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Décisions

CA Reims, ch.-1 civ. et com., 25 mars 2025, n° 24/00997

REIMS

Ordonnance

Autre

CA Reims n° 24/00997

25 mars 2025

COUR D'APPEL

DE REIMS

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

N° RG 24/00997 - N° Portalis DBVQ-V-B7I-FQIV-11

Monsieur [V] [T], né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 6] (Guadeloupe),

Représentant : Me Arnaud GERVAIS, avocat au barreau de REIMS

La S.C.I. ALYOH, société civile immobilière au capital de 1,000 €, immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le n °493 435 655, dont le siège social est sis à [Adresse 4] ,

Représentant : Me Arnaud GERVAIS, avocat au barreau de REIMS

APPELANTS AU PRI NCIPAL

DEFENDEURS A L'INCIDENT

LE FONDS COMMUN DE TITRISATION ORNUS, représenté par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIES, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 334 537 206, ayant son siège social à [Adresse 5], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la société CREDIT DU NORD, société anonyme, inscrite au RCS de LILLE sous le n° 456 504 851, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal, domicilié de droit audit siège, en vertu d'un acte de cession de créances en date du 19 avril 2021, soumis aux dispositions du code monétaire et financier,

Représentant : Me Marine BASSET, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Lucie RENOUX de la SCP DGK AVOCATS ASSOCIÉS,

avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

INTIM E AU PRINCIPAL

DEMANDEURA L'INCIDENT

ORDONNANCE D'INCIDENT

DU : 25 mars 2025

Nous, Kevin LECLERE VUE, conseiller chargé de la mise en état, assisté de Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière ;

Après débats à l'audience du 11 mars 2025 , avons rendu l'ordonnance suivante :

EXPOSE DE LA PROCEDURE

Selon jugement contradictoire du 22 mars 2024, le tribunal judiciaire de Troyes a principalement :

déclaré recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Ornus, représenté par son recouvreur la société MCS et associés,

condamné la SCI Alyoh à payer au Fonds commun de titrisation Ornus, représenté par son recouvreur la société MCS et associés, la somme de 68 092,64 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 25 janvier 2023, en remboursement des sommes dues au titre du prêt consenti par la société Crédit du nord par acte authentique du 31 janvier 2007,

condamné M. [V] [T], en sa qualité de caution de la SCI Alyoh, à payer au Fonds commun de titrisation Ornus, représenté par son recouvreur, la société MCS et associés, la somme de 57 971,13 euros, en remboursement des sommes dues au titre du prêt consenti par la société Crédit du nord par acte authentique du 31 janvier 2007,

condamné solidairement la SCI Alyoh et M. [V] [T] à payer au Fonds commun de titrisation Ornus, représenté par son recouvreur la société MCS et associés, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [V] [T] et la SCI Alyoh de leurs prétentions tendant à ce qu'ils soient mis hors de cause, à l'indemnisation pour procédure abusive et des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

condamné la SCI Alyoh et M. [V] [T] aux entiers dépens.

Le jugement a été signifié à la SCI Alyoh le 22 avril 2024 par remise de l'acte à domicile.

La jugement a été signifié à M. [T] le 22 avril 2024 par procès-verbal de recherches infructueuses.

Par déclaration du 22 juin 2024, la SCI Alyoh et M. [T] ont interjeté appel de ce jugement.

Le FCT Ornus, représenté par son recouvreur la société MCS et associés, a constitué avocat par acte notifié par RPVA le 26 août 2024.

Par conclusions sur incident notifiées par RPVA le 15 novembre 2024, le FCT Ornus a saisi le conseiller de la mise en état aux fins d'irrecevabilité et de radiation de l'appel.

Dans ses dernières conclusions sur incident notifiées par RPVA le 10 mars 2025, le FCT Ornus demande au conseiller de la mise en état, au visa des articles 524 et 538 du code de procédure civile, de :

déclarer irrecevable l'appel interjeté par la SCI Alyoh,

ordonner la radiation de l'appel de M. [T] et la SCI Alyoh,

condamner in solidum M. [T] et la SCI Alyoh à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouter M. [T] et la SCI Alyoh de l'intégralité de leurs prétentions,

condamner les mêmes aux dépens de l'instance.

Au soutien de l'irrecevabilité de l'appel de la SCI Alyoh, il indique que celle-ci a interjeté appel hors délai puisque le jugement lui ayant été signifié le 22 avril 2024, elle avait donc jusqu'au 22 mai 2024 pour exercer son recours.

Il considère que l'acte de signification n'est pas nul et que le commissaire de justice n'avait pas à rechercher d'autres adresses pour signifier l'acte dès lors que l'adresse à laquelle la signification a été faite est l'adresse régulièrement déclarée par la SCI Alyoh.

Il précise qu'en présence d'une adresse connue, une signification par procès-verbal de recherches infructueuses n'était pas possible.

A l'appui de sa demande de radiation de l'appel à de la SCI Alyoh et de M. [T], il fait valoir sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile que les appelants n'ont pas exécuté la décision de première instance.

Il expose que les justificatifs produits sont anciens et incomplets, que M. [T] est associé d'une société qui détient plusieurs biens immobiliers et que les appelants ne justifient pas de leur impossibilité d'exécuter la décision de première instance.

Dans ses conclusions responsives sur incident notifiées par RPVA le 9 mars 2025, M. [T] et la SCI Alyoh demandent au conseiller de la mise en état, au visa des articles 524, 656 et 658 du code de procédure civile, de :

déclarer l'appel de la SCI Alyoh recevable,

débouter le FCT Ornus de sa demande de radiation de l'appel,

débouter le FCT Ornus de ses prétentions,

condamner le FCT Ornus à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'incident.

En défense à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel de la SCI Alyoh, ils exposent que l'acte de signification délivré à celle-ci est nul faute pour le commissaire de justice d'avoir effectué les diligences afin de signifier l'acte par procès-verbal de recherches infructueuses.

Ils ajoutent que l'acte a été signifié au siège social de la SCI Alyoh, qui est l'immeuble à usage commercial dans lequel était exploitée la boîte de nuit, laquelle a été vendalisée et abandonnée depuis de nombreuses années.

En défense à la demande de radiation de l'appel, ils indiquent être dans l'impossibilité d'exécuter la décision de première instance dès lors que la SCI Alyoh ne dispose d'aucune ressource du fait de l'absence de locataire dans l'immeuble dont elle est propriétaire ; que M. [T] perçoit de faibles revenus et ne dispose plus d'aucun revenu foncier ; que la SCI dont il est le co-gérant est en liquidation judiciaire depuis le 5 février 2022 et qu'une clôture pour insuffisance d'actif est à prévoir.

A l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la recevabilité de l'appel de la société Alyoh

En application combinée des articles 538 et 528 du code de procédure civile, le délai pour interjeter appel est d'un mois à compter de sa signification.

Selon l'article 656 du même code, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. Passé ce délai, l'huissier de justice en est déchargé.

L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.

L'article 658 de ce code ajoute que pour l'application de l'article 656 précité, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l'article 656. La lettre contient en outre une copie de l'acte de signification.

Il en est de même en cas de signification à domicile élu ou lorsque la signification est faite à une personne morale.

Le cachet de l'huissier est apposé sur l'enveloppe.

Il est de droit constant que la signification d'un acte à une société au lieu de son établissement, lequel correspond au lieu de son siège social tel que figurant au K bis, est, en l'absence sur place de toute personne susceptible de recevoir l'acte, régulière en la forme.

En l'espèce, il résulte de l'acte dressé le 22 avril 2024 par Me [H], commissaire de justice à [Localité 7], que la signification a été faite au siège social de la SCI Alyoh situé [Adresse 1] (pièce intimée n°23).

Cependant, le commissaire de justice n'ayant trouvé sur place acune personne susceptible de recevoir la copie de l'acte du fait que la société était fermée au moment de son passage, celui-ci a été déposé en son étude.

L'acte mentionne les diligences accomplies par le commissaire de justice pour s'assurer de la réalité du domicile de la SCI Alyoh comme suit :

'Confirmation auprès du registre du commerce et des sociétés'.

A ce titre, le FCT Ornus produit aux débats le dernier procès-verbal d'assemblée générale de la SCI Alyoh certifié par le greffier du tribunal de commerce de Troyes le 17 février 2017, qui mentionne qu'elle a transféré son siège social à compter du 30 septembre 2016 à l'adresse suivante : [Adresse 1] (pièce n°28).

La certitude de la domiciliation de la SCI Alyoh à cette adresse est également établie postérieurement par ses propres conclusions d'incident qui la mentionnent.

Contrairement à ce que soutient la SCI Alyoh, le commissaire de justice, en présence d'une adresse connue, et dont la certitude était en outre établie, n'était pas tenu de lui signifier l'acte par procès-verbal de recherches infructueuses.

Il est par ailleurs peu important que l'établissement ne soit plus exploité ou que les locaux aient été abandonnés ou vandalisés dès lors qu'au jour de la signification, la personne morale y est toujours domicilée.

Il s'ensuit que l'acte de signification, remis à domicile conformément aux dispositions précitées, ne peut en aucune manière encourir le grief de la nullité alléguée par les appelants.

Dans ces circonstances, le délai d'un mois dont disposait la SCI Alyoh pour interjeter appel a commencé à courir le 22 avril 2024 et a expiré le 22 mai 2024 à minuit.

La SCI Alyoh, qui a interjeté appel suivant déclaration du 22 juin 2024, était donc forclose à cette date.

Par suite, la SCI Alyoh sera déclarée irrecevable en son appel.

II. Sur la radiation de l'appel de M. [T]

Aux termes du premier alinéa de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Il sera rappelé en premier lieu que l'article susvisé a pour but de faire assurer par le débiteur l'exécution des jugements de première instance assortis de l'exécution provisoire. Il a été jugé que les dispositions relatives à la radiation étaient conformes à l'article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de sorte qu'il n'existe aucune entrave disproportionnée au droit d'accès à la cour d'appel dès lors qu'il s'agit d'une mesure - la radiation - qui laisse la possibilité à l'appelant de faire réinscrire l'affaire dès qu'il s'acquitte de son obligation à paiement résultant de l'exécution provisoire attachée à la décision qu'il attaque.

En l'espèce, M. [T] verse aux débats son avis d'imposition 2024 au titre des revenus perçus en 2023, qui mentionne un revenu fiscal de référence de 9 408 euros (pièce n°13).

Il justifie être hébergé à titre gratuit chez Mme [P] [G] (pièce n°8).

Il dispose de revenus perçus au titre d'une activité intérimaire entre 111,15 euros et 617,27 euros sur la période comprise entre 1er janvier 2024 et le 18 mai 2024.

Il démontre que la SCI Giron, dont il est le co-gérant, est en liquidation judiciaire sur conversion de redressement judiciaire depuis le 18 janvier 2022 (pièces n°18 à 20).

Il produit enfin une saisie adminsitrative à tiers détenteur d'un montant de 1 793,50 euros (pièce n°16).

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de considérer que M. [T] est, en l'état, dans l'impossibilité d'exécuter le jugement frappé d'appel.

Par voie de conséquence, la demande aux fins de radiation de l'affaire du rôle de la cour d'appel formée par le FCT Ornus sera rejetée.

Les dépens, qui suivront le sort de ceux de l'instance d'appel au fond, seront réservés.

Enfin, compte tenu de l'issue de l'incident d'instance, les parties seront respectivement déboutées de leur prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par mise à disposition au greffe et par ordonnance contradictoire,

Déclarons irrecevable l'appel interjeté par la SCI Alyoh le 22 avril 2024,

Rejetons la demande de radiation de l'affaire enregistrée sous le n° RG 24/00997 du rôle de la cour d'appel formée par le Fonds commun de titrisation Ornus, représenté par son recouvreur la société MCS et associés, à l'encontre de M. [V] [T],

Réservons les dépens,

Déboutons le Fonds commun de titrisation Ornus, représenté par son recouvreur la société MCS et associés, de sa prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboutons M. [V] [T] et la SCI Alyoh de leur prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller de la mise en état

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