CA Dijon, ch. soc., 20 mars 2025, n° 23/00248
DIJON
Arrêt
Autre
[U] [E]
C/
S.A. OGF
C.C.C le 20/03/25 à:
- Me GOULLERET
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/03/25 à:
- Me MENDEL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 MARS 2025
MINUTE N°
N° RG 23/00248 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GFQD
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section EN, décision attaquée en date du 03 Avril 2023, enregistrée sous le n° 22/00053
APPELANT :
[U] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A. OGF Agissant par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège de la société
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, Maître Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 février 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [U] [E] a été embauché par la société OGF le 13 octobre 1986 en qualité d'assistant funéraire stagiaire.
Au dernier état de la relation de travail, il occupait le poste de directeur de secteur opérationnel (DSO), statut cadre, niveau 6.2 de la convention collective des pompes funèbres.
Le 26 novembre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 décembre suivant, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.
Le 14 décembre 2020, il a été licencié pour faute grave.
Par requête du 16 février 2022, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société aux conséquences indemnitaires afférentes.
Par jugement du 3 avril 2023, le conseil de prud'hommes de Dijon a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration formée le 2 mai 2023, M. [E] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 26 juillet 2023, l'appelant demande de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* jugé que le licenciement est fondé sur une faute grave,
* rejeté l'intégralité de ses demandes,
* condamné à payer à la société OGF la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
- juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société OGF à lui payer les sommes suivantes :
* 27 926,81 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
* 62 556,06 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
* 111 707,25 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 546,68 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents,
- condamner la société OGF à lui remettre les documents suivants :
* l'attestation d'employeur rectifiée en fonction de la décision à intervenir pour l'inscription à POLE EMPLOI, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- un bulletin de salaire afférent aux condamnations, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- juger que les condamnations prononcées emporteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,
- fixer la moyenne des salaires à 5 585,36 euros bruts,
- condamner la société OGF à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 14 septembre 2023, la société OGF demande de :
- confirmer la décision déférée en l'ensemble de ses dispositions,
- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais se rapportant à la procédure en appel ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur le bien fondé du licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
Il est par ailleurs constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 14 décembre 2020, il est reproché au salarié les griefs suivants :
- des défaillances volontaires dans la mise en place de mesures visant à assurer la sécurité et la santé des collaborateurs :
* manquements aux dispositions relatives aux documents réglementaires (document unique d'évaluation des risques, protocole de continuité d'activité, protocole de sécurité, plan de prévention, fiches de données sécurité des produits utilisés),
* défaillances dans le suivi des formations et des équipements nécessaires à l'exercice des fonctions des collaborateurs (suivi des formations 16 heures, insuffisance des équipements de protection individuelle),
- un laisser-faire coupable :
* laisser-faire dans la gestion des locaux placés sous sa responsabilité (inaction pour garantir la sécurité des locaux d'intrusions clandestines, locaux laissés à l'abandon),
* laisser-faire en matière de gestion du personnel (défaut d'accompagnement des équipes, gestion des astreintes arbitraire susceptibles d'impacter le climat social, absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires),
- un dialogue social volontairement inexistant affectant le climat social :
* incapacité délibérée à prendre position sur des décisions ayant des impacts sur le climat social,
* absence délibérée de lien avec les représentants du personnel (trop rares réunions des représentants de proximité, mise à l'écart progressive et volontaire de son assistante en raison de ses mandats),
* indices sociaux préoccupants. (pièce n°2).
M. [E] conteste le bien fondé de son licenciement aux motifs que :
- aucune preuve sérieuse n'est versée aux débats,
- les motifs invoqués dans la lettre de licenciement sont sans rapport avec l'incident survenu le 13 novembre 2020 qui est indépendant de sa responsabilité,
- la société produit un rapport d'audit du 7 décembre 2020, soit à un stade très avancé de la procédure. Cette production tardive interroge sur la date réelle de sa rédaction et il n'est pas à exclure qu'il ait été réalisé pour les besoins de la cause. Ce rapport devra être écarté dans la mesure où il n'a pas été informé ou entendu dans le cadre de cet audit. L'enquête interne ayant été confiée à la direction RH, elle est nécessairement partiale et ce moyen de preuve ne respecte pas les articles L.1222-2 et suivants du code du travail et le principe de l'administration de la preuve (enquête réalisée à l'insu du salarié mis en cause) ni l'article L.1222-4 du code du travail qui dispose 'qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collecté par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance', seules 4 personnes ayant été entendues et les critères de sélection de ces 'témoins' ne sont pas connus. Il aurait été préférable que l'audit soit confié à un tiers impartial et indépendant. En tout état de cause, il en critique le contenu sur différents points qui y sont rapportés,
- l'intégralité des griefs listés dans la lettre de licenciement relève clairement de l'insuffisance professionnelle or la Cour de cassation juge de manière constante que l'insuffisance professionnelle ne peut pas constituer une faute grave, pas plus que l'incompétence établie par la seule mauvaise exécution du travail,
- aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois et courant à compter du jour où l'employeur a
eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. La plupart des faits ne comporte aucune date certaine (protocole de continuité d'activité, protocole de sécurité, plan de prévention, gestion arbitraire des astreintes susceptible d'impacter le climat social, absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires). Concernant les faits datés, ils sont antérieurs à la signature de la délégation de pouvoirs mais aussi prescrits (DUER 2017 à 2019, absence de lien avec les représentants du personnel 27/02/2020, 27/07/2020, 01/10/2020, 24/02/2020, 24/07/2020, indices sociaux préoccupants 09/2020, 10/2020, 2018 à 10/2020, 16/05/2020, 14/09/2020),
- alors que la lettre de licenciement contient 11 griefs sur 14 pages, la motivation du jugement est laconique et ne comporte que 10 lignes,
- sur le fond, les trois griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne peuvent retenus à son encontre. Ainsi :
Sur l'absence de défaillances volontaires dans la mise en place de mesures visant à assurer la sécurité et la santé des collaborateurs :
- s'agissant du document unique d'évaluation des risques et l'absence d'action d'identification des risques sur la période de 2017 à 2019, l'employeur souligne à plusieurs reprises qu'il disposait d'une très large délégation de pouvoirs notamment en matière d'hygiène et de sécurité. Or celle-ci n'a été signée que le 7 novembre 2019. Il ne saurait donc lui être reproché une inaction sur la période de 2017 à 2019. C'est d'ailleurs la raison qui explique qu'il a mis à jour le DUER le 25 mai 2020 sur la base du DUE général communiqué par la société OGF. Il a donc parfaitement rempli ses obligations contractuelles (pièces n°3 et 4). Enfin, les faits sont prescrits car la société ne saurait sérieusement prétendre ne pas en avoir eu connaissance durant la période 2017 à 2019 puisqu'il relevait de sa responsabilité de s'assurer que les différents établissements respectaient la réglementation en matière de sécurité au travail sans attendre qu'un incident survienne dans l'un de ses établissements. L'employeur a donc eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à son salarié,
- s'agissant du protocole de continuité d'activité, l'affirmation qu'il ne l'a pas décliné sur son secteur opérationnel en période de Covid-19 est fausse puisqu'il a mis en place, dès le mois de mai 2020, un protocole Covid pour chaque agence de son secteur opérationnel (pièces n°6 à 20) et un protocole de prévention des risques Covid (pièce n°5). Et contrairement à ce que soutient la société, ces protocoles ne sont pas une 'pure pétition de principe qui ne fait aucun cas de la réalité' puisqu'ils sont différents d'un établissement à l'autre. En outre, il a scrupuleusement veillé à leur mise en 'uvre (mise à disposition des masques FFP2, de combinaisons intégrales, de charlottes, de gants et lunettes de protection pour les collaborateurs exposé au virus lors des mises en bière). Plus généralement, il a mis en place toutes les mesures de prévention et de protection de la santé afin d'empêcher toute contamination au sein de ses effectifs si bien qu'aucun collaborateur n'a été malade durant cette période. Il a également supervisé la mise en place de produits désinfectants, de protections en plexiglas dans les bureaux,' Enfin, l'affirmation selon laquelle il n'aurait pas présenté ce document aux représentants du personnel est également fausse puisque le protocole de continuité d'activité a été soumis aux représentants du personnel lors de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT - pièces n°5),
- s'agissant du défaut de protocole de sécurité, la société n'apporte aucune preuve établissant ce fait qu'il conteste. Au contraire, il a signé et mis en place des protocoles de sécurité avec le prestataire ZIEGLER dès le 22 mai 2020 (pièces n°21 à 23) et l'intégralité des risques liés aux opérations de chargement et/ou déchargement y sont listés de manière très exhaustive,
- s'agissant du plan de prévention et les fiches de données sécurité, la société n'apporte aucune preuve de ce grief. Au contraire, lors d'une mise au point avec le directeur délégué et le responsable RH Rhône-Alpes & Industrie, il était convenu que son assistante assiste à la table ronde (pièce n°24). Il ne s'agit pas d'une subdélégation, seulement de permettre à celle-ci de faire un 'feed-back' à son directeur afin qu'il puisse mettre en 'uvre les mesures décidées. Mme [D], responsable RH concernée et qui a assisté l'employeur lors de l'entretien préalable du 3 décembre 2020, n'avait formulé aucune objection à la présence de son assistante à cette table ronde,
- s'agissant des défaillances dans le suivi des formations et des équipements professionnels nécessaires, l'organisation et la mise en place de la formation des collaborateurs relèvent de la directrice/responsable de centre-serveur ainsi qu'il ressort de la fiche de poste versée aux débats (pièce n°25). Par ailleurs, sa délégation de pouvoirs date du 7 novembre 2019 et dans son courrier électronique du 8 décembre 2019 l'employeur fait référence à des événements antérieurs à sa signature,
- s'agissant du laisser-faire dans la gestion des locaux, il lui est reproché d'avoir laissé des individus s'y introduire et de n'avoir pris aucune mesure pour l'empêcher. Toutefois, en raison de la variabilité des horaires des collaborateurs et des astreintes, les salariés devaient être en mesure d'avoir accès aux locaux et notamment aux vestiaires et aux sanitaires. En outre, ce fait n'a jamais été porté à son attention. Quant aux plaintes pour tapage nocturne, il est inconcevable qu'en tant que DSO il n'ait jamais été informé de telles plaintes, ce qui pourtant est le cas. De plus, dans le cadre de la crise sanitaire, il a été contraint d'organiser la location d'un caisson réfrigéré pour stocker les cercueils des personnes décédées du Covid-19 au mois d'avril. Le groupe électrogène créant des nuisances sonores pour les voisins, ces derniers s'en sont plaint et il a pris des dispositions pour que ce générateur soit éteint entre 18 h et 8h,
- s'agissant des locaux laissés à l'abandon, ce point n'a jamais été abordé lors de l'entretien préalable, de sorte qu'il n'a pu s'en défendre,
Sur l'absence de laisser faire en matière de gestion du personnel et le défaut d'accompagnement des équipes :
- s'agissant de l'accompagnement des équipes, plusieurs réunions ont été réalisées en 2020 conformément aux procédures de groupe. Chaque mois, lors du comité opérationnel et commercial en présence des directeurs de marque, chef d'agence et directeur de centre-serveur, il est évoqué l'activité du mois précédent, le compte client, la qualité, la prévoyance, les messages de la direction. Tous les fichiers relatifs à ces réunions étaient disponibles dans le fichier partagé du secteur à dispositions des cadres pour animer ensuite leurs équipes,
