CA Lyon, 8e ch., 26 mars 2025, n° 24/01759
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 24/01759 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PQFE
Décision du Président du TJ de BOURG EN BRESSE en référé du 02 janvier 2024
RG : 23/00520
[R]
C/
S.C.I. BELLEVUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 26 Mars 2025
APPELANT :
M. [Z] [R]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 12]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Sandrine ROUXIT, avocat au barreau de LYON, toque : 355
INTIMÉE :
SCI BELLEVUE
S.C.l au capital de 152 449,00 €, immatriculée au RCS de BOURG EN BRESSE sous le n° 387 951 585, dont le siège social est [Adresse 8] à [Localité 9] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Eric DEZ, avocat au barreau de l'AIN
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 11 Février 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Février 2025
Date de mise à disposition : 26 Mars 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Exposé du litige
La SCI Bellevue a été constituée selon acte sous seing privé du 15 mai 1992 avec un capital social de 1 million de francs, divisé en 32 parts sociales réparties entre :
Mme [V] [R], détenant en pleine propriété 5 parts numérotées de 1 à 4 et 2 parts numérotées 5 et 6 en usufruit, numérotées 5 et 6.
son fils M. [M] [R], désigné gérant, détenant en pleine propriété, 8 parts numérotées de 7 à 19 ainsi qu'une part en nue-propriété numérotée 5.
son fils M. [Z] [R] détenant en pleine propriété 8 parts numérotées de 20 à 32 ainsi qu'une part en nue-propriété numérotée 6.
La SCI Bellevue est propriétaire de 3 appartements à Nice.
Mme [V] [R] est décédée le [Date décès 5] 2009. M. [N], [C] a été désigné administrateur de la succession.
Le greffe du Tribunal de commerce de Bourg en Bresse a procédé à la radiation d'office de la SCI Bellevue le 17 octobre 2022.
Par acte du 29 septembre 2023, M. [Z] [R] a assigné la SCI Bellevue en référé sur le fondement des articles 1844, 1855 et 1856 du Code civil et les articles 834 et 835 du Code de Procédure civile aux fins de voir :
Constater la mésentente entre Ies associés de la SCI Bellevue,
Dire et Juger que celle-ci a rendu impossible Ie bon fonctionnement de Ia société,
Constater I'existence d'un péril imminent pour la SCI Bellevue,
Désigner un administrateur provisoire avec pour mission d'assurer la gestion de la SCI Bellevue, convoquer toutes assemblées générales utiles, quant au transfert du siège social, remettre aux associés Ies bilans, Ies procès-verbaux d'assemblée générale ainsi que Ies comptes sociaux pour Ies exercices 2006 à 2021,
Condamner la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] Ia somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 2 janvier 2024, le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Bourg en Bresse a :
- Rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SCI Bellevue ;
- Rejeté la demande de M. [Z] [R] aux fins de désignation d'un administrateur provisoire de la SCI Bellevue ;
- Condamné M. [Z] [R] à payer à la SCI Bellevue une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné M. [Z] [R] aux dépens.
M. [Z] [R] a interjeté appel de la décision par déclaration enregistrée le 1er mars 2024.
Par conclusions n°3 régularisées au RPVA le 10 juin 2024, [Z] [R], demande à la cour :
Déclarer recevable et bien-fondé M. [Z] [R] en son appel,
En conséquence,
Confirmer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Bourg en Bresse du 2 janvier 2024 en ce qu'elle a :
Rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SCI Bellevue.
Réformer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Bourg en Bresse en date du 2 janvier 2024 en ce qu'elle a :
Rejeté la demande de M. [Z] [R] aux fins de désignation d'un administrateur provisoire de la SCI Bellevue ;
Condamné M. [Z] [R] à payer à la SCI Bellevue une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné M. [Z] [R] aux dépens.
Et statuant de nouveau,
Désigner tel administrateur provisoire qu'il plaira à la Cour d'appel de Lyon avec pour mission de :
Donner à ce mandataire les pouvoirs les plus étendus pour gérer et administrer la SCI Bellevue conformément à la Loi et les statuts,
Autoriser ce mandataire à se faire remettre tous documents utiles par le Gérant, M. [M] [R], et les associés,
Convoquer toutes assemblées générales utiles tant ordinaires pour approuver les comptes annuels qu'extraordinaires, pour procéder notamment au transfert du siège social,
Procéder à toutes les formalités nécessaires,
Autoriser ce mandataire à remettre aux associés les bilans, les procès-verbaux d'assemblée générale ainsi que les comptes sociaux pour les exercices 2006 à 2023,
Autoriser ce mandataire, pour les besoins de sa mission, à se faire assister par toute personne de son choix,
Dire que sa rémunération sera mise à la charge de la société,
Condamner la SCI Bellevue à payer les frais et honoraires de l'administrateur provisoire,
Rejeter l'ensemble des demandes de la SCI Bellevue,
Condamner la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la SCI Bellevue aux entiers dépens de référé et d'appel distrait au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses prétentions, M. [Z] [R] a en substance principalement fait valoir :
L'absence de nullité de l'assignation délivrée à la SCi Bellevue.
Sa qualité d'associé et la justification d'un fait nouveau.
Le péril imminent encouru par la SCI Bellevue dont il était solidairement responsable.
Les fausses informations données par l'intimée.
