CA Versailles, ch. com. 3-2, 25 mars 2025, n° 23/04980
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53H
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MARS 2025
N° RG 23/04980 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WACF
AFFAIRE :
Société SASU BLTP
C/
S.N.C. NATIOCREDIMURS
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 6
N° RG : 2021F01549
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
Me Asma MZE
Me Anne-sophie REVERS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Société SASU BLTP représentée par son Président Monsieur [F] [M]
n° Siret : 838 885 051 RCS DAX
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20230500 -
Plaidant : Me Edwige MOREL, avocat au barreau de BAYONNE, vestiaire : 004
****************
INTIMEES
S.N.C. NATIOCREDIMURS
N° Siret : 332 199 462 RCS NANTERRE
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 -
Plaidant : Me Quentin SIGRIST, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : L 98
S.A.R.L. CAP TP 18
N° SIRET : 842 939 613 RCS EVRY
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Anne-sophie REVERS de la SELARL ANNE-SOPHIE REVERS AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 4 -
Plaidant : Me Carla FERNANDES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0572
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Février 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de crédit-bail du 2 août 2019, la société Natiocredimurs a donné en location à la société BLTP un camion de marque Mercedes-Benz, pour une durée de 85 mois, chaque échéance représentant un loyer mensuel de 2 277,65 euros.
En août 2020, la société BLTP a manifesté le souhait de transférer son contrat de crédit-bail au profit d'un nouveau locataire. La société CAP TP 18 (société CAP 18) s'est rapprochée de la société Natiocredimurs pour le transfert du contrat à son profit.
Le 16 décembre 2020, la société CAP 18 a conclu avec la société Natiocredimurs un avenant de transfert du crédit-bail. Le 12 janvier 2021, la société CAP18 a pris possession du camion.
Le 16 mars 2021, la société CAP 18 a mis en demeure la société Natiocredimurs de lui transmettre les documents contractuels, l'original de la carte grise du camion et l'original du certificat « barré rouge » (certificat de conformité du constructeur).
Le 4 juin 2021, la société CAP 18 a assigné la société Natiocredimurs en référé devant le président du tribunal de commerce de Nanterre qui a renvoyé l'affaire au fond. Le 6 septembre 2021, la société CAP 18 a assigné en intervention forcée la société BLTP devant ce même tribunal.
Le 11 janvier 2023, par jugement réputé contradictoire, la société BLTP étant défaillante, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné la société BLTP :
* à communiquer à la société CAP 18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de 10 jours suivant la signification de la décision, et ce pour une durée d'un mois, passé ce délai, il sera de nouveau fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ;
* à payer à la société CAP 18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
- débouté la société CAP 18 de ses demandes en paiement, par la société BLTP, des sommes de 13 327,20 euros au titre des échéances suspendues pendant le moratoire, 1 320 euros au titre de l'augmentation unitaire des loyers, et de 10 000 euros au titre d'un préjudice de jouissance ;
- condamné la société CAP18 à payer à la société Natiocredimurs la somme de 6 241,67 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail numéro A1F19984 ;
- condamné la société BLTP à payer à la société CAP 18 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- condamné la société BLTP aux dépens.
Le 20 juillet 2023, la société BLTP a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à :
- communiquer à la société CAP18, sous astreinte, une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7] ;
- payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
- payer à la société CAP18 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le 3 avril 2024, par ordonnance d'incident, le conseiller de la mise en état a :
- constaté le désistement de l'incident de la société CAP18 ;
- donné acte de la consignation de la somme de 4 153,45 euros versée par la société BLTP à la société CAP18, en exécution du jugement du 11 janvier 2023 sur le compte Carpa de Maître Fernandez, pendant toute la durée de la procédure devant la cour, jusqu'à la décision à intervenir ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'incident.
Par dernières conclusions du 15 janvier 2025, la société BLTP demande à la cour de :
- débouter la société CAP18 de l'intégralité de ses demandes, et de son appel incident ;
- infirmer le jugement du 11 janvier 2023 en ce qu'il l'a condamnée à communiquer à la société CAP18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte de 500 euros par jour de retard et à payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021, outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;
Statuant à nouveau :
- juger qu'elle a remis lors de la cession du contrat de crédit-bail du véhicule Mercedes [Immatriculation 7] l'intégralité des documents qu'elle était légalement tenue de remettre à son cocontractant, en exécution de la cession du contrat de crédit-bail, permettant d'accomplir les formalités administratives, fiscales et réglementaires afférentes à ce transfert ;
- constater que :
* la société CAP 18 a effectué le contrôle technique du véhicule Mercedes [Immatriculation 7] en date du 10 octobre 2022, en remettant au centre de contrôle technique l'original du certificat d'immatriculation ainsi qu'il résulte du procès-verbal de contrôle technique et de la confirmation par courriel du centre de contrôle technique ;
* la société CAP 18 a reconnu par courriel être en possession du certificat barré rouge ;
* la société CAP 18 a finalement effectué la modification du certificat d'immatriculation auprès de la préfecture le 10 juin 2024, en cours de procédure ;
Sur les demandes accessoires en appel à l'encontre de la société Natiocredimurs :
- juger que la société Natiocredimurs n'a pas veillé à la bonne exécution du mandat donné à la société CAP 18 en date du 4 janvier 2021, en vue d'effectuer la modification du certificat d'immatriculation auprès de la préfecture et du service des mines, afin que la société CAP 18 apparaisse comme locataire, et que le véhicule soit en conformité ;
- condamner la société Natiocredimurs à lui verser la somme de 5 166 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel depuis la cession, résultant du défaut de modification du certificat d'immatriculation, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil puisque cette obligation résulte du crédit-bail souscrit et de sa cession ;
- condamner la société CAP 18 à lui verser la somme de 5 166 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel sur le fondement de la responsabilité délictuelle, soit l'article 1240 du code civil, en raison de la faute commise à savoir l'abstention volontaire de modifier le certificat d'immatriculation ;
- en conséquence, condamner in solidum les sociétés Natiocredimurs et CAP 18 à lui verser la somme de 5 166 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel correspondant au montant des contraventions et amendes pécuniaires ;
- condamner in solidum les sociétés Natiocredimurs et CAP18 à lui verser une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (comprenant les honoraires de postulation) ;
- condamner la société CAP 18 à lui verser l'intégralité des dépens, comprenant les dépens de première instance ;
Sur l'appel incident de la société CAP18 :
- juger que contrairement à ce qu'elle prétend, la société CAP 18 a bien été informée de l'intégralité des conditions contractuelles du crédit-bail et du montant du crédit-bail ayant conduit à la signature de l'avenant au crédit-bail par la société CAP 18, le 16 décembre 2020 ;
- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CAP 18 de sa demande tendant à ce qu'elle paye la somme de 13 327,20 euros au titre des six échéances suspendues pendant le moratoire Covid, et de 1 320 euros au titre de l'augmentation unitaire des loyers ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 et débouter la société CAP 18 de sa demande à ce titre devant la cour d'appel chiffrée à la somme de 3 067,14 euros ;
- condamner in solidum les sociétés Natiocredimurs et CAP 18 à lui verser une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (comprenant les honoraires de postulation) ;
- condamner la société CAP 18 à lui verser l'intégralité des dépens, comprenant les dépens de première instance.
