CA Caen, 2e ch. civ., 20 mars 2025, n° 24/01025
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Franfinance (SA)
Défendeur :
Svh Energie (SASU), Athena (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Emily
Conseillers :
Mme Courtade, M. Gouarin
Avocats :
Me Hantrais, Me Lebrun, Me Scotto di Liguori
Le 25 avril 2018, M. [V] [A] et [D] [Z] épouse [A] ont signé un bon de commande auprès de la société SVH énergie portant sur la fourniture et l'installation d'une centrale photovoltaïque, comprenant notamment un pack 'GSE solar' composé de 7 modules photovoltaïques, d'un pack 'Ballon thermodynamique', d'un pack'GSE LED' et d'un pack 'GSE E-CONNECT' pour un prix total de 27.781 euros TTC.
Cette opération a été intégralement financée par le biais d'un crédit affecté, souscrit le même jour par les époux [A] auprès de la SA Franfinance, d'un montant de 27.781 euros au taux d'intérêt de 4,70%, remboursable en 170 mensualités de 228,54 euros (hors assurances facultatives).
L'installation a été effectuée en juillet 2018.
Suivant jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d' Angers a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société SVH énergie et a désigné la SELARL Athena ès qualités de mandataire liquidateur.
Les époux [A] ont, par acte de commissaire de justice du 18 avril 2023, assigné la société SVH énergie, représentée par la SELARL Athena ès qualités, et la société anonyme Franfinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin aux fins de voir prononcer l'annulation du contrat principal et du contrat de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire du 11 mars 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cherbourg-en-Cotentin a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 25 avril 2018, entre, d'une part, M. [V] [A] et Mme [D] [A], et d'autre part, la société SVH énergie ;
- constaté la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté, conclu le 25 avril 2018, entre d'une part, la SA Franfinance, et d'autre part, M. [V] [A] et Mme [D] [A] ;
- dit que la société SVH énergie, représentée par son mandataire liquidateur, pourra récupérer, à ses frais, le matériel fourni et installé dans le délai de deux mois suivant la présente décision et qu'à défaut de récupération dans le délai imparti, la société SVH énergie sera réputée y avoir renoncé ;
- condamné la SA Franfinance à rembourser à M. [V] [A] et Mme [D] [A] la somme de 31.336,82 euros correspondant au montant du capital, des intérêts et des frais accessoires du crédit affecté, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la SA Franfinance à verser à M. [V] [A] et Mme [D] [A] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SA Franfinance au paiement des dépens de l'instance ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 24 avril 2024, la SA Franfinance a fait appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 21 octobre 2024, elle demande à la cour de :
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 25 avril 2018 entre M. [V] [A] et Mme [D] [A] et la société SVH énergie,
* constaté la nullité de plein droit du contrat de prêt affecté conclu le 25 avril 2018 entre la SA Franfinance et M. [V] [A] et Mme [D] [A],
* condamné la SA Franfinance à rembourser à M. [V] [A] et Mme [D] [A] la somme de 31.336,82 euros correspondant au montant du capital, des intérêts et des frais accessoires du crédit affecté avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
* rejeté les parties du surplus de leurs demandes,
* condamné la SA Franfinance à verser à M. [V] [A] et Mme [D] [A] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* condamné la SA Franfinance au paiement des dépens.
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que le bon de commande en date du 25 avril 2018 est conforme aux dispositions du code de la consommation et n'encourt pas la nullité,
- Débouter M. [V] [A] et Mme [D] [A] de leur demande d'annulation du bon de commande sur le fondement du dol,
- Dire et juger que le contrat de crédit souscrit le 25 avril 2018 auprès de la société Franfinance est conforme et n'encourt pas la nullité,
- Débouter M. [V] [A] et Mme [D] [A] de leur demande d'annulation du contrat de crédit souscrit le 25 avril 2018,
- Débouter M. [V] [A] et Mme [D] [A] de leur demande aux fins de résolution des contrats,
En conséquence,
- Condamner M. [V] [A] et Mme [D] [A] à exécuter ledit contrat de crédit,
- Débouter M. [V] [A] et Mme [D] [A] de leurs demandes de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues,
- Dire et juger n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts,
- Condamner M. [V] [A] et Mme [D] [A], ou subsidiairement tout succombant, à payer à la société Franfinance la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [V] [A] et Mme [D] [A] ou subsidiairement tout succombant aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de la SCP Berlemont Cochard Hantrais,
Subsidiairement,
- Dire et juger que l'éventuelle nullité du contrat conclu le 25 avril 2018 est couverte par les actes postérieurs commis par Mme et M. [A],
En cas d'annulation du contrat conclu le 25 avril 2018,
- Dire et juger que la société Franfinance n'a commis aucune faute,
En conséquence,
- Dire et juger que Mme et M. [A] sont tenus de restituer à la société Franfinance le capital prêté soit la somme de 27.581 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- Débouter Mme et M. [A] de toutes demandes, fins et prétentions contraires,
- Condamner Mme et M. [A], ou subsidiairement tout succombant, à payer à la société Franfinance la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Mme et M. [A] ou subsidiairement tout succombant aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de la SCP Berlemont Cochard Hantrais.
