année à ses obligations dans le cadre du plan, ce qui l'a conduit à solliciter la résolution du plan, procédure qui n'a pas été maintenue à la suite d'un dégrèvement fiscal modifiant le passif du plan et d'une régularisation des paiements, qu'il a toutefois été contraint de déposer une nouvelle requête en mai 2024 en raison d'un retard de règlement des échéances du plan (107 736 euros) et de la création de nouvelles dettes auprès de l'URSSAF et de [Localité 6] Humanis.
Il en résulte que la société CSPI a honoré son plan en payant les deux premières annuités même si elle ne s'est jamais acquittée dès l'origine des échéances à la bonne date. Or, si le seul retard dans la régularisation des dividendes rend possible la résolution du plan, celle-ci ne s'impose toutefois pas au juge conformément à l'article L.626-7 I, alinéa 2 du code de commerce.
En revanche, il en va différemment lorsqu'il est constaté en cours d'exécution d'un plan de redressement, l'existence d'un état de cessation des paiements, qu'en effet dans un tel cas, la loi impose au juge de prononcer la résolution du plan et d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire lorsque le redressement est impossible.
II. Sur l'existence d'un état de cessation des paiements et les perspectives de redressement.
Sur l'état de cessation des paiements
La société CSPI fait valoir qu'elle était endettée auprès de l'URSSAF et du groupe [Localité 6] Humanis, mais qu'un échéancier a été proposé par le groupe [Localité 6] Humanis, qu'un premier moratoire pour les cotisations salariales a été accordé par l'URSSAF et honoré, et qu'un second moratoire sur les cotisations patronales allait être validé par l'URSSAF. Elle avance qu'elle disposait sur son compte Thémis au jour de l'audience préalable au jugement de première instance, d'un solde créditeur de 91 790,79€ et qu'elle attendait le versement par la société d'affacturage Ebedex les sommes de 47 778€ et 82 472€. Au 17 décembre 2024, elle affirme que son compte Thémis présentait un solde de 697 143,70€. Elle précise enfin que son chiffre d'affaires a doublé depuis 2022.
La SELARL MJC2A réplique que l'activité de la société CSPI a généré un passif postérieur important à l'adoption du plan. Son passif antérieur s'élevait à la somme de totale de 17 350 113,76€, et s'élève aujourd'hui à la somme de 19 558 801,97€. De plus, elle soutient que la société débitrice ne prouve pas que les accords en cours avec le groupe [Localité 6] Humanis et l'URSSAF se sont concrétisés. Un échéancier avait été convenu avec le groupe [Localité 6] Humanis mais par suite d'un rejet par la banque du prélèvement d'août 2024, un nouvel échéancier a été proposé mais n'a pas fait l'objet de retour de la société. Par ailleurs, l'URSSAF a rejeté l'échéancier présenté par la société.
Sur ce,
Selon l'article L. 640-1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.
En outre, aux termes de l'article L. 631-1 du même code, la cessation des paiements est définie comme l'impossibilité pour le débiteur de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
La preuve de l'état de cessation des paiements doit être rapportée par celui qui demande l'ouverture de la procédure alors que la preuve de l'existence de réserves de crédit ou de moratoires lui permettant de faire face à son passif exigible incombe au débiteur.
En cas d'appel, l'état de cessation des paiements s'apprécie au jour où la cour statue.
En l'espèce, au jour où la cour statue, le passif de la société hors plan est composé d'une part d'une dette de l'URSSAF à hauteur de 929 045,77 euros exigible à la date du 25 juin 2024. La société CSPI ne s'explique pas sur le montant de cette créance mais indique que la part salariale des cotisations en souffrance aurait été réglée. Elle produit ainsi des échanges avec l'URSSAF entre le mois de septembre 2023 et le 20 septembre 2024 dont il ressort que la société a procédé à différents règlements (124 629 euros le 9 août 2024) et qu'elle sollicite un échéancier pour le règlement des sommes restant impayées. Au jour où la cour statue, aucun moratoire n'a été consenti par l'URSSAF. La créance post plan de l'URSSAF constitue par conséquent du passif exigible.
D'autre part, le passif postérieur de la société est également composé d'une créance de [Localité 6] Humanis à hauteur de 199 203, 40 euros. Il résulte cependant d'un courriel du 27 septembre 2024 émanant de cet organisme qu'un échéancier a bien été mis en place mais que le prélèvement des cotisations du mois d'août 2024 ayant été rejeté par la banque, [Localité 6] Humanis a dû proposer à la société CSPI de revoir l'échéancier : un premier versement de 18 640 euros au 10 octobre 2024 et 11 versements de 18 638 euros de novembre 2024 à septembre 2025. Il se déduit de ces éléments que [Localité 6] Humanis avait consenti à la mise en place d'un échéancier. Cependant, cet accord au jour où la cour statue n'a pu être honoré - la société étant en liquidation judiciaire depuis le 26 septembre 2024- et il ne peut dès lors être affirmé que [Localité 6] Humanis consente toujours à tel échéancier en l'absence d'un courrier émanant de [Localité 6] Humanis indiquant qu'elle maintient sa proposition d'apurement nonobstant la liquidation judiciaire, et en ferait si la décision de première instance était infirmée.
Quant à l'actif disponible, aucun élément comptable actualisé n'est produit au jour où la cour statue. La société CSPI communique seulement un relevé de compte bancaire en date du 23 septembre 2024 qui fait état d'un solde créditeur de 107 302,59 euros. Cet actif non actualisé ne permet pas en tout état de cause de payer les créances nées post plan ainsi que l'échéance mensuelle du plan à hauteur de 33 747 euros. Si la société CSPI verse un prévisionnel de trésorerie faisant état duquel il ressort d'un solde théorique de 383 287 euros pour décembre 2024, aucun élément comptable ne vient corroborer cette prévision.