Par dernières conclusions du 21 janvier 2025, la société Natiocredimurs demande à la cour de :
- confirmer en son intégralité le jugement du 11 janvier 2023, en ce qu'il a notamment :
condamné la société BLTP à communiquer à la société CAP 18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte ;
condamné la société CAP18 à lui payer la somme de 6 241,67 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail n° A1F19984 ;
condamné la société BLTP aux dépens de première instance ;
Réparant l'omission de statuer,
- condamner la société CAP 18 à poursuivre l'exécution du contrat de crédit-bail n°A1F19984 tel que transféré par avenant du 16 décembre 2020 avec effets rétroactifs au 1er décembre 2020 ;
Le complétant,
- condamner la société CAP 18 à lui payer la somme actualisée de 8 91,38 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail n° A1F19984 ;
- condamner la société CAP18 à exécuter le mandat d'immatriculation qu'elle lui a confiée le 4 janvier 2021 afin que cette dernière apparaisse sur le certificat d'immatriculation en qualité de propriétaire du porteur routier de marque Mercedes-Benz Trucks, modèle Arocs, immatriculé [Immatriculation 7] ;
Subsidiairement,
- condamner la société CAP18 à la relever et la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son endroit ;
En tout état de cause,
- débouter la société BLTP de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;
- débouter la société CAP 18 de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions du 21 janvier 2025, la société CAP18 demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- débouter la société BLTP de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement qui a condamné la société BLTP à lui communiquer le certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte ;
- infirmer le jugement en ce qu'il
* a limité la condamnation de la société BLTP à lui payer la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
* l'a déboutée de sa demande de paiement par la société BLTP de la somme de 13 327,20 euros au titre des six échéances suspendues au titre du moratoire ;
* l'a déboutée de sa demande de paiement par la société BLTP de la somme de 1 320 euros au titre de l'augmentation unitaire des loyers ;
Et statuant à nouveau :
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 3 067,14 euros au titre des sommes payées du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 correspondant à la privation de la jouissance du véhicule objet du contrat transféré ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 13 327,20 euros au titre des six échéances suspendues au titre du moratoire ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 1 320 euros à titre d'indemnisation de l'augmentation du montant unitaire de loyers en conséquence du report Covid dont a bénéficié la société BLTP ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 janvier 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
1 ' sur la demande de communication des copies des certificats afférents au véhicule
La société CAP 18 sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société BLTP à lui communiquer sous astreinte les copies du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge (c'est-à-dire procès-verbal de contrôle de conformité) du véhicule loué à la société Natiocredimurs. Elle précise avoir pris possession du véhicule le 12 janvier 2021, indiquant toutefois que la société BLTP n'a pas estimé utile de lui remettre les documents originaux (certificat d'immatriculation et contrôle de conformité). Elle indique que le centre de contrôle technique a toutefois accepté de procéder au contrôle du véhicule au vu d'une simple copie du certificat d'immatriculation. Elle précise que la société BLTP lui a finalement remis les « originaux » des documents en cours d'instance d'appel (la cour note qu'il s'agit en réalité de copies).
La société BLTP soutient avoir remis, le 12 janvier 2021, le camion accompagné du certificat d'immatriculation et du certificat de conformité. Elle fait toutefois valoir que la société Cap 18 a omis de procéder à la modification de la carte grise, ce qui a entraîné l'émission de procès-verbaux de contravention à son nom, avec des amendes d'un montant total de 5 166 euros. Elle fait valoir que la société Cap 18 a fait procédé au contrôle technique du véhicule en novembre 2022, ce qui démontre qu'elle était en possession de l'original du certificat d'immatriculation, ce contrôle étant autrement impossible. Elle soutient que les documents sollicités sous astreinte étaient déjà en possession de la société CAP 18 depuis la prise de possession du véhicule, et sollicite donc l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à remettre ces documents sous astreinte.
Réponse de la cour
Bien qu'elle évoque dans ses conclusions un défaut de remise de documents en original, la société CAP 18 sollicite - depuis l'origine de la procédure - la seule communication de copies puisqu'elle demande la confirmation du jugement ayant condamné la société BLTP à lui communiquer une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7].
Le 25 janvier 2021, la société Cap 18 a écrit à la société Natiocredimurs : « je vous communique les différents points sur lesquels j'attends votre retour ('). 3/ document original barré rouge : je ne possède que la copie du barré rouge (souligné par la cour) ' pourriez-vous m'adresser l'original ' 4/ carte grise : pourriez-vous m'adresser la carte grise ' en effet, sans ce document, je ne peux commencer à travailler avec le véhicule acheté (')». La société Cap 18 a renouvelé ses demandes les 3 février et 12 février 2021, puis par courrier de son avocat adressé à la société Natiocredimurs le 16 mars 2021.
La société CAP 18 ayant admis, le 25 janvier 2021, qu'elle possédait la « copie du barré rouge », le jugement doit être infirmé en ce qu'il a ordonné la communication de ce document sous astreinte.
S'agissant de la copie du certificat d'immatriculation du véhicule, la société CAP 18 admet qu'elle a pu faire procéder au contrôle technique du véhicule, en octobre 2022, au simple vu d'une copie du certificat d'immatriculation, ce qui démontre qu'elle était en possession de ce document, de sorte que le jugement de janvier 2023 doit également être infirmé en ce qu'il a ordonné la communication de la copie de ce certificat sous astreinte.
2 ' sur les demandes en paiement formées par la société CAP 18 à l'encontre de la société BLTP
Le premier juge a partiellement accueilli les demandes en paiement formées par la société CAP 18 à l'encontre de la société BLTP, au titre du remboursement de certaines échéances de loyer.
sur la demande en remboursement des loyers sur la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021
La société CAP 18 sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société BLTP au paiement de la somme de 2 063,79 euros sur la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021, alors qu'elle sollicitait paiement d'une somme totale de 3 067,14 euros à ce titre, soutenant avoir été privée de la jouissance du véhicule durant toute cette période.
La société BLTP fait valoir que le contrat de crédit-bail a été cédé à effet du 1er décembre 2020, de sorte que la société CAP 18 est redevable des loyers à compter de cette date, peu important qu'elle n'ait pris possession du camion, pour des raisons personnelles, qu'à compter du 12 janvier 2021.