Par conclusions n°2 régularisées au RPVA le 6 février 2025, la SCI Bellevue demande à la cour :
Juger recevable l'appel incident partiel de M. [M] [R] à I'encontre de l'ordonnance rendue le 2 janvier 2024,
Réformer l'ordonnance du 2 janvier 2024 en ce qu'elIe a débouté la SCI Bellevue de sa demande de nullité de l'assignation signifiée le 29 septembre 2023 à la SCI Bellevue,
Prononcer la nullité de l'assignation signifiée Ie 29 septembre 2023 à la SCI Bellevue,
Subsidiairement,
Juger M. [Z] [R] irrecevable à agir à I'encontre de Ia SCI Bellevue en raison de I'autorité provisoire de chose jugée attachée à l'ordonnance de référé du 14 octobre 2008 et l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 2 mai 2018.
Confirmer l'ordonnance sur ce point.
Subsidiairement,
Juger M. [Z] [R] irrecevable à agir à I'encontre de la SCI Bellevue en raison de son défaut de qualité pour agir en I'absence de qualité d'associé.
Subsidiairement,
Juger que M. [Z] [R] ne justifie pas d'un dommage imminent.
Débouter M. [Z] [R] de l'ensemble de ses demandes.
Confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamne M. [Z] [R] à payer à Ia SCI Bellevue la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner M. [Z] [R] à payer à la SCI Bellevue une somme complémentaire au titre de Ia procédure d'appel à hauteur de 3.000,00 €.
Condamner le même aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct des dépens d'appel au profit de Maître Eric Dez en application de l'article 699 du code de Procédure civile.
Au soutien de ces prétentions, la SCI Bellevue a en substance fait principalement valoir :
La nullité de l'assignation ;
L'autorité provisoire de la chose jugée ;
L'absence de qualité pour agir de M. [Z] [R].
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.
Pendant le délibéré, le 27 février 2025, le conseil de l'appelant a indiqué produire un courrier du greffe du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse confirmant que la SCI Bellevue n'avait commis aucune modification depuis son immatriculation.
Par message au RPVA le 14 mars 2025, le conseil de la SCI Bellevue a été invité à communiquer dans les 8 jours toutes observations éventuelles sur la pièce produite par l'appelant durant le délibéré.
Par lettre du 18 mars 2025, le conseil de la SCI Bellevue répondait que si aucune formalité n'avait été enregistrée, le gérant de la SCI Bellevue avait multiplié les demandes auprès du greffe pour leur enregistrement. Un contentieux était actuellement cours devant le président du tribunal judiciaire à la suite d'un énième refus du greffier. La SCI s'était désistée en fin d'année 2024 d'un appel d'une décision du tribunal judiciaire pour présenter une nouvelle demande au greffe du tribunal de commerce répondant aux précédentes objections du greffier. La procédure était en cours.
MOTIFS,
Tant l'appel principal de M. [Z] [R] que l'appel incident de la SCI Bellevue peuvent être déclarés recevables.
I Sur la nullité de l'assignation délivrée à la SCI Bellevue :
La SCI Bellevue fait valoir que l'huissier instrumentaire a tenté de signifier l'assignation à l'adresse [Adresse 4], adresse déclarée par le requérant à son mandataire alors que l'adresse déclarée était précédée de la mention 'Centre d'Affaires International' auprès duquel l'huissier n'a fait aucune recherche. L'acte avait mis en évidence la difficulté relative au transfert du siège social et à la radiation de la société au RCS. Elle n'a jamais été domiciliée [Adresse 7] et l'huissier n'avait tiré aucune conséquence de ces constatations puisqu'il avait adressé la lettre recommandée à l'adresse inexacte incomplète.
Elle ajoute que cette lettre lui était bien parvenue mais après la date d'audience. L'attitude de l'huissier ou de son requérant était malicieuse d'autant que l'étude de l'huissier se trouve au [Adresse 4] et qu'un huissier a pu faire délivrer à personne un acte le 10 octobre 2022. De plus, [Z] [R] avait eu communication du contrat de domiciliation. Il avait ainsi tenté d'obtenir une décision en l'absence de son contradicteur et pour donner du crédit à ses affirmations d'une société sans siège social et radiée du RCS.
L'intimée conclut que les vices de forme observés sont constitutifs d'une fraude, lesquels justifient d'un préjudice réel bien qu'ayant pu éviter la prise d'une décision en son absence.
M. [Z] [R] invoque l'absence de grief découlant d'un éventuel vice de forme, la SCI Bellevue reconnaissant elle-même avoir pu présenter des moyens de défense en première instance. L'acte avait été signifié à la bonne adresse, au [Adresse 8], siège social de la SCI Bellevue et adresse où la SCI se domicilie elle-même depuis 2017 selon ses pièces.
L'huissier s'était rendu à l'adresse, avait constaté qu'aucune personne ne répondait à l'identification de la SCI. L'acte faisait foi jusqu'à inscription de faux. Le fait que l'adresse ne contienne pas la mention 'Centre d'affaires international' n'était pas de nature à faire échec à la réception des correspondances puisque la CCI a réceptionné le courrier. Cela confirmait que la SCI n'est pas identifiable à l'adresse à laquelle elle se domiciliait.
Sur ce,
Aux termes de l'article de 654 du Code de procédure civile :
'La signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.'
Selon l'article 655, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
Aux termes de l'article 659 : 'Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
La cour relève que sur la première page de l'assignation en référé délivrée à la SCI Bellevue par acte du 20 février 2023, l'adresse de la société Bellevue est bien mentionnée comme étant [Adresse 8].