- il lui est reproché de ne pas avoir directement informé la directrice de centre-serveur de l'incident du 13 novembre 2020 au cours duquel un salarié a agressé l'une de ses collègues. Or il a été appelé par la police à 1h13 du matin pour se rendre sur les lieux et a immédiatement envoyé un courrier électronique au directeur délégué, à la responsable RH ainsi qu'au directeur de territoire, même s'il a omis de mettre en copie la directrice de centre-serveur compte tenu du choc émotionnel auquel il devait faire face. Selon le procès-verbal de police, il a appelé les collaborateurs d'astreinte afin qu'ils soient présents le lendemain pour remplacer M. [O] qui devait travailler le samedi, ainsi que le directeur de territoire et la directrice de centre-serveur à 1h30 pour les informer mais cette dernière n'a pas répondu ni rappelé. Il a en outre rencontré l'ensemble des collaborateurs le lundi suivant afin de les informer de la gravité des faits et mis en place un accompagnement psychologique,
- sur la gestion des astreintes, leur organisation relève des missions de la directrice / responsable de centre-serveur (pièces n°25, 26) et alors que sa délégation de pouvoir a été régularisée le 7 novembre 2019, l'employeur n'invoque aucune date ni ne produit aucune pièce au soutien de ce grief,
- s'agissant de l'absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires, l'employeur ne verse aucune preuve, n'hésitant pas à soutenir qu'il 'devait veiller à ce que les 4 actions de formation prioritaires soient planifiés, ce qu'il n'a pas fait et qui est de nature à représenter un risque juridique de 12 000 € à raison d'une pénalité de 3000 € à verser sur le CPF de chaque salarié', pénalités dont il ne justifie pas non plus de la réalité. En outre, la réalisation de ces entretiens prioritaires incombait à la directrice de centre-serveur, ce que confirme un courrier électronique de Mme [K] à propos des entretiens de 2019 qu'il a dû réaliser compte tenu de l'absence de directrice de centre-serveur (pièce n°27),
Sur le dialogue social volontairement inexistant :
- il apparaît totalement fantasque de fonder un licenciement pour faute grave sur le fait qu'il aurait été 'passif' lors d'une réunion suite à l'incident du 13 novembre 2020, ayant pris sur son temps personnel afin d'appeler individuellement chaque collaborateur durant cette période difficile. Quant au fait de ne pas avoir assez sanctionné ses collaborateurs en raison de faits prétendument fautifs qu'ils auraient commis, si Mme [B] était l'objet d'interrogations quant à sa qualification et ses compétences, elle a obtenu son diplôme de conseillère funéraire le 27 octobre 2020, de sorte que les critiques formulées contre elle sont sans fondement. Concernant les 'menaces' de M. [J] à l'encontre de Mme [K], ce dernier a fait l'objet d'une mise à pied,
- s'agissant de 'l'absence délibérée de lien avec les représentants du personnel', il convient de rappeler que l'année 2020 a été marquée par une période de confinement du 17 mars au 10 mai 2020 ainsi que par la mise en place du télétravail lorsque cela était possible. Ces événements ont rendu impossible la tenue de certaines réunions avec les représentants du personnel. Au demeurant, plusieurs réunions ont été organisées en 2020, notamment lorsque des questions étaient soulevées auprès de lui. Or concernant les périodes de télétravail, notamment pour Mme [L], représentante de proximité, aucune question n'a été soulevée,
- la prétendue 'mise à l'écart progressive et volontaire de son assistante' est en réalité un retrait de certaines tâches en raison de manquements professionnels, à savoir la divulgation à d'autres collaborateurs d'informations confidentielles relatives aux bulletins de salaire et à l'attribution de tickets restaurant. L'attestation de Mme [L] produite par l'employeur en pièce n°20 devra donc être écartée des débats
puisque vindicative et mensongère. Il est incohérent de lui reprocher son inertie en matière de gestion du personnel pour ensuite affirmer qu'il n'aurait pas dû prendre de décisions concernant les manquements professionnels de son assistante,
- concernant la table ronde du 25 septembre 2020, celle-ci résulte d'une faute de la société OGF qui avait mis en copie Mme [L] lors de l'envoi d'une convocation à un entretien préalable concernant son mari appartenant également à la société. Cet élément ayant fait l'objet de vives plaintes de la part de l'intéressée, la table ronde a été organisée pour ce motif ainsi qu'en raison des tensions entre lui et cette dernière (pièce n°28),
Sur les indices sociaux préoccupants :
- il lui est reproché une carence managériale manifeste se répercutant sur l'état d'esprit et la mobilisation des collaborateurs en raison d'un taux d'absentéisme et d'un turn over plus élevé que la moyenne nationale alors que son secteur d'attribution est le plus petit de la région. Or ce taux s'explique notamment par le débauchage de nombreux salariés par des entreprises concurrentes ainsi que des grilles de salaires internes ne permettant pas de maintenir une compétitivité suffisante avec les autres entreprises du secteur. L'employeur ne saurait par ailleurs lui imputer les démissions de Mmes [C] et [I],
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, la société OGF expose et produit les éléments suivants :
- M. [E] dispose depuis 2009 d'une délégation de pouvoirs, actualisée en 2012 puis élargie en novembre 2019, prévoyant que 'en cas d'irrespect des règles d'hygiène et de sécurité de tout collaborateur du secteur opérationnel, le délégataire pourra prononcer une mise à pied conservatoire immédiate afin de faire cesser notamment toute situation de danger grave et imminent pour le collaborateur, ses collègues ou des tiers de l'entreprise'.
A ce titre, il était astreint aux responsabilités suivantes :
* respect des conditions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail tant sur les lieux de travail qu'au cours des déplacements,
* respect de la bonne exécution et la surveillance du travail des salariés,
* respect de la réglementation en matière d'environnement, notamment en matière de traitement des déchets,
* contrôle de l'entretien, des conditions d'utilisation et de la conformité à la réglementation des matériels et de l'outillage ainsi que des engins et véhicules utilisés par le personnel,
* information et la formation à l'hygiène et à la sécurité des salariés, notamment des nouveaux embauchés, des travailleurs temporaires, des apprentis et des stagiaires,
* identification et l'évaluation des risques existants, au moyen notamment du Document Unique, ainsi que sa mise à jour au minimum annuelle,
* mise en 'uvre de mesures de sécurité à respecter en cas d'intervention d'une entreprise extérieure, formalisées notamment par l'intermédiaire de plan de prévention ou de protocole de sécurité,
* gestion des risques psychosociaux (pièces n°6, 8 et 9),
- concernant les carences dans la mise en place des mesures permettant d'assurer la sécurité et la santé des collaborateurs, la cour pourra constater que le salarié ne les conteste pas, ou se contente de dénégations générales et creuses ou encore en est réduit à invoquer la prescription,
Sur les défaillances volontaires dans la mise en place de mesures visant à assurer la sécurité et la santé des collaborateurs :
- ces manquements ont été mis en évidence dans le cadre d'une enquête réalisée sur sites en novembre et décembre 2020 (pièce n°43),
- aucune disposition n'encadre les enquêtes menées par un employeur qui est évidemment libre, au nom de son pouvoir de direction et de contrôle, de recueillir des éléments pour apprécier le respect par un collaborateur de ses obligations, ce d'autant plus lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les problématiques en jeu engagent la responsabilité de l'employeur au titre de son obligation de sécurité et font suite à un épisode tragique survenu au sein du secteur opérationnel du directeur concerné,
- il ressort de ce rapport que M. [E] a reçu de nombreuses alertes de la part de ses collaborateurs dont il n'a aucunement tenu compte, certains de ces 'lanceurs d'alerte' ayant même été mis au ban comme en témoigne Mme [K], directrice de centre serveur et M. [Y], directeur de territoire (pièce n°43), tous deux sous l'autorité directe du DSO,
- le rapport d'audit confirme également que des alertes avaient été émises par plusieurs autres collaborateurs concernant l'utilisation des locaux à des fins extra-professionnelles en-dehors des heures de travail sans que cela ne fasse davantage réagir M. [E] (pièce n°43)
- s'agissant des manquements aux dispositions relatives aux documents réglementaires, le rapport d'audit démontre que de 2017 à 2019 M. [E] n'a mené aucune action d'identification des risques (pièce n°38) et la périodicité de mise à jour du DUER n'était pas respectée, en dépit des formations sur l'outil dédié et de l'accompagnement dont il a bénéficié (pièce n°23) ainsi que de sa délégation de pouvoirs (pièces n°6 et 8). La mise à jour, purement formelle, qu'il invoque au 25 mai 2020 n'est qu'une légère adaptation effectuée à la demande du directeur délégué,
- sur le fond, M. [E] ne nie pas qu'il n'a engagé aucune action pour repérer concrètement les risques au sein de l'établissement placé sous son autorité, ni encore moins assuré le suivi des plan d'actions à mettre en 'uvre, se bornant à soutenir qu'il n'aurait pas eu le soutien de sa hiérarchie. Or il était parfaitement formé à l'élaboration et l'adaptation de ce document et cela relevait de ses attributions,
- la prescription ne commence à courir en la matière qu'à compter du moment où l'employeur a une connaissance exacte et précise des faits reprochés. Il n'est pas contestable que c'est en raison du très grave incident survenu le 13 novembre 2020 que des investigations ont été menées sur le terrain et sur la façon dont le salarié, en sa qualité de DSO, assurait la sécurité des biens et des personnes sur son périmètre. Cette enquête s'est déroulée en novembre 2020, et a débouché sur une mise à pied assortie d'une convocation à entretien préalable dès le 26 novembre, avec toute la promptitude nécessaire (pièces n°10 et 43),
- concernant le protocole de continuité d'activité, au-delà du formalisme du plan, le plus important est évidemment que celui-ci soit mis en 'uvre et il est de la responsabilité du salarié d'y veiller. Celui-ci n'a pas utilement contesté qu'en pratique, toutes les règles de distanciation et de port du masque, mais également certaines mesures élémentaires telles que les chaises condamnées ou un sens de circulation, n'ont pas été mises en 'uvre (pièce n°35). Il est donc manifeste qu'il a été totalement défaillant,
- concernant l'absence d'un protocole de chargement / déchargement dans le protocole de sécurité tel qu'indiqué dans la trame nationale présentée aux DSO plusieurs fois par an ces dernières années, sa carence en la matière sur le secteur opérationnel de [Localité 6] est confirmée dans le rapport d'audit (pièce n°43). Si M. [E] prétend qu'il s'est acquitté de sa mission en partenariat avec le prestataire ZIEGLER, il omet le fait que le protocole élaboré était incomplet et il ne saurait en reporter la responsabilité sur le prestataire,
- concernant l'absence de plan de prévention, cette tâche lui incombait en lien avec le chef d'entreprise sous-traitant. Pour sa défense, il se contente d'indiquer que ces tâches auraient été déléguées à une assistante et que si défaillance il y a eu, il n'en serait donc pas comptable, ce qui illustre son attitude irresponsable. Aucune subdélégation de pouvoir n'était juridiquement ou opérationnellement viable compte tenu des enjeux et du niveau de responsabilités respectifs et en tout état de cause, il lui appartenait, en sa qualité de DSO, d'en assumer la responsabilité, de prendre toutes les dispositions utiles pour que le nécessaire soit fait et d'en contrôler la bonne exécution,
- le suivi des formations, notamment pour les nouveaux entrants, est un sujet essentiel dans la mesure où il conditionne la pérennité de l'habilitation au regard du code général des collectivités territoriales pour les salariés travaillant dans le secteur funéraire. La capacité professionnelle des agents, dont la société doit justifier pour ne pas risquer de perdre son habilitation, est conditionnée à la justification de la formation professionnelle propre à ce secteur d'activité. Les salariés doivent ainsi obligatoirement suivre une formation de 16 heures dans les 3 mois qui suivent leur prise de fonctions, au risque d'entraîner la suspension voire le retrait pur et simple de l'habilitation préfectorale nécessaire à la délégation de service public. Or à la date de l'audit, 7 collaborateurs n'avaient pas suivi cette formation, dont 3 avaient de surcroît fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail en 2020 (pièces n°32 et 43). Ce faisant, M. [E] a exposé la société à un retrait pur et simple de son habilitation administrative.
