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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-1, 25 mars 2025, n° 23/04913

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/04913

25 mars 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 35Z

DU 25 MARS 2025

N° RG 23/04913

N° Portalis DBV3-V-B7H-V75G

AFFAIRE :

Association LA CONFEDERATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, dénommée 'CPME'

C/

CONFEDERATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DE CORSE - CPME CORSICA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2023 par le Pole social du TJ de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 23/03184

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- la SCP C R T D ET ASSOCIES,

- Me Leïla SADOUN MEDJABRA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Association LA CONFEDERATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES, dénommée 'CPME'

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES, avocat postulant - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 - N° du dossier 2230337

Me Margaux TOLLERON substituant Me François VACCARO de la SCP ORVA VACCARO ET ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS

APPELANTE

****************

CONFEDERATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DE CORSE - CPME CORSICA

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

N° SIRET : 418 441 549

[Adresse 4]

[Localité 1]

et

CONFEDERATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DE HAUTE-CORSE - CPME CORSICA 2B

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

N° SIRET : 903 891 216

[Adresse 4]

[Localité 1]

et

CONFEDERATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DE CORSE-DU-SUD - CPME CORSICA 2A

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

N° SIRET : 903 890 960

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentées par Me Leïla SADOUN MEDJABRA, avocat - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 53

Me Callista ANTONIOTTI, avocat - barreau de BASTIA, vestiaire : C0

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Janvier 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Pascale CARIOU, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseillère,

Madame Sixtine DU CREST, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

*****************************

FAITS ET PROCÉDURE,

Depuis le mois de novembre 2018, un litige oppose la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (ci-après, autrement nommée 'CPME') nationale aux CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud s'agissant de leur fusion en une confédération unique.

Le 8 février 2023, le président confédéral de la CPME a informé les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud du retrait de leur agrément.

Le 5 avril 2023, les CPME Corse, Haute-Corse et Corse du Sud ont fait assigner la CPME à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Par un jugement contradictoire rendu le 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- Déclaré irrecevable l'action de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Corse ;

- Rejeté le surplus des exceptions de procédure et fins de non-recevoir soulevées par la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises ;

- Annulé la décision du 21 septembre 2022, notifiée le 8 février 2023, par laquelle la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises a retiré leurs agréments aux Confédérations des Petites et Moyennes Entreprises de Corse, Haute-Corse et Corse du Sud ;

- Mis à la charge de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises la somme de 2 000 euros à payer à aux Confédérations des Petites et Moyennes Entreprises de Haute-Corse et Corse du Sud en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les Confédérations des Petites et Moyennes Entreprises de Haute-Corse et Corse du Sud du surplus de leurs demandes ;

- Débouté la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de l'ensemble de ses demandes ;

- Mis à la charge de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises les entiers dépens de l'instance.

Le 24 juillet 2023, l'association La Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, dénommée 'CPME nationale' a interjeté appel de cette décision à l'encontre de l'association Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Corse - CPME Corsica, l'association Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Haute-Corse - CPME Corsica 2B, et de l'association Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Corse-du-Sud - CPME Corsica 2A.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2023 (21 pages) auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'association Confédération des Petites et Moyennes Entreprises invite la cour, au visa des articles 54, 117 et 119 du code de procédure civile, 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le préambule de la Constitution de 1946, et les articles 2, 5 et 6 de la loi du 1er juillet 1901, à :

- Infirmer la décision dont appel en ce qu'elle a :

* rejeté le surplus des exceptions de procédure et fins de non-recevoir soulevées par la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises,

* annulé la décision du 21 septembre 2022, notifiée le 8 février 2023, par laquelle la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises a retiré leurs agréments aux Confédérations des Petites et Moyennes Entreprises de Corse, Haute-Corse et Corse du Sud,

* mis à la charge de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises la somme de 2 000 euros à payer à aux Confédérations des Petites et Moyennes Entreprises de Haute-Corse et Corse du Sud en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de l'ensemble de ses demandes,

* mis à la charge de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises les entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau sur ces différents points :

- Déclarer nul et de nul effet l'exploit introductif de première instance et partant la procédure introduite par les demanderesses ;

- Déclarer irrecevables et en tout état de cause mal fondé les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud en leurs demandes, fins et conclusions et les en débouter en tout état de cause ;

- Enjoindre à la CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud d'avoir à cesser toute utilisation de la marque et du logo de la CPME sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir ;

- Condamner in solidum les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud à verser à la CPME la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Condamner in solidum les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud à verser à la CPME nationale la somme de 15 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner en tous les dépens ;

- Confirmer tous points de la décision dont appel non contraire aux présentes écritures ;

- Débouter la CPME de Corse, la CPME de Haute-Corse et la CPME de Corse du Sud en leur appel incident et de toutes demandes, fins et conclusions.

