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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 20 mars 2025, n° 22/02146

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Square Habitat Nord de France (SAS)

Défendeur :

Square Habitat Nord de France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vitse

Conseillers :

Mme Miller, Mme Van Goetsenhoven

Avocats :

Me Vandamme, Me Lombard, Me Guillemant

TJ Lille, du 15 mars 2022, n° 20-000393

15 mars 2022

M. [G] [R] et son épouse, Mme [K] [P], propriétaires d'un garage constituant le lot n° 130 au sein de la copropriété [Adresse 11] située aux n°s [Adresse 11] à [Localité 9], ont conclu le 25 septembre 2017 un compromis de vente de ce lot avec Mme [O]-[I] [H], par l'intermédiaire de la SAS Square habitat, également syndic de l'immeuble, qui les avait mis en relation, pour un prix de 20 000 euros.

Suivant ordre du jour daté du 8 novembre 2017 et reçu le 22 novembre suivant par courrier recommandé, les époux [R] ont été convoqués à l'assemblée générale des copropriétaires devant se tenir le 14 décembre 2017, en vue notamment de voter notamment des travaux de réfection du parking.

La vente du lot a été régularisée par acte authentique du 8 décembre 2017, mentionnant un prix principal de 20 000 euros et des frais d'agence d'un montant de 5 000 euros à la charge des vendeurs.

Lors de l'assemblée générale du 14 décembre 2017 ont été votés des travaux de réfection complète du parking pour la somme de 184 922,54 euros, outre 11 077,50 euros pour les parties communes.

Les appels de fonds correspondants et successifs par tiers ont été adressés à la nouvelle propriétaire, Mme [H], titulaire de 2 101 millièmes sur 94 537 millièmes de parking et parties communes.

Après avoir été vainement mise en demeure de payer ces charges, une ordonnance d'injonction de payer la somme de 2 716,45 euros en principal, rendue le 21 octobre 2019 à la requête du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 11] a été signifiée le 3 janvier 2020 à Mme [H], qui en a fait opposition le 28 janvier suivant, cette affaire étant enregistrée sous le numéro de rôle 393/20.

Parallèlement, par acte d'huissier du 17 juillet 2020, Mme [H] a fait assigner les époux [R] et la SAS Square Habitat Nord-de-France devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins, notamment, d'obtenir leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à leur manquement à leur devoir d'information pré-contractuelle, outre celle de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral et, subsidiairement, des délais de paiement pour les charges de copropriété impayées dont elle est redevable. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro de rôle 1764/20.

Par jugement du 15 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lille a :

- ordonné la jonction des deux instances 1764/20 et 393/20 sous le n° 393/20 ;

- déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer formée par Mme [H] ;

- confirmé ladite ordonnance ;

- condamné Mme [H] à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 11], représenté par son syndic, la société Square Habitat Nord-de-France, la somme de 2 955,37 euros au titre de l'arriéré de charges, suivant décompte arrêté au 17 janvier 2022 ;

- débouté Mme [H] de sa demande de délais de paiement,

- débouté Mme [H] de ses demandes formées à l'encontre des époux [R] ;

- débouté le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 11], représenté par son syndic, la SAS Square Habitat Nord-de-France, de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formulée à l'encontre de Mme [H] ;

- condamné la société Square Habitat, en sa qualité d'agence immobilière, à verser à Mme [H] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral ;

- débouté les parties de toutes leurs demandes principales, différentes, plus amples ou contraires;

- condamné Mme [H] à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 11] représenté par son syndic, la SAS Square Habitat Nord-de-France, la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Square Habitat Nord-de-France, en sa qualité d'agence immobilière, à payer à Mme [H] la somme de 2 000 euros au titre dudit article 700 ;

- débouté toutes les autres demandes formulées au même titre ;

- condamné Mme [H] à payer au syndicat des copropriétaires les frais de la procédure d'injonction de payer ;

- condamné in solidum Mme [H] et la société Square Habitat Nord-de-France, en sa qualité d'agence immobilière, aux entiers frais et dépens, dans la proportion d'un tiers pour la première et des deux tiers pour la seconde ;

- rappelé que l'exécution provisoire était de droit.

