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Décisions

CA Rennes, 1re ch., 25 mars 2025, n° 21/06971

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 21/06971

25 mars 2025

1ère chambre B

ARRÊT N°

N° RG 21/06971

N° Portalis

DBVL-V-B7F-SF4Y

(Réf 1ère instance : 19/00945)

SC [13]

C/

M. [I] [E]

Mme [L] [X] épouse [E]

Mme [O] [E] épouse [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 MARS 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président : Madame Véronique VEILLARD, présidente de chambre

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, conseillère

GREFFIER

Madame Morgane LIZEE lors des débats et Madame Elise BEZIER lors du prononcé

DÉBATS

A l'audience publique du 3 septembre 2024

ARRÊT

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 mars 2025 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré initialement prévu le 12 novembre 2024

****

APPELANTE

SC [13] immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le numéro [N° SIREN/SIRET 6], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Localité 14]

Représentée par Me Emmanuelle BLOND, postulant, avocat au barreau de NANTES par Me Yann MICHEL, plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Monsieur [I] [E]

né le [Date naissance 5] 1928 à [Localité 14] - décédé

Madame [L] [X] épouse [E]

née le [Date naissance 9] 1932 à [Localité 14]

[Adresse 12]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Madame [O] [E] épouse [S]

née le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 11] (COTE D'IVOIRE)

[Adresse 10]

[Localité 8]

Représentée par Me Bruno DENIS de la SCP CADORET TOUSSAINT DENIS & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSÉ DU LITIGE

1. M. [I] [E] et Mme [L] [X] épouse [E], leur fille Mme [O] [E] épouse [S] et Mme [K] [F] comptaient parmi les associés de la société civile [13], une société dont l'objet était la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières.

2. En 2007, Mme [S] et son époux ont opéré un changement de régime matrimonial, optant pour le régime de la communauté universelle.

3. Par acte sous signature privée du 26 février 2018, M. [I] [E] et Mme [L] [X] épouse [E] ont cédé en pleine propriété cinq parts sociales de la société à leur fille, Mme [S], au prix de 750 €.

4. Le même jour, M. [S] a rédigé un courrier dans lequel il indiquait avoir été parfaitement informé de cette cession et ne pas souhaiter être personnellement associé de la société [13] pour la moitié des parts acquises par son épouse, et ce malgré la faculté accordée par les dispositions de l'article 1832-2 du code civil.

5. Par lettre recommandée du 26 février 2018, Mme [S] ainsi que M. et Mme [E] (ci-après dénommés les consorts [E]) ont notifié cette cession à Mme [K] [F] (ci-après Mme [F]) prise en sa qualité de gérante de la société civile [13], et lui ont demandé de l'enregistrer sur le registre des transferts de la société.

6. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 8 mars 2018, Mme [F] a refusé de l'enregistrer, contestant l'opposabilité de la cession en l'état et arguant qu'une assemblée générale extraordinaire de la société devait avoir lieu pour obtenir l'agrément des autres associés, conformément à l'article 13 des statuts.

7. Le 20 avril 2018, les consorts [E] ont réitéré leur demande d'enregistrement de la cession des parts sociales auprès de la société [13], estimant que la seule condition préalable était l'information et non l'agrément des associés. Le même jour, ils ont également adressé des courriers recommandés avec accusé de réception aux associés de la société [13] pour les informer de ladite cession.

8. Par lettre recommandée du 26 avril 2018, la société [13] a, par l'entremise de sa gérante, maintenu sa position en refusant à nouveau d'acter la cession de parts sociales dans les livres de la société.