En la partie 'Modalités de remise de l'acte', l'huissier de justice dont certes l'étude est sise [Adresse 3] indiquait s'être transporté à l'adresse [Adresse 4] mais qu'aucune personne ne répondait à l'identification du destinataire de l'acte, ni y avait son établissement. Le nom ne figurait sur aucune boîte aux lettres et sur place il n'avait rencontré personne susceptible de le renseigner. Sur le site société.com, il avait constaté que la requise était domiciliée [Adresse 7] à [Localité 9] sans autre précision ne permettant de l'identifier.
L'huissier a ajouté que les services de la mairie, de la police municipale de la gendarmerie n'avaient pu lui fournir aucune indication quant à l'adresse actuelle de la société, et que la Poste n'avait pas donné suite. Il a dressé un procès-verbal conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile et l'a envoyé par lettre à la dernière adresse connue.
Il est établi que cette lettre adressée à la SCI à l'adresse du Centre d'affaires International est parvenue à l'intimée.
La cour relève que si la SCI Bellevue produit un contrat de domiciliation conclu avec la Chambre de commerce et d'industrie de L'Ain le 12 mai 2017 pour une durée de 12 mois, renouvelable par tacite reconduction, cette pièce ne permet pas de savoir si le contrat était toujours d'actualité au jour de la délivrance de l'assignation même si la CCI a fait suivre à M. [M] [R] le courrier reçu de l'huissier de justice.
De plus, l'intimée indique qu'un huissier de [Localité 11] a pu le 10 octobre 2022 délivrer à personne un acte à la requête de M. [Z] [R] à l'adresse [Adresse 4]. Or concernant cet acte, la cour relève au contraire, alors même que l'adresse ne comportait pas d'indication 'Centre d'affaires International', que l'acte a été remis à une SCI Marida, de surcroît à sa personne.
Ces pièces ne démontrent pas que le commissaire de justice n'a pas effectué les diligences à sa charge.
Par ailleurs, selon la décision attaquée, la SCI Bellevue était représentée devant le juge des référés après réouverture des débats à la demande de son conseil.
Si en son acte, l'huissier n'a pas expressément indiqué dans les mentions relatives aux modalités de remise de l'acte s'être rendu au Centre d'affaires internationale, la seule nullité pouvant en découler serait une nullité de forme nécessitant la preuve d'un grief non démontré en l'espèce alors que la SCI a comparu devant le premier juge avec dépôt de conclusions écrites.
Au surplus, la cour relève d'ailleurs que dans sa signification de l'ordonnance de référé dont appel, signification à l'initiative de la SCI Bellevue, celle-ci est domiciliée [Adresse 4], sans aucune indication d'une domiciliation au Centre d'affaires international.
La cour confirme la décision attaquée.
II (a) Sur la fin de non-recevoir en raison de l'autorité de chose jugée :
Par application de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, en raison de la chose jugée.
La SCI Bellevue fait valoir que M. [Z] [R] n'a jamais engagé de procédure au fond pour faire valoir les droits allégués, n'ayant eu de cesse depuis 20 ans que d'engager la même action. Il avait été déclaré irrecevable à deux reprises pour défaut de qualité pour agir puis irrecevable en raison de l'autorité provisoire de la chose jugée. Une ordonnance du 13 juin 2023 avait prononcé la nullité de l'assignation. Le premier juge avait justement retenu que [Z] [R] persistait à produire une copie incomplète des statuts et qu'il ne justifiait pas de qualité pour agir.
Elle ajoute que l'appelant ne rapportait pas la preuve de circonstances nouvelles, ce que ne constituent ni la communication de statuts constitutifs complets ni la radiation de la SCI.
M. [Z] [R] fait valoir que si le premier juge a retenu la production incomplète des statuts de la société, les pages manquantes ne peuvent remettre en question sa qualité d'associé. Il indique verser aux débats les statuts en leur intégralité. Il conteste également la motivation de la décision attaquée qu'il dit contraire à celle de l'arrêt arrêt du 2 mai 2018.
Il soutient que la cour avait alors rappelé la précédente procédure et le rejet de sa demande , étant précisé que le premier juge avait retenu un défaut de qualité à agir en raison de l'absence de production d'une copie certifiée conforme des statuts et au visa de l'article 488 du Code de procédure civile, l'absence d élément nouveau car ne versant aucune pièce pouvant démontrer sa qualité à agir en qualité d'associé, notamment une copie certifiée conforme des statuts.
Il ajoute que s'il avait apporté des éléments nouveaux, la cour aurait statué sur sa demande de désignation d'un administrateur provisoire. Elle avait donc estimé qu'il ne prouvait pas sa qualité d'associé et non pas qu'il n'avait pas la qualité d'associé. La production des statuts complets constitue donc une circonstance nouvelle au regard de l'autorité de chose sur laquelle portait l'arrêt d'appel précité.
L'appelante ajoute qu'à l'inverse la SCI ne rapporte pas la preuve de ce que [Z] [R] ne serait plus associé. Elle ne produit pas l'acte par lequel il aurait cédé ses parts sociales et ne justifie pas plus d'un paiement intervenu au titre de la cession ni de l'enregistrement au Registre du commerce et des sociétés.
Il invoque ensuite l'arrêt de la Chambre de l'instruction du 28 janvier 2021 de la présente cour, ayant relevé que cet acte de cession n'avait pas pu être retrouvé, et n'avait jamais été produit par la SCI Bellevue, faisant obstacle à toute poursuite pénale.
Sur ce,
Aux termes de l'article 488 du Code de procédure civile :
'L'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.
Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.'
En conséquence, en cas de circonstances nouvelles le juge peut modifier une précédente décision.