Par dernières conclusions notifiées le 26 octobre 2024 (37 pages) auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Corse, la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Haute-Corse et la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Corse-du-Sud invitent la cour, au visa de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association et aux articles 840 et suivants du code de procédure civile, à :

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* Déclaré irrecevable l'action de la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Corse,

* Débouté les Confédérations des Petites et Moyennes Entreprises de Haute-Corse et Corse du Sud de leurs demandes tendant à voir :

- Condamner la CPME à verser 19 261,03 euros à la CPME Corsica 2B, 20 563,96 euros à la CPME Corsica 2A et 5 293, 74 euros à la CPME Corsica au titre des fonds AGFPN pour l'année 2022 ;

- Condamner la CPME à verser à chacune des demanderesses la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice d'image ;

Et, statuant à nouveau sur ces différents points :

- Déclarer l'action de la CPME Corsica recevable et bien fondée ;

- Condamner la CPME à verser 19 261,03 euros à la CPME Corsica 2B, 20 563,96 euros à la CPME Corsica 2A et 5 293,74 euros à la CPME Corsica au titre des fonds AGFPN pour l'année 2022 ;

- Condamner la CPME à verser à chacune des demanderesses la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice d'image ;

Pour le surplus, confirmer tous points du jugement non contraire aux présentes, et :

- Déclarer les actions des CPME Corsica 2B et CPME Corsica 2A recevables et bien fondées ;

- Constater l'irrégularité de la procédure disciplinaire ;

- Constater l'absence de bien-fondé de la décision de retrait des agréments des CPME Corsica, CPME Corsica 2B et Corsica 2A ;

- En conséquence, annuler la décision de retrait des agréments des CPME Corsica, CPME Corsica 2B, CPME Corsica 2A ;

- Rejeter la totalité des demandes reconventionnelles formulées par la CPME.

En tout état de cause,

- Condamner la CPME à payer à chacune des demanderesses la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 novembre 2024.

SUR CE, LA COUR,

Sur l'objet de l'appel,

Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.

A titre liminaire,

La cour observe que la CPME produit aux débats les statuts nationaux déposés le 6 juillet 2022 (pièce 26) alors que les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud produisent les statuts nationaux déposés le 2 juillet 2017 (pièce 10).

La cour relève encore que la procédure engagée par la CPME à l'encontre des CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud a débuté en 2018, que ces dernières ont été convoquées devant la Commission de discipline de la CPME le 11 avril 2022, soit avant la modification des statuts nationaux. Le texte applicable est donc bien celui produit par les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud . C'est du reste le texte qui a été retenu comme applicable au litige par les premiers juges.

Sur les exceptions de nullité et les fins de non recevoir

La régularité de l'assignation

Contrairement, à ce que soutient la CPME, l'irrégularité d'un acte de procédure, comme en l'occurrence d'une assignation, relève des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile et constitue donc une nullité de forme qui, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, n'entraîne l'annulation de l'acte qu'à la charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité commise (voir, notamment, 2e Civ., 3 mai 1990, pourvoi n° 88-20.484, publié ; 2e Civ., 6 septembre 2018, pourvoi n° 16-26.882, 17-26.473 ; 2e Civ., 14 janvier 2021, pourvoi n 20-10.046 ; 2e Civ., 9 juin 2022, pourvoi n° 21-12.738).

C'est à tort que la CPME prétend que l'imprécision de désignation de l'organe qui représente légalement la personne morale constitue un vice de fond, ou encore l'inobservation d'une formalité substantielle.

En effet, une telle irrégularité, comme l'erreur dans la dénomination, ou encore le défaut de désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ou encore la simple erreur de dénomination d'une société ou celle portant sur l'omission de la forme sociale, ou même la dénomination par une enseigne ou nom commercial n'affectent pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'un vice de forme.

