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CA Caen, 2e ch. civ., 20 mars 2025, n° 24/00918

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 24/00918

20 mars 2025

AFFAIRE : N° RG 24/00918

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de LISIEUX en date du 23 Février 2024

RG n° 2022.1767

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 MARS 2025

APPELANT :

Monsieur [M] [H] [K]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 6] (PORTUGAL)

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Vanessa LEMARECHAL, avocat au barreau de LISIEUX,

Assisté de Me Diane BEN HAMOU, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

N° SIRET : 542 016 381

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée et assistée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 20 janvier 2025, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 20 mars 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

*

* *

Suivant acte sous signature privée du 20 novembre 2020, la société Crédit industriel et commercial (CIC) a consenti à la société Refuel, devenue SAS Global énergie service, un prêt professionnel n°00020113102 d'un montant de 200.000 euros, remboursable en 48 mensualités, au taux d'intérêt contractuel fixe de 1,50% l'an, destiné à financer les besoins en fonds de roulement de la société.

Le remboursement de ce prêt a été assorti de plusieurs garanties :

- une garantie BPI France financement à hauteur de 40%,

- le cautionnement solidaire de M. [M] [H] [K], dirigeant de la société Refuel, à concurrence de la somme de 50.000 euros, représentant 25% de l'encours du prêt ;

- une garantie consistant dans le blocage du compte courant d'associé de M. [K] à hauteur de 100.000 euros.

Par jugement du 2 août 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Global énergie service et désigné Me [F] [O], mandataire judiciaire associé au sein de la SELARL Actis, en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 septembre 2022, la société CIC a déclaré entre les mains du liquidateur judiciaire une créance au passif de la société Global énergie service pour un montant de 122.639,17 euros à titre échu et de 1 euro à échoir, au titre du prêt professionnel consenti le 25 novembre 2020.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 septembre 2022, la banque CIC a mis en demeure M. [K], en sa qualité de caution, de lui régler la somme de 30.660,04 euros correspondant à la quotité garantie par ce dernier, soit 25% de l'encours, outre les intérêts continuant à courir jusqu'à parfait paiement avant le 2 octobre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 21 octobre 2022, le CIC a assigné M. [K] devant le tribunal de commerce de Lisieux aux fins de le voir condamner, en sa qualité de la caution de la société Global énergie service refuel, au paiement de la somme de 30.660,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2022, outre les frais irrépétibles et les dépens.

Par jugement du 23 février 2024, le tribunal de commerce de Lisieux a :

- condamné M. [M] [H] [K] à payer à la société Crédit industriel et commercial la somme de 30.660,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2022 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- écarté le bénéfice de l'exécution provisoire ;

- condamné M. [M] [H] [K] à payer à la société Crédit industriel et commercial la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [M] [H] [K] aux entiers dépens et liquidé les frais 93,60 euros comprenant le coût de l'ordonnance du 20 septembre 2023.

Selon déclaration du 12 avril 2024, M. [M] [H] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions déposées le 10 juillet 2024, l'appelant demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Y faisant droit et statuant de nouveau,

A titre principal sur la décharge du cautionnement,

- Débouter le Crédit industriel et commercial de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- Prononcer l'engagement de caution de M. [M] [H] [K] comme étant manifestement disproportionné aux biens et aux revenus,

A titre subsidiaire,

- Accorder un délai de 24 mois à M. [M] [H] [K] pour s'acquitter de sa créance,

En tout état de cause,

- Condamner le Crédit industriel et commercial à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées le 9 octobre 2024, le CIC demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où, par impossible, la cour accorderait des délais de grâce à M. [M] [H] [K],

- Fixer le montant des mensualités dues par celui-ci et leur date de règlement et ordonner qu'à défaut de règlement d'une seule échéance à bonne date l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible,

Y ajoutant et en tout état de cause,

- Condamner M. [M] [H] [K] au paiement d'une somme supplémentaire de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

- Débouter M. [M] [H] [K] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 11 décembre 2024.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS

1. Sur la disproportion de l'engagement de caution

Aux termes de l'article L. 332-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Le texte concerne toutes les cautions personnes physiques sans distinction, averties ou profanes.

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il incombe à la caution de rapporter la preuve de la disproportion, qui doit être manifeste, lors de la souscription de son engagement, et si celle-ci est démontrée, au créancier d'établir que le patrimoine de la caution lui permet à nouveau de faire face à ses engagements lorsqu'elle est appelée.

La disproportion doit être évaluée lors de la conclusion du contrat de cautionnement et au jour où la caution est appelée au regard du montant de l'engagement souscrit et de ses biens et revenus, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'engagements de caution précédents pour autant qu'ils aient été portés à la connaissance de la banque.

Les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement. (Com. 26 janv. 2016, n°13-28.378).

La fiche de renseignements que les banques ont l'usage de transmettre aux futures cautions n'est, en droit, ni obligatoire ni indispensable.

La fiche de renseignements, qui est concomitante au cautionnement souscrit, date à laquelle il convient de se placer pour apprécier le caractère manifestement disproportionné ou non de l'engagement, lie la caution quant à la situation patrimoniale qu'elle y expose, le créancier n'ayant pas, sauf anomalie apparente, à en vérifier l'exactitude. (Civ. 1re, 24 mars 2021, n°19-21.254).

En l'espèce, M. [K] fait grief au jugement entrepris d'avoir pris en compte, pour apprécier le caractère disproportionné de son engagement de caution, l'actif déclaré dans la fiche patrimoniale au titre de l'apport personnel sur compte courant de la société Refuel d'un montant de 100.000 euros alors qu'il a commis une erreur d'appréciation dans l'estimation de cette somme puisqu'il n'avait plus de compte courant associé en 2020.

M. [K] fait valoir par ailleurs que son patrimoine actuel ne lui permet pas de faire face aux sommes réclamées par la banque.

Il ressort de la fiche patrimoniale de caution signée le 22 octobre 2020 que M. [K] exerce une profession indépendante en tant que gérant de la société Refuel et perçoit un salaire mensuel de 2.500 euros, soit des revenus annuels de 30.000 euros. Il déclare être séparé et ne pas avoir de personne à charge.

M. [K] déclare au titre de son actif patrimonial un 'apport personnel sur compte courant Refuel d'un montant de 100.000 euros'. Il ne déclare aucun patrimoine immobilier.

Il n'est mentionné aucun endettement.

La banque n'avait aucune raison de douter de la véracité des informations ainsi renseignées par la caution.

L'erreur invoquée par M. [K] ne peut ainsi être prise en compte, ce dernier étant lié par sa déclaration.

De surcroît, M. [K] fait valoir que son compte courant d'associé était d'un montant de 15.388 euros au 31 décembre 2019, ce compte apparaissant sous le numétro 4551 en comptabilité.

Ce même numéro de compte en face duquel aucun nom n'apparaît plus le 7 décembre 2021 indique toutefois un montant en débit pour la société de 136.056 euros sans explication de la part de M.[K].

Il apparaît ainsi que les premiers juges ont fait une appréciation exacte de la situation en retenant que le montant de l'engagement de caution à concurrence de 50.000 euros souscrit auprès du CIC n'excède pas la valeur du patrimoine de la caution et ne présente pas de caractère manifestement disproportionné.

Il s'ensuit que la banque peut se prévaloir de l'engagement de caution de M. [K].

Le montant de la somme réclamée par le CIC à M. [K] n'est pas contesté.

En considération de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [M] [H] [K], en sa qualité de caution, à payer à la société Crédit industriel et commercial la somme de 30.660,04 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 septembre 2022 et a ordonné la capitalisation des intérêts.

2° Sur les délais de paiement

Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, M. [K] se borne à solliciter des délais de paiement sans produire des éléments permettant à la cour d'apprécier sa situation financière actuelle, les derniers bulletins de salaire communiqués datant de janvier et février 2023. Il ne justifie non plus de l'opportunité de prévoir de tels délais et de la possibilité de respecter un éventuel calendrier de paiement.

Dès lors, la demande de délais de paiement formulée par M. [K] sera rejetée.

3° Sur les demandes accessoires

Compte tenu de la solution donnée au litige, les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance seront confirmées.

M. [K], succombant, sera condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société CIC la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et sera débouté de sa demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [M] [H] [K] de sa demande de délais de paiement ;

Condamne M. [M] [H] [K] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [M] [H] [K] à payer à la SA Crédit industriel et commercial la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute M. [M] [H] [K] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

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