En l'espèce, une ordonnance de référé du 22 décembre 2006 a, après saisine par M. [Z] [R] retenu la non comparution de celui-ci alors que la procédure était orale et qu'aucun des documents produits par les défendeurs (Me [G] ès-qualités de liquidateur de Mme [V] [R]), M. [R], et la SCI Bellevue, ne permettait de déterminer avec certitude les porteurs de parts du capital social de la SCI Bellevue. Si un appel avait été interjeté, il avait été suivi d'un désistement.
Puis, par ordonnance du 14 octobre 2008, le juge des référés saisi par M. [Z] [R] d'une demande de désignation d'un administrateur provisoire a déclaré les demandes irrecevables car la copie des statuts ni datés ni certifiés et incomplets ne pouvait constituer le titre de propriété de parts sociales ni de [Z] [R] ni de [M] [R]. Celui-ci ayant selon ses déclarations cédé toutes ses parts dans la SCI, il ne pouvait en être le gérant. Son intervention était déclarée irrecevable.
Par arrêt du 2 mai 2018, statuant sur une opposition et tierce-opposition de M. [M] [R] en qualité de gérant de la SCI Bellevue et en son nom personnel ; et M. [C] ès-qualités d'administrateur officiel de la succession de Mme [V] [R], la présente cour a rétracté un arrêt rendu le 30 mai 2017 et déclaré irrecevable en raison de l'autorité provisoire de chose jugée attachée à l'ordonnance de référé du 14 octobre 2008, la demande de M. [Z] [R] aux fins de désignation d'un administrateur provisoire de la SCI Bellevue.
En sa motivation la cour a notamment indiqué 'il y a lieu de constater qu'aucun élément nouveau n'est apporté par M. [Z] [R] pour démontrer sa qualité à agir comme associé de la SCI Bellevue dans le cadre de la nouvelle procédure de référé par lui introduite, ayant donné lieu à l'ordonnance du 28 juin 2016, puis, à l'arrêt, du 30 mai 2017, frappée d'opposition et de tierce opposition.'
En la présente instance, la cour relève que l'appelant a produit devant le premier juge des statuts datés et signés en office notarial, statuts enregistrés le 5 juin 1992. Il en manquait les pages 3/5/14 et 16.
Selon les termes de l'assignation, la demande de désignation d'un administrateur provisoire était fondée sur l'absence de convocation aux assemblées générales annuelles, sur la prise de connaissance par M. [Z] [R] en mai 2015 d'un faux procès-verbal d'assemblée générale de la société du 8 octobre 2012 mentionnant la détention par la société Sydney de 26 des 32 parts, mais également sur un détournement de loyer et d'une procédure pénale. En effet, le demandeur évoquait un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 juin 2016 et une mise en examen de [M] [R] le 16 novembre 2017. L'assignation évoquait en outre l'absence de siège social ayant conduit le greffe du tribunal de commerce à radier la société le 17 octobre 2022.
Il a par ailleurs produit en première instance un arrêt de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel du 11 avril 2017 ordonnant un supplément d'information en notant notamment que l'information judiciaire avait établi la fausseté des mentions relatives aux associés de la société civile immobilière Bellevue dans des déclarations fiscales produites en justice par [M] [R], qu'aucune cession au profit de la société Sydney n'avait été établie et les attestations fiscales litigieuses contenaient la mention fausse de cette société comme détenant la majorité des parts de la société civile immobilière puisque les revenus locatifs de celle-ci avaient été confondus dans le patrimoine d'une autre personne morale et utilisés à d'autres fins que l'intérêt de cette société.
La cour considère que [Z] [R] avait justifié devant le premier juge d'éléments nouveaux quant à la preuve de sa qualité à agir en tant qu'associé de la SCI Bellevue comme exigé par l'article 488 du Code civil.
La cour infirme la décision attaquée.
II (b)Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [Z] [R]
La SCI Bellevue soutient que M. [Z] [R] n'est plus associé depuis 1992 et la cession de ses parts à la société Sydney, cession jamais contestée.
Il ajoute que l'appelant s'est gardé de communiquer l'arrêt de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon du 28 janvier 2021 exposant et tirant les conséquences du fait que [Z] [R] ne contestait pas les actes de cession de ses parts sociales.Il avait renoncé devant le juge pénal à soutenir que les actes de cession de ses parts seraient faux.
L'intimée fait également valoir que [Z] [R] n'avait jamais saisi le juge du fond et était prescrit pour le faire. Il n'établissait pas sa qualité pour agir. De plus, il avait écrit à son frère [M] le 1er juin 1999 pour lui demander la cession de ses parts à la société Sydney avec la mention de l'enregistrement et avait écrit à l'administration fiscale ne plus être associé de la SCI Bellevue.
M. [Z] [R] maintient être associé, indiquant produire les statuts complets tandis qu'à l'inverse la SCI ne rapportait pas la preuve qu'il ne serait plus associé, ne produisant pas l'acte par lequel il aurait cédé ses parts à la société Sydney en septembre 1992 et ne justifiant pas non plus d'un paiement intervenu au titre de cette cession. L'intimée n'apporte pas plus la preuve de l'enregistrement de l'acte auprès du registre du commerce et des sociétés.
Il ajoute qu'en son arrêt du 28 janvier 2021, la Chambre de l'instruction avait relevé que l'acte de cession n'avait pu être retrouvé. Il n'avait jamais été produit par la SCI faisant ainsi échec à toute poursuite pénale. S'il n'avait pas eu la qualité d'associé il n'aurait pas pu déposer plainte.
Il conteste avoir déclaré à l'administration fiscale ne plus être associé de la SCI Bellevue, la pièce produite correspondant à une autre société.
Sur ce,
Par application de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité.