Faute pour la CPME de préciser et justifier le grief que lui a causé cette irrégularité, sa demande ne saurait être accueillie.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

La capacité à agir des demanderesses

Selon l'article 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, 'les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l'article 5'.

L'article 5, en ses alinéas 1er et 2, de cette loi dispose que 'Toute association qui voudra obtenir la capacité juridique prévue par l'article 6 devra être rendue publique par les soins de ses fondateurs.

La déclaration préalable en sera faite à la préfecture du département ou à la

sous-préfecture de l'arrondissement où l'association aura son siège social. Elle fera

connaître le titre et l'objet de l'association, le siège de ses établissements et les noms,

professions, domiciles et nationalités de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés

de son administration ou de sa direction. Deux exemplaires des statuts seront joints

à la déclaration. Il sera donné récépissé de celle-ci dans le délai de cinq jours.'

Et, en vertu de l'article 6 de cette même loi, 'toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice (...) acquérir à titre onéreux, posséder et

administrer (...)'.

Il est ainsi jugé que la capacité juridique de l'association est subordonnée à une déclaration à la préfecture du lieu du siège social mentionnant notamment le titre, l'objet, le siège de celle-ci et annexant les statuts.

Il est patent que les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud ont été régulièrement déclarées au jour de leur création ce qui n'est pas contesté par la CPME et qui est, en outre, justifié par les intimés (pièces 2, 5, 8) de sorte qu'elles démontrent leur capacité juridique.

L'article 5 en ses 5ème et 6ème alinéa, de la loi du 1er juillet 1901 ajoute que 'Les associations sont tenues de faire connaître, dans les trois mois, tous les changements survenus dans leur administration, ainsi que toutes les modifications apportées à leurs statuts.

Ces modifications et changements ne sont opposables aux tiers qu'à partir du jour où ils auront été déclarés.'

Ainsi, c'est exactement que les CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud soutiennent que la seule conséquence d'un défaut d'information sur 'les changements survenus dans l'administration' n'est pas la perte de la capacité juridique, mais la non opposabilité de ces changements aux tiers. A cet égard, la cour relève que c'est sans fondement juridique, au prix d'un raccourci hâtif, que la CPME soutient qu'une association 'non opposable aux tiers ... ne peut donc ester en justice également'.

En outre, c'est encore sans aucun élément de preuve ni fondement juridique que la CPME soutient que des modifications des statuts de ses adversaires seraient intervenues postérieurement aux dernières déclarations que ces dernières ont produites en justice (du 27 avril 2017 pièces 1, 4, 7 des intimées), modifications qui n'auraient pas été portées à la connaissance de la préfecture.

La fin de non recevoir tirée du défaut de capacité à agir sera dès lors rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

La qualité à agir des représentants des CPME de Corse, de Haute-Corse et de Corse du Sud

C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le jugement retient que les stipulations statutaires des associations CPME Haute corse et Corse du Sud justifient que leur président a le pouvoir de la représenter en justice sans avoir à justifier d'une autorisation de sorte que la fin de non recevoir soulevée par la CPME tirée de l'absence de qualité à agir des représentants des demanderesses doit être rejetée.

Il sera ajouté que c'est à bon droit que les intimées font valoir que l'article 13 des statuts de la CPME de Haute-Corse et de Corse du Sud confère à son président le pouvoir d'ester en justice et de représenter l'association dans tous les actes de la vie civile, sans avoir à y être autorisé. A cet égard, la cour constate que l'article 13 de ces statuts ne stipule aucune réserve à ce pouvoir sauf s'il devait transiger, ce qui ne lui est permis qu'après autorisation du Conseil d'administration.

Bien que la CPME Corse poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il retient que les statuts de cette association ne confèrent pas à son président le pouvoir de représentation en justice sans autorisation accordée par l'assemblée générale à cette fin, preuve qui n'est toujours pas fournie à hauteur d'appel, il est patent qu'elle ne développe aucun moyen sérieux, ne produit aucune preuve de nature à permettre à cette cour de revenir sur l'appréciation des premiers juges.

Il découle de ce qui précède que le jugement qui déclare la CPME Corse irrecevable en son action et les CPME Haute-Corse et Corse Sud recevables sera confirmé.