Par ailleurs, la mise à disposition d'équipements de protection individuelle est indispensable pour assurer la sécurité des salariés opérationnels (pièces n°25, 26 et 42). Sur ce point, qui relève du c'ur de mission de M. [E], il a été totalement défaillant (pièce n°43) et se trouve réduit à se décharger de sa responsabilité sur la directrice du centre serveur, Mme [K]. Or ces missions rentraient incontestablement dans le périmètre de ses responsabilités essentielles, ainsi qu'il ressort de sa délégation de pouvoirs telle qu'actualisée au mois de novembre 2019, mais également de ses délégations de pouvoirs précédentes depuis qu'il occupe les fonctions de DSO (pièces n°6, 8 et 9), étant précisé que la directrice de centre serveur exerce ses fonctions sous la responsabilité du DSO. Il appartenait donc à M. [E], le cas échéant, de s'assurer que le nécessaire avait été fait, au besoin en usant de son pouvoir d'autorité auprès de la collaboratrice concernée. Au contraire, celle-ci l'avait en vain alerté sur les problèmes constatés à ce sujet (pièce n°18),
Sur le laisser-faire général :
- sous ce libellé générique il est question d'une carence abyssale de la part du salarié dans la protection des locaux et la surveillance élémentaire des collaborateurs sous sa responsabilité, qui a conduit à des dérives particulièrement inacceptables culminant dans l'événement tragique qui s'est produit le 13 novembre 2020, épisode qui constitue un élément de contexte évidemment capital pour mesurer les conséquences dramatiques de son incurie. C'est précisément son 'inaction pour garantir la sécurité des locaux d'intrusions clandestines' qui a eu pour conséquence que des collaborateurs ont pu impunément continuer à s'introduire nuitamment dans les locaux de l'entreprise, circonstances dans lesquelles le drame du 13 novembre 2020 est survenu. L'évocation de cet épisode se rattache donc très directement à un grief explicitement mentionné dans le courrier de licenciement en dépit de ses vaines tentatives pour l'éluder,
- les locaux du centre serveur ont servi pendant plusieurs mois d'espace pour des fêtes nocturnes et clandestines de collaborateurs. Ces soirées étaient l'occasion de véritables bacchanales fortement alcoolisées, et également le théâtre de relations sexuelles. Ce désordre, par sa récurrence, est devenu notoire et a donné lieu à plusieurs remontées et alertes auprès de M. [E] sans réaction de sa part, outre que celui-ci aurait dû être interpellé par certaines manifestations objectives de dérives alcoolisées chez certains collaborateurs au sein de l'entreprise auxquelles il n'a pas jugé bon de remédier.
Mme [L], assistante administrative, atteste que 'le jeudi 5 novembre 2020, Monsieur [E] m'a appelé sur mon portable (je suis en télétravail). Il me dit qu'il est au courant des moments de convivialité avec alcool improvisés dans les locaux du [Adresse 5] en dehors des heures de travail. Qu'il va faire une note de service rappelant que c'est interdit et que personne ne doit être présent dans les locaux en dehors des heures de travail. Qu'il va faire fermer l'accès aux locaux concernés tous les soirs à 18h. Je n'ai jamais eu la note en question' (pièce n°20) Cette permissivité a rendu possible des dérives qui ont débouché, selon la qualification retenue par le procureur de la République de [Localité 6], durant la soirée du 13 novembre à une tentative de meurtre et des actes de torture et de barbarie ayant entraîné une infirmité permanente. La société a en outre été contrainte de fermer l'agence concernée pendant 4 mois et d'engager des frais de remise en état conséquents. Mme [K] atteste également 'Depuis mon arrivée il y a eu 2 vols à la Marbrerie [P] [Localité 6] (vol d'une pompe en mai 2020 et vol de dalle de caveau 83 au 2eme semestre 2021). J'en ai informé [U] [E] verbalement. [...] Lors du retour de congés d'été d'[U] [E], il m'a informé qu'une Conseillère funéraire, [M] [I] l'avait informé que pendant son absence, le soir après le service il y avait des soirées dans les locaux sociaux' (pièce n°18) et M. [Y] indique que 'Le 14 novembre 2020, [U] [E] me demande d'ouvrir l'agence [P] à la Police pour diverses constatations. L'officier m'apprend que leurs rencontres étaient fréquentes. Le mardi suivant, j'accompagne [U] [E] à l'agence pour lui remettre les clés car la Police avait encore quelques vérifications. A son retour, il m'a dit qu'il leur a montré le matelas et les couvertures qu'utilisaient Madame [A] quand elle dormait à l'agence' (pièce n°19). Il est donc patent que M. [E] était parfaitement informé de ce qui produisait dans les locaux de l'entreprise la nuit, mais qu'il n'a rien fait. Et s'il n'était évidemment pas attendu de lui qu'il officie comme agent de sécurité, il devait user des pouvoirs que lui confèrent ses attributions de DSO investi d'une délégation de pouvoirs pour faire la lumière sur l'organisation de ces soirées, puis les interdire par tout moyen (note de service, procédures disciplinaires),
- dans le même registre, certains locaux étaient affligés d'une vétusté très alarmante (plafond manquant de s'effondrer, forte odeur d'urine dans un espace bureau près de l'accueil des familles endeuillées') sans que M. [E] n'ait trouvé à redire ni à réagir, bien qu'alerté à ce sujet par M. [Y], directeur de territoire ('Certaines agences sont vétustes voire très vétustes (Agences [P] Dijon et Genlis). Tout a été relaté avec mes préconisations lors de la présentation de ma feuille de route présentée à [U] [E] le 22 octobre 2020" - pièce n°19), Mme [K] (' La vétusté des locaux et le non-entretien (Marbrerie [P], centre serveur, points de vente)' - pièce n°18) et Mme [L] ('Nous remettions les mêmes questions régulièrement car rien n'était fait, notamment sur des questions d'hygiène et de sécurité ou pour des entretiens de véhicules' - pièces n°24, 33 à 37),
- en matière de gestion du personnel, M. [E] a organisé les réunions dites 'rituels d'animation du personnel commercial et d'exploitation' de manière sporadique et sans véritable implication, ce que confirme Mme [K] (pièce n°18) et M. [Y] (pièce n°19). Il a en outre mis en oeuvre une gestion arbitraire des astreintes susceptible d'impacter le climat social, ce dont il ne saurait se défausser sur la directrice du centre serveur, et même si dans les faits cette fonction avait été déléguée, avec une légèreté blâmable, à M. [T], qui était simplement chauffeur porteur, celui-ci n'avait aucun titre ni pouvoir d'encadrement, il appartenait en toute hypothèse à M. [E] de veiller au respect par les collaborateurs de son secteur opérationnel de leurs obligations, ce d'autant qu'il a été alerté par les représentants du personnel sur ce sujet sensible sans juger bon d'y remédier,
- il devait veiller à ce que les 4 actions de formation prioritaires soient planifiées, ce qu'il n'a pas fait et qui est de nature à représenter un risque juridique de 12 000 euros à raison d'une pénalité de 3 000 euros à verser sur le CPF de chaque salarié et il suffit de se reporter à la délégation de pouvoir pour vérifier à nouveau que cette responsabilité relevait bien des pouvoirs propres du DSO,
- outre sa passivité endémique dans toutes les dimensions de sa fonction, il n'a pas assumé son rôle de responsable du bon fonctionnement des IRP de l'établissement placé sous son autorité et il ne saurait ignorer que la fréquence et le nombre des réunions sont réglés par les textes et notamment par un accord d'entreprise qui rendait nécessaire sur l'année 2020 l'organisation de 8 réunions. Or seules 3 réunions se sont tenues, cette carence est à elle seule de nature à caractériser un délit d'entrave au fonctionnement normal des IRP et susceptible en outre de créer un climat anxiogène, a fortiori durant la période de pandémie particulièrement sensible au sein d'OGF (pièces n°33 à 37), étant précisé que pendant la période de confinement, les réunions CSE auraient parfaitement pu se tenir en visioconférence ou encore par conférence téléphonique, ainsi que cela était d'ailleurs prévu dans le cadre des mesures exceptionnelles prévues par le gouvernement durant cette période. Au surplus, lors de ces réunions M. [E] ne daignait pas apporter les réponses aux questions formulées par les représentants du personnel, ce que confirme Mme [L] ('Les réunions avec les Représentants du personnel n'étaient pas sa priorité. Nous avons souffert d'un manque d'organisation. Il était compliqué d'avoir une date de réunion. Malgré nos demandes, il a refusé de faire des réunions pendant les confinements alors que nous aurions pu les faire à distance. Il lui est arrivé à plusieurs reprises de ne pas répondre dans le délai imparti aux questions par écrit. Le dialogue n'existait que sur le papier. Les réponses écrites ne reflétaient pas ce qui s'était dit en réunion. Nous remettions les mêmes questions régulièrement car rien n'était fait, notamment sur des questions d'hygiène et de sécurité ou pour des entretiens de véhicules' (pièce n°20),
- il a progressivement mis à l'écart son assistante, Mme [L], en lui retirant un certain nombre de tâches, ce sans raison objective mais manifestement en raison de ses mandats. Le rapport d'audit détaille à cet égard les attributions qui ont peu à peu été retirées à cette dernière, ce dont celle-ci s'était émue au point qu'une table ronde avait été organisée le 25 septembre 2020 au terme de laquelle il avait été convenu et acté que les missions de Mme [L] seraient désormais élargies. Mais M. [E] a refusé de mettre en place ces nouvelles attributions (pièces n°20 et 43),
- la carence managériale manifeste de M. [E] n'a pas manqué de se répercuter sur l'état d'esprit et la mobilisation des collaborateurs du secteur dont il avait la responsabilité. Cela s'est traduit notamment par un taux d'absentéisme et de turnover totalement anormaux (pièces n°13, 14, 15, 17 et 43), sachant que plusieurs collaborateurs ont démissionné en raison de l'atmosphère délétère engendré par les défaillances de M. [E] (pièces n°18, 19, 20, 39 et 40). Ce défaut d'investissement et le fait que M. [E] ne se soit pas approprié la dimension managériale de son poste n'a pas manqué de se répercuter aussi sur la qualité de la prestation fournie aux familles du fait de l'absence d'encadrement approprié, de motivation et de contrôle des collaborateurs.
Des obsèques ont donné lieu à des dérapages inadmissibles dont les familles n'ont pas manqué de se plaindre (pièces n°21, 27, 28, 30 et 31) Or M. [S] avait été avisé de l'attitude inappropriée de Mme [A] mais n'a pas pris les dispositions pour juguler ces comportements.
- sur la prescription :
En application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, lors que le comportement du salarié s'est poursuivi.
A cet égard, M. [S] soutient que la plupart des faits reprochés ne comportent aucune date certaine ou sont antérieurs à la signature de sa délégation de pouvoirs, et qu'en tout état de cause il appartenait à l'employeur de s'assurer qu'il respectait ses obligations et donc d'avoir connaissance de tout manquement, de sorte que les faits sont prescrits.
Néanmoins, il ressort des conclusions et des pièces produites par la société OGF, et plus particulièrement de l'audit interne initié les 17 et 18 novembre à la suite du grave incident survenu le 13 précédent et dont le rapport a été rendu le 7 décembre 2020, que c'est à cette date que celui-ci a eu pleinement connaissance de la réalité et de l'ampleur des griefs formulés à l'encontre du salarié dans la lettre de licenciement. La procédure de licenciement ayant été engagée dès le 26 novembre 2020, M. [S] ne saurait se prévaloir d'une quelconque prescription. La fin de non recevoir n'est donc pas fondée.
- sur l'ajout d'un grief dans la lettre de licenciement :
L'entretien préalable doit permettre à l'employeur d'indiquer au salarié les motifs de la décision qu'il envisage de prendre et de recueillir les explications de celui-ci. Sur ce point, M. [S] soutient que le grief lié aux locaux 'laissés à l'abandon' n'a jamais été abordé lors de l'entretien préalable, de sorte qu'il n'a pu s'en défendre.
Toutefois, nonobstant le fait que M. [E] procède à cet égard par affirmation, il est constant la lettre de licenciement faisant état de motifs non abordés lors de l'entretien préalable ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, s'agissant d'une simple irrégularité de forme dont le salarié ne tire en l'espèce aucune conséquence.
- sur la qualification du motif de licenciement :
M. [E] soutient que les griefs figurant dans la lettre de licenciement relèvent de l'insuffisance professionnelle et non de la faute grave.
Il est constant que c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement. Par ailleurs, la faute se caractérise par un acte positif ou une abstention volontaire alors que l'insuffisance professionnelle suppose seulement une incapacité objective et durable mais non délibérée d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.
En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement que si les griefs se fondent sur diverses carences et inactions du salarié dans l'exécution de ses attributions de directeur secteur opérationnel, ces carences et inactions sont explicitement décrites comme délibérées, de sorte que les faits, à les supposer établis, participent bien d'un comportement fautif. Le moyen n'est donc pas fondé.