La société Square Habitat Nord-de-France, en sa qualité d'agence immobilière, a interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 27 mai 2022, demande à la cour de l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [H] les sommes de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de toutes leurs autres demandes, y compris celles formées sur le fondement dudit article 700 et en ce qu'elle l'a condamnée, in solidum avec Mme [H], aux dépens et, en conséquence, statuant à nouveau, de :

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [O]-[I] [H] a également interjeté appel de ce jugement et, aux termes de ses dernières conclusions remises le 6 juillet 2022, demande à la cour, au visa des articles 1137, 1104 et 1343-5 du code civil, de l'infirmer en ce qu'il :

- l'a déboutée de ses demandes formulées à l'encontre des époux [R],

- a débouté les parties de toutes leurs autres demandes principales,

- a fixé les dommages et intérêts qui lui étaient dus à la somme de 4 000 euros et son préjudice moral à la somme de 1 000 euros,

- a débouté toutes les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée, in solidum avec la société Square Habitat, aux dépens,

et, en conséquence, statuant à nouveau, de condamner solidairement la société Square Habitat Nord-de-France et les époux [R], outre aux entiers dépens, à lui verser les sommes suivantes:

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

- 1 500 euros en réparation du préjudice moral causé par leur comportement avec intérêts au taux légal à compter dudit jugement ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 4 octobre 2022, les époux [R] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté toutes les autres demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, par conséquent, statuant à nouveau, au visa des 1137 et 1104 du code civil, de :

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner cette dernière, outre aux entiers dépens, à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 7 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera observé que la décision entreprise n'est pas contestée en ce qu'elle a':

- condamné Mme [H] à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 11] représenté par son syndic, la SAS Square Habitat Nord-de-France, la somme de 2 955,37 euros au titre de l'arriéré de charges suivant décompte arrêté au 17 janvier 2022,

- débouté Mme [H] de sa demande de délais de paiement,

- débouté le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 11] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée à l'encontre de Mme [H],

- condamné Mme [H] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [H] à payer au syndicat des copropriétaires les frais de la procédure d'injonction de payer.

Ces dispositions, désormais irrévocables, ne seront donc pas évoquées, le litige se concentrant désormais sur la question des responsabilités respectives des vendeurs et de la SAS Square Habitat, agissant en sa qualité d'agence immobilière, au titre de leurs manquements à leurs obligations pré-contractuelles dans le cadre de la vente.

Il convient par ailleurs, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction sous le numéro de rôle 22-02146 des procédures enrôlées sous les numéros 22-02146 et 22-02320.

Sur la responsabilité des vendeurs

Mme [H] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci n'a pas retenu la responsabilité de ses vendeurs, les époux [R], pour manquement à leur obligation pré-contractuelle d'information, leur réticence étant dolosive. Elle fait valoir que les vendeurs avaient reçu, bien avant la date prévue pour la réitération de l'acte en la forme authentique devant initialement intervenir le 14 décembre 2017, une convocation à l'assemblée générale des copropriétaires de la [Adresse 11] devant se tenir le même jour, avec notamment à l'ordre du jour le vote d'importants travaux de réfection complète du parking et des parties communes'; qu'ils ont exigé et obtenu que la réitération de l'acte soit avancée au 7 décembre 2017, soit avant le vote des travaux, mais qu'ils ne l'ont pas informée de l'assemblée générale devant avoir lieu ni ne lui ont communiqué la convocation à cette assemblée avec son ordre du jour. Elle souligne que l'ampleur des travaux votés, dont sa quote-part s'élève à 4 199,40 euros, soit 4,5 % du prix de vente, aurait été déterminante de son consentement si elle en avait eu connaissance avant la vente, et que son préjudice consiste en une perte de chance de ne pas acquérir le bien, en toute connaissance de cause, ou de l'acquérir dans des conditions économiques plus avantageuses pour elle.

Les époux [R] concluent à la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme [H] de ses demandes formées à leur encontre. Ils font valoir à cet effet que le compromis de vente valant vente a été signé par Mme [H] le 25 septembre 2017, sans condition suspensive de financement et qu'à cette date, ils n'avaient pas connaissance des travaux qui n'ont été votés que le 14 décembre 2017 et évoqués fin novembre 2017. Ils ajoutent que la vente devait initialement être réitérée en octobre 2017 mais qu'elle ne l'a été que le 8 décembre 2017, à la demande et en fonction des disponibilités de Mme [H], et non par l'effet de manoeuvres dolosives de leur part. Ils précisent qu'ils sont retraités et que ne résidant pas habituellement en France, ils avaient donné procuration au notaire dès le 9 octobre 2017 pour se charger de la réitération de la vente selon les disponibilités de Mme [H] ; par ailleurs, le notaire a précisé dans son courrier en date du 6 juillet 2018 s'être rapproché avant la vente de la société Square habitat au sujet d'éventuelles assemblées générales à venir, laquelle ne lui a rien indiqué ; qu'enfin, les travaux litigieux ont été votés postérieurement à la régularisation de l'acte authentique, et non entre la date de signature du compromis et la réitération de la vente par acte authentique, de sorte qu'aucune faute dolosive ne peut leur être reprochée. Ils concluent qu'ils sont de bonne foi, contrairement à Mme [H].