Par dernières conclusions déposées le 23 août 2024, les époux [A] demandent à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
A titre subsidiaire,
- Infirmer le jugement entrepris ce qu'il a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
En conséquence,
Statuant à nouveau,
- Juger que le consentement des époux [A] a été vicié pour cause d'erreur sur la rentabilité économique de l'opération,
- Prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 25 avril 2018 entre les époux [A] et la société SVH énergie,
- Juger que la nullité relative du contrat de vente conclu le 25 avril 2018 n'est pas couverte par la confirmation,
- Juger que les époux [A] tiennent le matériel à disposition de la société SVH énergie, représentée par Me [E] [I],
- Juger que les frais de désinstallation et de remise en état seront mis à la charge de la société SVH énergie, représentée par Me [E] [I],
- Juger qu'à défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, la société SVH énergie est réputée y avoir renoncé,
- Prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 25 avril 2018 entre les époux [A] et l'établissement bancaire Franfinance,
- Juger que l'établissement bancaire Franfinance a commis une faute lors du déblocage des fonds au bénéfice de la société SVH énergie,
- Juger principalement que la déchéance du droit à restitution de la SA Franfinance n'est pas conditionnée à la démonstration d'un préjudice,
- Juger subsidiairement que les époux [A] justifient d'un préjudice,
- Juger en conséquence que l'établissement bancaire Franfinance est privé de son droit à réclamer restitution du capital prêté,
- Condamner l'établissement bancaire Franfinance, à restituer l'intégralité des sommes versées par les époux [A] au titre du capital, intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit affecté du 25 avril 2018, soit la somme de 31.336,82 euros,
A titre très subsidiaire,
- Juger que l'établissement bancaire Franfinance a manqué à son devoir de mise en garde,
- Condamner l'établissement bancaire Franfinance à payer aux époux [A] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif,
- Juger que l'établissement bancaire Franfinance a manqué à son obligation d'information et de conseil,
- Prononcer la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 25 avril 2018 et condamner l'établissement bancaire Franfinance à rembourser aux époux [A] l'intégralité des intérêts, frais et accessoires déjà versés,
En tout état de cause,
- Condamner l'établissement bancaire Franfinance, à payer aux époux [A] la somme de 5.000 euros au titre de leur préjudice moral,
- Condamner la société Franfinance, à payer aux époux [A] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SELARL Athena ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SVH énergie n'a pas constitué avocat bien que la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant lui ont été signifiées le 21 juin 2024, à personne morale.
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 11 décembre 2024.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
SUR CE, LA COUR
Sur la conformité du bon de commande
Selon l'article L221-5 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat (...).
Selon l'article L111-1 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
Selon l'article L111-2 du code de la consommation dans sa version applicable en l'espèce, outre les mentions prévues à l'article L. 111-1, tout professionnel, avant la conclusion d'un contrat de fourniture de services et, lorsqu'il n'y a pas de contrat écrit, avant l'exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Les informations complémentaires qui ne sont communiquées qu'à la demande du consommateur sont également précisées par décret en Conseil d'Etat.
Selon l'article L21-9 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.
Selon l'article L 242-1 du même code dans sa version applicable à l'espèce, les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
En l'espèce, les acquéreurs font justement valoir que le bon de commande ne précise pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI comme le prévoit l'article L111-1 du code de la consommation.
Cette mention est bien prévue à peine de nullité de sorte que la nullité du contrat est encourue de ce chef.
Il résulte des dispositions de l'article 1181 du code civil que s'agissant d'une nullité relative, celle-ci peut être couverte par la confirmation.
Selon l'article 1182 du même code, la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.
En l'espèce, la société Franfinance ne rapporte pas la preuve de ce que les acquéreurs ont eu connaissance du vice affectant le contrat de vente et qu'ils ont exécuté le contrat en connaissance de la cause de nullité retenue étant précisé que la Cour de cassation juge que même la reproduction dans les conditions générales du contrat des articles du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat et qu'en l'espèce, lesdites articles ne sont même pas reproduits dans le contrat. ( 1er Civ., 24 janvier 2024,n° 22-16.115)
C'est donc justement que le premier juge a retenu qu'il n'y avait pas eu confirmation et qu'il a annulé le contrat de vente.
Sur la nullité du contrat de prêt
Selon l'article L312-55 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.
Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté.
Sur la faute du prêteur
C'est justement que le premier juge a retenu que le prêteur, qui est un professionnel, avait commis une faute en délivrant les fonds sans vérifier la régularité formelle du contrat principal
étant précisé que l'irrégularité retenue est apparente.
Les acquéreurs soutiennent qu'ils ont subi un préjudice dès lors que leur vendeur a été placé en liquidation judiciaire et qu'ils ne pourront pas se retourner contre celui-ci pour obtenir la restitution du prix de vente.
Il y a bien un lien de causalité entre la faute commise par le prêteur, qui en ne vérifiant pas la régularité formelle du contrat de vente n'a pas informé les emprunteurs de l'irrégularité constatée afin que ceux-ci puissent confirmer le contrat ou y renoncer, le préjudice subi par les emprunteurs consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires.
(1re Civ., 10 juillet 2024, n°22-24.754)
A titre d'indemnisation, les emprunteurs sont fondés à demander à ce que le prêteur soit destitué de son droit à restitution.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur le préjudice moral
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a débouté les époux [A] de leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Les autres dispositions du jugement non utilement critiquées seront confirmées.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, exactement appréciées, seront confirmées.
La société Franfinance, qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel, à payer aux époux [A] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SA Franfinance aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués sur la cause qui en ont fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Franfinance à payer à M. [V] [A] et Mme [D] [Z] épouse [A] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Déboute la SA Franfinance de sa demande formée à ce titre.