9. Constatant qu'aucun enregistrement n'a été effectué par la société [13], les consorts [E] l'ont, par acte d'huissier du 15 mai 2019, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire aux fins de la condamner à procéder à l'enregistrement de la cession des parts sociales au profit de Mme [S], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

10. Par jugement du 20 mai 2021, le tribunal a :

- condamné la société [13] à procéder à l'enregistrement de la cession de 5 parts sociales de la société consentie par contrat du 26 février 2018 par M. et Mme [E] à leur fille, Mme [S], dans les dix jours à compter de la signification du jugement,

- dit qu'à défaut d'enregistrement dans ce délai, cette condamnation sera assortie d'une astreinte de 100 € par jour de retard pendant 3 mois,

- condamné la société [13] à payer aux consorts [E] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société [13] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société [13] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

11. Le tribunal a considéré que l'acte de cession litigieux était conforme aux exigences figurant aux statuts de la société [13] en ce qui concerne l'opposabilité de la cession. Dans la mesure où le conjoint de Mme [S] a confirmé avoir connaissance de la cession dans une attestation datée du 26 février 2018, soit le jour de la cession et a renoncé à revendiquer la qualité d'associé, la cession opérée vis-à-vis de Mme [S] n'avait pas à être soumise à la procédure d'agrément. De même, les statuts de la société au jour de la cession et au jour de sa notification aux associés n'exigeaient pas de notification préalable du projet de cession aux associés. Ainsi, dès lors que la cession de parts sociales accomplie par M. et Mme [E] au profit de Mme [S] était opposable à la société [13] ainsi qu'à ses associés, il a été fait droit à la demande d'enregistrement de la cession formée par les demandeurs.

12. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 3 novembre 2021, la société [13] a interjeté appel de cette décision.

13. M. [I] [E] est décédé le [Date décès 1] 2023.

* * * * *

14. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 11 juin 2024, la société [13] demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et l'y accueillant,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau,

- juger qu'en application des stipulations de l'article 13 des statuts de la société, la cession intervenue entre M. et Mme [E] et Mme [S] le 26 février 2018 doit être soumise à une information préalable des associés,

- juger que la cession litigieuse est en considération du régime matrimonial de la cessionnaire Mme [S], mariée sous le régime de la communauté universelle avec M. [S], non encore associé, soumise à l'agrément des associés en application des dispositions des articles 1832-2, 1861 du code civil et 13 des statuts,

- en conséquence,

- juger que la cession du 26 février 2018 litigieuse est irrégulière et lui est inopposable comme à ses associés et aux tiers,

- condamner les consorts [E] au paiement in solidum d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [E] aux entiers dépens distraits au profit de Me Emmanuelle Blond conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

15. À l'appui de ses prétentions, la société [13] fait en effet valoir :

- que, conformément à l'article 13 des statuts, la cession à des descendants légitimes n'est libre que 'sous réserve d'une information aux autres associés', et il en découle que tout projet de cession de parts sociales à des descendants légitimes doit être préalablement transmis aux autres associés, ce qui n'a pas été fait en l'espèce,

- que la finalité de cet article est la préservation de l'intuitu personae au sein de la société, ce pourquoi toute cession à des descendants légitimes du cédant et a fortiori à son conjoint non associé doit être obligatoirement précédée de la notification du projet de cession aux associés,

- que, si l'acte de cession litigieux fait mention du fait que M. [S] 'déclare (') ne pas avoir l'intention de revendiquer la qualité d'associé de la société', cet acte n'est assorti d'aucune signature de ce dernier et n'est pas valable précisément du fait que M. [S] ne pouvait pas renoncer à une qualité d'associé qu'il n'avait pas,

- que, dès lors que les associés de la société [13] n'ont pas été en mesure de se prononcer, par décision collective extraordinaire, sur l'agrément d'une telle cession, celle-ci n'est pas conforme aux articles 1832-2 ,1861, 1865 du code civil ainsi qu'à l'article 13 des statuts et, partant, doit être considérée comme lui étant inopposable,

- qu'en tout état de cause, il revenait aux cédants de procéder à l'enregistrement de la cession conformément aux dispositions du code général des impôts,

- qu'elle n'est pas redevable d'une indemnisation à l'égard des intimées dès lors - qu'elle n'a commis aucune faute et qu'elle a agi dans le cadre de son obligation de s'assurer du respect des statuts.

* * * * *

16. Dans leurs dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 17 juin 2024, les consorts [E] demandent à la cour de :

- déclarer la société [13] mal fondée en son appel,

- débouter la société [13] de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la société [13] à verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les recevoir en leur appel incident sur l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau de ce chef,

- condamner la société [13] à leur verser la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance,

- y additant,

- condamner la société [13] à verser à Mme [E] d'une part et à Mme [S] d'autre part chacune la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner la société [13] à leur verser la somme de 5.400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel.