Réponse de la cour
L'avenant du 16 décembre 2020, de transfert du contrat de crédit-bail au profit de la société CAP 18, précise que le nouveau locataire déclare avoir pris connaissance du contrat initial de crédit-bail. Le nouveau locataire CAP 18 déclare s'engager à : « arrêter directement avec l'ancien locataire tout compte pouvant résulter de ce changement de locataire (') à payer les loyers à partir de la date d'effet du transfert (1er décembre 2020), selon les modalités qui nous seront indiquées par le bailleur ('). »
S'il est ainsi établi que la société CAP 18 était redevable, envers le bailleur, des loyers à compter du 1er décembre 2020, il n'en reste pas moins que les parties ont prévu un compte entre locataires du fait du changement. Il est en outre constant que la société CAP 18 n'a pris possession du camion que le 12 janvier 2021.
Le 23 décembre 2020, la société CAP 18 a interrogé la société BLTP pour savoir si elle avait des nouvelles du bailleur. La société BLTP a répondu le 29 décembre qu'elle n'en avait pas. Elle précisait toutefois : « de mon côté, le camion est nettoyé et prêt à partir, je n'attends que le feu vert pour vous laisser le camion ». Les échanges de SMS ultérieurs démontrent que les locataires - ancien et nouveau ' attendaient tous deux une réponse du bailleur qui n'est arrivée qu'avec le prélèvement des loyers de décembre 2020 et janvier 2021 opéré sur le compte bancaire de la société CAP 18, le 8 janvier 2021, ce qui a entraîné la prise de possession du camion 4 jours plus tard par la société CAP 18. Ce n'est donc pas par convenance personnelle que la société CAP 18 n'a pris possession du camion que le 12 janvier 2021, chacune des parties attendant en fait le « feu vert » du bailleur, et la société BLTP indiquant qu'elle ne laisserait pas le camion à la société CAP 18 avant ce feu vert.
Force est ainsi de constater que, malgré l'avenant de transfert du contrat du 16 décembre 2020, la société BLTP a refusé de transmettre la jouissance du camion à la société CAP 18 jusqu'au 12 janvier 2021, sans que cela puisse être imputé à un refus de la société CAP 18 de prendre possession du camion, de sorte que la société CAP 18 est bien fondée en sa demande en paiement pour la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021, et ce à hauteur de 3 067,14 euros. C'est en effet par erreur que le tribunal a réduit l'indemnisation à la période débutant le 16 décembre 2020 (alors même qu'il indique l'inverse dans le dispositif du jugement), alors que le défaut de jouissance porte sur la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021. Le jugement sera infirmé de ce chef, la société BLTP étant condamnée à payer à la société CAP 18 la somme de 3 067,14 euros au titre de l'indemnisation pour les loyers du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021.
. Sur la demande en paiement de la somme de 13 327,20 euros correspondant à 6 échéances reportées du fait d'un moratoire durant la période Covid
La société CAP 18 reprend en appel la demande en paiement de la somme de 13 327,20 euros dont elle a été déboutée en première instance, précisant qu'elle correspond à 6 échéances reportées du fait d'un moratoire accordé à la société BLTP durant la période Covid, outre sa demande en paiement d'une somme de 1 320 euros au titre de l'augmentation des loyers pour le même motif. Elle fait valoir que la société BLTP ne l'a jamais informée de l'existence d'un moratoire et d'un avenant modifiant le contrat de crédit-bail initial, ce dont elle n'a pris connaissance que le 4 janvier 2021 lorsque la société Natiocrédimurs lui a adressé le nouvel échéancier des loyers. Elle indique qu'elle n'avait connaissance que de l'échéancier initial se terminant au 1er septembre 2026, invoquant une tromperie de la société BLTP, ajoutant qu'elle n'aurait pas contracté si elle avait eu connaissance d'une prolongation du contrat sur 6 mois. Elle estime ainsi qu'il appartient à la société BLTP de supporter les 6 échéances supplémentaires pour un coût de 13 327,20 euros.
La société BLTP soutient que le lien contractuel n'existe qu'entre les sociétés CAP 18 et Natiocredimurs, ajoutant que la demande n'est pas contractuellement prévue dans l'avenant de cession du contrat de crédit-bail du 16 décembre 2020. Elle soutient en outre que la société CAP 18 a signé l'avenant de transfert en toute connaissance du moratoire, indiquant avoir consenti une compensation de ce moratoire sous la forme d'une remise grâcieuse d'une remorque.
Réponse de la cour
Le contrat de crédit-bail initial d'août 2019 portait sur une durée de 84 mois (échéance mensuelle de 1 755,57 euros, hors frais et hors TVA), avec une dernière échéance le 1er octobre 2026. La société BLTP ayant profité d'un moratoire de 6 mois durant la période COVID, le nouvel échéancier, remis à la société CAP 18 le 4 janvier 2021, fait état d'une dernière échéance le 1er avril 2027, le montant de chaque échéance étant porté à 1773,17 euros.
Dans l'avenant de transfert du contrat, signé le 16 décembre 2020, la société CAP 18 déclare : « avoir pris connaissance du contrat susvisé (ainsi que de ses avenants et annexes éventuels) et en accepter sans aucune réserve toutes les clauses et conditions (aussi bien les conditions particulières que les conditions générales) qui gardent leur plein et entier effet, sans novation. »
En signant l'avenant de transfert, la société CAP 18 a ainsi reconnu avoir pris connaissance du contrat, outre les avenants et annexes, de sorte qu'elle a nécessairement eu connaissance du report des échéances et de l'augmentation du loyer. Elle n'est donc pas fondée en sa demande en remboursement des sommes de 13 327, 20 euros et 1 320 euros. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
3 ' sur les demandes en paiement formées par la société BLTP au titre de son préjudice matériel du fait de la tardiveté de mise à jour du certificat d'immatriculation
La société BLTP rappelle que la société Natiocredimurs a donné mandat, le 4 janvier 2021, à la société CAP 18 d'effectuer les opérations administratives nécessaires pour informer la préfecture et le service des mines du changement de locataire. Elle reproche à la société Natiocredimurs d'avoir fait preuve de négligence en ne veillant pas à l'exécution de ce mandat dès lors que la modification de locataire n'a été enregistrée qu'en juin 2024, ce qui est à l'origine du préjudice matériel qu'elle subit du fait des contraventions qui sont arrivées à son nom, entraînant des saisies, estimant ce préjudice à la somme de 5 166 euros. La société BLTP forme une demande indemnitaire identique à l'encontre de la société CAP 18 sur le fondement de sa responsabilité délictuelle du fait de son abstention volontaire de procéder à la modification de la carte grise. Elle sollicite la condamnation de ces deux sociétés, Natiocredimurs et CAP 18, in solidum.
La société Natiocredimurs conteste avoir engagé sa responsabilité à l'égard de la société BLTP, précisant qu'elle n'a jamais été en possession du certificat d'immatriculation du véhicule. Elle sollicite, à titre subsidiaire, la garantie de la société CAP 18.
La société CAP 18 soutient que le défaut de modification de la carte grise ne résulte pas d'une abstention volontaire de sa part, mais de l'absence de remise par la société BLTP de l'original de la carte grise, ce qui l'a empêchée de procéder à la modification jusqu'à la remise de ce document, par l'avocat de la société BLTP, le 22 février 2024.