Aux termes de l'article 1865 du Code civil, la cession de parts sociales est constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société dans les formes prévues à l'article 1690 ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société. Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et après publication au registre du commerce et des sociétés ; ce dépôt peut être effectué par voie électronique.
La cour relève que la qualité d'associé de [Z] [R] lors de la constitution de la société n'est pas contestée. Parmi les pages des statuts constitutifs produites devant le premier juge se trouvaient les pages relatives à la composition de la société. Les associés étaient [V] [E] veuve [R], [M] [R], et [Z] [R].
La cour rappelle que [Z] [R] avait également déposé plainte et qu'une information judiciaire avait été ouverte.
Si la SCI Bellevue a soulevé le défaut de qualité pour agir de M. [Z] [R] au motif qu'il avait cédé ses parts à une société Sydney, la cour relève que cette cession n'est pas produite, et qu'aucune formalité en découlant n'a été démontrée puisque l'appelante se contente à hauteur d'appel d'évoquer des formalités au greffe du tribunal de commerce en décembre 2024 sans justifier de leur réalité alors même que la pièce produite en délibéré par l'appelant remet en cause cette affirmation.
La cour relève par ailleurs que selon les deux arrêts de la Chambre de l'instruction produits, et notamment du second du 28 janvier 2021, ni l'acte de cession des parts [Z] [R] n'avait pu être retrouvé ni l'attestation qui aurait été établie le 16 septembre 1982, seule ayant été produite une copie de la signification du 6 octobre 2012 de ladite attestation.
La Chambre de l'Instruction avait ensuite constaté la prescription du délit de faux, à supposer qu'il était établi, et le fait que les investigations n'avaient pas permis de retrouver les actes litigieux. La Chambre de l'instruction a cependant renvoyé [M] [R] devant le tribunal correctionnel du fait d'usage de faux pour avoir produit des déclarations fiscales mentionnant que les associés de la SCI Bellevue étaient la SA Sydney et Mme [V] [E]-[R], ces déclarations fiscales étant fausses.
En sa motivation, l'arrêt mentionne que les dernières écritures du conseil de M. [R] ne soutenaient plus que l'attestation et l'acte de cession étaient faux. La cour considère que cette seule indication n'établit pas que M. [R] considérait avoir cédé ses parts à la SA Sydney.
Par ailleurs, il n'est pas établi que les courriers de M. [Z] [R] adressés à son frère et à l'administration fiscale invoqués par la SCI Bellevue concernaient celle-ci.
La cour considère que [Z] [R] a prouvé sa qualité à agir et que [M] [R] n'a pas prouvé la perte de cette qualité.
III Sur la désignation d'un administrateur provisoire au profit de la SCI Bellevue
À l'appui de sa demande, M. [Z] [R] fait valoir l'obligation du gérant de convoquer les associés pour tenir une assemblée générale annuelle, et obtenir quitus de sa gestion en rendant compte de sa gérance. M. [M] [R] devait tenir à disposition des associés l'ensemble des documents sociaux. De plus, lui-même n'avait jamais reçu sa quote-part des revenus locatifs de la société qui était pourtant propriétaire à [Localité 12] de trois appartements d'un garage et d'une cave. Selon l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 juin 2016, les loyers avaient été détournés par le gérant au profit d'une SCI Monclair.
L'appelant ajoutait que malgré sa lettre de mise en demeure adressée le 19 janvier 2021 au gérant, il n'avait pas pu obtenir les documents réclamés et n'avait jamais été convoqué aux assemblées générales. Il indique ensuite avoir découvert la tenue d'assemblées générales en son absence outre qu'une société Sydney détenait ses parts, qu'il n'en avait pas été informé malgré les exigences des statuts et les dispositions légales n'avaient pas été respectées. Les statuts constitutifs n'ayant pas été modifiés. Le greffe du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse n'avait enregistré aucune modification statutaire depuis 1992 de même que les bénéficiaires effectifs n'avaient pas été déclarés et la SCI avait été radiée le 17 octobre 2022 pour défaut de siège social.
Il en conclut à l'existence d'un préjudice considérable causé à la société ainsi qu'à lui-même, associé solidairement responsable, et à l'impossibilité de la poursuite de l'activité sociale. Le péril était imminent et manifeste. Il ajoute que si M. [M] [R] verse aux débats un extrait de son casier judiciaire, il se gardait de produire un casier judiciaire de [Localité 10] où il avait été condamné.
La SCI Bellevue invoque l'absence d'existence de la caractérisation d'un dommage imminent puisque depuis 2006, M. [R] demandait la désignation d'un administrateur ad hoc au visa de l'article 835 du Code de procédure civile. M. [Z] [R] n'était plus associé depuis 1992. Il n'existait pas de mésentente entre associés mais entre deux frères. Il n'était démontré ni d'un dommage ni de l'existence d'un mauvais fonctionnement ; la SCI étant parfaitement gérée par M. [M] [R].
Sur ce,
En application de l'article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les limites de sa compétence, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 1855 du Code civil :
« Les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d'un mois. »
Selon l'article 1856 :
« Les gérants doivent, au moins une fois dans l'année, rendre compte de leur gestion aux associés. Cette reddition de compte doit comporter un rapport écrit d'ensemble sur l'activité de la société au cours de l'année ou de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues. »
Par ailleurs l'article 1844 prévoit que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
La cour relève que la SCI Bellevue indique en ses conclusions que [M] [R] avait lui-même cédé ses parts à la société Sydney (page 11) tout en le présentant également comme son gérant assumant parfaitement ses fonctions.
Par ailleurs, l'appelant justifie d'une radiation de la société.