17. À l'appui de leurs prétentions, les consorts [E] font en effet valoir :

- que, conformément à l'article 13 des statuts, l'information sur la cession qui a eu lieu le 26 février 2018 a été donnée immédiatement à la société qui lui a répondu le 8 mars 2018, soit une dizaine de jours plus tard,

- qu'en tout état de cause, Mme [S], qui était déjà associée et descendante légitime des cédants, pouvait acquérir les parts sans informer préalablement les associés,

- que M. [S] a renoncé à la qualité d'associé dans une attestation faite en ce sens le jour de la cession, ce qui confirme qu'il n'y avait lieu à agrément de la part de la société [13] concernant la cession litigieuse,

- que l'article 13 alinéa 2 des statuts mentionne la nécessité d'inscrire la cession sur le 'registre des transferts tenu par la société' pour qu'elle soit opposable à la société, d'où il suit que sa gérante devra procéder à l'achat d'un registre pour respecter les statuts,

- que le présent appel repose sur un conflit familial et découle d'une volonté d'écarter Mme [S] de la société civile [13].

* * * * *

18. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024.

19. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à l'enregistrement de la cession de parts sociales

1 - la notification préalable du projet de cession des parts sociales

20. La société [13] soutient que les consorts [E] ont manqué à leur obligation de notification préalable de la cession des parts sociales aux associés de la société, comme le prévoit l'article 13 des statuts à jour au 19 avril 2015 et dont l'objectif est la préservation du caractère intuitu personae de la société familiale.

21. Elle considère qu'il découle de cet article 13 que la cession à des descendants légitimes du cédant est libre sous réserve d'une information préalable aux associés et que, ce faisant, tout projet de cession doit être préalablement transmis aux autres associés avant l'enregistrement de l'acte de cession auprès des services fiscaux et son dépôt au greffe et, surtout, avant d'avoir été régularisé et signé par les cocontractants.

22. La société [13] prétend que l'acte de cession n'a pas été enregistré auprès des services fiscaux et n'a pas été déposé au greffe. Il a été transmis à la gérante le 26 février 2018, puis à ses associés le 20 avril 2018, ce dont il s'infère que lesdits associés n'ont été informés de la cession que postérieurement.

23. Partant, la société [13] affirme qu'une cession de parts sociales, fût-elle libre, ne dispense nullement les cédants d'effectuer une notification préalable du projet de cession aux associés par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception afin qu'ils soient informés de la cession en amont et non deux mois après la régularisation, le défaut de notification préalable de la cession la rendant irrégulière et inopposable.

24. Les consorts [E] affirment quant à eux que la société [13] a dénaturé l'article 13 des statuts en ayant considéré, à tort, qu'il découlait de l'interprétation de cet article que tout projet de cession de parts sociales à des descendants légitimes du cédant doit être préalablement notifié aux autres associés.

25. Ils ajoutent qu'il convient de distinguer les cessions de parts soumises à agrément de celles qui ne le sont pas. Ainsi, certes, les cessions de parts sociales soumises à agrément nécessitent de recourir à une notification préalable, mais, a contrario, les cessions qui concernent un descendant légitime du cédant ne nécessitent qu'une information et non une notification préalable à la société et aux associés.

26. Enfin, les consorts [E] rappellent qu'une modification des statuts a eu lieu le 28 avril 2018, soit après la cession litigieuse, conditionnant dorénavant la cession de parts sociales aux descendants du cédant à 'une notification préalable aux autres associés dans les 30 jours', ce dont il s'évince que la société [13] savait pertinemment qu'aucune notification préalable ne devait être faite aux associés, sans quoi il n'y avait aucun intérêt à modifier l'article 13 des statuts.

Réponse de la cour

27. L'article 1192 du code civil prévoit qu' 'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation'.

28. L'article 1189 dispose que 'toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

Lorsque, dans l'intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s'interprètent en fonction de celle-ci'.

29. Aux termes de l'article 1861, 'les parts sociales ne peuvent être cédées qu'avec l'agrément de tous les associés.

Les statuts peuvent toutefois convenir que cet agrément sera obtenu à une majorité qu'ils déterminent, ou qu'il peut être accordé par les gérants. Ils peuvent aussi dispenser d'agrément les cessions consenties à des associés ou au conjoint de l'un d'eux. Sauf dispositions contraires des statuts, ne sont pas soumises à agrément les cessions consenties à des ascendants ou descendants du cédant.

Le projet de cession est notifié, avec demande d'agrément, à la société et à chacun des associés. Il n'est notifié qu'à la société quand les statuts prévoient que l'agrément peut être accordé par les gérants.

Lorsque deux époux sont simultanément membres d'une société, les cessions faites par l'un d'eux à l'autre doivent, pour être valables, résulter d'un acte notarié ou d'un acte sous seing privé ayant acquis date certaine autrement que par le décès du cédant'.

30. En l'espèce, l'article 13 des statuts de la société [13] à jour au 19 avril 2015 intitulé 'cession et transmission des parts sociales' est ainsi rédigé :

'Toute cession de parts doit être constatée par un acte notarié ou sous seing privé.

La cession est rendue opposable à la Société par voie d'inscription sur le registre de transfert tenu par la Société.

Pour être opposable aux tiers, la cession doit en outre avoir été déposée au greffe, en annexe du registre du commerce et des sociétés.

Les parts sociales ne peuvent être cédées qu'avec un agrément donné dans les conditions ci-dessous, et ce, même si les cessions sont consenties au conjoint non associé.

Par exception, sous réserve d'une information aux autres associés, les cessions à descendants légitimes du cédant et à son conjoint déjà associé sont libres. Il en est de même pour les bénéficiaires d'une succession ou d'une donation s'ils ont déjà la qualité d'associé.

L'agrément des associés est donné dans la forme d'une décision collective extraordinaire.

Le projet de cession est notifié à la Société et à chacun des associés, accompagné de la demande d'agrément, par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'assemblée statue dans les 30 jours suivant la notification à la Société du projet de cession et sa décision est notifiée aux associés par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les 10 jours (')'.

31. Il découle de cette version de l'article 13 applicable à la cession litigieuse (26 février 2018) que la cession de parts sociales au descendant légitime d'un associé cédant est libre, sous réserve d'une information aux autres associés.

32. Dès lors, il y a lieu de considérer que les consorts [E] ont, en ayant avisé de la cession la société [13] le 26 février 2018 et les autres associés de ladite société le 20 avril 2018 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, appliqué les stipulations contractuelles de l'article 13 de statuts qu'il leur incombait de respecter.

33. L'article 13 des statuts, dont il n'est pas allégué qu'il ne serait pas conforme aux dispositions de l'article 1861 du code civil, ne prévoit une notification préalable du projet de cession que pour les cessions de parts sociales soumises à agrément. S'agissant ici d'une cession dite 'libre', effectuée par M. et Mme [E] à leur fille Mme [S], elle se trouvait exemptée de la procédure d'agrément, seule la formalité de l'information aux associés leur étant imposée, sans condition d'antériorité de cette information à l'acte de cession.

34. La modification de l'article 13 des statuts de la société [13], votée en assemblée générale le 28 avril 2018, soit après la cession litigieuse, et qui soumet dorénavant la cession de parts sociales aux descendants du cédant à 'une information préalable aux autres associés dans les 30 jours précédant la cession' est sans emport sur le présent litige dès lors que, comme l'a justement rappelé le premier juge, les modalités de notification de la cession sont conformes aux stipulations contractuelles prévues à l'article 13 des statuts de la société [13], à jour au 19 avril 2015 et applicables au jour de la cession litigieuse.

35. Le premier juge a, à bon droit, écarté ce moyen.

2 - l'agrément et la renonciation de la qualité d'associé de la société [13] par M. [S]

36. La société [13] soutient que Mme et M. [S] ont, le 9 novembre 2007, modifié leur régime matrimonial en optant pour le régime de la communauté universelle. Or, le 26 février 2018, Mme [S], associée de la société [13], a employé les biens communs de son couple pour acheter cinq parts sociales de la société [13], de sorte que M. [S] obtient à son tour la qualité de cessionnaire, alors que la cession à son profit suppose un agrément tel que le prévoyait l'article 13 des statuts de la société [13] applicable à la date de la cession litigieuse.

37. La société [13] ajoute, d'une part, qu'il doit, dans l'acte de cession du 26 février 2018, à peine de nullité, être fait mention de ce que M. [S] a bien été averti de la cession. Or, si l'acte litigieux précise que M. [S] 'déclare avoir pris connaissance de ladite acquisition en y donnant son consentement (') et déclare ne pas avoir l'intention de revendiquer la qualité d'associé de la société', pour autant, il ne comporte ni paraphe, ni signature de ce dernier.

38. Elle ajoute, d'autre part, que l'attestation du 26 février 2018 portant renonciation de M. [S] à la qualité d'associé de la société [13] au titre de l'acquisition des parts sociales par Mme [S] n'a été transmise ni à la société, ni aux associés préalablement (et à tout le moins concomitamment) à la cession litigieuse, de sorte que M. [S], personne physique non associée, doit également être réputé cessionnaire des parts et est, ce faisant, soumis à la procédure d'agrément, ce dont il s'infère que la cession viole les dispositions de l'article 1861 et 1832-2 du code civil ainsi que l'article 13 des statuts de la société.

39. Les consorts [E] soutiennent quant à eux que la renonciation, dans l'acte de cession du 26 février 2018, de la qualité d'associé par M. [S] est parfaitement régulière, dès lors qu'il est fait mention de ce que 'les parts sociales étant acquises au moyen de bien commun du couple, le conjoint de l'acquéreur déclaré ne peut avoir l'intention de revendiquer la qualité d'associé de la société'.

40. De plus, ils soutiennent, d'une part, que, nonobstant l'absence de paraphe et de signature, il s'avère que M. [S] a tout de même bel et bien renoncé à la qualité d'associé aux termes d'un acte spécifique en visant l'article 1832-2 du code civil et que Mme [S] n'avait qu'à avertir M. [S] de la cession sans qu'il lui soit imposé une quelconque intervention dans l'acte de cession.

41. D'autre part, les consorts [E] ajoutent qu'afin d'éviter toute ambiguïté, une attestation a été remplie le 26 février 2018 confirmant la renonciation de M. [S] à la qualité d'associé de la société [13], cette renonciation n'ayant pas à être transmise préalablement ni même concomitamment à la cession, comme le prétend l'appelante, puisque M. [S] n'avait pas, dans ces conditions, à être agréé par les associés.

Réponse de la cour

42. L'article 1832-2 du code civil dispose qu' 'un époux ne peut, sous la sanction prévue à l'article 1427, employer des biens communs pour faire un apport à une société ou acquérir des parts sociales non négociables sans que son conjoint en ait été averti et sans qu'il en soit justifié dans l'acte.

La qualité d'associé est reconnue à celui des époux qui fait l'apport ou réalise l'acquisition.

La qualité d'associé est également reconnue, pour la moitié des parts souscrites ou acquises, au conjoint qui a notifié à la société son intention d'être personnellement associé. Lorsqu'il notifie son intention lors de l'apport ou de l'acquisition, l'acceptation ou l'agrément des associés vaut pour les deux époux. Si cette notification est postérieure à l'apport ou à l'acquisition, les clauses d'agrément prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint ; lors de la délibération sur l'agrément, l'époux associé ne participe pas au vote et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.

Les dispositions du présent article ne sont applicables que dans les sociétés dont les parts ne sont pas négociables et seulement jusqu'à la dissolution de la communauté'.

43. La renonciation du conjoint à revendiquer la qualité d'associé peut se faire par une mention dans l'acte de cession de ladite renonciation. Elle peut aussi être tacite dès lors que les circonstances établissent, de façon non équivoque, la volonté du conjoint de renoncer et sans qu'elle ne soit soumise à aucune condition de forme particulière.

44. En l'espèce, M. [S] n'a pas entendu revendiquer la qualité d'associé de la société [13] au titre de l'article 1832-2 du code civil.

45. En effet, d'une part, il est fait mention dans l'acte de cession du 26 février 2018 que M. [S] 'déclare avoir pris connaissance de ladite acquisition en y donnant son consentement (') et déclare ne pas avoir l'intention de revendiquer la qualité d'associé de la société', ce dont il s'évince que, nonobstant l'absence de signature et de paraphe de sa part, il est fait état de qu'il a pris connaissance de l'acquisition des parts sociales par son épouse, ainsi que de sa volonté de renoncer à la qualité d'associé de la société [13], sans qu'il soit tenu d'intervenir dans l'acte de cession.

46. D'autre part, cette renonciation ne laisse place à aucun doute, considérant l'attestation du 26 février 2018 qui vient, de façon univoque, confirmer la renonciation de M. [S] à revendiquer la qualité d'associé.

47. Il s'avère donc que M. [S] a bien pris connaissance de ce que son épouse se portait acquéreur de parts sociales auprès de la société [13], que la renonciation à la qualité d'associé de ladite société est régulière et que, ce faisant, la cession litigieuse n'avait nul besoin d'être soumise à l'agrément des associés pour être opposable à la société.

48. Le premier juge a, à bon droit, écarté ce moyen.

3 - la vocation de M. [S] à acquérir la qualité d'associé en cas de prédécès de Mme [S]

49. La société [13] soutient que le tribunal s'est fourvoyé en ayant considéré que 'la qualité d'associé de la société (...) n'entre pas dans la communauté' et en se fondant sur l'arrêt Bourcier de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 22 décembre 1969.

50. Elle affirme que cet arrêt est inopérant, dès lors que, d'une part, M. [S], non associé et marié sous le régime de la communauté universelle, pourrait prétendre à un droit de créance, ainsi qu'à la qualité d'associé en cas de prédécès de Mme [S] et, d'autre part, qu'aucune procédure d'agrément n'est requise pour le conjoint survivant puisqu'il est investi des parts sociales du fait de la convention matrimoniale et non de la liquidation de la communauté.

51. Les consorts [E] soutiennent qu'il n'y a pas lieu de s'appesantir sur la qualité d'associé de M. [S] en cas de prédécès de son épouse puisque toutes les parties sont encore en vie.

Réponse de la cour

52. Concernant le sort des parts sociales au moment de la liquidation de la succession de l'associé défunt, lorsque lesdites parts peuvent être cédées librement, sans que l'ayant droit ait besoin de recevoir un agrément, le conjoint, en tant qu'ayant droit, acquiert la qualité d'associé.

53. A contrario, si la loi ou les statuts imposent l'agrément, soit l'ayant droit est agréé et il devient associé, soit l'agrément lui est refusé et il a alors droit, en application du principe dissociant le titre et la finance, du point de vue patrimonial, à la valeur des parts sociales mais, juridiquement, il ne peut acquérir la qualité d'associé, notamment les droits politiques y attachés.

54. Ainsi, une indivision successorale ne porte pas sur les parts sociales mais uniquement sur la valeur de celles-ci. Les héritiers d'un associé d'une société de personne ont, lorsqu'il a été stipulé que la société continuerait avec eux, la qualité d'associé.

55. En l'espèce, l'article 14 des statuts de la société [13] à jour au 19 avril 2015 prévoit que 'la société n'est pas dissoute par le décès d'un associé, mais continue de plein droit avec ses héritiers ou légataires, à condition qu'ils obtiennent un agrément des associés dans les conditions définies à l'article 13 des statuts'.

56. Il ne peut être valablement soutenu par la société [13] que M. [S], non associé et marié sous le régime de la communauté universelle, puisse prétendre à la qualité d'associé en cas de prédécès de Mme [S] sans qu'il y ait lieu de faire usage de la procédure d'agrément pour le conjoint survivant telle que prévue à l'article 13 des statuts, peu important qu'il soit investi des parts sociales du fait de la convention matrimoniale et non de la liquidation de la communauté.