Réponse de la cour
. Sur la responsabilité de la société Natiocredimurs
Le fait, pour la société Natiocredimurs, de donner mandat à la société CAP 18 : « d'effectuer auprès de la Préfecture et du service des mines toutes opérations administratives concernant le véhicule » correspond à une procuration ou délégation de pouvoirs du propriétaire du véhicule au profit du locataire, dans le seul intérêt de ce dernier qui ne peut circuler avec un véhicule ne disposant pas d'un certificat d'immatriculation à son nom. Ce mandat n'implique donc aucune obligation de la société Natiocredimurs de veiller à son exécution. Aucun défaut de vigilance ne peut donc être reproché à la société Natiocredimurs. La demande indemnitaire formée à son encontre doit être rejetée.
. Sur la responsabilité de la société CAP 18
La société CAP 18 produit aux débats (pièce 20) la liste des documents administrativement nécessaires lors d'un changement de locataire dans le cas d'un crédit-bail, au terme de laquelle l'original de l'ancienne carte grise doit être produit.
S'il a été démontré que la société CAP 18 était en possession, en octobre 2022 a minima, d'une copie de la carte grise, il n'est pas démontré qu'elle ait été en possession de l'original de ce document qu'elle a réclamé à plusieurs reprises à la société Natiocredimurs, qui n'en était cependant pas détentrice.
La société BLTP produit une attestation d'un ancien salarié qui indique : « j'étais présent lors de la préparation du camion et du dossier, et j'atteste sur l'honneur que mon ancien patron, M. [M] a remis ce jour-là au gérant de la société CAP 18 l'original de la carte grise du véhicule barré. » Cette attestation établie en octobre 2023, soit près de 3 ans après le transfert du véhicule, est insuffisante à établir la remise de l'original de la carte grise, alors même que la société CAP 18 a sollicité la communication de ce document à plusieurs reprises (courriels de janvier 2021 et lettre du 16 mars 2021 adressés à la société Natiocredimurs).
De même, le fait que le centre de contrôle technique indique que le contrôle ne peut s'opérer qu'avec l'original de la carte grise n'exclut pas la possibilité de dérogations, comme le soutient la société CAP 18.
La preuve de la remise, par la société BLTP, de l'original de la carte grise du véhicule n'étant pas suffisamment rapportée, et cet original étant manifestement nécessaire à la modification de la carte grise, il ne peut être reproché à la société CAP 18 de s'être volontairement abstenue de procéder à la modification. Aucune faute ne peut dès lors être reprochée à la société CAP 18.
La cour note à titre surabondant que la société BLTP ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque, tenant au fait qu'elle a été poursuivie pour le paiement des contraventions qui lui ont été adressées par erreur, étant observé qu'elle était en mesure de justifier du transfert du contrat de crédit-bail au profit de la société CAP 18, seule redevable des contraventions litigieuses.
La société BLTP sera donc déboutée de sa demande indemnitaire.
4 ' Sur les demandes formées par la société Natiocredimurs à l'encontre de la société CAP 18
4-1 ' sur la demande de modification de la carte grise
La société Natiocredimurs observe que la société CAP 18 a obtenu une nouvelle carte grise en juin 2024, en omettant de mentionner sa qualité de simple locataire du véhicule, omettant par voie de conséquence de la mentionner comme propriétaire. Elle demande donc que la société CAP 18 soit condamnée à exécuter le mandat d'immatriculation afin qu'elle apparaisse en qualité de propriétaire.
La société CAP 18 n'a pas répondu sur ce point.
Réponse de la cour
La nouvelle carte grise du véhicule, établie le 10 juin 2024 mentionne la société CAP 18 en qualité de propriétaire, alors même qu'elle n'est que locataire.
Il convient donc de condamner la société CAP 18 à exécuter le mandat d'immatriculation confié par la société Natiocredimurs le 4 janvier 2021 afin que cette dernière apparaisse en qualité de propriétaire sur le certificat d'immatriculation du véhicule.
4-2 ' sur la demande en paiement au titre des sommes arriérées
La société Natiocredimurs sollicite à la fois la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société CAP 18 au paiement de la somme de 6 241,67 euros au titre des loyers arriérés, formant toutefois une demande de « complément » visant à l'actualisation de la dette, sollicitant désormais paiement de la somme de 8 961,38 euros selon décompte actualisé au 21 janvier 2025.
La société CAP 18 n'a pas répondu sur ce point.
Réponse de la cour
Le décompte actualisé produit par la société Natiocredimurs comprend, outre les loyers impayés :
- des frais (droit de plaidoirie et débours avocat) pour un montant de 283 euros, qui correspondent à des frais irrépétibles et seront éventuellement indemnisés à ce titre.
- Une indemnité de retard de 221,12 euros selon facture qui n'est pas produite ni justifiée. Cette somme doit donc être déduite de la demande.
La demande en paiement formée par la société Natiocredimurs est ainsi justifiée à hauteur de : 8 961,38 euros ' 283 euros ' 221,12 euros = 8 457,26 euros. La société CAP 18 sera condamnée au paiement de cette somme, compte arrêté au 21 janvier 2025, le jugement étant infirmé en ce qu'il a limité la condamnation à la somme de 6 241,67 euros.
5 ' sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société CAP 18, qui succombe pour l'essentiel en appel, sera condamnée aux dépens. Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour assurer sa défense.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 11 janvier 2023 en ce qu'il a :
- condamné la société BLTP :
* à communiquer à la société CAP18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de 10 jours suivant la signification de la décision à intervenir et ce pour une durée d'un mois, passé ce délai, il sera de nouveau fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ;
* à payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
- condamné la société CAP18 à payer à la société Natiocredimurs la somme de 6 241,67 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail numéro A1F19984 ;
Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
- Déboute la société CAP 18 de ses demandes de communication de copies du certificat d'immatriculation et du certificat de conformité du véhicule immatriculé [Immatriculation 7],
- Condamne la société BLTP à payer à la société CAP 18 la somme de 3 067,14 euros au titre de la location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021,
- Condamne la société CAP 18 à payer à la société Natiocredimurs la somme de 8 457,26 euros au titre des loyers arriérés, compte arrêté au 21 janvier 2025,
Y ajoutant
Condamne la société CAP 18 à exécuter le mandat d'immatriculation confié par la société Natiocredimurs le 4 janvier 2021 afin que cette dernière apparaisse en qualité de propriétaire sur le certificat d'immatriculation du véhicule de marque Mercedes-Benz immatriculé [Immatriculation 7],
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société CAP 18 aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
DE
VERSAILLES
Code nac : 53H
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MARS 2025
N° RG 23/04980 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WACF
AFFAIRE :
Société SASU BLTP
C/
S.N.C. NATIOCREDIMURS
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 6
N° RG : 2021F01549
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Oriane DONTOT
Me Asma MZE
Me Anne-sophie REVERS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANT
Société SASU BLTP représentée par son Président Monsieur [F] [M]
n° Siret : 838 885 051 RCS DAX
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20230500 -
Plaidant : Me Edwige MOREL, avocat au barreau de BAYONNE, vestiaire : 004
****************
INTIMEES
S.N.C. NATIOCREDIMURS
N° Siret : 332 199 462 RCS NANTERRE
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Asma MZE de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 699 -
Plaidant : Me Quentin SIGRIST, avocat au barreau de PARIS - vestiaire : L 98
S.A.R.L. CAP TP 18
N° SIRET : 842 939 613 RCS EVRY
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Anne-sophie REVERS de la SELARL ANNE-SOPHIE REVERS AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 4 -
Plaidant : Me Carla FERNANDES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0572
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Février 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat de crédit-bail du 2 août 2019, la société Natiocredimurs a donné en location à la société BLTP un camion de marque Mercedes-Benz, pour une durée de 85 mois, chaque échéance représentant un loyer mensuel de 2 277,65 euros.