- sur la mise à l'écart de l'enquête interne menée par l'employeur :
Le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu'il soit entendu, dès lors que la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
En conséquence, nonobstant d'une part les interrogations et supputations de M. [E] sur l'authenticité du rapport d'audit, authenticité qu'aucun élément ne vient remettre en cause, et d'autre part le fait qu'il ne formule dans le dispositif de ses conclusions aucune demande visant à ce que cette pièce soit écartée des débats, la cour considère qu'il n'y a pas lieu d'écarter ce rapport d'audit produit en pièce n°43 par l'employeur aux seuls motifs qu'il résulte d'un audit interne n'ayant pas associé les représentants du personnel et non à un auditeur externe, prétendument plus 'objectif', et que le salarié en conteste les modalités et les conclusions.
Au surplus, les articles L.1222-2 et suivants du code du travail invoqués par le salarié, et plus particulièrement l'article L.1222-4 relatif au contrôle de l'activité professionnelle, sont sans rapport avec la solution du litige.
- sur le fond :
La cour relève en premier lieu que l'argument de M. [E] selon lequel il ne saurait assumer la responsabilité de faits antérieurs à sa délégation de pouvoir signée le 7 novembre 2019 n'est pas sérieux dès lors qu'il est démontré en pièces n°6, 8 et 9 de l'employeur qu'il bénéficie, en sa qualité de DSO, d'une telle délégation depuis le 4 septembre 2009, laquelle a été actualisée le 12 septembre 2012 puis complétée le 7 novembre 2019.
En outre, l'examen de sa délégation de pouvoir initiale démontre que celle-ci couvrait les domaines :
* de la gestion du personnel :
- recrutement du personnel des son secteur opérationnel dans la limite des niveaux de classification conventionnelle prévus par les procédures internes,
- suivi de la gestion du personnel sur le plan administratif selon les procédures internes,
- garantir le respect des droits fondamentaux des collaborateurs placés sous sa responsabilité et le respect de chacun d'eux tant sur le plan de la gestion de leurs carrières que des relations quotidiennes de travail,
- exercice du pouvoir de sanction disciplinaire ainsi que de mise à pied conservatoire pour tous les salariés du secteur opérationnel sauf le licenciement,
- respecter et faire respecter les dispositions législatives et réglementaires en matière sociale, de la convention collective nationale des pompes funèbres, du règlement intérieur et de toutes dispositions conventionnelles et contractuelles applicables ainsi que des usages,
- respecter et faire respecter au sein du secteur opérationnel confié la réglementation et les textes applicables en matière de durée du travail, d'affichages obligatoires et de tenue des registres, de santé des salariés au travail (visites médicales ...) et de formation nécessaire à l'exercice des métiers du secteur opérationnel,
* de l'hygiène et la sécurité au travail :
- respecter les conditions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail tant sur les lieux de travail qu'au cours de déplacements,
- respecter la bonne exécution et la surveillance du travail des salariés,
- respecter la réglementation en matière d'environnement, notamment en matière de traitement des déchets,
- contrôler l'entretien, les conditions d'utilisation et la conformité des matériels et de l'outillage ainsi que des engins et véhicules utilisés par le personnel,
- identifier et évaluer les risques existants, au moyen notamment du document unique,
- en cas de carence, faire le nécessaire pour que soit pourvu en matériel adéquat le secteur opérationnel dont il a la charge,
- informer tous les collaborateurs de son secteur opérationnel de la réglementation applicable en matière de sécurité, d'hygiène, de conditions de travail et d'environnement et attirer leur attention sur la nécessité impérieuse de la respecter, - donner les directives, instructions ou consignes relatives à ces mesures de sécurité, d'hygiène, de conditions de travail et d'environnement,
- s'assurer personnellement de l'exécution de ces instructions, directives ou consignes et faire contrôler les dispositifs de protection existants,
- respecter et faire respecter la législation et la réglementation sociale, la convention collective nationale de la profession, les accords collectifs et usages et les termes des contrats de travail des salariés placés sous sa responsabilité,
- veiller à ce que l'intégralité des matériels, installations, ou tous moyens de protection individuelle et collective des salariés et des tiers intervenants dans l'Entreprise soient mis a disposition et utilisés conformément à leur destination [...],
* de la gestion des représentants du personnel :
- respecter et faire respecter sur le secteur opérationnel confié l'ensemble des dispositions qui leur sont applicables et a ainsi la responsabilité des relations avec les représentants du personnel sur son secteur opérationnel,
* de la réglementation économique et professionnelle
* de la réglementation comptable (pièce n°6).
La délégation de pouvoir du 12 septembre 2012 y a notamment ajouté, dans le domaine de la gestion du personnel, la constitution des dossiers de formation conformément à la réglementation pour prévenir tout risque fiscal, le suivi précis des engagements budgétaires et des dépenses réalisées et la constitution des dossiers de refinancement dans une optique d'optimisation du budget, le suivi de la constitution du dossier du personnel et de la rédaction du contrat de travail dans les délais légaux et veiller au respect des formalités relatives à l'obtention et au maintien de l'habilitation pour chacun des établissements du secteur opérationnel confié dans les délais requis (pièce n°8).
Enfin, la délégation de pouvoir du 7 novembre 2019 reprend l'ensemble de ces éléments (pièce n°9).
Il ressort par ailleurs de l'examen du rapport d'audit du 7 décembre 2020 et des attestations produites par l'employeur que M. [E], en sa qualité de DSO, avait été informé par plusieurs salariés que les locaux du centre serveur dont il avait la responsabilité étaient utilisés la nuit pour des fêtes nocturnes alcoolisées organisées par certains salariés (pièces n°43, 18, 20), sans en tirer de conséquence autre qu'annoncer une note de service que nul n'a vu et qu'il ne produit pas lui-même, et aussi qu'il a toléré qu'une salariée, sans domicile, dorme à l'agence (pièce n°19).
A cet égard, si le salarié peut à juste titre opposer qu'il n'est pas impliqué dans le grave incident du 13 novembre 2020 qui concerne deux autres salariés, il a d'évidence permis que celui-ci survienne en omettant délibérément de prendre en compte les signalements reçus et en ne réglementant pas l'accès aux locaux la nuit, ce qui relevait pourtant de sa responsabilité au titre de sa délégation de pouvoirs telle qu'énoncée ci-dessus. De plus, la variabilité des horaires des collaborateurs et des astreintes ne saurait justifier son inaction.
S'agissant de la vétusté des locaux, grief auquel le salarié ne répond pas si ce n'est pour indiquer qu'il n'a pas été abordé lors de l'entretien préalable, il ressort de l'attestation de M. [Y] et des photos prises par Mme [L] que M. [E] en était informé mais sans qu'aucune mesure ne soit prise pour y remédier, ce qui pourtant là encore relevait de sa responsabilité au titre de sa délégation de pouvoirs (pièces n°19, 24).
S'agissant des manquements relatifs aux documents réglementaires de sécurité, il ressort des conclusions de M. [E] qu'il admet n'avoir mis à jour le DUER que le 25 mai 2020, le document ayant été formalisé le 10 juin suivant, au motif qu'il ne disposait d'une délégation de pouvoirs en la matière que depuis le 7 novembre précédent. Or il ressort des développements qui précèdent qu'il en avait la responsabilité depuis 2009, de sorte que le non respect de la périodicité de révision réglementaire suffit à caractériser le manquement allégué.
Enfin, il ressort des pièces de l'employeur, en particulier les courriers de démission de Mmes [C] et [I], la démonstration des carences managériales mentionnées dans la lettre de licenciement, la première le mettant même directement en cause (pièces n°39 et 40). L'employeur justifie par ailleurs d'un taux d'absentéisme et de 'turn over' élevés (pièces n°13, 14, 15, 17 et 43).
Au surplus, s'agissant des griefs relevés dans le rapport d'audit ou dénoncés dans les attestations de salariés produites fondés sur ses supposées défaillances dans le suivi des formations et des équipements nécessaires à l'exercice des fonctions des collaborateurs, la gestion des astreintes et son absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires, M. [E] n'en discute pas la réalité, se bornant à invoquer que sa délégation de pouvoir ne date que du 7 novembre 2019, ce qui est factuellement inexact,
et que ces tâches incombaient à la directrice de centre-serveur selon sa fiche de poste (pièce n°25). Toutefois, dès lors que la fiche de poste produite mentionne explicitement que ses attributions s'inscrivent dans le cadre de son secteur opérationnel d'affectation, M. [E] était, en sa qualité de DSO concerné, responsable de la bonne exécution des tâches de cette salariée.
De même, outre le fait que l'argument selon lequel des réunions étaient organisées seulement 'lorsque des questions étaient soulevées auprès de lui' n'est pas pertinent dès lors qu'en matière de dialogue social dans l'entreprise un calendrier de réunion s'impose, la crise sanitaire ne saurait justifier le défaut d'organisation des réunions du CSE dès lors d'une part, et comme l'indique l'employeur, que ce type de réunion pouvait en période de confinement de tenir en distanciel, et d'autre part que les confinements ordonnés en 2020 se sont limités aux périodes du 17 mars au 11 mai 2020 non inclus (confinement général) puis du 30 octobre au 15 décembre 2020 non inclus et du 3 avril au 3 mai 2021 non inclus (confinements partiels), de sorte que rien n'empêchait la tenue de réunions en dehors de ces périodes, étant en tout état de cause relevé que la raison de la carence du salarié tient en réalité au fait que 'Les réunions avec les Représentants du personnel n'étaient pas sa priorité. Nous avons souffert d'un manque d'organisation. Il était compliqué d'avoir une date de réunion. Malgré nos demandes, il a refusé de faire des réunions pendant les confinements alors que nous aurions pu les faire à distance. Il lui est arrivé à plusieurs reprises de ne pas répondre dans le délai imparti aux questions par écrit. Le dialogue n'existait que sur le papier. Les réponses écrites ne reflétaient pas ce qui s'était dit en réunion. Nous remettions les mêmes questions régulièrement car rien n'était fait, notamment sur des questions d'hygiène et de sécurité ou pour des entretiens de véhicules' (attestation de Mme [L] (pièce n°20).
En conséquence des développements qui précèdent, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le bien fondé des autres griefs allégués, la cour considère que la société OGF démontre les multiples carences qu'elle reproche à son salarié dans l'accomplissement de ses fonctions et responsabilités de directeur secteur opérationnel, statut cadre, bénéficiant d'une grande ancienneté et d'une délégation de pouvoirs pour l'accomplissement de ses missions, lesquelles caractérisent un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle, s'agissant notamment de carence dans la gestion des conditions d'hygiène et de sécurité au travail, qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Le jugement déféré qui a dit que le licenciement repose sur une faute grave et rejeté les demandes de M. [E] afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, sera confirmé.
II - Sur les demandes accessoires :
- sur les intérêts au taux légal :
Les demandes de M. [E] étant rejetées, cette demande est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- sur la remise documentaire sous astreinte :
Les demandes de M. [E] étant rejetées, cette demande est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point
- sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
M. [E] sera condamné à payer à la société OGF la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
La demande de M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel sera rejetée,
M. [E] succombant, il supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
REJETTE la fin de non recevoir,
CONFIRME le jugement rendu le 3 avril 2023 par le conseil de prud'hommes de Dijon,
y ajoutant,
CONDAMNE M. [U] [E] à payer à la société OGF la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
REJETTE la demande de M. [U] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
CONDAMNE M. [U] [E] aux dépens d'appel,
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION
C/
S.A. OGF
C.C.C le 20/03/25 à:
- Me GOULLERET
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée le 20/03/25 à:
- Me MENDEL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 MARS 2025
MINUTE N°
N° RG 23/00248 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GFQD
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIJON, section EN, décision attaquée en date du 03 Avril 2023, enregistrée sous le n° 22/00053
APPELANT :
[U] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Elsa GOULLERET de la SELARL ESTEVE GOULLERET NICOLLE & ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A. OGF Agissant par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège de la société
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL - VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, Maître Olivier KHATCHIKIAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 février 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d'instruire l'affaire et qui a fait rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, président de chambre,
Fabienne RAYON, présidente de chambre,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Juliette GUILLOTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Juliette GUILLOTIN, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
M. [U] [E] a été embauché par la société OGF le 13 octobre 1986 en qualité d'assistant funéraire stagiaire.
Au dernier état de la relation de travail, il occupait le poste de directeur de secteur opérationnel (DSO), statut cadre, niveau 6.2 de la convention collective des pompes funèbres.