Il produit de plus une lettre en date du 9 décembre 2021 dont il justifie de l'envoi en la forme recommandée, demandant à [M] [R] en sa qualité de gérant de lui adresser les comptes, les documents, les bilans, les redditions des comptes, et les procès-verbaux d'assemblée générale avec les convocations les contrats de prêt pour les exercices 2015 à 2020, et demandant pourquoi la société n'avait plus de siège social. Il demandait également des pièces concernant la SCI Monclair car M. [M] [R] avait déclaré en justice que les revenus locatifs de la SCI Bellevue étaient versés à la SCI Monclair.
Aucune réponse n'est produite si ce n'est une lettre du 6 décembre 2022 dans laquelle [M] [R] répondait que la menace de faire désigner un administrateur provisoire était un nouvel acte de harcèlement.
La cour considère suffisamment rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un dommage imminent.
En conséquence, la cour désigne en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Bellevue la selarl AJUP en la personne d'[S] [O] pour une durée de 9 mois avec mission indiquée au dispositif.
La cour dit que M. [Z] [R] devra avancer à titre provisionnel la somme de 3 000 € à valoir sur les honoraires de l'administrateur provisoire et que la SCI Bellevue en aura la charge définitive.
Sur les mesures accessoires :
La cour infirme la décision attaquée sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SCI succombant, elle est condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat.
En équité la SCI Bellevue est condamnée à payer à M. [Z] [R] la somme de
de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La cour rejette la demande de la SCI Bellevue sur le même fondement,
Elle condamne la SCI Bellevue aux dépens à hauteur d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat.
En équité, elle condamne la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables l'appel principal de M. [Z] [R] et l'appel incident de la SCI Bellevue.
Infirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SCI Bellevue.
Statuant à nouveau,
Désigne pour une durée de 9 mois en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Bellevue (n° 387 951 585 au RCS de Bourg en Bresse) la selarl AJ UP en la personne de Me [S] [O] avec pour mission :
de se faire remettre tous documents comptables et sociaux de la SCI Bellevue ainsi que les documents de gestion de location des immeubles appartenant,
d'effectuer les actes d'administration et de gestion nécessaires au fonctionnement habituel de la SCI Bellevue y compris toutes les formalités nécessaires,
à cet effet, notamment de convoquer les assemblées générales ordinaires prévues par les statuts et toute assemblée générale extraordinaire rendue nécessaire,
de percevoir le cas échéant les revenus locatifs des immeubles appartenant à la SCI Bellevue.
Autorise l'administrateur provisoire à remettre aux associés les bilans, les procès-verbaux d'assemblée générale, ainsi que les comptes sociaux pour les exercices 2006 à 2023,
Autorise l'administrateur provisoire pour les besoins de sa mission, à se faire assister par toute personne de son choix,
Dit que M. [Z] [R] devra avancer à titre provisionnel la somme de 3 000 € à valoir sur les honoraires de l'administrateur provisoire et que la SCI Bellevue aura la charge définitive de ces honoraires,
Condamne la SCI Bellevue aux dépens de première instance avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat,
Condamne la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette la demande de la SCI Bellevue sur le même fondement.
Y ajoutant,
Condamne la SCI Bellevue aux dépens à hauteur d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat,
Condamne la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Décision du Président du TJ de BOURG EN BRESSE en référé du 02 janvier 2024
RG : 23/00520
[R]
C/
S.C.I. BELLEVUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 26 Mars 2025
APPELANT :
M. [Z] [R]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 12]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représenté par Me Sandrine ROUXIT, avocat au barreau de LYON, toque : 355
INTIMÉE :
SCI BELLEVUE
S.C.l au capital de 152 449,00 €, immatriculée au RCS de BOURG EN BRESSE sous le n° 387 951 585, dont le siège social est [Adresse 8] à [Localité 9] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Eric DEZ, avocat au barreau de l'AIN
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 11 Février 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Février 2025
Date de mise à disposition : 26 Mars 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Exposé du litige
La SCI Bellevue a été constituée selon acte sous seing privé du 15 mai 1992 avec un capital social de 1 million de francs, divisé en 32 parts sociales réparties entre :
Mme [V] [R], détenant en pleine propriété 5 parts numérotées de 1 à 4 et 2 parts numérotées 5 et 6 en usufruit, numérotées 5 et 6.
son fils M. [M] [R], désigné gérant, détenant en pleine propriété, 8 parts numérotées de 7 à 19 ainsi qu'une part en nue-propriété numérotée 5.
son fils M. [Z] [R] détenant en pleine propriété 8 parts numérotées de 20 à 32 ainsi qu'une part en nue-propriété numérotée 6.
La SCI Bellevue est propriétaire de 3 appartements à Nice.
Mme [V] [R] est décédée le [Date décès 5] 2009. M. [N], [C] a été désigné administrateur de la succession.
Le greffe du Tribunal de commerce de Bourg en Bresse a procédé à la radiation d'office de la SCI Bellevue le 17 octobre 2022.