En août 2020, la société BLTP a manifesté le souhait de transférer son contrat de crédit-bail au profit d'un nouveau locataire. La société CAP TP 18 (société CAP 18) s'est rapprochée de la société Natiocredimurs pour le transfert du contrat à son profit.
Le 16 décembre 2020, la société CAP 18 a conclu avec la société Natiocredimurs un avenant de transfert du crédit-bail. Le 12 janvier 2021, la société CAP18 a pris possession du camion.
Le 16 mars 2021, la société CAP 18 a mis en demeure la société Natiocredimurs de lui transmettre les documents contractuels, l'original de la carte grise du camion et l'original du certificat « barré rouge » (certificat de conformité du constructeur).
Le 4 juin 2021, la société CAP 18 a assigné la société Natiocredimurs en référé devant le président du tribunal de commerce de Nanterre qui a renvoyé l'affaire au fond. Le 6 septembre 2021, la société CAP 18 a assigné en intervention forcée la société BLTP devant ce même tribunal.
Le 11 janvier 2023, par jugement réputé contradictoire, la société BLTP étant défaillante, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné la société BLTP :
* à communiquer à la société CAP 18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de 10 jours suivant la signification de la décision, et ce pour une durée d'un mois, passé ce délai, il sera de nouveau fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ;
* à payer à la société CAP 18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
- débouté la société CAP 18 de ses demandes en paiement, par la société BLTP, des sommes de 13 327,20 euros au titre des échéances suspendues pendant le moratoire, 1 320 euros au titre de l'augmentation unitaire des loyers, et de 10 000 euros au titre d'un préjudice de jouissance ;
- condamné la société CAP18 à payer à la société Natiocredimurs la somme de 6 241,67 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail numéro A1F19984 ;
- condamné la société BLTP à payer à la société CAP 18 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;
- condamné la société BLTP aux dépens.
Le 20 juillet 2023, la société BLTP a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à :
- communiquer à la société CAP18, sous astreinte, une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7] ;
- payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
- payer à la société CAP18 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le 3 avril 2024, par ordonnance d'incident, le conseiller de la mise en état a :
- constaté le désistement de l'incident de la société CAP18 ;
- donné acte de la consignation de la somme de 4 153,45 euros versée par la société BLTP à la société CAP18, en exécution du jugement du 11 janvier 2023 sur le compte Carpa de Maître Fernandez, pendant toute la durée de la procédure devant la cour, jusqu'à la décision à intervenir ;
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'incident.
Par dernières conclusions du 15 janvier 2025, la société BLTP demande à la cour de :
- débouter la société CAP18 de l'intégralité de ses demandes, et de son appel incident ;
- infirmer le jugement du 11 janvier 2023 en ce qu'il l'a condamnée à communiquer à la société CAP18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte de 500 euros par jour de retard et à payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021, outre 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;
Statuant à nouveau :
- juger qu'elle a remis lors de la cession du contrat de crédit-bail du véhicule Mercedes [Immatriculation 7] l'intégralité des documents qu'elle était légalement tenue de remettre à son cocontractant, en exécution de la cession du contrat de crédit-bail, permettant d'accomplir les formalités administratives, fiscales et réglementaires afférentes à ce transfert ;
- constater que :
* la société CAP 18 a effectué le contrôle technique du véhicule Mercedes [Immatriculation 7] en date du 10 octobre 2022, en remettant au centre de contrôle technique l'original du certificat d'immatriculation ainsi qu'il résulte du procès-verbal de contrôle technique et de la confirmation par courriel du centre de contrôle technique ;
* la société CAP 18 a reconnu par courriel être en possession du certificat barré rouge ;
* la société CAP 18 a finalement effectué la modification du certificat d'immatriculation auprès de la préfecture le 10 juin 2024, en cours de procédure ;
Sur les demandes accessoires en appel à l'encontre de la société Natiocredimurs :
- juger que la société Natiocredimurs n'a pas veillé à la bonne exécution du mandat donné à la société CAP 18 en date du 4 janvier 2021, en vue d'effectuer la modification du certificat d'immatriculation auprès de la préfecture et du service des mines, afin que la société CAP 18 apparaisse comme locataire, et que le véhicule soit en conformité ;
- condamner la société Natiocredimurs à lui verser la somme de 5 166 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel depuis la cession, résultant du défaut de modification du certificat d'immatriculation, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil puisque cette obligation résulte du crédit-bail souscrit et de sa cession ;
- condamner la société CAP 18 à lui verser la somme de 5 166 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel sur le fondement de la responsabilité délictuelle, soit l'article 1240 du code civil, en raison de la faute commise à savoir l'abstention volontaire de modifier le certificat d'immatriculation ;
- en conséquence, condamner in solidum les sociétés Natiocredimurs et CAP 18 à lui verser la somme de 5 166 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice matériel correspondant au montant des contraventions et amendes pécuniaires ;
- condamner in solidum les sociétés Natiocredimurs et CAP18 à lui verser une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (comprenant les honoraires de postulation) ;
- condamner la société CAP 18 à lui verser l'intégralité des dépens, comprenant les dépens de première instance ;
Sur l'appel incident de la société CAP18 :
- juger que contrairement à ce qu'elle prétend, la société CAP 18 a bien été informée de l'intégralité des conditions contractuelles du crédit-bail et du montant du crédit-bail ayant conduit à la signature de l'avenant au crédit-bail par la société CAP 18, le 16 décembre 2020 ;
- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CAP 18 de sa demande tendant à ce qu'elle paye la somme de 13 327,20 euros au titre des six échéances suspendues pendant le moratoire Covid, et de 1 320 euros au titre de l'augmentation unitaire des loyers ;
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 et débouter la société CAP 18 de sa demande à ce titre devant la cour d'appel chiffrée à la somme de 3 067,14 euros ;
- condamner in solidum les sociétés Natiocredimurs et CAP 18 à lui verser une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (comprenant les honoraires de postulation) ;
- condamner la société CAP 18 à lui verser l'intégralité des dépens, comprenant les dépens de première instance.
