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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 21 mars 2025, n° 24/00674

BOURGES

Arrêt

Autre

CA Bourges n° 24/00674

21 mars 2025

SM/MMC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- la SCP GERIGNY & ASSOCIES

- la SCP SOREL & ASSOCIES

NOTIFICATION AUX PARTIES (exp.)

NOTIFICATION AU MINISTÈRE PUBLIC

LE : 21 MARS 2025

exp. TC

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 21 MARS 2025

N° RG 24/00674 - N° Portalis DBVD-V-B7I-DVHR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de BOURGES en date du 21 Mai 2024

PARTIES EN CAUSE :

I - Mme [B] [M]

née le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 6] (COTE D'IVOIRE)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

aide juridictionnelle Totale numéro 18033 2024/002389 du 18/07/2024

APPELANTE suivant déclaration du 18/07/2024

II - S.C.P. OLIVIER ZANNI ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [B] EXOTIQUE

[Adresse 4]

[Localité 1]

N° SIRET : 439 439 076

Représentée par la SCP SOREL & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

INTIMÉE

21 MARS 2025

p. 2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. TESSIER-FLOHIC, Président chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Alain TESSIER-FLOHIC Président de Chambre

M. Richard PERINETTI Conseiller

Mme Marie-Madeleine CIABRINI Conseiller

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS

***************

Le dossier a été communiqué au Ministère Public lequel a rédigé des conclusions le 08/01/2025 qui ont été transmises par voie électronique aux avocats des parties le même jour.

***************

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ DU LITIGE

La SASU [B] Exotique, ayant pour gérant unique Mme [B] [M], a exercé à compter du mois de janvier 2020 une activité d'achat et vente de produits alimentaires exotiques et non exotiques, produits cosmétiques, produits de beauté et transferts d'argent.

Par jugement en date du 11 avril 2023, le tribunal de commerce de Bourges a ouvert l'égard de cette société une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par décision rendue par la même juridiction le 14 juin suivant. La SCP Olivier Zanni a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier recommandé en date du 17 janvier 2024, la SCP Olivier Zanni a mis Mme [M] en demeure de rembourser diverses sommes dont elle estimait qu'elles correspondaient à des dépenses étrangères à l'objet social, le compte courant d'actionnaire de Mme [M] présentant par ailleurs un solde débiteur.

Suivant acte de commissaire de justice en date du 20 février 2024, la SCP Olivier Zanni a fait assigner Mme [M] devant le tribunal de commerce de Bourges aux fins de voir dire et juger son action recevable et bien fondée, condamner en conséquence Mme [M] à lui payer et porter la somme de 10.000€, augmentée des intérêts au taux légal, la condamner aux dépens, et ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Mme [M] n'a pas comparu, ni été représentée devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire du 21 mai 2024, le tribunal de commerce de Bourges a condamné Mme [M] à payer porter à la SCP Olivier Zanni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [B] Exotique la somme de 10.000€, majorée des intérêts au taux légal courant à compter du 17 janvier 2024, dit que les dépens étaient à la charge de Mme [M], taxés et liquidés concernant les frais de greffe à la somme de 60,22€ TTC et rappelé que l'exécution provisoire du jugement était de droit.

Le tribunal a notamment retenu que le liquidateur judiciaire démontrait que la gérante de la SASU [B] Exotique avait réalisé des dépenses des fins personnelles pour un montant total de 13.366,40€, que le compte courant d'actionnaire de Mme [M] présentait un solde débiteur de 582,29€, et que les dispositions de l'article L225-43 du code de commerce faisaient interdiction aux mandataires sociaux de se faire consentir un tel découvert.

'

Mme [M] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 18 juillet 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, Mme [M] demande à la Cour de la recevoir en son appel et de la déclarer bien fondée, d'infirmer en totalité la décision attaquée et statuant à nouveau, de dire que l'assignation délivrée le 20 février 2024 est entachée d'une nullité et débouter la SCP Olivier Zanni de l'intégralité de ses demandes.