Sur la demande d'annulation

Le tribunal a rejeté le moyen soulevé par les demanderesses tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision aux fins d'obtenir cette annulation. Selon lui, par sa lettre du 8 février 2023, le Président de la CPME s'était borné à informer les CPME de Haute-Corse et de Corse du Sud (ci-après, autrement nommées, 'CPME corses') du retrait de l'agrément décidé par le bureau confédéral le 21 septembre 2022.

Pour faire droit aux prétentions des demanderesses, le tribunal a considéré qu'elles n'avaient pas été informées, tant dans leur convocation qu'à l'occasion des réunions qui s'étaient tenues, que le retrait de leur agrément était susceptible d'être prononcé si elles refusaient la fusion. Il en a conclu que la procédure était irrégulière et, par voie de conséquence, la décision portant retrait d'agrément des CPME corses a été annulée.

L'incompétence de l'auteur de la décision

L'article 5 des statuts de la CPME (pièce 10 des intimées) stipule que (souligné par cette cour) 'Les fédérations professionnelles ou les membres de la Confédération, tels que définis à l'article 6 des présents Statuts, peuvent donner à tout moment leur démission, sous réserve du paiement de la cotisation de l'année en cours.

Le Bureau confédéral, après avis de la Commission de discipline, peut exclure un adhérent ou membre ou l'un de leurs représentants suivant les modalités prévues à l'article VII du Règlement Intérieur et retirer l'agrément confédéral et l'usage du sigle CPME suivant les modalités prévues à l'article XVI du Règlement Intérieur.'

L'article VII du règlement intérieur, intitulé 'exclusion d'un adhérent, d'un membre ou d'un de leur représentant de la confédération des PME', précise (souligné par cette cour) que 'La Commission de discipline est composée de cinq membres : le Président de la commission et deux membres tous trois nommés par le Président confédéral ' et deux autres membres nommés par le Bureau confédéral.

En cas de faits qui portent un préjudice grave et notoire à la Confédération, la Commission de Discipline, saisie par le Président, est chargée d'instruire les faits et proposer au Bureau confédéral s'il y a lieu - et après audition de l'intéressé - la solution adaptée (exclusion, retrait d'agrément, suspension, avertissement, etc...).

Le Président est chargé d'exécuter la sanction prévue.'

L'article XVI du Règlement Intérieur, intitulé 'Commissions', précise, s'agissant de la Commission de discipline, que 'Outre son rôle dans la procédure expressément définie à l'article VII du présent Règlement Intérieur, la Commission de discipline peut être chargée par le Président d'instruire pour le Bureau confédéral, et de la même manière, les dossiers de retrait de l'agrément confédéral et ceux de l'usage des sigles confédéraux.'

Il résulte des dispositions susmentionnées que la Commission de discipline, saisie par le Président de la CPME, est chargée d'instruire les faits reprochés à l'adhérent et de proposer au Bureau confédéral, après audition de l'intéressé et dans le respect du principe de la contradiction, la solution adaptée. Le Bureau statue souverainement par une décision motivée et le Président est chargé d'exécuter la sanction prévue.

Le procès-verbal du Bureau Confédéral du 21 septembre 2022 (pièce 8 de l'appelante) indique ce qui suit (souligné par la cour) : 'Comme ce fut le cas pour ses autres unions régionales, la CPME nationale a souhaité suivre la loi NOTRE qui dispose que la Corse ne constitue plus qu'une seule collectivité territoriale. Mais les deux Unions territoriales locales s'y opposent en arguant notamment du fait que plusieurs administrations conservent des représentations territoriales distinctes dans l'île. Face à ce refus de se conformer aux consignes nationales, et après vérification de la conformité juridique de notre positionnement, une commission de discipline s'est tenue le 11 avril dernier. A la suite de cette réunion, où chacun a pu faire valoir ses arguments, il a été décidé d'accepter un délai supplémentaire). Des courriers réitérant les demandes nationales, précisant le délai accordé, et faisant part des conclusions de la commission, présentées et validées lors d'un précédent Bureau confédéral, ont été adressés, le dernier en date du 9 septembre dernier. Mais les élus locaux persistent à refuser de se conformer aux décisions nationales. En conséquence, il est demandé aux membres du Bureau de valider le principe de retrait d'agrément aux CPME de Haute Corse et de Corse du Sud, à défaut de mise en conformité au 31 décembre 2022. Cette décision est adoptée à l'unanimité avec une abstention de [Y] [H]'.