Par dernières conclusions du 21 janvier 2025, la société Natiocredimurs demande à la cour de :
- confirmer en son intégralité le jugement du 11 janvier 2023, en ce qu'il a notamment :
condamné la société BLTP à communiquer à la société CAP 18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte ;
condamné la société CAP18 à lui payer la somme de 6 241,67 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail n° A1F19984 ;
condamné la société BLTP aux dépens de première instance ;
Réparant l'omission de statuer,
- condamner la société CAP 18 à poursuivre l'exécution du contrat de crédit-bail n°A1F19984 tel que transféré par avenant du 16 décembre 2020 avec effets rétroactifs au 1er décembre 2020 ;
Le complétant,
- condamner la société CAP 18 à lui payer la somme actualisée de 8 91,38 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail n° A1F19984 ;
- condamner la société CAP18 à exécuter le mandat d'immatriculation qu'elle lui a confiée le 4 janvier 2021 afin que cette dernière apparaisse sur le certificat d'immatriculation en qualité de propriétaire du porteur routier de marque Mercedes-Benz Trucks, modèle Arocs, immatriculé [Immatriculation 7] ;
Subsidiairement,
- condamner la société CAP18 à la relever et la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son endroit ;
En tout état de cause,
- débouter la société BLTP de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;
- débouter la société CAP 18 de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions du 21 janvier 2025, la société CAP18 demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
- débouter la société BLTP de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement qui a condamné la société BLTP à lui communiquer le certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte ;
- infirmer le jugement en ce qu'il
* a limité la condamnation de la société BLTP à lui payer la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
* l'a déboutée de sa demande de paiement par la société BLTP de la somme de 13 327,20 euros au titre des six échéances suspendues au titre du moratoire ;
* l'a déboutée de sa demande de paiement par la société BLTP de la somme de 1 320 euros au titre de l'augmentation unitaire des loyers ;
Et statuant à nouveau :
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 3 067,14 euros au titre des sommes payées du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 correspondant à la privation de la jouissance du véhicule objet du contrat transféré ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 13 327,20 euros au titre des six échéances suspendues au titre du moratoire ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 1 320 euros à titre d'indemnisation de l'augmentation du montant unitaire de loyers en conséquence du report Covid dont a bénéficié la société BLTP ;
- condamner la société BLTP à lui payer la somme de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de la condamner aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 janvier 2025.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
MOTIFS
1 ' sur la demande de communication des copies des certificats afférents au véhicule
La société CAP 18 sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société BLTP à lui communiquer sous astreinte les copies du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge (c'est-à-dire procès-verbal de contrôle de conformité) du véhicule loué à la société Natiocredimurs. Elle précise avoir pris possession du véhicule le 12 janvier 2021, indiquant toutefois que la société BLTP n'a pas estimé utile de lui remettre les documents originaux (certificat d'immatriculation et contrôle de conformité). Elle indique que le centre de contrôle technique a toutefois accepté de procéder au contrôle du véhicule au vu d'une simple copie du certificat d'immatriculation. Elle précise que la société BLTP lui a finalement remis les « originaux » des documents en cours d'instance d'appel (la cour note qu'il s'agit en réalité de copies).
La société BLTP soutient avoir remis, le 12 janvier 2021, le camion accompagné du certificat d'immatriculation et du certificat de conformité. Elle fait toutefois valoir que la société Cap 18 a omis de procéder à la modification de la carte grise, ce qui a entraîné l'émission de procès-verbaux de contravention à son nom, avec des amendes d'un montant total de 5 166 euros. Elle fait valoir que la société Cap 18 a fait procédé au contrôle technique du véhicule en novembre 2022, ce qui démontre qu'elle était en possession de l'original du certificat d'immatriculation, ce contrôle étant autrement impossible. Elle soutient que les documents sollicités sous astreinte étaient déjà en possession de la société CAP 18 depuis la prise de possession du véhicule, et sollicite donc l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à remettre ces documents sous astreinte.
Réponse de la cour
Bien qu'elle évoque dans ses conclusions un défaut de remise de documents en original, la société CAP 18 sollicite - depuis l'origine de la procédure - la seule communication de copies puisqu'elle demande la confirmation du jugement ayant condamné la société BLTP à lui communiquer une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7].
Le 25 janvier 2021, la société Cap 18 a écrit à la société Natiocredimurs : « je vous communique les différents points sur lesquels j'attends votre retour ('). 3/ document original barré rouge : je ne possède que la copie du barré rouge (souligné par la cour) ' pourriez-vous m'adresser l'original ' 4/ carte grise : pourriez-vous m'adresser la carte grise ' en effet, sans ce document, je ne peux commencer à travailler avec le véhicule acheté (')». La société Cap 18 a renouvelé ses demandes les 3 février et 12 février 2021, puis par courrier de son avocat adressé à la société Natiocredimurs le 16 mars 2021.
La société CAP 18 ayant admis, le 25 janvier 2021, qu'elle possédait la « copie du barré rouge », le jugement doit être infirmé en ce qu'il a ordonné la communication de ce document sous astreinte.
S'agissant de la copie du certificat d'immatriculation du véhicule, la société CAP 18 admet qu'elle a pu faire procéder au contrôle technique du véhicule, en octobre 2022, au simple vu d'une copie du certificat d'immatriculation, ce qui démontre qu'elle était en possession de ce document, de sorte que le jugement de janvier 2023 doit également être infirmé en ce qu'il a ordonné la communication de la copie de ce certificat sous astreinte.
2 ' sur les demandes en paiement formées par la société CAP 18 à l'encontre de la société BLTP
Le premier juge a partiellement accueilli les demandes en paiement formées par la société CAP 18 à l'encontre de la société BLTP, au titre du remboursement de certaines échéances de loyer.
sur la demande en remboursement des loyers sur la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021
La société CAP 18 sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité la condamnation de la société BLTP au paiement de la somme de 2 063,79 euros sur la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021, alors qu'elle sollicitait paiement d'une somme totale de 3 067,14 euros à ce titre, soutenant avoir été privée de la jouissance du véhicule durant toute cette période.
La société BLTP fait valoir que le contrat de crédit-bail a été cédé à effet du 1er décembre 2020, de sorte que la société CAP 18 est redevable des loyers à compter de cette date, peu important qu'elle n'ait pris possession du camion, pour des raisons personnelles, qu'à compter du 12 janvier 2021.