Sur ce

En vertu de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, cette disposition étant d'ordre public.

Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.

Enfin, il résulte de l'article 1137 du même code que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges ; que constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ; que néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Il est constant que le droit de demander la nullité d'un contrat en application de ce texte et de l'article 1131 du code civil n'exclut pas l'exercice, par la victime des manoeuvres dolosives, d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu'elle a subi (Civ. 3ème, 16 mars 2011, n°10-10.503 P), étant précisé que la victime d'un dol qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat peut obtenir la réparation du préjudice correspondant non à la perte de chance de ne pas contracter mais uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses (Cass. Com., 10 juillet 2012, 11-21.954 P).

En l'espèce, par acte sous seing privé conclu le 25 septembre 2017, les époux [R] se sont engagés à vendre à Mme [O]-[I] [H], qui s'est engagée à l'acquérir, un garage box fermé en sous-sol, lot n°130, situé dans l'immeuble soumis au régime de la copropriété sis [Adresse 11] à [Localité 9], cadastré section OW n°[Cadastre 3] pour une contenance de 2 652 m², moyennant un prix de 20 000 euros, sans conditions suspensives autres que celle relative au droit de préemption urbain.

Les parties étant ainsi convenues de la chose et du prix, la vente était parfaite dès le 25 septembre 2017, par application de l'article 1589 du code civil, nonobstant sa réitération ultérieure par acte authentique.

Or le compromis de vente stipule, dans son paragraphe 2.10.3 concernant les charges, avances et travaux relatifs aux parties communes, que :

' - le vendeur s'engage à rembourser à l'acquéreur les provisions, avances, appels de fonds et dépenses non comprises dans le budget prévisionnel et afférentes à des travaux de copropriété décidés avant le jour des présentes, exécutés ou non ou en cours d'exécution, et qui seront exigibles postérieurement à la constatation du transfert de proprété et qui, en application des dispositions légales précitées, seront directement appelées par le syndic à l'acquéreur.

- les provisions ou dépenses non comprises dans le budget prévisionnel et afférentes à des travaux qui pourraient être décidés en assemblée générale, annuelle ou spéciale, réunie entre la signature des présentes et celle de l'acte authentique, seront à la charge de l'acquéreur, sous la condition cependant que le vendeur adresse à l'acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception au moins huit jours avant la tenue de cette assemblée, la convocation, l'ordre du jour et un pouvoir non limité lui permettant de le représenter, faute de quoi le vendeur conservera la charge des travaux éventuellements votés.'

Cet acte prévoyait par ailleurs que la réitération de la vente en la forme authentique devait intervenir au tard le 29 décembre 2017.

Initialement prévue plus tard, la réitération de la vente a finalement été avancée au 8 décembre 2017, ainsi qu'il résulte d'un courrier adressé le 30 novembre 2017 par le notaire aux époux [R], sans que soit pour autant établie une demande formelle des vendeurs à cette fin, contrairement à ce qu'allègue Mme [H].

Il n'est cependant pas contestable que les époux [R], qui ont accusé réception le 22 novembre 2017 de la convocation, qui leur avait été adressée par la société Square Habitat agissant en qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 11], à la réunion de l'assemblée générale des copropriétaires devant se tenir le 14 décembre 2017, en vue notamment de voter des 'travaux de réfection du parking suite aux inondations du garage quand il pleut - devis réfection complète Nord Asphalte - majorité art.24", n'ont pas communiqué cette information à leur acquéreure et ne lui ont pas transmis la convocation, acceptant d'avancer la date de signature de l'acte authentique alors qu'ils avaient encore la possibilité de notifier la convocation à l'acquéreure huit jours au moins avant la vente, ainsi que prévu dans la promesse de vente.

L'acte authentique de vente signé le 8 décembre 2017 stipule, dans son paragraphe relatif aux travaux de copropriété, que : 'Le vendeur supportera le coût des travaux de copropriété décidés au plus tard le 25 septembre 2017, date de l'avant-contrat intervenu entre les parties, que ces travaux soient exécutés ou non ou en cours d'exécution. L'acquéreur supportera seul les travaux qui viendraient à être votés à compter de cette date. Etant observé par le vendeur qu'il n'a pas été, entre cette date et celle des présentes, décidé de travaux dont l'acquéreur n'aurait pas été informé.' (Souligné par la cour)

Si cette dernière phrase n'est pas mensongère dès lors qu'à la date de signature de l'acte authentique, l'assemblée générale destinée à voter les travaux litigieux n'avait pas encore eu lieu, les époux [R] ont cependant commis une faute en omettant de transmettre à leur acquéreure la convocation à l'assemblée générale devant se tenir le 14 décembre 2017.