Par lettres, antérieures, du 7 juin 2022 et du 20 juillet 2022 (pièce 5 et 6 de l'appelante), faisant suite à l'audition des intimées par la Commission de discipline de la CPME en avril 2022, cette position, motivée, son fondement juridique (article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales), les conséquences du refus de se conformer aux demandes réitérées, depuis novembre 2018, de la CPME (retrait de l'agrément qui sera proposé au Bureau Confédéral) et le délai imparti pour accomplir les démarches nécessaires à cette mise en conformité (le 31 décembre 2022), ont été notifiées aux CPME corses et de Corse.

Par la suite, le Président de la CPME a notifié aux CPME corses et à la CPME de Corse le 8 février 2023 (pièce 15 des intimées) la décision du Bureau Confédéral adoptée le 21 février 2022.

Il résulte des pièces produites que la décision de retrait d'agrément a été proposée par la Commission de discipline de la CPME au Bureau Confédéral ; que le 21 septembre 2022, ce dernier a adopté la décision litigieuse ; que les CPME corses ont été avisées qu'elles devaient se conformer aux demandes de la CPME pour le 31 décembre 2022 sous peine de retrait de l'agrément ; que les CPME corses ne se sont pas conformées à cette demande expresse et explicite ; que le Président de la CPME s'est borné à exécuter la décision le 8 février 2023, conformément aux pouvoirs qui sont statutairement les siens (pièce 15).

Il s'ensuit que c'est exactement que le premier juge a considéré que le moyen soulevé par les CPME corses, tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision, n'est pas fondé.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Le respect de la procédure disciplinaire

Le tribunal a estimé qu'il résultait des stipulations statutaires qu'un retrait d'agrément ne peut intervenir sans que l'association concernée ait été mise en mesure de présenter préalablement ses observations sur l'éventualité de ce retrait.

Comme indiqué précédemment, pour faire droit aux prétentions des demanderesses, le tribunal a considéré qu'elles n'avaient pas été informées, tant dans leur convocation qu'à l'occasion des réunions qui s'étaient tenues, que le retrait de leur agrément était susceptible d'être prononcé si elles refusaient la fusion. Il en a conclu que la procédure était irrégulière et, par voie de conséquence, la décision portant retrait d'agrément des CPME corses a été annulée.

Toutefois, il résulte expressément des textes susvisés que ce n'est qu'à l'issue de l'instruction de faits qualifiés de disciplinaires que la Commission de discipline, après audition de l'intéressé, se détermine sur la sanction la plus adaptée à proposer au Bureau. Il ne peut donc être reproché à la procédure suivie de ne pas avoir averti les CPME corses, au moment de leur convocation et au cours de l'instruction des faits, de la sanction qui sera proposée au Bureau.

Au reste, les textes sont dénués d'ambiguïté et les CPME corses, qui ont connaissance des statuts de la CPME et du règlement intérieur, savaient que les sanctions pouvaient consister en un blâme, un avertissement, aller jusqu'à l'exclusion, en passant par le retrait d'agrément.

En outre, les CPME corses ont été avisées, avant l'adoption de cette décision par le Bureau confédéral, avant sa mise en oeuvre par le Président Confédéral, qu'elle serait proposée au Bureau confédéral par la Commission de discipline. Il ressort en outre des productions que les CPME corses ont pu formuler leurs observations sur ce point avant que le Bureau confédéral ne soit saisi par la Commission de discipline.

C'est donc à tort que le tribunal a retenu que la procédure était irrégulière.

Le bien-fondé de la décision

L'article 6 des statuts de la CPME, intitulé 'Composition de la Confédération' stipule que (souligné par la cour) 'Les adhérents ou membres sont regroupés comme suit :

I. Organisation nationale

Peuvent être adhérents de la Confédération :

- Les fédérations professionnelles, syndicats, groupements et associations patronaux représentant directement, ou par l'intermédiaire de groupements primaires locaux, les chefs d'entreprise,

- Les unions territoriales CPME agréées par le Bureau confédéral, et dont le fonctionnement en suit les directives.

La base de la structure territoriale de la CPME est le département. Les régions sont impérativement constituées de l'ensemble des départements les composant. Les départements ne peuvent, sous peine de retrait d'agrément, s'exclure de l'entité régionale.'