Le 26 novembre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 décembre suivant, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire.
Le 14 décembre 2020, il a été licencié pour faute grave.
Par requête du 16 février 2022, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Dijon afin de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société aux conséquences indemnitaires afférentes.
Par jugement du 3 avril 2023, le conseil de prud'hommes de Dijon a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration formée le 2 mai 2023, M. [E] a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 26 juillet 2023, l'appelant demande de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
* jugé que le licenciement est fondé sur une faute grave,
* rejeté l'intégralité de ses demandes,
* condamné à payer à la société OGF la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
- juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société OGF à lui payer les sommes suivantes :
* 27 926,81 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
* 62 556,06 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
* 111 707,25 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1 546,68 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents,
- condamner la société OGF à lui remettre les documents suivants :
* l'attestation d'employeur rectifiée en fonction de la décision à intervenir pour l'inscription à POLE EMPLOI, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- un bulletin de salaire afférent aux condamnations, sous astreinte de 150 euros par jour de retard,
- juger que les condamnations prononcées emporteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,
- fixer la moyenne des salaires à 5 585,36 euros bruts,
- condamner la société OGF à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions du 14 septembre 2023, la société OGF demande de :
- confirmer la décision déférée en l'ensemble de ses dispositions,
- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des frais se rapportant à la procédure en appel ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur le bien fondé du licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
Il est par ailleurs constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l'employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n'en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 14 décembre 2020, il est reproché au salarié les griefs suivants :
- des défaillances volontaires dans la mise en place de mesures visant à assurer la sécurité et la santé des collaborateurs :
* manquements aux dispositions relatives aux documents réglementaires (document unique d'évaluation des risques, protocole de continuité d'activité, protocole de sécurité, plan de prévention, fiches de données sécurité des produits utilisés),
* défaillances dans le suivi des formations et des équipements nécessaires à l'exercice des fonctions des collaborateurs (suivi des formations 16 heures, insuffisance des équipements de protection individuelle),
- un laisser-faire coupable :
* laisser-faire dans la gestion des locaux placés sous sa responsabilité (inaction pour garantir la sécurité des locaux d'intrusions clandestines, locaux laissés à l'abandon),
* laisser-faire en matière de gestion du personnel (défaut d'accompagnement des équipes, gestion des astreintes arbitraire susceptibles d'impacter le climat social, absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires),
- un dialogue social volontairement inexistant affectant le climat social :
* incapacité délibérée à prendre position sur des décisions ayant des impacts sur le climat social,
* absence délibérée de lien avec les représentants du personnel (trop rares réunions des représentants de proximité, mise à l'écart progressive et volontaire de son assistante en raison de ses mandats),
* indices sociaux préoccupants. (pièce n°2).
M. [E] conteste le bien fondé de son licenciement aux motifs que :
- aucune preuve sérieuse n'est versée aux débats,
- les motifs invoqués dans la lettre de licenciement sont sans rapport avec l'incident survenu le 13 novembre 2020 qui est indépendant de sa responsabilité,
- la société produit un rapport d'audit du 7 décembre 2020, soit à un stade très avancé de la procédure. Cette production tardive interroge sur la date réelle de sa rédaction et il n'est pas à exclure qu'il ait été réalisé pour les besoins de la cause. Ce rapport devra être écarté dans la mesure où il n'a pas été informé ou entendu dans le cadre de cet audit. L'enquête interne ayant été confiée à la direction RH, elle est nécessairement partiale et ce moyen de preuve ne respecte pas les articles L.1222-2 et suivants du code du travail et le principe de l'administration de la preuve (enquête réalisée à l'insu du salarié mis en cause) ni l'article L.1222-4 du code du travail qui dispose 'qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collecté par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance', seules 4 personnes ayant été entendues et les critères de sélection de ces 'témoins' ne sont pas connus. Il aurait été préférable que l'audit soit confié à un tiers impartial et indépendant. En tout état de cause, il en critique le contenu sur différents points qui y sont rapportés,
- l'intégralité des griefs listés dans la lettre de licenciement relève clairement de l'insuffisance professionnelle or la Cour de cassation juge de manière constante que l'insuffisance professionnelle ne peut pas constituer une faute grave, pas plus que l'incompétence établie par la seule mauvaise exécution du travail,
- aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois et courant à compter du jour où l'employeur a
eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié. La plupart des faits ne comporte aucune date certaine (protocole de continuité d'activité, protocole de sécurité, plan de prévention, gestion arbitraire des astreintes susceptible d'impacter le climat social, absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires). Concernant les faits datés, ils sont antérieurs à la signature de la délégation de pouvoirs mais aussi prescrits (DUER 2017 à 2019, absence de lien avec les représentants du personnel 27/02/2020, 27/07/2020, 01/10/2020, 24/02/2020, 24/07/2020, indices sociaux préoccupants 09/2020, 10/2020, 2018 à 10/2020, 16/05/2020, 14/09/2020),
- alors que la lettre de licenciement contient 11 griefs sur 14 pages, la motivation du jugement est laconique et ne comporte que 10 lignes,
- sur le fond, les trois griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne peuvent retenus à son encontre. Ainsi :
Sur l'absence de défaillances volontaires dans la mise en place de mesures visant à assurer la sécurité et la santé des collaborateurs :
- s'agissant du document unique d'évaluation des risques et l'absence d'action d'identification des risques sur la période de 2017 à 2019, l'employeur souligne à plusieurs reprises qu'il disposait d'une très large délégation de pouvoirs notamment en matière d'hygiène et de sécurité. Or celle-ci n'a été signée que le 7 novembre 2019. Il ne saurait donc lui être reproché une inaction sur la période de 2017 à 2019. C'est d'ailleurs la raison qui explique qu'il a mis à jour le DUER le 25 mai 2020 sur la base du DUE général communiqué par la société OGF. Il a donc parfaitement rempli ses obligations contractuelles (pièces n°3 et 4). Enfin, les faits sont prescrits car la société ne saurait sérieusement prétendre ne pas en avoir eu connaissance durant la période 2017 à 2019 puisqu'il relevait de sa responsabilité de s'assurer que les différents établissements respectaient la réglementation en matière de sécurité au travail sans attendre qu'un incident survienne dans l'un de ses établissements. L'employeur a donc eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à son salarié,
- s'agissant du protocole de continuité d'activité, l'affirmation qu'il ne l'a pas décliné sur son secteur opérationnel en période de Covid-19 est fausse puisqu'il a mis en place, dès le mois de mai 2020, un protocole Covid pour chaque agence de son secteur opérationnel (pièces n°6 à 20) et un protocole de prévention des risques Covid (pièce n°5). Et contrairement à ce que soutient la société, ces protocoles ne sont pas une 'pure pétition de principe qui ne fait aucun cas de la réalité' puisqu'ils sont différents d'un établissement à l'autre. En outre, il a scrupuleusement veillé à leur mise en 'uvre (mise à disposition des masques FFP2, de combinaisons intégrales, de charlottes, de gants et lunettes de protection pour les collaborateurs exposé au virus lors des mises en bière). Plus généralement, il a mis en place toutes les mesures de prévention et de protection de la santé afin d'empêcher toute contamination au sein de ses effectifs si bien qu'aucun collaborateur n'a été malade durant cette période. Il a également supervisé la mise en place de produits désinfectants, de protections en plexiglas dans les bureaux,' Enfin, l'affirmation selon laquelle il n'aurait pas présenté ce document aux représentants du personnel est également fausse puisque le protocole de continuité d'activité a été soumis aux représentants du personnel lors de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT - pièces n°5),
- s'agissant du défaut de protocole de sécurité, la société n'apporte aucune preuve établissant ce fait qu'il conteste. Au contraire, il a signé et mis en place des protocoles de sécurité avec le prestataire ZIEGLER dès le 22 mai 2020 (pièces n°21 à 23) et l'intégralité des risques liés aux opérations de chargement et/ou déchargement y sont listés de manière très exhaustive,
- s'agissant du plan de prévention et les fiches de données sécurité, la société n'apporte aucune preuve de ce grief. Au contraire, lors d'une mise au point avec le directeur délégué et le responsable RH Rhône-Alpes & Industrie, il était convenu que son assistante assiste à la table ronde (pièce n°24). Il ne s'agit pas d'une subdélégation, seulement de permettre à celle-ci de faire un 'feed-back' à son directeur afin qu'il puisse mettre en 'uvre les mesures décidées. Mme [D], responsable RH concernée et qui a assisté l'employeur lors de l'entretien préalable du 3 décembre 2020, n'avait formulé aucune objection à la présence de son assistante à cette table ronde,
- s'agissant des défaillances dans le suivi des formations et des équipements professionnels nécessaires, l'organisation et la mise en place de la formation des collaborateurs relèvent de la directrice/responsable de centre-serveur ainsi qu'il ressort de la fiche de poste versée aux débats (pièce n°25). Par ailleurs, sa délégation de pouvoirs date du 7 novembre 2019 et dans son courrier électronique du 8 décembre 2019 l'employeur fait référence à des événements antérieurs à sa signature,
- s'agissant du laisser-faire dans la gestion des locaux, il lui est reproché d'avoir laissé des individus s'y introduire et de n'avoir pris aucune mesure pour l'empêcher. Toutefois, en raison de la variabilité des horaires des collaborateurs et des astreintes, les salariés devaient être en mesure d'avoir accès aux locaux et notamment aux vestiaires et aux sanitaires. En outre, ce fait n'a jamais été porté à son attention. Quant aux plaintes pour tapage nocturne, il est inconcevable qu'en tant que DSO il n'ait jamais été informé de telles plaintes, ce qui pourtant est le cas. De plus, dans le cadre de la crise sanitaire, il a été contraint d'organiser la location d'un caisson réfrigéré pour stocker les cercueils des personnes décédées du Covid-19 au mois d'avril. Le groupe électrogène créant des nuisances sonores pour les voisins, ces derniers s'en sont plaint et il a pris des dispositions pour que ce générateur soit éteint entre 18 h et 8h,
- s'agissant des locaux laissés à l'abandon, ce point n'a jamais été abordé lors de l'entretien préalable, de sorte qu'il n'a pu s'en défendre,
Sur l'absence de laisser faire en matière de gestion du personnel et le défaut d'accompagnement des équipes :
- s'agissant de l'accompagnement des équipes, plusieurs réunions ont été réalisées en 2020 conformément aux procédures de groupe. Chaque mois, lors du comité opérationnel et commercial en présence des directeurs de marque, chef d'agence et directeur de centre-serveur, il est évoqué l'activité du mois précédent, le compte client, la qualité, la prévoyance, les messages de la direction. Tous les fichiers relatifs à ces réunions étaient disponibles dans le fichier partagé du secteur à dispositions des cadres pour animer ensuite leurs équipes,