Pour autant, cette faute n'a pu entraîner pour celle-ci une perte de chance de conclure la vente à des conditions plus favorables dès lors que la vente était déjà parfaite le 25 septembre 2017, mais seulement une perte de chance de participer à ladite assemblée générale et d'y faire valoir ses droits.

Or, il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 14 décembre 2017 que la résolution n°18 relative au vote des travaux litigieux a été adoptée à la majorité des copropriétaires présents et représentés totalisant 34 318/35 069 tantièmes, tandis qu'un seul des copropriétaires présents, représentant 1 751/ 36 069 tantièmes s'y est opposé.

Il s'ensuit que Mme [H], qui dispose de 2 101 tantièmes, n'aurait pu s'opposer à cette décision si elle avait participé à l'assemblée générale et qu'elle ne justifie en conséquence pas d'un préjudice en lien avec la faute commise par les époux [R].

La décision sera donc confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre des époux [R].

Sur la responsabilité de l'agence immobilière

La SAS Square Habitat Nord-de-France, qui sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci l'a condamnée à payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts à Mme [H] pour manquement à son obligation d'information et de conseil dans le cadre de son activité d'agent immobilier, fait valoir qu'elle n'a pas manqué à cette obligation dès lors qu'elle a rédigé un compromis de manière efficace, auquel étaient annexés les procès-verbaux des assemblées générales de copropriétaires des trois années précédentes, le carnet d'entretien et l'état daté de l'immeuble, les vendeurs étant par ailleurs avisés de leur obligation d'information à l'égard de l'acquéreure jusqu'à la vente. Elle soutient qu'elle ne saurait être tenue pour responsable du dol des vendeurs, qui ont réceptionné la convocation à l'assemblée générale des copropriétaires du 14 décembre 2017 mais ne l'ont pas transmise à leur acquéreure. Elle conteste avoir connu, dès l'avant-contrat du 27 septembre 2017, que d'importants travaux allaient être devoir être effectués, dès lors que ce n'est que le 8 novembre 2017 qu'en sa qualité de syndic de copropriété, elle a adressé aux copropriétaires la convocation à l'assemblée générale du 14 décembre 2017, en y incluant une résolution au titre des travaux de réfection. Enfin, s'agissant du préjudice allégué par l'acquéreur, elle souligne que la quote-part spécifiquement en lien avec les travaux s'élève à la somme de 2 716,45 euros et non à celle de 4 334 euros comme indiqué à tort par le premier juge, cette dernière somme incluant de nombreux frais d'actes accomplis par l'huissier au titre du recouvrement des charges ensuite de l'ordonnance d'injonction de payer. Elle fait valoir qu'il est évident que, quand bien même l'information sur les travaux à intervenir aurait été portée à la connaissance de Mme [H] avant la vente, les vendeurs n'auraient pas accepté de négocier le prix de vente du garage, bien rare situé en centre-ville et à potentiel de forte plus-value, de sorte que la perte de chance de négocier le bien à des conditions plus favorable est inexistante.

Mme [H] sollicite pour sa part l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a limité à 4 000 euros le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en réparation du préjudice qui lui a été occasionné par le manquement de l'agent immobilier à son obligation d'information et de conseil et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a évalué à 1 000 euros l'indemnisation de son préjudice moral. Elle soutient à cet effet que la société Square habitat, qui a été l'intermédiaire de la vente et la rédactrice du compromis de vente, était également le syndic de copropriété de l'immeuble ; qu'à ce titre, elle ne pouvait ignorer, dès la signature du compromis, que d'importants travaux de réfection du parking allaient devoir être engagés, dès lors qu'elle avait sollicité, bien avant l'envoi des convocations à l'assemblée générale, des entreprises aux fins d'effectuer des devis qu'elle a joints à la convocation ; qu'il lui appartenait, en sa qualité de professionnelle, de s'assurer que l'acquéreure avait des informations complètes lui permettant d'acquérir l'immeuble en toute connaissance de cause et qu'en manquant à cette obligation et au devoir de loyauté, elle a commis une faute engageant sa responsabilité à son égard.

Sur ce

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il est constant que la responsabilité de l'agent immobilier pour les dommages subis par toutes les personnes parties à une opération dont l'échec est imputable à ses fautes professionnelles a un fondement contractuel à l'égard de ses clients, et délictuel à l'égard des autres parties (Cass. Civ. 1ère, 16 déc. 1992, n° 90-18.151, P).