Par acte du 29 septembre 2023, M. [Z] [R] a assigné la SCI Bellevue en référé sur le fondement des articles 1844, 1855 et 1856 du Code civil et les articles 834 et 835 du Code de Procédure civile aux fins de voir :
Constater la mésentente entre Ies associés de la SCI Bellevue,
Dire et Juger que celle-ci a rendu impossible Ie bon fonctionnement de Ia société,
Constater I'existence d'un péril imminent pour la SCI Bellevue,
Désigner un administrateur provisoire avec pour mission d'assurer la gestion de la SCI Bellevue, convoquer toutes assemblées générales utiles, quant au transfert du siège social, remettre aux associés Ies bilans, Ies procès-verbaux d'assemblée générale ainsi que Ies comptes sociaux pour Ies exercices 2006 à 2021,
Condamner la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] Ia somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ordonnance de référé du 2 janvier 2024, le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Bourg en Bresse a :
- Rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SCI Bellevue ;
- Rejeté la demande de M. [Z] [R] aux fins de désignation d'un administrateur provisoire de la SCI Bellevue ;
- Condamné M. [Z] [R] à payer à la SCI Bellevue une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamné M. [Z] [R] aux dépens.
M. [Z] [R] a interjeté appel de la décision par déclaration enregistrée le 1er mars 2024.
Par conclusions n°3 régularisées au RPVA le 10 juin 2024, [Z] [R], demande à la cour :
Déclarer recevable et bien-fondé M. [Z] [R] en son appel,
En conséquence,
Confirmer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Bourg en Bresse du 2 janvier 2024 en ce qu'elle a :
Rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SCI Bellevue.
Réformer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Bourg en Bresse en date du 2 janvier 2024 en ce qu'elle a :
Rejeté la demande de M. [Z] [R] aux fins de désignation d'un administrateur provisoire de la SCI Bellevue ;
Condamné M. [Z] [R] à payer à la SCI Bellevue une indemnité de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné M. [Z] [R] aux dépens.
Et statuant de nouveau,
Désigner tel administrateur provisoire qu'il plaira à la Cour d'appel de Lyon avec pour mission de :
Donner à ce mandataire les pouvoirs les plus étendus pour gérer et administrer la SCI Bellevue conformément à la Loi et les statuts,
Autoriser ce mandataire à se faire remettre tous documents utiles par le Gérant, M. [M] [R], et les associés,
Convoquer toutes assemblées générales utiles tant ordinaires pour approuver les comptes annuels qu'extraordinaires, pour procéder notamment au transfert du siège social,
Procéder à toutes les formalités nécessaires,
Autoriser ce mandataire à remettre aux associés les bilans, les procès-verbaux d'assemblée générale ainsi que les comptes sociaux pour les exercices 2006 à 2023,
Autoriser ce mandataire, pour les besoins de sa mission, à se faire assister par toute personne de son choix,
Dire que sa rémunération sera mise à la charge de la société,
Condamner la SCI Bellevue à payer les frais et honoraires de l'administrateur provisoire,
Rejeter l'ensemble des demandes de la SCI Bellevue,
Condamner la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner la SCI Bellevue aux entiers dépens de référé et d'appel distrait au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses prétentions, M. [Z] [R] a en substance principalement fait valoir :
L'absence de nullité de l'assignation délivrée à la SCi Bellevue.
Sa qualité d'associé et la justification d'un fait nouveau.
Le péril imminent encouru par la SCI Bellevue dont il était solidairement responsable.
Les fausses informations données par l'intimée.
Par conclusions n°2 régularisées au RPVA le 6 février 2025, la SCI Bellevue demande à la cour :
Juger recevable l'appel incident partiel de M. [M] [R] à I'encontre de l'ordonnance rendue le 2 janvier 2024,
Réformer l'ordonnance du 2 janvier 2024 en ce qu'elIe a débouté la SCI Bellevue de sa demande de nullité de l'assignation signifiée le 29 septembre 2023 à la SCI Bellevue,
Prononcer la nullité de l'assignation signifiée Ie 29 septembre 2023 à la SCI Bellevue,
Subsidiairement,
Juger M. [Z] [R] irrecevable à agir à I'encontre de Ia SCI Bellevue en raison de I'autorité provisoire de chose jugée attachée à l'ordonnance de référé du 14 octobre 2008 et l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 2 mai 2018.
Confirmer l'ordonnance sur ce point.
Subsidiairement,
Juger M. [Z] [R] irrecevable à agir à I'encontre de la SCI Bellevue en raison de son défaut de qualité pour agir en I'absence de qualité d'associé.
Subsidiairement,
Juger que M. [Z] [R] ne justifie pas d'un dommage imminent.
Débouter M. [Z] [R] de l'ensemble de ses demandes.
Confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a condamne M. [Z] [R] à payer à Ia SCI Bellevue la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner M. [Z] [R] à payer à la SCI Bellevue une somme complémentaire au titre de Ia procédure d'appel à hauteur de 3.000,00 €.
Condamner le même aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct des dépens d'appel au profit de Maître Eric Dez en application de l'article 699 du code de Procédure civile.
Au soutien de ces prétentions, la SCI Bellevue a en substance fait principalement valoir :
La nullité de l'assignation ;
L'autorité provisoire de la chose jugée ;
L'absence de qualité pour agir de M. [Z] [R].
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile il sera fait référence à leurs écritures.
Pendant le délibéré, le 27 février 2025, le conseil de l'appelant a indiqué produire un courrier du greffe du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse confirmant que la SCI Bellevue n'avait commis aucune modification depuis son immatriculation.
Par message au RPVA le 14 mars 2025, le conseil de la SCI Bellevue a été invité à communiquer dans les 8 jours toutes observations éventuelles sur la pièce produite par l'appelant durant le délibéré.
Par lettre du 18 mars 2025, le conseil de la SCI Bellevue répondait que si aucune formalité n'avait été enregistrée, le gérant de la SCI Bellevue avait multiplié les demandes auprès du greffe pour leur enregistrement. Un contentieux était actuellement cours devant le président du tribunal judiciaire à la suite d'un énième refus du greffier. La SCI s'était désistée en fin d'année 2024 d'un appel d'une décision du tribunal judiciaire pour présenter une nouvelle demande au greffe du tribunal de commerce répondant aux précédentes objections du greffier. La procédure était en cours.