Réponse de la cour
L'avenant du 16 décembre 2020, de transfert du contrat de crédit-bail au profit de la société CAP 18, précise que le nouveau locataire déclare avoir pris connaissance du contrat initial de crédit-bail. Le nouveau locataire CAP 18 déclare s'engager à : « arrêter directement avec l'ancien locataire tout compte pouvant résulter de ce changement de locataire (') à payer les loyers à partir de la date d'effet du transfert (1er décembre 2020), selon les modalités qui nous seront indiquées par le bailleur ('). »
S'il est ainsi établi que la société CAP 18 était redevable, envers le bailleur, des loyers à compter du 1er décembre 2020, il n'en reste pas moins que les parties ont prévu un compte entre locataires du fait du changement. Il est en outre constant que la société CAP 18 n'a pris possession du camion que le 12 janvier 2021.
Le 23 décembre 2020, la société CAP 18 a interrogé la société BLTP pour savoir si elle avait des nouvelles du bailleur. La société BLTP a répondu le 29 décembre qu'elle n'en avait pas. Elle précisait toutefois : « de mon côté, le camion est nettoyé et prêt à partir, je n'attends que le feu vert pour vous laisser le camion ». Les échanges de SMS ultérieurs démontrent que les locataires - ancien et nouveau ' attendaient tous deux une réponse du bailleur qui n'est arrivée qu'avec le prélèvement des loyers de décembre 2020 et janvier 2021 opéré sur le compte bancaire de la société CAP 18, le 8 janvier 2021, ce qui a entraîné la prise de possession du camion 4 jours plus tard par la société CAP 18. Ce n'est donc pas par convenance personnelle que la société CAP 18 n'a pris possession du camion que le 12 janvier 2021, chacune des parties attendant en fait le « feu vert » du bailleur, et la société BLTP indiquant qu'elle ne laisserait pas le camion à la société CAP 18 avant ce feu vert.
Force est ainsi de constater que, malgré l'avenant de transfert du contrat du 16 décembre 2020, la société BLTP a refusé de transmettre la jouissance du camion à la société CAP 18 jusqu'au 12 janvier 2021, sans que cela puisse être imputé à un refus de la société CAP 18 de prendre possession du camion, de sorte que la société CAP 18 est bien fondée en sa demande en paiement pour la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021, et ce à hauteur de 3 067,14 euros. C'est en effet par erreur que le tribunal a réduit l'indemnisation à la période débutant le 16 décembre 2020 (alors même qu'il indique l'inverse dans le dispositif du jugement), alors que le défaut de jouissance porte sur la période du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021. Le jugement sera infirmé de ce chef, la société BLTP étant condamnée à payer à la société CAP 18 la somme de 3 067,14 euros au titre de l'indemnisation pour les loyers du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021.
. Sur la demande en paiement de la somme de 13 327,20 euros correspondant à 6 échéances reportées du fait d'un moratoire durant la période Covid
La société CAP 18 reprend en appel la demande en paiement de la somme de 13 327,20 euros dont elle a été déboutée en première instance, précisant qu'elle correspond à 6 échéances reportées du fait d'un moratoire accordé à la société BLTP durant la période Covid, outre sa demande en paiement d'une somme de 1 320 euros au titre de l'augmentation des loyers pour le même motif. Elle fait valoir que la société BLTP ne l'a jamais informée de l'existence d'un moratoire et d'un avenant modifiant le contrat de crédit-bail initial, ce dont elle n'a pris connaissance que le 4 janvier 2021 lorsque la société Natiocrédimurs lui a adressé le nouvel échéancier des loyers. Elle indique qu'elle n'avait connaissance que de l'échéancier initial se terminant au 1er septembre 2026, invoquant une tromperie de la société BLTP, ajoutant qu'elle n'aurait pas contracté si elle avait eu connaissance d'une prolongation du contrat sur 6 mois. Elle estime ainsi qu'il appartient à la société BLTP de supporter les 6 échéances supplémentaires pour un coût de 13 327,20 euros.
La société BLTP soutient que le lien contractuel n'existe qu'entre les sociétés CAP 18 et Natiocredimurs, ajoutant que la demande n'est pas contractuellement prévue dans l'avenant de cession du contrat de crédit-bail du 16 décembre 2020. Elle soutient en outre que la société CAP 18 a signé l'avenant de transfert en toute connaissance du moratoire, indiquant avoir consenti une compensation de ce moratoire sous la forme d'une remise grâcieuse d'une remorque.
Réponse de la cour
Le contrat de crédit-bail initial d'août 2019 portait sur une durée de 84 mois (échéance mensuelle de 1 755,57 euros, hors frais et hors TVA), avec une dernière échéance le 1er octobre 2026. La société BLTP ayant profité d'un moratoire de 6 mois durant la période COVID, le nouvel échéancier, remis à la société CAP 18 le 4 janvier 2021, fait état d'une dernière échéance le 1er avril 2027, le montant de chaque échéance étant porté à 1773,17 euros.
Dans l'avenant de transfert du contrat, signé le 16 décembre 2020, la société CAP 18 déclare : « avoir pris connaissance du contrat susvisé (ainsi que de ses avenants et annexes éventuels) et en accepter sans aucune réserve toutes les clauses et conditions (aussi bien les conditions particulières que les conditions générales) qui gardent leur plein et entier effet, sans novation. »
En signant l'avenant de transfert, la société CAP 18 a ainsi reconnu avoir pris connaissance du contrat, outre les avenants et annexes, de sorte qu'elle a nécessairement eu connaissance du report des échéances et de l'augmentation du loyer. Elle n'est donc pas fondée en sa demande en remboursement des sommes de 13 327, 20 euros et 1 320 euros. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
3 ' sur les demandes en paiement formées par la société BLTP au titre de son préjudice matériel du fait de la tardiveté de mise à jour du certificat d'immatriculation
La société BLTP rappelle que la société Natiocredimurs a donné mandat, le 4 janvier 2021, à la société CAP 18 d'effectuer les opérations administratives nécessaires pour informer la préfecture et le service des mines du changement de locataire. Elle reproche à la société Natiocredimurs d'avoir fait preuve de négligence en ne veillant pas à l'exécution de ce mandat dès lors que la modification de locataire n'a été enregistrée qu'en juin 2024, ce qui est à l'origine du préjudice matériel qu'elle subit du fait des contraventions qui sont arrivées à son nom, entraînant des saisies, estimant ce préjudice à la somme de 5 166 euros. La société BLTP forme une demande indemnitaire identique à l'encontre de la société CAP 18 sur le fondement de sa responsabilité délictuelle du fait de son abstention volontaire de procéder à la modification de la carte grise. Elle sollicite la condamnation de ces deux sociétés, Natiocredimurs et CAP 18, in solidum.
La société Natiocredimurs conteste avoir engagé sa responsabilité à l'égard de la société BLTP, précisant qu'elle n'a jamais été en possession du certificat d'immatriculation du véhicule. Elle sollicite, à titre subsidiaire, la garantie de la société CAP 18.
La société CAP 18 soutient que le défaut de modification de la carte grise ne résulte pas d'une abstention volontaire de sa part, mais de l'absence de remise par la société BLTP de l'original de la carte grise, ce qui l'a empêchée de procéder à la modification jusqu'à la remise de ce document, par l'avocat de la société BLTP, le 22 février 2024.