- il lui est reproché de ne pas avoir directement informé la directrice de centre-serveur de l'incident du 13 novembre 2020 au cours duquel un salarié a agressé l'une de ses collègues. Or il a été appelé par la police à 1h13 du matin pour se rendre sur les lieux et a immédiatement envoyé un courrier électronique au directeur délégué, à la responsable RH ainsi qu'au directeur de territoire, même s'il a omis de mettre en copie la directrice de centre-serveur compte tenu du choc émotionnel auquel il devait faire face. Selon le procès-verbal de police, il a appelé les collaborateurs d'astreinte afin qu'ils soient présents le lendemain pour remplacer M. [O] qui devait travailler le samedi, ainsi que le directeur de territoire et la directrice de centre-serveur à 1h30 pour les informer mais cette dernière n'a pas répondu ni rappelé. Il a en outre rencontré l'ensemble des collaborateurs le lundi suivant afin de les informer de la gravité des faits et mis en place un accompagnement psychologique,
- sur la gestion des astreintes, leur organisation relève des missions de la directrice / responsable de centre-serveur (pièces n°25, 26) et alors que sa délégation de pouvoir a été régularisée le 7 novembre 2019, l'employeur n'invoque aucune date ni ne produit aucune pièce au soutien de ce grief,
- s'agissant de l'absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires, l'employeur ne verse aucune preuve, n'hésitant pas à soutenir qu'il 'devait veiller à ce que les 4 actions de formation prioritaires soient planifiés, ce qu'il n'a pas fait et qui est de nature à représenter un risque juridique de 12 000 € à raison d'une pénalité de 3000 € à verser sur le CPF de chaque salarié', pénalités dont il ne justifie pas non plus de la réalité. En outre, la réalisation de ces entretiens prioritaires incombait à la directrice de centre-serveur, ce que confirme un courrier électronique de Mme [K] à propos des entretiens de 2019 qu'il a dû réaliser compte tenu de l'absence de directrice de centre-serveur (pièce n°27),
Sur le dialogue social volontairement inexistant :
- il apparaît totalement fantasque de fonder un licenciement pour faute grave sur le fait qu'il aurait été 'passif' lors d'une réunion suite à l'incident du 13 novembre 2020, ayant pris sur son temps personnel afin d'appeler individuellement chaque collaborateur durant cette période difficile. Quant au fait de ne pas avoir assez sanctionné ses collaborateurs en raison de faits prétendument fautifs qu'ils auraient commis, si Mme [B] était l'objet d'interrogations quant à sa qualification et ses compétences, elle a obtenu son diplôme de conseillère funéraire le 27 octobre 2020, de sorte que les critiques formulées contre elle sont sans fondement. Concernant les 'menaces' de M. [J] à l'encontre de Mme [K], ce dernier a fait l'objet d'une mise à pied,
- s'agissant de 'l'absence délibérée de lien avec les représentants du personnel', il convient de rappeler que l'année 2020 a été marquée par une période de confinement du 17 mars au 10 mai 2020 ainsi que par la mise en place du télétravail lorsque cela était possible. Ces événements ont rendu impossible la tenue de certaines réunions avec les représentants du personnel. Au demeurant, plusieurs réunions ont été organisées en 2020, notamment lorsque des questions étaient soulevées auprès de lui. Or concernant les périodes de télétravail, notamment pour Mme [L], représentante de proximité, aucune question n'a été soulevée,
- la prétendue 'mise à l'écart progressive et volontaire de son assistante' est en réalité un retrait de certaines tâches en raison de manquements professionnels, à savoir la divulgation à d'autres collaborateurs d'informations confidentielles relatives aux bulletins de salaire et à l'attribution de tickets restaurant. L'attestation de Mme [L] produite par l'employeur en pièce n°20 devra donc être écartée des débats
puisque vindicative et mensongère. Il est incohérent de lui reprocher son inertie en matière de gestion du personnel pour ensuite affirmer qu'il n'aurait pas dû prendre de décisions concernant les manquements professionnels de son assistante,
- concernant la table ronde du 25 septembre 2020, celle-ci résulte d'une faute de la société OGF qui avait mis en copie Mme [L] lors de l'envoi d'une convocation à un entretien préalable concernant son mari appartenant également à la société. Cet élément ayant fait l'objet de vives plaintes de la part de l'intéressée, la table ronde a été organisée pour ce motif ainsi qu'en raison des tensions entre lui et cette dernière (pièce n°28),
Sur les indices sociaux préoccupants :
- il lui est reproché une carence managériale manifeste se répercutant sur l'état d'esprit et la mobilisation des collaborateurs en raison d'un taux d'absentéisme et d'un turn over plus élevé que la moyenne nationale alors que son secteur d'attribution est le plus petit de la région. Or ce taux s'explique notamment par le débauchage de nombreux salariés par des entreprises concurrentes ainsi que des grilles de salaires internes ne permettant pas de maintenir une compétitivité suffisante avec les autres entreprises du secteur. L'employeur ne saurait par ailleurs lui imputer les démissions de Mmes [C] et [I],
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, la société OGF expose et produit les éléments suivants :
- M. [E] dispose depuis 2009 d'une délégation de pouvoirs, actualisée en 2012 puis élargie en novembre 2019, prévoyant que 'en cas d'irrespect des règles d'hygiène et de sécurité de tout collaborateur du secteur opérationnel, le délégataire pourra prononcer une mise à pied conservatoire immédiate afin de faire cesser notamment toute situation de danger grave et imminent pour le collaborateur, ses collègues ou des tiers de l'entreprise'.
A ce titre, il était astreint aux responsabilités suivantes :
* respect des conditions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail tant sur les lieux de travail qu'au cours des déplacements,
* respect de la bonne exécution et la surveillance du travail des salariés,
* respect de la réglementation en matière d'environnement, notamment en matière de traitement des déchets,
* contrôle de l'entretien, des conditions d'utilisation et de la conformité à la réglementation des matériels et de l'outillage ainsi que des engins et véhicules utilisés par le personnel,
* information et la formation à l'hygiène et à la sécurité des salariés, notamment des nouveaux embauchés, des travailleurs temporaires, des apprentis et des stagiaires,
* identification et l'évaluation des risques existants, au moyen notamment du Document Unique, ainsi que sa mise à jour au minimum annuelle,
* mise en 'uvre de mesures de sécurité à respecter en cas d'intervention d'une entreprise extérieure, formalisées notamment par l'intermédiaire de plan de prévention ou de protocole de sécurité,
* gestion des risques psychosociaux (pièces n°6, 8 et 9),
- concernant les carences dans la mise en place des mesures permettant d'assurer la sécurité et la santé des collaborateurs, la cour pourra constater que le salarié ne les conteste pas, ou se contente de dénégations générales et creuses ou encore en est réduit à invoquer la prescription,
Sur les défaillances volontaires dans la mise en place de mesures visant à assurer la sécurité et la santé des collaborateurs :
- ces manquements ont été mis en évidence dans le cadre d'une enquête réalisée sur sites en novembre et décembre 2020 (pièce n°43),
- aucune disposition n'encadre les enquêtes menées par un employeur qui est évidemment libre, au nom de son pouvoir de direction et de contrôle, de recueillir des éléments pour apprécier le respect par un collaborateur de ses obligations, ce d'autant plus lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, les problématiques en jeu engagent la responsabilité de l'employeur au titre de son obligation de sécurité et font suite à un épisode tragique survenu au sein du secteur opérationnel du directeur concerné,
- il ressort de ce rapport que M. [E] a reçu de nombreuses alertes de la part de ses collaborateurs dont il n'a aucunement tenu compte, certains de ces 'lanceurs d'alerte' ayant même été mis au ban comme en témoigne Mme [K], directrice de centre serveur et M. [Y], directeur de territoire (pièce n°43), tous deux sous l'autorité directe du DSO,
- le rapport d'audit confirme également que des alertes avaient été émises par plusieurs autres collaborateurs concernant l'utilisation des locaux à des fins extra-professionnelles en-dehors des heures de travail sans que cela ne fasse davantage réagir M. [E] (pièce n°43)
- s'agissant des manquements aux dispositions relatives aux documents réglementaires, le rapport d'audit démontre que de 2017 à 2019 M. [E] n'a mené aucune action d'identification des risques (pièce n°38) et la périodicité de mise à jour du DUER n'était pas respectée, en dépit des formations sur l'outil dédié et de l'accompagnement dont il a bénéficié (pièce n°23) ainsi que de sa délégation de pouvoirs (pièces n°6 et 8). La mise à jour, purement formelle, qu'il invoque au 25 mai 2020 n'est qu'une légère adaptation effectuée à la demande du directeur délégué,
- sur le fond, M. [E] ne nie pas qu'il n'a engagé aucune action pour repérer concrètement les risques au sein de l'établissement placé sous son autorité, ni encore moins assuré le suivi des plan d'actions à mettre en 'uvre, se bornant à soutenir qu'il n'aurait pas eu le soutien de sa hiérarchie. Or il était parfaitement formé à l'élaboration et l'adaptation de ce document et cela relevait de ses attributions,
- la prescription ne commence à courir en la matière qu'à compter du moment où l'employeur a une connaissance exacte et précise des faits reprochés. Il n'est pas contestable que c'est en raison du très grave incident survenu le 13 novembre 2020 que des investigations ont été menées sur le terrain et sur la façon dont le salarié, en sa qualité de DSO, assurait la sécurité des biens et des personnes sur son périmètre. Cette enquête s'est déroulée en novembre 2020, et a débouché sur une mise à pied assortie d'une convocation à entretien préalable dès le 26 novembre, avec toute la promptitude nécessaire (pièces n°10 et 43),
- concernant le protocole de continuité d'activité, au-delà du formalisme du plan, le plus important est évidemment que celui-ci soit mis en 'uvre et il est de la responsabilité du salarié d'y veiller. Celui-ci n'a pas utilement contesté qu'en pratique, toutes les règles de distanciation et de port du masque, mais également certaines mesures élémentaires telles que les chaises condamnées ou un sens de circulation, n'ont pas été mises en 'uvre (pièce n°35). Il est donc manifeste qu'il a été totalement défaillant,
- concernant l'absence d'un protocole de chargement / déchargement dans le protocole de sécurité tel qu'indiqué dans la trame nationale présentée aux DSO plusieurs fois par an ces dernières années, sa carence en la matière sur le secteur opérationnel de [Localité 6] est confirmée dans le rapport d'audit (pièce n°43). Si M. [E] prétend qu'il s'est acquitté de sa mission en partenariat avec le prestataire ZIEGLER, il omet le fait que le protocole élaboré était incomplet et il ne saurait en reporter la responsabilité sur le prestataire,
- concernant l'absence de plan de prévention, cette tâche lui incombait en lien avec le chef d'entreprise sous-traitant. Pour sa défense, il se contente d'indiquer que ces tâches auraient été déléguées à une assistante et que si défaillance il y a eu, il n'en serait donc pas comptable, ce qui illustre son attitude irresponsable. Aucune subdélégation de pouvoir n'était juridiquement ou opérationnellement viable compte tenu des enjeux et du niveau de responsabilités respectifs et en tout état de cause, il lui appartenait, en sa qualité de DSO, d'en assumer la responsabilité, de prendre toutes les dispositions utiles pour que le nécessaire soit fait et d'en contrôler la bonne exécution,
- le suivi des formations, notamment pour les nouveaux entrants, est un sujet essentiel dans la mesure où il conditionne la pérennité de l'habilitation au regard du code général des collectivités territoriales pour les salariés travaillant dans le secteur funéraire. La capacité professionnelle des agents, dont la société doit justifier pour ne pas risquer de perdre son habilitation, est conditionnée à la justification de la formation professionnelle propre à ce secteur d'activité. Les salariés doivent ainsi obligatoirement suivre une formation de 16 heures dans les 3 mois qui suivent leur prise de fonctions, au risque d'entraîner la suspension voire le retrait pur et simple de l'habilitation préfectorale nécessaire à la délégation de service public. Or à la date de l'audit, 7 collaborateurs n'avaient pas suivi cette formation, dont 3 avaient de surcroît fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail en 2020 (pièces n°32 et 43). Ce faisant, M. [E] a exposé la société à un retrait pur et simple de son habilitation administrative.