Subsidiairement, l'appelante sollicite que la SCP Olivier Zanni es-qualité soit déboutée purement et simplement de ses demandes non-conformes au fondement juridique invoqué et condamnée aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 janvier 2025, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'il développe, la SCP Olivier Zanni demande à la Cour à titre principal de débouter Mme [M] de son appel et de ses prétentions, et de confirmer le jugement entrepris sauf à dire que Mme [M] sera condamnée à payer à la SCP Olivier Zanni somme de 13.949,09 € outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024,

Subsidiairement et en qualité d'appelant incident, le liquidateur judiciaire de la SASU [B] Exotique demande de condamner Mme [M] à lui payer la somme de 13.949,09 € outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024.

En tout état de cause, il est sollicité le rejet de toutes prétentions plus amples et contraires à celles de la SCP Olivier Zanni es qualité et la condamnation de Mme [M] à lui payer une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées le 8 janvier 2025, M. le Procureur général près la cour d'appel de Bourges sollicite la confirmation de la décision entreprise.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2023.

MOTIFS

Sur la nullité de l'assignation soulevée par Mme [M] :

Aux termes de l'article 853 du code de procédure civile, les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce.

La constitution de l'avocat emporte élection de domicile.

Les parties sont dispensées de l'obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000€ ou qu'elle a pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000€, dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. Le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37.

Dans ces cas, elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.

Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial.

L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

L'article 855 du même code prévoit que l'assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites par les articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France s'il réside à l'étranger.

L'acte introductif d'instance mentionne en outre les conditions dans lesquelles le défendeur peut ou doit se faire assister ou représenter, s'il y a lieu, le nom du représentant du demandeur ainsi que, lorsqu'il contient une demande en paiement, les dispositions de l'article 861-2.

L'article 752 du même code dispose que lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l'assignation contient à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat du demandeur ;

2° Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat.

Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

En l'espèce, la demande principale présentée par la SCP Olivier Zanni excède le seuil de 10.000€ en ce qu'elle comporte une demande de condamnation à paiement d'une somme de 10.000€ majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024, les intérêts échus au jour de la délivrance de l'acte introductif d'instance, soit au 20 février 2024, devant être pris en compte (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 2ème, 17 novembre 1993, n° 92-12.333).

L'assignation aurait en conséquence dû comporter l'indication des conditions dans lesquelles la défenderesse devrait se faire assister ou représenter ainsi que le délai dans lequel elle était tenue de constituer avocat.

Il ressort par ailleurs de l'article 114 du code de procédure civile qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l'occurrence, l'omission dans l'acte introductif d'instance des mentions ci-dessus détaillées est constitutive d'une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 précité et non d'une nullité de fond affectant la validité de l'acte, dont la liste est limitativement énumérée par l'article 117 du même code.

Il en résulte que pour être accueillie, la nullité pour vice de forme oblige celui qui l'invoque à justifier d'un grief.

Mme [M] ne justifie d'aucun grief qu'aurait pu lui causer l'omission des mentions concernées, étant rappelé que bien que s'étant vu régulièrement signifier l'acte introductif d'instance (lequel mentionnait la possibilité qui lui était offerte de se défendre elle-même, ou de se faire assister ou représenter par un avocat ou tout mandataire) à l'étude du commissaire de justice, elle n'a pour autant pas jugé opportun de comparaître devant le tribunal de commerce.

L'exception de nullité de l'assignation soulevée par Mme [M] sera en conséquence rejetée.

Sur la demande en paiement présentée par la SCP Olivier Zanni :

L'article L225-43 du code de commerce pose pour principe qu'à peine de nullité du contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers.

Toutefois, si la société exploite un établissement bancaire ou financier, cette interdiction ne s'applique pas aux opérations courantes de ce commerce conclues à des conditions normales.

La même interdiction s'applique au directeur général, aux directeurs généraux délégués et aux représentants permanents des personnes morales administrateurs. Elle s'applique également aux conjoint, ascendants et descendants des personnes visées au présent article ainsi qu'à toute personne interposée.

L'article L227-12 du même code énonce que les interdictions prévues à l'article L225-43 s'appliquent, dans les conditions déterminées par cet article, au président et aux dirigeants de la société.

En l'espèce, la SCP Olivier Zanni produit des relevés de compte bancaire de la SASU [B] Exotique qui laissent apparaître, durant la période comprise entre le 1er janvier 2022 et le 30 juin 2023, des retraits d'espèces et de nombreux paiements effectués à partir du compte de la société que rien ne permet de relier à l'objet social. Il peut ainsi être relevé pour exemple des paiements réalisés au profit :

- d'une pharmacie : 37,80€ le 15 juin 2022,

- d'un établissement de restauration rapide 28,85€ le 11 juillet 2022,

- d'un prestataire de service hôtelier 576€ le 10 février 2022,

- d'un voyagiste 2.291,99€ le 12 février 2023,

et de plusieurs opérations notamment auprès d'un prestataire de service hôtelier effectuées en Riyals saoudiens entre le 20 et le 22 février 2023.

Mme [M] soutient en réplique que les retraits d'espèces étaient destinés à s'acquitter du loyer commercial et que les achats effectués auprès de divers commerces portaient sur des articles en promotion destinés à son magasin d'alimentation. Elle s'abstient toutefois de verser aux débats le moindre élément de preuve susceptible d'étayer ses affirmations.

Elle conteste en outre le fondement juridique avancé par la SCP Olivier Zanni au soutien de sa demande en paiement, estimant que l'intimée ne démontre nullement la nullité des contrats visés, acte par acte.

Il peut néanmoins être observé que Mme [M] ne démontre pas, ainsi qu'il lui incombe pour combattre la nullité des actes litigieux, que les multiples retraits d'espèces aient été effectués dans l'intérêt de la société, de même que les diverses dépenses litigieuses portant sur des prestations d'hôtellerie, de voyages, de restauration, d'habillement, ainsi que les achats réalisés en supermarché. La SCP Olivier Zanni relève, à juste titre, que ces règlements auraient dû être comptabilisés en compte courant d'associé et constituent des emprunts prohibés auprès de la société, Mme [M] en devant dès lors restitution.

Les dépenses indûment effectuées au préjudice de la SASU [B] Exotique dont a profité Mme [M] doivent ainsi être considérées comme procédant d'actes nuls dont le liquidateur peut valablement réclamer remboursement du montant global, lequel s'élève à hauteur de 13.366,40€.

Il est par ailleurs justifié par la SCP Olivier Zanni de l'existence d'un compte courant d'associé débiteur à hauteur de 582,69€, démontrée par la production d'un extrait du grand livre général de la société. Mme [M] sera condamnée à verser ce montant au liquidateur.

En considération de l'ensemble de ces éléments, Mme [M] sera condamnée à payer à la SCP Olivier Zanni, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [B] Exotique, la somme de 13.949,09€, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce sens.

Sur l'article 700 et les dépens :

L'équité et la prise en considération de l'issue du litige commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Mme [M], qui succombe en l'intégralité de ses prétentions, sera en conséquence condamnée à payer à la SCP Olivier Zanni la somme de 2.500€ au titre des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens, et déboutée de sa propre demande présentée sur ce fondement.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. Mme [M], partie succombante, devra supporter la charge des dépens exposés en cause d'appel.

Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ce dernier chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- REJETTE l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par Mme [B] [M] ;

Au fond,

- INFIRME partiellement le jugement rendu le 21 mai 2024 par le tribunal de commerce de Bourges en ce qu'il a condamné Mme [B] [M] à payer porter à la SCP Olivier Zanni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [B] Exotique la somme de 10.000€, majorée des intérêts au taux légal courant à compter du 17 janvier 2024 ;

- CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Et statuant de nouveau du seul chef infirmé,

- CONDAMNE Mme [B] [M] à payer et porter à la SCP Olivier Zanni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [B] Exotique la somme de 13.949,09€, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024 ;

- CONDAMNE Mme [B] [M] à verser à la SCP Olivier Zanni ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [B] Exotique la somme de 2.500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;

- CONDAMNE Mme [B] [M] aux entiers dépens d'appel faisant application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile pour les frais avancés par le conseil de l'intimée.

L'arrêt a été signé par A. TESSIER-FLOHIC, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S. MAGIS A. TESSIER-FLOHIC

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