Ainsi qu'énoncé précédemment, les dispositions pertinentes statutaires sont les articles 5 des statuts de la CPME (pièce 10 des intimées), VII et XVI du règlement intérieur (pièce 11 du règlement intérieur).

L'article 5 des statuts de la CPME, intitulé 'Retraits - Exclusion', stipule que (souligné par cette cour) 'Les fédérations professionnelles ou les membres de la Confédération, tels que définis à l'article 6 des présents Statuts, peuvent donner à tout moment leur démission, sous réserve du paiement de la cotisation de l'année en cours.

Le Bureau confédéral, après avis de la Commission de discipline, peut exclure un adhérent ou membre ou l'un de leurs représentants suivant les modalités prévues à l'article VII du Règlement Intérieur et retirer l'agrément confédéral et l'usage du sigle CPME suivant les modalités prévues à l'article XVI du Règlement Intérieur.'

L'article VII du règlement intérieur, intitulé 'exclusion d'un adhérent, d'un membre ou d'un de leur représentant de la confédération des PME', précise (souligné par cette cour) que 'La Commission de discipline est composée de cinq membres : le Président de la commission et deux membres tous trois nommés par le Président confédéral ' et deux autres membres nommés par le Bureau confédéral.

En cas de faits qui portent un préjudice grave et notoire à la Confédération, la Commission de Discipline, saisie par le Président, est chargée d'instruire les faits et proposer au Bureau confédéral s'il y a lieu ' et après audition de l'intéressé ' la solution adaptée (exclusion, retrait d'agrément, suspension, avertissement, etc...).

Le Président est chargé d'exécuter la sanction prévue.'

L'article XVI du Règlement Intérieur, intitulé 'Commissions', précise, s'agissant de la Commission de discipline, que 'Outre son rôle dans la procédure expressément définie à l'article VII du présent Règlement Intérieur, la Commission de discipline peut être chargée par le Président d'instruire pour le Bureau confédéral, et de la même manière, les dossiers de retrait de l'agrément confédéral et ceux de l'usage des sigles confédéraux.'

C'est à tort que la CPME soutient que l'article 8 du statut, mis à jour au 6 juillet 2022, est applicable au présent litige, puisque la procédure disciplinaire a été engagée avant cette mise à jour des statuts. Cette disposition résultant des statuts de 2022 stipule, en son premier alinéa, que (souligné par cette cour) 'Lorsqu'un adhérent qu'il s'agisse de la personne morale ou de la personne physique la représentant, aura un comportement contraire aux dispositions des présents statuts et des décisions prises sur le plan confédéral, de même que plus généralement un comportement contraire à l'intérêt et l'image de la CPME, il pourra sur demande du Président confédéral faire l'objet d'une procédure disciplinaire qui pourra conduire à son exclusion.'

Les statuts applicables au litige ne prévoient pas la possibilité d'une exclusion ou d'un retrait d'agrément lorsque 'l'adhérent aura un comportement contraire aux dispositions des présents statuts et des décisions prises sur le plan confédéral'.

Il résulte en réalité de la lecture combinée des articles 5 des statuts de 2017, VII et XVI du Règlement Intérieur, que seuls les faits qui portent un préjudice grave et notoire à la Confédération peuvent conduire à l'exclusion qui est la sanction la plus grave, voire au retrait d'agrément.

Il est constant que la CPME ne soutient ni ne justifie l'existence de faits commis par les CPME corses lui portant un préjudice grave et notoire, mais se borne à invoquer le refus de leur part de se soumettre à leur décision leur demandant de fusionner en une instance unique en raison de l'entrée en vigueur de la loi NOTRe (loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République).

Certes, la collectivité de Corse constitue, à compter du 1er janvier 2018, une collectivité à statut particulier au sens de l'article 72 de la Constitution, en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. Elle s'administre librement, dans les conditions fixées par l'ensemble des dispositions législatives relatives aux départements et aux régions non contraires au titre II 'La collectivité territoriale de Corse (Articles L.4421-1 à L.4426-1)'.