L'agent immobilier est ainsi tenu, en sa qualité de professionnel, d'une obligation générale d'information et de conseil à l'égard de l'acheteur de l'immeuble vendu par son entremise, et doit notamment attirer son attention sur l'existence de désordres apparents et qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, il ne peut ignorer (Cass. Civ. 1ère , 18 avril 1989, pourvoi n° 87-12.053, Bull. 1989, I, n° 150).

En l'espèce, c'est par l'entremise de la SAS Square Habitat Nord-de-France, par ailleurs syndic de l'immeuble mais également agent immobilier, mandaté par les époux [R] aux fins de leur trouver un acquéreur, que ceux-ci ont conclu la vente litigieuse avec Mme [H].

S'il ne peut être reproché aux époux [R], qui n'avaient pas encore été convoqués à l'assemblée générale du 14 décembre 2017, de n'avoir pas informé leur acquéreure, au stade de la promesse de vente, des travaux de réfection complète devant intervenir dans le parking objet de la vente, la SAS Square Habitat ne peut avoir ignoré, en sa qualité de syndic de l'immeuble, les désordres affectant celui-ci à la suite d'inondations et pour la réparation desquels elle avait sollicité en amont plusieurs entreprises en vue de la réalisation de devis, lesquels ont ensuite été présentés aux copropriétaires en annexe au courrier de convocation à l'assemblée générale.

L'obligation d'information et de conseil de la SAS Square Habitat ne saurait avoir été satisfaite, compte tenu de la connaissance fine de l'état de l'immeuble qu'elle ne pouvait manquer d'avoir en sa qualité de syndic de copropriété, par la seule transmission à l'acquéreure et au notaire des procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, du carnet d'entretien et de l'état daté de l'immeuble, non versés aux débats et dont il n'est pas établi qu'ils auraient mentionné les travaux à effectuer dans le parking de l'immeuble.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que la SAS Square Habitat, agissant en sa qualité d'agence immobilière mandatée par le vendeur, avait manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de l'acquéreure.

Ce manquement a entraîné pour Mme [H] une perte de chance de négocier l'achat de l'immeuble à des conditions plus avantageuses qu'il convient d'évaluer à 90 % de sa quote-part de travaux, soit la somme de 2 444,8 euros (2 716,45 x 90 %), par infirmation de la décision entreprise sur le quantum du préjudice.

Enfin, il convient de limiter à de plus justes proportions le préjudice moral subi par Mme [H] du fait de la découverte, postérieurement à la vente, de ce qu'elle devait financer à brève échéance des travaux qu'elle n'avait pas anticipés. Il lui sera alloué à ce titre la somme de 500 euros à Mme [H].

Sur les demandes accessoires

C'est de manière pertinente que le premier juge a statué sur les dépens, en mettant à la charge de Mme [H] le tiers de ceux-ci, compte tenu de ce qu'elle succombait partiellement à l'instance, et les deux tiers à la charge de la SAS Square Habitat Nord-de-France.

Il en sera de même en appel.

La décision entreprise doit également être confirmée en ce qu'elle a condamné la SAS Square Habitat Nord-de-France à payer à Mme [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance, mais infirmée en ce qu'elle a débouté les époux [R] de leur demande au même titre formée à l'encontre de Mme [H].

Succombant dans son appel à l'encontre des époux [R], Mme [H] sera condamnée à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 700 susvisé ;

Par ailleurs, la SAS Square Habitat Nord-de-France sera condamnée à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros sur le même fondement, au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction sous le numéro de rôle 22/02146 des procédures enrôlées sous les numéros 22/02146 et 22/02320 ;

Statuant dans les limites de l'appel,

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :

- condamné la SAS Square Habitat Nord-de-France à payer à Mme [O]-[I] [H] les sommes de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts et de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

- débouté toutes les autres demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SAS Square Habitat Nord-de-France à payer à Mme [O]-[I] [H] la somme de 2 444,8 euros au titre de son préjudice de perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses ;

Condamne la SAS Square Habitat Nord-de-France à payer à Mme [O]-[I] [H] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la SAS Square Habitat Nord-de-France à prendre en charge les deux tiers des dépens d'appel et Mme [O]-[I] [H] à prendre en charge le tiers de ces dépens ;

Condamne la SAS Square Habitat Nord-de-France à payer à Mme [O]-[I] [H] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Mme [O]-[I] [H] à payer à M. [G] [R] et son épouse, Mme [K] [P], la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute la SAS Square Habitat Nord-de-France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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