Par ailleurs, la mise à disposition d'équipements de protection individuelle est indispensable pour assurer la sécurité des salariés opérationnels (pièces n°25, 26 et 42). Sur ce point, qui relève du c'ur de mission de M. [E], il a été totalement défaillant (pièce n°43) et se trouve réduit à se décharger de sa responsabilité sur la directrice du centre serveur, Mme [K]. Or ces missions rentraient incontestablement dans le périmètre de ses responsabilités essentielles, ainsi qu'il ressort de sa délégation de pouvoirs telle qu'actualisée au mois de novembre 2019, mais également de ses délégations de pouvoirs précédentes depuis qu'il occupe les fonctions de DSO (pièces n°6, 8 et 9), étant précisé que la directrice de centre serveur exerce ses fonctions sous la responsabilité du DSO. Il appartenait donc à M. [E], le cas échéant, de s'assurer que le nécessaire avait été fait, au besoin en usant de son pouvoir d'autorité auprès de la collaboratrice concernée. Au contraire, celle-ci l'avait en vain alerté sur les problèmes constatés à ce sujet (pièce n°18),
Sur le laisser-faire général :
- sous ce libellé générique il est question d'une carence abyssale de la part du salarié dans la protection des locaux et la surveillance élémentaire des collaborateurs sous sa responsabilité, qui a conduit à des dérives particulièrement inacceptables culminant dans l'événement tragique qui s'est produit le 13 novembre 2020, épisode qui constitue un élément de contexte évidemment capital pour mesurer les conséquences dramatiques de son incurie. C'est précisément son 'inaction pour garantir la sécurité des locaux d'intrusions clandestines' qui a eu pour conséquence que des collaborateurs ont pu impunément continuer à s'introduire nuitamment dans les locaux de l'entreprise, circonstances dans lesquelles le drame du 13 novembre 2020 est survenu. L'évocation de cet épisode se rattache donc très directement à un grief explicitement mentionné dans le courrier de licenciement en dépit de ses vaines tentatives pour l'éluder,
- les locaux du centre serveur ont servi pendant plusieurs mois d'espace pour des fêtes nocturnes et clandestines de collaborateurs. Ces soirées étaient l'occasion de véritables bacchanales fortement alcoolisées, et également le théâtre de relations sexuelles. Ce désordre, par sa récurrence, est devenu notoire et a donné lieu à plusieurs remontées et alertes auprès de M. [E] sans réaction de sa part, outre que celui-ci aurait dû être interpellé par certaines manifestations objectives de dérives alcoolisées chez certains collaborateurs au sein de l'entreprise auxquelles il n'a pas jugé bon de remédier.
Mme [L], assistante administrative, atteste que 'le jeudi 5 novembre 2020, Monsieur [E] m'a appelé sur mon portable (je suis en télétravail). Il me dit qu'il est au courant des moments de convivialité avec alcool improvisés dans les locaux du [Adresse 5] en dehors des heures de travail. Qu'il va faire une note de service rappelant que c'est interdit et que personne ne doit être présent dans les locaux en dehors des heures de travail. Qu'il va faire fermer l'accès aux locaux concernés tous les soirs à 18h. Je n'ai jamais eu la note en question' (pièce n°20) Cette permissivité a rendu possible des dérives qui ont débouché, selon la qualification retenue par le procureur de la République de [Localité 6], durant la soirée du 13 novembre à une tentative de meurtre et des actes de torture et de barbarie ayant entraîné une infirmité permanente. La société a en outre été contrainte de fermer l'agence concernée pendant 4 mois et d'engager des frais de remise en état conséquents. Mme [K] atteste également 'Depuis mon arrivée il y a eu 2 vols à la Marbrerie [P] [Localité 6] (vol d'une pompe en mai 2020 et vol de dalle de caveau 83 au 2eme semestre 2021). J'en ai informé [U] [E] verbalement. [...] Lors du retour de congés d'été d'[U] [E], il m'a informé qu'une Conseillère funéraire, [M] [I] l'avait informé que pendant son absence, le soir après le service il y avait des soirées dans les locaux sociaux' (pièce n°18) et M. [Y] indique que 'Le 14 novembre 2020, [U] [E] me demande d'ouvrir l'agence [P] à la Police pour diverses constatations. L'officier m'apprend que leurs rencontres étaient fréquentes. Le mardi suivant, j'accompagne [U] [E] à l'agence pour lui remettre les clés car la Police avait encore quelques vérifications. A son retour, il m'a dit qu'il leur a montré le matelas et les couvertures qu'utilisaient Madame [A] quand elle dormait à l'agence' (pièce n°19). Il est donc patent que M. [E] était parfaitement informé de ce qui produisait dans les locaux de l'entreprise la nuit, mais qu'il n'a rien fait. Et s'il n'était évidemment pas attendu de lui qu'il officie comme agent de sécurité, il devait user des pouvoirs que lui confèrent ses attributions de DSO investi d'une délégation de pouvoirs pour faire la lumière sur l'organisation de ces soirées, puis les interdire par tout moyen (note de service, procédures disciplinaires),
- dans le même registre, certains locaux étaient affligés d'une vétusté très alarmante (plafond manquant de s'effondrer, forte odeur d'urine dans un espace bureau près de l'accueil des familles endeuillées') sans que M. [E] n'ait trouvé à redire ni à réagir, bien qu'alerté à ce sujet par M. [Y], directeur de territoire ('Certaines agences sont vétustes voire très vétustes (Agences [P] Dijon et Genlis). Tout a été relaté avec mes préconisations lors de la présentation de ma feuille de route présentée à [U] [E] le 22 octobre 2020" - pièce n°19), Mme [K] (' La vétusté des locaux et le non-entretien (Marbrerie [P], centre serveur, points de vente)' - pièce n°18) et Mme [L] ('Nous remettions les mêmes questions régulièrement car rien n'était fait, notamment sur des questions d'hygiène et de sécurité ou pour des entretiens de véhicules' - pièces n°24, 33 à 37),
- en matière de gestion du personnel, M. [E] a organisé les réunions dites 'rituels d'animation du personnel commercial et d'exploitation' de manière sporadique et sans véritable implication, ce que confirme Mme [K] (pièce n°18) et M. [Y] (pièce n°19). Il a en outre mis en oeuvre une gestion arbitraire des astreintes susceptible d'impacter le climat social, ce dont il ne saurait se défausser sur la directrice du centre serveur, et même si dans les faits cette fonction avait été déléguée, avec une légèreté blâmable, à M. [T], qui était simplement chauffeur porteur, celui-ci n'avait aucun titre ni pouvoir d'encadrement, il appartenait en toute hypothèse à M. [E] de veiller au respect par les collaborateurs de son secteur opérationnel de leurs obligations, ce d'autant qu'il a été alerté par les représentants du personnel sur ce sujet sensible sans juger bon d'y remédier,
- il devait veiller à ce que les 4 actions de formation prioritaires soient planifiées, ce qu'il n'a pas fait et qui est de nature à représenter un risque juridique de 12 000 euros à raison d'une pénalité de 3 000 euros à verser sur le CPF de chaque salarié et il suffit de se reporter à la délégation de pouvoir pour vérifier à nouveau que cette responsabilité relevait bien des pouvoirs propres du DSO,
- outre sa passivité endémique dans toutes les dimensions de sa fonction, il n'a pas assumé son rôle de responsable du bon fonctionnement des IRP de l'établissement placé sous son autorité et il ne saurait ignorer que la fréquence et le nombre des réunions sont réglés par les textes et notamment par un accord d'entreprise qui rendait nécessaire sur l'année 2020 l'organisation de 8 réunions. Or seules 3 réunions se sont tenues, cette carence est à elle seule de nature à caractériser un délit d'entrave au fonctionnement normal des IRP et susceptible en outre de créer un climat anxiogène, a fortiori durant la période de pandémie particulièrement sensible au sein d'OGF (pièces n°33 à 37), étant précisé que pendant la période de confinement, les réunions CSE auraient parfaitement pu se tenir en visioconférence ou encore par conférence téléphonique, ainsi que cela était d'ailleurs prévu dans le cadre des mesures exceptionnelles prévues par le gouvernement durant cette période. Au surplus, lors de ces réunions M. [E] ne daignait pas apporter les réponses aux questions formulées par les représentants du personnel, ce que confirme Mme [L] ('Les réunions avec les Représentants du personnel n'étaient pas sa priorité. Nous avons souffert d'un manque d'organisation. Il était compliqué d'avoir une date de réunion. Malgré nos demandes, il a refusé de faire des réunions pendant les confinements alors que nous aurions pu les faire à distance. Il lui est arrivé à plusieurs reprises de ne pas répondre dans le délai imparti aux questions par écrit. Le dialogue n'existait que sur le papier. Les réponses écrites ne reflétaient pas ce qui s'était dit en réunion. Nous remettions les mêmes questions régulièrement car rien n'était fait, notamment sur des questions d'hygiène et de sécurité ou pour des entretiens de véhicules' (pièce n°20),
- il a progressivement mis à l'écart son assistante, Mme [L], en lui retirant un certain nombre de tâches, ce sans raison objective mais manifestement en raison de ses mandats. Le rapport d'audit détaille à cet égard les attributions qui ont peu à peu été retirées à cette dernière, ce dont celle-ci s'était émue au point qu'une table ronde avait été organisée le 25 septembre 2020 au terme de laquelle il avait été convenu et acté que les missions de Mme [L] seraient désormais élargies. Mais M. [E] a refusé de mettre en place ces nouvelles attributions (pièces n°20 et 43),
- la carence managériale manifeste de M. [E] n'a pas manqué de se répercuter sur l'état d'esprit et la mobilisation des collaborateurs du secteur dont il avait la responsabilité. Cela s'est traduit notamment par un taux d'absentéisme et de turnover totalement anormaux (pièces n°13, 14, 15, 17 et 43), sachant que plusieurs collaborateurs ont démissionné en raison de l'atmosphère délétère engendré par les défaillances de M. [E] (pièces n°18, 19, 20, 39 et 40). Ce défaut d'investissement et le fait que M. [E] ne se soit pas approprié la dimension managériale de son poste n'a pas manqué de se répercuter aussi sur la qualité de la prestation fournie aux familles du fait de l'absence d'encadrement approprié, de motivation et de contrôle des collaborateurs.
Des obsèques ont donné lieu à des dérapages inadmissibles dont les familles n'ont pas manqué de se plaindre (pièces n°21, 27, 28, 30 et 31) Or M. [S] avait été avisé de l'attitude inappropriée de Mme [A] mais n'a pas pris les dispositions pour juguler ces comportements.
- sur la prescription :
En application de l'article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Il est toutefois de jurisprudence constante que ces dispositions ne font pas obstacle à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois, lors que le comportement du salarié s'est poursuivi.
A cet égard, M. [S] soutient que la plupart des faits reprochés ne comportent aucune date certaine ou sont antérieurs à la signature de sa délégation de pouvoirs, et qu'en tout état de cause il appartenait à l'employeur de s'assurer qu'il respectait ses obligations et donc d'avoir connaissance de tout manquement, de sorte que les faits sont prescrits.
Néanmoins, il ressort des conclusions et des pièces produites par la société OGF, et plus particulièrement de l'audit interne initié les 17 et 18 novembre à la suite du grave incident survenu le 13 précédent et dont le rapport a été rendu le 7 décembre 2020, que c'est à cette date que celui-ci a eu pleinement connaissance de la réalité et de l'ampleur des griefs formulés à l'encontre du salarié dans la lettre de licenciement. La procédure de licenciement ayant été engagée dès le 26 novembre 2020, M. [S] ne saurait se prévaloir d'une quelconque prescription. La fin de non recevoir n'est donc pas fondée.
- sur l'ajout d'un grief dans la lettre de licenciement :
L'entretien préalable doit permettre à l'employeur d'indiquer au salarié les motifs de la décision qu'il envisage de prendre et de recueillir les explications de celui-ci. Sur ce point, M. [S] soutient que le grief lié aux locaux 'laissés à l'abandon' n'a jamais été abordé lors de l'entretien préalable, de sorte qu'il n'a pu s'en défendre.
Toutefois, nonobstant le fait que M. [E] procède à cet égard par affirmation, il est constant la lettre de licenciement faisant état de motifs non abordés lors de l'entretien préalable ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, s'agissant d'une simple irrégularité de forme dont le salarié ne tire en l'espèce aucune conséquence.
- sur la qualification du motif de licenciement :
M. [E] soutient que les griefs figurant dans la lettre de licenciement relèvent de l'insuffisance professionnelle et non de la faute grave.
Il est constant que c'est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement. Par ailleurs, la faute se caractérise par un acte positif ou une abstention volontaire alors que l'insuffisance professionnelle suppose seulement une incapacité objective et durable mais non délibérée d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.
En l'espèce, il ressort des termes de la lettre de licenciement que si les griefs se fondent sur diverses carences et inactions du salarié dans l'exécution de ses attributions de directeur secteur opérationnel, ces carences et inactions sont explicitement décrites comme délibérées, de sorte que les faits, à les supposer établis, participent bien d'un comportement fautif. Le moyen n'est donc pas fondé.