Réponse de la cour
. Sur la responsabilité de la société Natiocredimurs
Le fait, pour la société Natiocredimurs, de donner mandat à la société CAP 18 : « d'effectuer auprès de la Préfecture et du service des mines toutes opérations administratives concernant le véhicule » correspond à une procuration ou délégation de pouvoirs du propriétaire du véhicule au profit du locataire, dans le seul intérêt de ce dernier qui ne peut circuler avec un véhicule ne disposant pas d'un certificat d'immatriculation à son nom. Ce mandat n'implique donc aucune obligation de la société Natiocredimurs de veiller à son exécution. Aucun défaut de vigilance ne peut donc être reproché à la société Natiocredimurs. La demande indemnitaire formée à son encontre doit être rejetée.
. Sur la responsabilité de la société CAP 18
La société CAP 18 produit aux débats (pièce 20) la liste des documents administrativement nécessaires lors d'un changement de locataire dans le cas d'un crédit-bail, au terme de laquelle l'original de l'ancienne carte grise doit être produit.
S'il a été démontré que la société CAP 18 était en possession, en octobre 2022 a minima, d'une copie de la carte grise, il n'est pas démontré qu'elle ait été en possession de l'original de ce document qu'elle a réclamé à plusieurs reprises à la société Natiocredimurs, qui n'en était cependant pas détentrice.
La société BLTP produit une attestation d'un ancien salarié qui indique : « j'étais présent lors de la préparation du camion et du dossier, et j'atteste sur l'honneur que mon ancien patron, M. [M] a remis ce jour-là au gérant de la société CAP 18 l'original de la carte grise du véhicule barré. » Cette attestation établie en octobre 2023, soit près de 3 ans après le transfert du véhicule, est insuffisante à établir la remise de l'original de la carte grise, alors même que la société CAP 18 a sollicité la communication de ce document à plusieurs reprises (courriels de janvier 2021 et lettre du 16 mars 2021 adressés à la société Natiocredimurs).
De même, le fait que le centre de contrôle technique indique que le contrôle ne peut s'opérer qu'avec l'original de la carte grise n'exclut pas la possibilité de dérogations, comme le soutient la société CAP 18.
La preuve de la remise, par la société BLTP, de l'original de la carte grise du véhicule n'étant pas suffisamment rapportée, et cet original étant manifestement nécessaire à la modification de la carte grise, il ne peut être reproché à la société CAP 18 de s'être volontairement abstenue de procéder à la modification. Aucune faute ne peut dès lors être reprochée à la société CAP 18.
La cour note à titre surabondant que la société BLTP ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque, tenant au fait qu'elle a été poursuivie pour le paiement des contraventions qui lui ont été adressées par erreur, étant observé qu'elle était en mesure de justifier du transfert du contrat de crédit-bail au profit de la société CAP 18, seule redevable des contraventions litigieuses.
La société BLTP sera donc déboutée de sa demande indemnitaire.
4 ' Sur les demandes formées par la société Natiocredimurs à l'encontre de la société CAP 18
4-1 ' sur la demande de modification de la carte grise
La société Natiocredimurs observe que la société CAP 18 a obtenu une nouvelle carte grise en juin 2024, en omettant de mentionner sa qualité de simple locataire du véhicule, omettant par voie de conséquence de la mentionner comme propriétaire. Elle demande donc que la société CAP 18 soit condamnée à exécuter le mandat d'immatriculation afin qu'elle apparaisse en qualité de propriétaire.
La société CAP 18 n'a pas répondu sur ce point.
Réponse de la cour
La nouvelle carte grise du véhicule, établie le 10 juin 2024 mentionne la société CAP 18 en qualité de propriétaire, alors même qu'elle n'est que locataire.
Il convient donc de condamner la société CAP 18 à exécuter le mandat d'immatriculation confié par la société Natiocredimurs le 4 janvier 2021 afin que cette dernière apparaisse en qualité de propriétaire sur le certificat d'immatriculation du véhicule.
4-2 ' sur la demande en paiement au titre des sommes arriérées
La société Natiocredimurs sollicite à la fois la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société CAP 18 au paiement de la somme de 6 241,67 euros au titre des loyers arriérés, formant toutefois une demande de « complément » visant à l'actualisation de la dette, sollicitant désormais paiement de la somme de 8 961,38 euros selon décompte actualisé au 21 janvier 2025.
La société CAP 18 n'a pas répondu sur ce point.
Réponse de la cour
Le décompte actualisé produit par la société Natiocredimurs comprend, outre les loyers impayés :
- des frais (droit de plaidoirie et débours avocat) pour un montant de 283 euros, qui correspondent à des frais irrépétibles et seront éventuellement indemnisés à ce titre.
- Une indemnité de retard de 221,12 euros selon facture qui n'est pas produite ni justifiée. Cette somme doit donc être déduite de la demande.
La demande en paiement formée par la société Natiocredimurs est ainsi justifiée à hauteur de : 8 961,38 euros ' 283 euros ' 221,12 euros = 8 457,26 euros. La société CAP 18 sera condamnée au paiement de cette somme, compte arrêté au 21 janvier 2025, le jugement étant infirmé en ce qu'il a limité la condamnation à la somme de 6 241,67 euros.
5 ' sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société CAP 18, qui succombe pour l'essentiel en appel, sera condamnée aux dépens. Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour assurer sa défense.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 11 janvier 2023 en ce qu'il a :
- condamné la société BLTP :
* à communiquer à la société CAP18 une copie du certificat d'immatriculation et du certificat barré rouge du véhicule immatriculé [Immatriculation 7], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de 10 jours suivant la signification de la décision à intervenir et ce pour une durée d'un mois, passé ce délai, il sera de nouveau fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte ;
* à payer à la société CAP18 la somme de 2 063,79 euros TTC au titre de la période de location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021 ;
- condamné la société CAP18 à payer à la société Natiocredimurs la somme de 6 241,67 euros TTC au titre des sommes arriérées dans le cadre de l'exécution du contrat de crédit-bail numéro A1F19984 ;
Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
- Déboute la société CAP 18 de ses demandes de communication de copies du certificat d'immatriculation et du certificat de conformité du véhicule immatriculé [Immatriculation 7],
- Condamne la société BLTP à payer à la société CAP 18 la somme de 3 067,14 euros au titre de la location du 1er décembre 2020 au 12 janvier 2021,
- Condamne la société CAP 18 à payer à la société Natiocredimurs la somme de 8 457,26 euros au titre des loyers arriérés, compte arrêté au 21 janvier 2025,
Y ajoutant
Condamne la société CAP 18 à exécuter le mandat d'immatriculation confié par la société Natiocredimurs le 4 janvier 2021 afin que cette dernière apparaisse en qualité de propriétaire sur le certificat d'immatriculation du véhicule de marque Mercedes-Benz immatriculé [Immatriculation 7],
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société CAP 18 aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT