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Décisions

CA Lyon, ch. soc. c, 21 mars 2025, n° 24/09139

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/09139

21 mars 2025

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 24/09139 - N° Portalis DBVX-V-B7I-QBD5

S.A.S. GROUPE C2S

C/

[O]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 30 Septembre 2021

RG : F19/01173

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 21 Mars 2025

APPELANTE :

S.A.S. GROUPE C2S

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Valérie BOUSQUET de la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Lise ROUGERIE, avocat plaidant du même barreau et Me Nathalie ROSE, avocat postulant également du même barreau

INTIME :

[U] [O]

né le 13 Décembre 1953 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Audrey CARRE, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 30 Janvier 2025

Présidée par Agnès DELETANG, présidente et Yolande ROGNARD, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Agnès DELETANG, président

- Yolande ROGNARD, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 21 Mars 2025 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès DELETANG, présidente, et par Fernand CHAPPRON, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Vu le jugement rendu le 30 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Lyon qui, saisi d'un litige opposant la société Groupe C2S à son salarié, [U] [O], a :

- dit et jugé que la réalité du prêt entre la société C2S et M. [U] [O] n'est pas démontrée ;

En conséquence,

- débouté la société C2S de sa demande de remboursement de la somme de 83.237,50 euros au titre du remboursement de prêt et intérêts liés ;

- débouté la société C2S de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société C2S à verser à M. [U] [O] la somme de 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes demandes distinctes plus amples ou contraires ;

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;

Vu l'appel interjeté contre cette décision par la société Groupe C2S selon déclaration d'appel transmise par voie électronique le 28 octobre 2021 ;

Vu les conclusions au fond transmises par voie électronique le 25 janvier 2022 par la société Groupe C2S ;

Vu les conclusions au fond transmises par voie électronique le 22 avril 2022 par M. [U] [O] ;

Vu les conclusions au fond transmises par voie électronique le 15 octobre 2024 par la société Elsan venant aux droits de la société Groupe C2S ;

Vu les conclusions d'incident transmises par voie électronique le 18 octobre 2024 par lesquelles M. [U] [O] a demandé au conseiller de la mise en état de :

- dire et juger que la société Groupe C2S n'avait pas de personnalité morale le 25 janvier 2022, au jour de la notification des conclusions d'appelant ;

- dire et juger que la société Elsan SAS qui a conclu le 15 octobre 2024 n'a pas conclu dans le délai fixé aux articles 908 et 911 du Code de procédure civile ;

- dire et juger que la déclaration d'appel est caduque ;

- condamner la Société Groupe C2S au versement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens ;

Vu les conclusions en réponse sur incident transmises par voie électronique le 29 octobre 2024 par lesquelles la société Elsan venant aux droits de la société Groupe C2S a demandé au conseiller de la mise en état de :

- dire et juger que la société groupe C2S a conservé sa capacité juridique jusqu'à sa radiation intervenue le 31 janvier 2022 ;

En conséquence,

- dire et juger recevables les conclusions d'appel régularisées par la société groupe C2S le 25 janvier 2022 ;

- débouter M. [U] [O] de sa demande de caducité de la déclaration d'appel et de l'intégralité de ses demandes comme particulièrement infondées ;

- condamner M. [O] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Elsan SAS ;

- le condamner aux dépens de l'incident.

Vu l'ordonnance rendue le 21 novembre 2024 par laquelle le conseiller de la mise en état a :

- dit que les conclusions remises au greffe et notifiées à M. [U] [O] par la société Groupe C2S le 25 janvier 2022 sont nulles,

- déclaré caduque la déclaration d'appel,

- condamné la société Elsan à payer à M. [U] [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Elsan aux dépens d'appel.

Vu la requête en déféré formée par la société Elsan par déclaration reçue au greffe le 4 décembre 2024 ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2025 par la société Elsan, à l'effet de voir :

- infirmer l'ordonnance rendue par le Conseiller de la mise en état le 21 novembre 2024, en ce qu'elle a dit que les conclusions remises au greffe et notifiées à M. [U] [O] par la société Groupe C2S le 25 janvier 2022 étaient nulles, déclaré caduque la déclaration d'appel, et condamné la société Elsan à payer à M. [U] [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel ;

statuant à nouveau,

- dire et juger que la société groupe C2S a conservé sa capacité juridique jusqu'à sa radiation intervenue le 31 janvier 2022 ;

- juger régulières les conclusions d'appel régularisées par la société groupe C2S le 25 janvier 2022 ;

en tout état de cause,

- dire et juger que l'intervention de la société Elsan comme venant aux droits de la société C2S a valablement régularisé la procédure ;

- déclarer irrecevable la demande de M. [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

en conséquence,

- débouter M. [U] [O] de sa demande de caducité de la déclaration d'appel et de l'intégralité de ses demandes comme particulièrement infondées ;

- condamner M. [O] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Elsan SAS ;

- le condamner aux dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique par M. [U] [O], à l'effet de voir :

- confirmer l'ordonnance rendue par le Conseiller de la mise en état le 21 novembre 2024 en ce qu'il a :

* dit que les conclusions remises au greffe et notifiées à M. [O] par la Société Groupe C2S le 25 janvier 2022 sont nulles,

* déclaré caduque la déclaration d'appel,

* condamné la Société la Société Elsan aux entiers dépens d'appel ;

- infirmer l'ordonnance rendue par le Conseiller de la mise en état le 21 novembre 2024 en ce qu'il a limité la condamnation de la Société Elsan au titre de l'article de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 1.500 euros.

par conséquent, statuant à nouveau,

- dire et juger que la société Groupe C2S n'avait pas de personnalité morale le 25 janvier 2022 au jour de la notification des conclusions d'appelant et que les conclusions sont donc nulles ;

- dire et juger que la société Elsan SAS qui a conclu le 15 octobre 2024 n'a pas conclu dans le délai fixé aux articles 908 et 911 du Code de procédure civile et que ses conclusions sont donc nulles ;

- dire et juger que la déclaration d'appel est caduque ;

- condamner la société Groupe C2S au versement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la caducité de la déclaration d'appel :

Pour voir infirmer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état, la société Elsan soutient qu'après avoir relevé appel le 28 octobre 2021 du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 30 septembre 2021, la société groupe C2S a régularisé des conclusions le 25 janvier 2022, soit avant sa radiation au registre du commerce et des sociétés intervenue le 31 janvier 2022, rendant opposable aux tiers sa dissolution, et donc sa perte de la capacité juridique. Elle affirme que la circonstance selon laquelle la date de l'assemblée générale ayant approuvé l'opération de fusion-absorption, donnant qualité pour agir à la société absorbante, n'a pas pour effet de priver la société absorbée de sa capacité juridique, qui persiste jusqu'à la date de sa radiation au registre du commerce et des sociétés de Saint Etienne, laquelle est intervenue le 31 janvier 2022. Elle en conclut que la société Groupe C2S avait donc la capacité juridique tant à la date de sa déclaration d'appel intervenue le 28 octobre 2021, qu'à celle de la régularisation de ses conclusions d'appelante en date du 25 janvier 2022, de sorte qu'il ne saurait lui ne saurait être opposé la caducité de l'appel tirée du non-respect du délai de l'article 908 du code de procédure civile.

La société Elsan fait également valoir que la fusion absorption est intervenue en cours d'instance, et qu'en qualité de société absorbante, elle est intervenue par voie de conclusions ; que son intervention au cours de l'instance permet d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la disparition du droit d'agir de la société absorbée.

En déposant des conclusions comme venant aux droits de la société C2S, la société a valablement régularisé, avant que le juge ne statue, l'irrégularité tirée de la disparition du droit d'agir de cette dernière.

M. [U] [O] soutient, quant à lui, que c'est à la date de la dernière assemblée générale approuvant l'opération de fusion absorption, soit le 23 décembre 2021, que la société Groupe C2S a perdu sa personnalité morale, peu important la date de publicité au registre du commerce et des sociétés, de sorte que lorsque cette dernière a régularisé ses conclusions d'appelante le 25 janvier 2021, elle n'avait plus aucune personnalité morale ; elle en conclut que les conclusions prises au nom d'une société dépourvue de personnalité juridique sont nulles.

Il souligne également que la société Elsan SAS devait notifier ses conclusions d'appelant dans le délai de 3 mois conformément aux articles 908 et 911 du Code de procédure civile ; ses premières conclusions n'ayant été adressées que le 15 octobre 2024, celles-ci sont nulles.

Sur ce,

Vu les articles 117 et 121 du code de procédure civile ;

En vertu de l'article 117 du code de procédure civile, le défaut de capacité d'ester en justice constitue une irrégularité de fond.

Des dispositions combinées des articles 908 et 911 du Code de Procédure Civile, il s'évince que l'appelant dispose à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de sa déclaration d'appel pour adresser ses conclusions d'appel au greffe et pour notifier lesdites conclusions à l'avocat des parties qu'il a intimées.

En vertu de l'article L 236-3 du code de commerce, la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l'état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l'opération.

Selon l'article L 236-4 du même code, la fusion prend effet en l'absence de création d'une société nouvelle, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération sauf si le contrat prévoit que l'opération prend effet à une autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l'exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.

Il en résulte que la fusion-absorption fait disparaître la personnalité morale et met fin à l'existence juridique de la société absorbée, à la date de sa prise d'effet.

Il ressort des pièces produites que la société C2S a fait l'objet, le 23 décembre 2021, d'une fusion-absorption par la société Elsan ; l'associé unique de cette société a approuvé à cette date le projet de fusion de sorte que celle-ci était devenue définitive, la société C2S se trouvant dissoute de plein droit ce même jour sans qu'il y ait lieu de procéder à sa liquidation.

La société Elsan ne fait état d'aucune disposition du contrat stipulant une date d'effet distincte de celle de la dernière assemblée générale ayant approuvé le projet.

Dès lors, la société C2S a perdu sa capacité de poursuivre l'instance en appel à la date du 23 décembre 2021, peu important la date à laquelle est intervenue sa radiation au registre du commerce et des sociétés.

Les actes de la procédure d'appel accomplis par la société C2S, soit les conclusions déposées le 25 janvier 2022, dans le délai accordé à l'appelant pour conclure, prévu l'article 908 du code de procédure civile et de notification de ses conclusions à M. [U] [O] sont en conséquence affectés d'une irrégularité de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile.

A la différence de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la partie intimée, dont l'article 126 du code de procédure civile prévoit expressément qu'elle se trouve régularisée par l'intervention de la personne ayant qualité pour agir ou défendre en justice, la nullité pour défaut de capacité tirée de l'absence de personnalité morale de la société absorbée n'est pas susceptible de régularisation par l'intervention volontaire postérieure de la société absorbante venant à ses droits (Cass. Chambre civile 2, 8 septembre 2022, 21-11.892).

Par conséquent, l'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a constaté la caducité la déclaration d'appel formée par la société Groupe C2S.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en faveur de l'une quelconque des parties.

Pour avoir succombé en sa requête en déféré, la société Elsan sera condamnée à supporter les dépens de la présente instance en déféré.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme l'ordonnance entreprise,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une quelconque des parties ;

Condamne la société Elsan à supporter les dépens de la présente instance en déféré.

Le greffier La présidente

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