57. En cas de prédécès de Mme [S], les parts sociales ne peuvent être librement cédées et sont par conséquent soumises à un agrément des associés, enlevant à M. [S] la possibilité d'obtenir mécaniquement la qualité d'associé en raison du décès de son épouse. En cas de refus d'agrément, il ne pourra obtenir que la valeur des parts sociales.

58. L'éventuel prédécès de Mme [S] n'empêchera pas les associés de la société [13] de refuser la qualité d'associé à M. [S] à l'occasion de la procédure d'agrément qu'il lui incombera de respecter pour prétendre à cette qualité.

59. C'est par un abus de langage et sur le fondement d'une jurisprudence inappropriée que le premier juge a considéré que M. [S] n'avait pas vocation à acquérir la qualité d'associé de la société [13], alors qu'en cas de prédécès de Mme [S], il pourra toujours solliciter à cette fin une procédure d'agrément.

4- la possibilité pour la société [13] d'enregistrer la cession

60. La société [13] soutient qu'elle se trouve dans l'impossibilité d'exécuter la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal consistant à procéder à l'enregistrement de la cession de cinq parts sociales sous astreinte.

61. Rappelant qu'aucune cession enregistrée ne lui a été transmise, elle affirme qu'elle ne dispose pas de registre de titres et que l'enregistrement auprès des services des impôts et le dépôt au greffe de l'acte de cession incombent exclusivement au cédant et au cessionnaire.

62. Elle prétend qu'elle ne peut nullement se substituer au cédant et au cessionnaire dans l'accomplissement des formalités légales d'enregistrement et de dépôt et qu'il appartient aux parties contractantes d'y procéder afin de rendre la cession opposable à la fois à la société [13] et aux tiers.

63. Les consorts [E] soutiennent quant à eux que la cession est, conformément à l'article 13 des statuts, rendue opposable à la société par voie d'inscription sur le 'registre des transferts tenu par la société'.

64. Ils ajoutent que la gérance est en contradiction avec ses propres statuts et que l'absence de registre de titres par la société [13] ne l'empêchait nullement d'acquérir un cahier permettant de tenir lieu de registre des transferts.

Réponse de la cour

65. L'article 1865 du code civil prévoit que 'la cession de parts sociales doit être constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société dans les formes prévues à l'article 1690 ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société.

Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et après publication'.

66. Selon l'article 1690, 'le cessionnaire n'est saisi à l'égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur.

Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l'acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique'.

67. L'article 635 du code général des impôts dispose que 'doivent être enregistrés dans le délai d'un mois à compter de leur date sous réserve des dispositions des articles 637 et 647 (') les actes portant cession d'actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires ou cession de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions'.

68. L'article 652 édicte que 'l'enregistrement des actes sous seings privés, qui doivent être présentés à cette formalité dans un délai fixé par la loi, a lieu, pour ceux d'entre eux portant transmission de propriété, d'usufruit ou de jouissance de biens immeubles, de fonds de commerce ou de clientèle, ou cession d'un droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail concernant tout ou partie d'un immeuble, au service des impôts de la situation des biens, et, pour tous les autres, à celui du domicile de l'une des parties contractantes'.

69. Aux termes de l'article 1712, 'les droits des actes civils et judiciaires emportant translation de propriété ou d'usufruit de meubles ou immeubles, sont supportés par les nouveaux possesseurs, et ceux de tous les autres actes le sont par les parties auxquelles les actes profitent, lorsque, dans ces divers cas, il n'a pas été stipulé de dispositions contraires dans les actes'.

70. En l'espèce, l'article 13 des statuts de la société [13] prévoit que la cession est rendue opposable à la société par voie d'inscription sur le 'registre des transferts tenu par la société', ce qui dispensait les consorts [E] de procéder par voie de signification.

71. Mais il s'agit ici d'une simple formalité d'inscription sur le registre ad hoc, et non d'enregistrement au sens de l'article 635 du code général des impôts.

72. En effet, l'enregistrement est une formalité administrative consistant à déposer l'acte de cession auprès des services fiscaux, notamment en vue du paiement des droits d'enregistrement, tandis que l'inscription est une formalité interne à la société consistant en l'actualisation du registre des parts sociales au sein de cette dernière.