- sur la mise à l'écart de l'enquête interne menée par l'employeur :
Le respect des droits de la défense et du principe de la contradiction n'impose pas que, dans le cadre d'une enquête interne destinée à vérifier la véracité des agissements dénoncés par d'autres salariés, le salarié ait accès au dossier et aux pièces recueillies ou qu'il soit confronté aux collègues qui le mettent en cause ni qu'il soit entendu, dès lors que la décision que l'employeur peut être amené à prendre ultérieurement ou les éléments dont il dispose pour la fonder peuvent, le cas échéant, être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement.
En conséquence, nonobstant d'une part les interrogations et supputations de M. [E] sur l'authenticité du rapport d'audit, authenticité qu'aucun élément ne vient remettre en cause, et d'autre part le fait qu'il ne formule dans le dispositif de ses conclusions aucune demande visant à ce que cette pièce soit écartée des débats, la cour considère qu'il n'y a pas lieu d'écarter ce rapport d'audit produit en pièce n°43 par l'employeur aux seuls motifs qu'il résulte d'un audit interne n'ayant pas associé les représentants du personnel et non à un auditeur externe, prétendument plus 'objectif', et que le salarié en conteste les modalités et les conclusions.
Au surplus, les articles L.1222-2 et suivants du code du travail invoqués par le salarié, et plus particulièrement l'article L.1222-4 relatif au contrôle de l'activité professionnelle, sont sans rapport avec la solution du litige.
- sur le fond :
La cour relève en premier lieu que l'argument de M. [E] selon lequel il ne saurait assumer la responsabilité de faits antérieurs à sa délégation de pouvoir signée le 7 novembre 2019 n'est pas sérieux dès lors qu'il est démontré en pièces n°6, 8 et 9 de l'employeur qu'il bénéficie, en sa qualité de DSO, d'une telle délégation depuis le 4 septembre 2009, laquelle a été actualisée le 12 septembre 2012 puis complétée le 7 novembre 2019.
En outre, l'examen de sa délégation de pouvoir initiale démontre que celle-ci couvrait les domaines :
* de la gestion du personnel :
- recrutement du personnel des son secteur opérationnel dans la limite des niveaux de classification conventionnelle prévus par les procédures internes,
- suivi de la gestion du personnel sur le plan administratif selon les procédures internes,
- garantir le respect des droits fondamentaux des collaborateurs placés sous sa responsabilité et le respect de chacun d'eux tant sur le plan de la gestion de leurs carrières que des relations quotidiennes de travail,
- exercice du pouvoir de sanction disciplinaire ainsi que de mise à pied conservatoire pour tous les salariés du secteur opérationnel sauf le licenciement,
- respecter et faire respecter les dispositions législatives et réglementaires en matière sociale, de la convention collective nationale des pompes funèbres, du règlement intérieur et de toutes dispositions conventionnelles et contractuelles applicables ainsi que des usages,
- respecter et faire respecter au sein du secteur opérationnel confié la réglementation et les textes applicables en matière de durée du travail, d'affichages obligatoires et de tenue des registres, de santé des salariés au travail (visites médicales ...) et de formation nécessaire à l'exercice des métiers du secteur opérationnel,
* de l'hygiène et la sécurité au travail :
- respecter les conditions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail tant sur les lieux de travail qu'au cours de déplacements,
- respecter la bonne exécution et la surveillance du travail des salariés,
- respecter la réglementation en matière d'environnement, notamment en matière de traitement des déchets,
- contrôler l'entretien, les conditions d'utilisation et la conformité des matériels et de l'outillage ainsi que des engins et véhicules utilisés par le personnel,
- identifier et évaluer les risques existants, au moyen notamment du document unique,
- en cas de carence, faire le nécessaire pour que soit pourvu en matériel adéquat le secteur opérationnel dont il a la charge,
- informer tous les collaborateurs de son secteur opérationnel de la réglementation applicable en matière de sécurité, d'hygiène, de conditions de travail et d'environnement et attirer leur attention sur la nécessité impérieuse de la respecter, - donner les directives, instructions ou consignes relatives à ces mesures de sécurité, d'hygiène, de conditions de travail et d'environnement,
- s'assurer personnellement de l'exécution de ces instructions, directives ou consignes et faire contrôler les dispositifs de protection existants,
- respecter et faire respecter la législation et la réglementation sociale, la convention collective nationale de la profession, les accords collectifs et usages et les termes des contrats de travail des salariés placés sous sa responsabilité,
- veiller à ce que l'intégralité des matériels, installations, ou tous moyens de protection individuelle et collective des salariés et des tiers intervenants dans l'Entreprise soient mis a disposition et utilisés conformément à leur destination [...],
* de la gestion des représentants du personnel :
- respecter et faire respecter sur le secteur opérationnel confié l'ensemble des dispositions qui leur sont applicables et a ainsi la responsabilité des relations avec les représentants du personnel sur son secteur opérationnel,
* de la réglementation économique et professionnelle
* de la réglementation comptable (pièce n°6).
La délégation de pouvoir du 12 septembre 2012 y a notamment ajouté, dans le domaine de la gestion du personnel, la constitution des dossiers de formation conformément à la réglementation pour prévenir tout risque fiscal, le suivi précis des engagements budgétaires et des dépenses réalisées et la constitution des dossiers de refinancement dans une optique d'optimisation du budget, le suivi de la constitution du dossier du personnel et de la rédaction du contrat de travail dans les délais légaux et veiller au respect des formalités relatives à l'obtention et au maintien de l'habilitation pour chacun des établissements du secteur opérationnel confié dans les délais requis (pièce n°8).
Enfin, la délégation de pouvoir du 7 novembre 2019 reprend l'ensemble de ces éléments (pièce n°9).
Il ressort par ailleurs de l'examen du rapport d'audit du 7 décembre 2020 et des attestations produites par l'employeur que M. [E], en sa qualité de DSO, avait été informé par plusieurs salariés que les locaux du centre serveur dont il avait la responsabilité étaient utilisés la nuit pour des fêtes nocturnes alcoolisées organisées par certains salariés (pièces n°43, 18, 20), sans en tirer de conséquence autre qu'annoncer une note de service que nul n'a vu et qu'il ne produit pas lui-même, et aussi qu'il a toléré qu'une salariée, sans domicile, dorme à l'agence (pièce n°19).
A cet égard, si le salarié peut à juste titre opposer qu'il n'est pas impliqué dans le grave incident du 13 novembre 2020 qui concerne deux autres salariés, il a d'évidence permis que celui-ci survienne en omettant délibérément de prendre en compte les signalements reçus et en ne réglementant pas l'accès aux locaux la nuit, ce qui relevait pourtant de sa responsabilité au titre de sa délégation de pouvoirs telle qu'énoncée ci-dessus. De plus, la variabilité des horaires des collaborateurs et des astreintes ne saurait justifier son inaction.
S'agissant de la vétusté des locaux, grief auquel le salarié ne répond pas si ce n'est pour indiquer qu'il n'a pas été abordé lors de l'entretien préalable, il ressort de l'attestation de M. [Y] et des photos prises par Mme [L] que M. [E] en était informé mais sans qu'aucune mesure ne soit prise pour y remédier, ce qui pourtant là encore relevait de sa responsabilité au titre de sa délégation de pouvoirs (pièces n°19, 24).
S'agissant des manquements relatifs aux documents réglementaires de sécurité, il ressort des conclusions de M. [E] qu'il admet n'avoir mis à jour le DUER que le 25 mai 2020, le document ayant été formalisé le 10 juin suivant, au motif qu'il ne disposait d'une délégation de pouvoirs en la matière que depuis le 7 novembre précédent. Or il ressort des développements qui précèdent qu'il en avait la responsabilité depuis 2009, de sorte que le non respect de la périodicité de révision réglementaire suffit à caractériser le manquement allégué.
Enfin, il ressort des pièces de l'employeur, en particulier les courriers de démission de Mmes [C] et [I], la démonstration des carences managériales mentionnées dans la lettre de licenciement, la première le mettant même directement en cause (pièces n°39 et 40). L'employeur justifie par ailleurs d'un taux d'absentéisme et de 'turn over' élevés (pièces n°13, 14, 15, 17 et 43).
Au surplus, s'agissant des griefs relevés dans le rapport d'audit ou dénoncés dans les attestations de salariés produites fondés sur ses supposées défaillances dans le suivi des formations et des équipements nécessaires à l'exercice des fonctions des collaborateurs, la gestion des astreintes et son absence d'implication dans la campagne des entretiens prioritaires, M. [E] n'en discute pas la réalité, se bornant à invoquer que sa délégation de pouvoir ne date que du 7 novembre 2019, ce qui est factuellement inexact,
et que ces tâches incombaient à la directrice de centre-serveur selon sa fiche de poste (pièce n°25). Toutefois, dès lors que la fiche de poste produite mentionne explicitement que ses attributions s'inscrivent dans le cadre de son secteur opérationnel d'affectation, M. [E] était, en sa qualité de DSO concerné, responsable de la bonne exécution des tâches de cette salariée.
De même, outre le fait que l'argument selon lequel des réunions étaient organisées seulement 'lorsque des questions étaient soulevées auprès de lui' n'est pas pertinent dès lors qu'en matière de dialogue social dans l'entreprise un calendrier de réunion s'impose, la crise sanitaire ne saurait justifier le défaut d'organisation des réunions du CSE dès lors d'une part, et comme l'indique l'employeur, que ce type de réunion pouvait en période de confinement de tenir en distanciel, et d'autre part que les confinements ordonnés en 2020 se sont limités aux périodes du 17 mars au 11 mai 2020 non inclus (confinement général) puis du 30 octobre au 15 décembre 2020 non inclus et du 3 avril au 3 mai 2021 non inclus (confinements partiels), de sorte que rien n'empêchait la tenue de réunions en dehors de ces périodes, étant en tout état de cause relevé que la raison de la carence du salarié tient en réalité au fait que 'Les réunions avec les Représentants du personnel n'étaient pas sa priorité. Nous avons souffert d'un manque d'organisation. Il était compliqué d'avoir une date de réunion. Malgré nos demandes, il a refusé de faire des réunions pendant les confinements alors que nous aurions pu les faire à distance. Il lui est arrivé à plusieurs reprises de ne pas répondre dans le délai imparti aux questions par écrit. Le dialogue n'existait que sur le papier. Les réponses écrites ne reflétaient pas ce qui s'était dit en réunion. Nous remettions les mêmes questions régulièrement car rien n'était fait, notamment sur des questions d'hygiène et de sécurité ou pour des entretiens de véhicules' (attestation de Mme [L] (pièce n°20).
En conséquence des développements qui précèdent, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le bien fondé des autres griefs allégués, la cour considère que la société OGF démontre les multiples carences qu'elle reproche à son salarié dans l'accomplissement de ses fonctions et responsabilités de directeur secteur opérationnel, statut cadre, bénéficiant d'une grande ancienneté et d'une délégation de pouvoirs pour l'accomplissement de ses missions, lesquelles caractérisent un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle, s'agissant notamment de carence dans la gestion des conditions d'hygiène et de sécurité au travail, qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Le jugement déféré qui a dit que le licenciement repose sur une faute grave et rejeté les demandes de M. [E] afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, y compris la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, sera confirmé.
II - Sur les demandes accessoires :
- sur les intérêts au taux légal :
Les demandes de M. [E] étant rejetées, cette demande est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
- sur la remise documentaire sous astreinte :
Les demandes de M. [E] étant rejetées, cette demande est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point
- sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
M. [E] sera condamné à payer à la société OGF la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
La demande de M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel sera rejetée,
M. [E] succombant, il supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
REJETTE la fin de non recevoir,
CONFIRME le jugement rendu le 3 avril 2023 par le conseil de prud'hommes de Dijon,
y ajoutant,
CONDAMNE M. [U] [E] à payer à la société OGF la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
REJETTE la demande de M. [U] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
CONDAMNE M. [U] [E] aux dépens d'appel,
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mars 2025, signé par M. Olivier MANSION, président de chambre et Mme Juliette GUILLOTIN, greffier.
Le greffier Le président
Juliette GUILLOTIN Olivier MANSION