Certes, en application de l'article L.4421-1 du code général des collectivités territoriales qui dispose que 'Pour l'application à la collectivité de Corse du premier alinéa du présent article :

1° Les références au département et à la région sont remplacées par la référence à la collectivité de Corse ;

2° Les références au conseil départemental et au conseil régional sont remplacées par la référence à l'Assemblée de Corse ;

3° Les références aux présidents du conseil départemental et du conseil régional sont remplacées par la référence au président du conseil exécutif de Corse ;

4° Les références à la collectivité territoriale de Corse sont remplacées par la référence à la collectivité de Corse.', les départements de Corse ont été supprimés au profit d'une seule et unique collectivité territoriale dite collectivité à statut particulier, dénommée 'collectivité de Corse' de sorte que c'est à tort que les CPME corses soutiennent qu'elles seraient toujours légitimes à revendiquer une dualité d'instances en raison de l'existence d'une dualité de départements en Corse.

Il n'en demeure pas moins que le retrait d'agrément tel que prévu par les statuts applicables au litige n'apparaît pas possible en cas de refus d'exécuter une décision prise sur le plan confédéral s'il n'est pas démontré qu'un tel refus porte un préjudice grave et notoire à la CPME.

En d'autres termes, la CPME a appliqué les stipulations de statuts non encore entrés en vigueur en adoptant cette décision, infligeant une sanction qui n'était pas prévue en pareilles circonstances.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la décision litigieuse avait été adoptée en méconnaissance des critères fixés par les statuts pour conduire au retrait d'agrément et, par voie de conséquence, a annulé la décision litigieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le préjudice financier réclamé par les CPME corses

C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le tribunal a rejeté la demande des CPME corses faute pour elles de démontrer que le refus de la CPME de faire l'avance des fonds pour le financement du dialogue social était exclusivement fondé sur le retrait de l'agrément. A cet égard, c'est tout aussi exactement que le jugement retient que ce refus tient à l'appréciation des actions initiées par les CPME corses. En effet, la CPME justifie que le financement du Dialogue social n'est pas automatique, mais est fonction des actions réelles réalisées.

Le message du président de la CPME du 13 juin 2022 (pièce 22 des intimées) est éloquent. Il y est indiqué en particulier qu'à l'enveloppe de base, résultant de la fusion des deux anciennes enveloppes, une enveloppe complémentaire s'ajoute, attribuée en fonction des résultats. Ces résultats tiennent compte de l'augmentation du réseau d'entrepreneurs, adhérents entre 2021 et 2022, et doivent être attestés par le commissaire aux comptes, par des pièces prouvant que des actions ont bien été réalisées.

Contrairement à ce que soutiennent les CPME corses, il résulte de la pièce 29 qu'elles produisent que l'acompte n'a pas été versé non parce qu'elles n'ont pas fusionné, mais parce que les modalités de versement 'rappelées par [N] [G] (le président Confédéral) dans son mail du 13 juin 2020" n'ont pas été respectées.

Par les pièces produites à hauteur d'appel, les intimées ne démontrent pas le contraire.

Le jugement sera dès lors confirmé.

Sur le préjudice résultant de l'atteinte à l'image alléguée par les CPME corses

C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le jugement retient que les CPME corses ne justifient pas, par leurs productions, l'existence du préjudice qu'elles allèguent.

A hauteur d'appel, elles sont tout aussi défaillantes en ce qu'elles ne démontrent pas l'existence d'une atteinte portée à leur image. La pièce 30 produite est constituée d'une copie d'un article dont il est affirmé qu'il a été publié le 20 mars 2023 dans le quotidien Corse Matin, mais dont la copie versée aux débats ne permet pas de le constater. Cet article intitulé 'La dissolution imposée qui inquiète les CPME', isolé, n'est pas suffisant pour justifier du bien-fondé de leur affirmation selon laquelle l'atteinte à leur image est constituée. Au demeurant, cet article apparaît bienveillant envers les CPME corses.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires de la CPME

C'est exactement que le tribunal a rejeté ces demandes, la décision de retrait de l'agrément ayant été annulée.

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt commande de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

La CPME, partie perdante, supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser la somme de 5 000 euros aux CPME corses (2 500 euros chacune) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la CPME de Corse, fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, ne saurait être accueillie dès lors que la cour a confirmé l'irrecevabilité de son action.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

DÉCLARE régulière la procédure disciplinaire ;

CONDAMNE l'association La Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, dénommée 'CPME nationale' aux dépens d'appel ;

CONDAMNE l'association La Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, dénommée 'CPME nationale' à verser à la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Haute-Corse et la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises de Corse-du-Sud, la somme globale de 5 000 euros (2 500 euros à chacune d'entre elles) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Rosanna VALETTE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

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