73. La lecture des écritures des consorts [E] ne fait aucun doute sur le fait qu'ils ne souhaitent pas que la société [13] se substitue à eux dans les formalités d'enregistrement. De ce point de vue, c'est par un écart de langage qu'ils sollicitent un 'enregistrement' aux lieu et place d'une 'inscription'

74. Pour autant, la société [13] ne saurait exiger, pour effectuer cette inscription, le préalable des formalités fiscales d'enregistrement qui ne concernent que le paiement des droits par le cessionnaire.

75. Le jugement sera confirmé sauf à substituer le terme d' 'inscription au registre des transferts tenu par la société' à celui d' 'enregistrement', manifestement équivoque.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

76. Les consorts [E] soutiennent que l'appel interjeté par la société [13] sur une décision pourtant fondée et juridiquement motivée, n'a pour seule raison d'être que l'existence d'un conflit familial et pour objectif d'écarter Mme [S] de la société. À cette situation non dépourvue d'un caractère vexatoire pour cette dernière, s'ajoute l'âge avancé des parents qui s'inquiètent de la réalisation définitive de la cession.

77. Pour eux, l'appel interjeté est d'autant plus abusif que la société [13] n'est pas elle-même concernée par la querelle.

78. Enfin, s'il est vrai que Mme [S] avait choisi de s'écarter de la société [13] en 2013 en cédant la nue-propriété de ses parts, pour autant, les relations s'étant apaisées, l'objectif est de revenir à l'esprit d'origine, à savoir le caractère familial empreint d'intuitu personae de la société.

79. La société [13] réplique que la responsabilité délictuelle suppose une faute, un préjudice et un lien de causalité et que l'exercice d'une action en justice constitue un droit fondamental qui ne peut engager la responsabilité de celui qui l'intente qu'en cas d'abus caractérisé.

80. Non seulement elle considère n'avoir commis aucune faute de nature à fonder l'octroi de dommages et intérêts, mais encore Mme [S] avait elle-même délibérément choisi de s'écarter de la société en 2014 en cédant la nue-propriété de ses actions, de sorte qu'elle doit assumer les conséquences de son choix.

Réponse de la cour

81. L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit que 'celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés'.

82. L'article 559 dispose qu' 'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle'.

83. Selon l'article 581, 'en cas de recours dilatoire ou abusif, son auteur peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés à la juridiction saisie du recours'.

84. Aux termes de l'article 1240 du code civil, 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

85. L'exercice du droit d'agir en justice et d'interjeter appel ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif. Ainsi, l'appelant ne peut être condamné pour procédure abusive dans le cas où sa demande est accueillie et ce, même partiellement.

86. En l'espèce, les consorts [E] affirment que le recours exercé par la société [13] est abusif sans faire état d'éléments de nature à motiver leur affirmation.

87. Un jugement fondé et juridiquement motivé n'empêche nullement qu'il soit interjeté appel de la décision, quand bien même le recours trouverait sa source dans un conflit familial entre les parties.

88. Pour faire bonne mesure, la cour observe qu'elle a écarté un des motifs retenus dans le jugement et qu'elle a 'éclairé' la portée de son dispositif, ce dont il se déduit que l'appel ne peut pas est considéré comme abusif.

89. De façon surabondante, l'évaluation du préjudice n'est fondée que sur des affirmations.

90. Partant, les consorts [E] seront déboutés de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts.

Sur les dépens

91. Les dispositions relatives aux dépens de première instance seront confirmées. La société [13], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

92. Les dispositions relatives aux frais irrépétibles de première instance seront confirmées. L'équité commande de faire bénéficier Mme [L] [X] épouse [E] et Mme [O] [E] épouse [S] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire du 20 mai 2021, sauf à substituer le terme d' 'inscription au registre des transferts tenu par la société' à celui d' 'enregistrement',

Y ajoutant,

Déboute Mme [L] [X] épouse [E] et Mme [O] [E] épouse [S] de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Condamne la société [13] aux dépens d'appel,

Condamne la société [13] à payer à Mme [L] [X] épouse [E] et Mme [O] [E] épouse [S] ensemble la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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