Il en résulte que la société CSPI est en état de cessation des paiements puisqu'elle est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible postérieur.
Sur la date d'état de cessation des paiements.
La société CSPI soutient que la date de cessation des paiements a été arbitrairement fixée au 24 mars 2023, sans qu'elle ait pu faire valoir ses observations conformément à l'article L. 631-8. Elle ajoute que le désistement par la SELARL MJC2A de sa première demande de résolution de plan a été validé par le tribunal le 26 février 2024, de sorte qu'elle ne pouvait, à cette date, être en état de cessation des paiements. Elle soutient que la date devrait être arrêtée à la date du jugement dont appel, soit le 24 septembre 2024, car les échéances dues au titre du plan étaient alors réglées, un moratoire avait été mis en place avec le groupe [Localité 6] Humanis et la société attendait un retour de l'URSSAF. En tout état de cause, l'état de cessation des paiements ne saurait, selon elle, être antérieur au 13 mai 2024, date à laquelle l'URSSAF prenait acte d'une demande de moratoire.
La SELARL MJC2A réplique que la date de cessation des paiements ne peut être reportée à plus de 18 mois, ce qui correspond au 24 mars 2023. Or, la société était déjà été en état de cessation des paiements antérieurement, car elle avait cessé de régler ses cotisations patronales à l'URSSAF depuis août 2022, et ses impayés fiscaux remontent à plusieurs années. Son état de cessation des paiements avait déjà été constaté par le tribunal de commerce d'Evry dans son jugement du 1er juillet 2022. La date doit selon elle être maintenue au 24 mars 2023.
Sur ce,
L'article L. 631-8 du code de commerce dispose que « le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure.
Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure ».
En l'espèce, il est constant qu'à partir de mars 2024, la société a cessé de provisionner le passif contesté contrairement à ce qui était prévu dans son plan de redressement. Il ressort des pièces produites que dès le 1er janvier 2024, la société ne réglait plus ses créances de l'URSSAF et [Localité 6] Humanis puisque le montant de la créance de l'URSSAF était à cette date de 992 041 euros et la créance [Localité 6] Humanis était de 188 549,13 euros. Aucun autre élément versé aux débats ne permet de reporter la date d'état de cessation des paiements à une date antérieure. Si la créance [Localité 6] Humanis a fait l'objet d'un échéancier, il n'en est pas de même de l'intégralité de la créance Urssaf. Une demande de moratoire auprès de l'URSSAF au 13 mai 2024 n'a aucune incidence sur le passif exigible. Il en résulte seulement que la société CSPI était dans l'incapacité de pouvoir régler sa dette de l'URSSAF à défaut d'obtention d'un moratoire, ce qu'elle n'a pas eu. Aussi, était-elle dès le 1er janvier 2024 en état de cessation des paiements.
La cour retiendra par conséquent la date du 1er janvier 2024.
Sur les perspectives de redressement
La société CSPI fait valoir qu'elle avait communiqué un prévisionnel d'exploitation et de trésorerie prouvant sa capacité à réaliser un chiffre d'affaires de 780 000€ par mois sur les 6 prochains mois, et un résultat de 403 000€. Son activité est régulière et sa clientèle s'est renouvelée ; elle est ainsi référencée aujourd'hui auprès de grands noms de la distribution, tels qu'Intermarché et Auchan.
La SELARL MJC2A réplique que la société n'a pas été en capacité de respecter les premières échéances du plan dans les délais fixés, et ne pourra vraisemblablement pas régler les échéances à venir d'un montant plus élevé. Par ailleurs, son activité a généré un passif postérieur qui ne cesse de croître.
Sur ce,
En l'espèce, si la société communique un prévisionnel d'exploitation jusqu'en mars 2025 et de trésorerie jusqu'en décembre 2024, force est de constater qu'aucun élément comptable ne vient corroborer ces différentes prévisions au jour où la cour statue en mars 2025 et la société CSPI est dans l'incapacité d'apporter devant la cour tous les éléments de preuve justifiant de la réalisation de ces prévisions.
La cour relève que la société CSPI a généré un passif post plan très important qu'elle est dans l'incapacité de régler.
La cour constate également que la société a réglé avec grandes difficultés ses deux premières annuités alors que les échéances étaient d'un montant très inférieur à celles à venir puisque l'annuité à venir représente désormais 5 % du passif alors que les deux premières représentaient 2% et 3% du passif.
Aucun élément comptable actualisé ne permet d'envisager des perspectives réelles de redressement permettant d'apurer le passif post plan et antérieur.
Il en résulte que la société CSPI est en état de cessation des paiements et n'a aucune perspective de redressement. La cour confirmera par conséquent le jugement.
Sur la prolongation de la période d'observation
La société CSPI fait valoir que le tribunal de commerce d'Evry avait prolongé une première fois la période d'observation jusqu'au 22 mars 2025. Le dossier étant plaidé devant la cour le 19 mars 2025, la cour n'aura pas statué au 22 mars de sorte que la période d'observation doit être prolongée jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt.
La SELARL MJC2A ne conclut pas sur ce point.
Sur ce,
La cour rendant son arrêt le 21 mars 2025, cette demande est non-avenue.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry le 26 septembre 2024 sauf en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements au 24 mars 2023 ;
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Fixe la date de cessation des paiements au 1er janvier 2024 ;
Dit que les dépens seront comptés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE