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Décisions

Cass. crim., 27 juillet 1970, n° 69-93.107

COUR DE CASSATION

Arrêt

Autre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rolland

Rapporteur :

M. Mazard

Avocat général :

M. Barc

Avocats :

MM. de Ségogne, M. Marcilhacy, M. Galland

Rouen, du 27 oct. 1969

27 octobre 1969

Cassation partielle sur le pourvoi de x... (pierre) et la société de papeteries Herve, prise comme civilement responsable contre un arrêt de la cour d'appel de Rouen, en date du 27 octobre 1969 qui l'a condamné à 5 000 francs d'amende pour pollution de rivière ainsi qu'à des dommages-intérêts aux parties civiles ;

La cour, vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 434-1 du code rural, 593 du code de procédure pénale, 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut de motifs et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaque a condamné le demandeur pour avoir laissé écouler dans la rivière l’Epte une substance nocive qui aurait détruit le poisson sans constater que ce déversement avait revêtu un caractère volontaire ni qu'au moment du fait incrimine le demandeur aurait connu d'une part la nocivité de la substance déversée, d'autre part sa présence dans les eaux résiduaires ;

Au motif que s'agissant d'une industrie règlementée la responsabilité devait incomber au chef d'entreprise, mais sans caractériser a la charge de ce dernier ou de ses subordonnes la violation d'un règlement quelconque ;

Alors d'ailleurs qu'il est constant que les systèmes d'épuration donnent satisfaction, n'ont manifesté aucune défaillance et que le demandeur n'a pas été poursuivi de ce chef ;

Alors que le juge du fond, pour admettre que l'empoisonnement de la rivière aurait été cause par un insecticide violent, -le lindane- est oblige pour en attribuer le déversement a la papeterie de supposer que ce produit pouvait se trouver dans de vieux sacs incomplètement vides qui auraient été utilisés pour la fabrication du papier ;

Mais que d'une part la condamnation ne peut être légalement fondée sur une hypothèse meme vraisemblable alors que celle-ci n'exclut pas notamment celle de la malveillance et que, d'autre part, cette hypothèse meme implique que le demandeur ignorait la présence de lindane dans la matière première et ne pouvait la prévoir ;

Et qu'en définitive la constatation que le lindane devait se trouver dans les vieux papiers vraisemblablement dans un ou plusieurs ayant servi à son emballage et imparfaitement vides confère à l'ensemble de l'arrêt attaque un caractère dubitatif et ne motive pas légalement la condamnation ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaque que le 11 septembre 1965, une importante mortalité de poissons fut constatée dans la rivière l’Epte sur les parcours de pêche ;

Qu'un procès-verbal fût dressé le meme jour contre x..., directeur des papeteries de l’Epte pour pollution organique permanente de la rivière l’Epte, d'empoisonnement de cours d'eau ayant entrainé une importante mortalité de poissons ;

Que x... A été renvoyé de ces chefs devant le tribunal correctionnel d'Evreux ;

Attendu que pour infirmer la décision rendue par ledit tribunal laquelle relaxait x... Des fins de poursuites et déboutait les parties civiles de leurs demandes, l'arrêt énonce qu'il n'existe aucun doute ni sur la cause ni sur le mécanisme de cette pollution chimique ;

Que les expertises, dont le prévenu ne conteste pas la pertinence, établissent que la pollution de l’Epte a été causée par le déversement par l'usine d'eaux résiduaires contenant du lindane, produit si toxique qu'une teneur variant entre 0,05 et 0,10 mg par litre d'eau est mortelle pour le poisson ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel nonobstant tout motif surabondant a justifié sa décision ;

Attendu en effet que l'article 434-1 du code rural dont il a été fait application au demandeur n'exige pas, pour que l'infraction soit caractérisée, que l'intention de nuire du prévenu soit établie ;

Qu'il suffise que celui-ci ait laisse écouler dans la rivière les substances toxiques pour le poisson quand bien meme il aurait ignoré la nocivité du produit ;

Que x... Avait à répondre de la prévention en sa seule qualité de directeur de l'usine des papeteries de l’Epte, des lors que dans les industries soumises à des règlements édictes dans un intérêt de salubrité publique, ce qui est le cas en l'espèce, la responsabilité pénale remonte essentiellement aux chefs d'entreprise a qui sont personnellement imposes les conditions et le mode d'exploitation de leurs industries ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 489, 490 du code rural, 1382 du code civil, 593 du code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810 pour défaut de motifs et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaque a alloue aux parties civiles des dommages-intérêts au motif que la recevabilité des parties civiles n'est pas contestée, qu'elles sont en effet recevables s'agissant de parties qui ont subi un dommage direct du fait de l'empoisonnement de la rivière alors qu'elles étaient propriétaires ou locataires du droit de pêche et avaient antérieurement procède au re alevinage de l’Epte ;

Alors que le demandeur, relaxe par le premier juge, sollicitait devant la cour la confirmation du jugement et concluait par cela meme nécessairement a la non-recevabilité des actions civiles basées sur une infraction dont il déniait l'existence ;

Et alors que la constatation que le re alevinage avait été fait antérieurement, c'est-à-dire avant le fait dommageable, ne permettait pas l'allocation d'indemnité a la fédération des associations de pêche qui ne peut intervenir que si elle justifie de frais de re alevinage exposes en conséquence de l'infraction et pour réparer le dommage que cette infraction a pu causer ;

Alors enfin que le motif susvisé qui considère globalement la situation des fermiers propriétaires et locataires de la pêche confondue avec celle de la fédération ne permet pas d'apprécier si les dommages-intérêts sont à la mesure pour chacune des parties civiles du préjudice subi directement et personnellement par elle ;

Alors enfin que les dommages-intérêts étant de beaucoup supérieurs au minimum légal détermine par l'article 490 du code rural, le juge du fond avait des lors l'obligation de déterminer pour chacun des intervenants l'importance du préjudice subi ;

Vu les textes susvisés ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ;

Que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que devant les premiers juges, s'étaient constitués parties civile : 1° la société de pêche amblevilloise, 2° le sieur y…, 3° la fédération des associations de pêche des Yvelines, 4° l'association de pêche l'épinoche ;

5- l'association de pêche et pisciculture d'Amenucourt-Bray-Fourges, 6° le sieur z... Propriétaire, 7° le sieur a... Propriétaire, que ces deux derniers n'ont pas interjeté appel de la décision qui les avait déboutés de leurs demandes ;

Attendu que pour déclarer les autres parties civiles recevables en leur constitution et leur allouer des dommages-intérêts, l'arrêt se borne à énoncer que leur recevabilité n'est pas contestée, qu'elles sont en effet recevables, s'agissant de parties qui ont subi un dommage direct du fait de l'empoisonnement de la rivière alors qu'elles étaient propriétaires ou locataires du droit de pêche ou avaient procède précédemment au re alevinage de l’Epte ;

Attendu que de tels motifs insuffisants et alternatifs qui ne formulent qu'une justification générale et vague et de ce fait inadéquate au cas particulier de chacune des parties civiles ne sauraient donner une base légale a la décision ;

D'où il suit que l'arrêt doit être annule de ce chef ;

Par ces motifs : casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, du 27 octobre 1969, mais seulement en ce qu'il a admis le sieur y... Et les associations et fédérations parties civiles et leur a alloue des dommages-intérêts ;

Toutes autres dispositions étant expressément maintenues et pour qu'il soit statue à nouveau conformément à la loi et dans les limites de la cassation prononcée ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.

 

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