MOTIFS,
Tant l'appel principal de M. [Z] [R] que l'appel incident de la SCI Bellevue peuvent être déclarés recevables.
I Sur la nullité de l'assignation délivrée à la SCI Bellevue :
La SCI Bellevue fait valoir que l'huissier instrumentaire a tenté de signifier l'assignation à l'adresse [Adresse 4], adresse déclarée par le requérant à son mandataire alors que l'adresse déclarée était précédée de la mention 'Centre d'Affaires International' auprès duquel l'huissier n'a fait aucune recherche. L'acte avait mis en évidence la difficulté relative au transfert du siège social et à la radiation de la société au RCS. Elle n'a jamais été domiciliée [Adresse 7] et l'huissier n'avait tiré aucune conséquence de ces constatations puisqu'il avait adressé la lettre recommandée à l'adresse inexacte incomplète.
Elle ajoute que cette lettre lui était bien parvenue mais après la date d'audience. L'attitude de l'huissier ou de son requérant était malicieuse d'autant que l'étude de l'huissier se trouve au [Adresse 4] et qu'un huissier a pu faire délivrer à personne un acte le 10 octobre 2022. De plus, [Z] [R] avait eu communication du contrat de domiciliation. Il avait ainsi tenté d'obtenir une décision en l'absence de son contradicteur et pour donner du crédit à ses affirmations d'une société sans siège social et radiée du RCS.
L'intimée conclut que les vices de forme observés sont constitutifs d'une fraude, lesquels justifient d'un préjudice réel bien qu'ayant pu éviter la prise d'une décision en son absence.
M. [Z] [R] invoque l'absence de grief découlant d'un éventuel vice de forme, la SCI Bellevue reconnaissant elle-même avoir pu présenter des moyens de défense en première instance. L'acte avait été signifié à la bonne adresse, au [Adresse 8], siège social de la SCI Bellevue et adresse où la SCI se domicilie elle-même depuis 2017 selon ses pièces.
L'huissier s'était rendu à l'adresse, avait constaté qu'aucune personne ne répondait à l'identification de la SCI. L'acte faisait foi jusqu'à inscription de faux. Le fait que l'adresse ne contienne pas la mention 'Centre d'affaires international' n'était pas de nature à faire échec à la réception des correspondances puisque la CCI a réceptionné le courrier. Cela confirmait que la SCI n'est pas identifiable à l'adresse à laquelle elle se domiciliait.
Sur ce,
Aux termes de l'article de 654 du Code de procédure civile :
'La signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet.'
Selon l'article 655, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
Aux termes de l'article 659 : 'Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
La cour relève que sur la première page de l'assignation en référé délivrée à la SCI Bellevue par acte du 20 février 2023, l'adresse de la société Bellevue est bien mentionnée comme étant [Adresse 8].
En la partie 'Modalités de remise de l'acte', l'huissier de justice dont certes l'étude est sise [Adresse 3] indiquait s'être transporté à l'adresse [Adresse 4] mais qu'aucune personne ne répondait à l'identification du destinataire de l'acte, ni y avait son établissement. Le nom ne figurait sur aucune boîte aux lettres et sur place il n'avait rencontré personne susceptible de le renseigner. Sur le site société.com, il avait constaté que la requise était domiciliée [Adresse 7] à [Localité 9] sans autre précision ne permettant de l'identifier.
L'huissier a ajouté que les services de la mairie, de la police municipale de la gendarmerie n'avaient pu lui fournir aucune indication quant à l'adresse actuelle de la société, et que la Poste n'avait pas donné suite. Il a dressé un procès-verbal conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile et l'a envoyé par lettre à la dernière adresse connue.
Il est établi que cette lettre adressée à la SCI à l'adresse du Centre d'affaires International est parvenue à l'intimée.
La cour relève que si la SCI Bellevue produit un contrat de domiciliation conclu avec la Chambre de commerce et d'industrie de L'Ain le 12 mai 2017 pour une durée de 12 mois, renouvelable par tacite reconduction, cette pièce ne permet pas de savoir si le contrat était toujours d'actualité au jour de la délivrance de l'assignation même si la CCI a fait suivre à M. [M] [R] le courrier reçu de l'huissier de justice.
De plus, l'intimée indique qu'un huissier de [Localité 11] a pu le 10 octobre 2022 délivrer à personne un acte à la requête de M. [Z] [R] à l'adresse [Adresse 4]. Or concernant cet acte, la cour relève au contraire, alors même que l'adresse ne comportait pas d'indication 'Centre d'affaires International', que l'acte a été remis à une SCI Marida, de surcroît à sa personne.
Ces pièces ne démontrent pas que le commissaire de justice n'a pas effectué les diligences à sa charge.
Par ailleurs, selon la décision attaquée, la SCI Bellevue était représentée devant le juge des référés après réouverture des débats à la demande de son conseil.
Si en son acte, l'huissier n'a pas expressément indiqué dans les mentions relatives aux modalités de remise de l'acte s'être rendu au Centre d'affaires internationale, la seule nullité pouvant en découler serait une nullité de forme nécessitant la preuve d'un grief non démontré en l'espèce alors que la SCI a comparu devant le premier juge avec dépôt de conclusions écrites.
Au surplus, la cour relève d'ailleurs que dans sa signification de l'ordonnance de référé dont appel, signification à l'initiative de la SCI Bellevue, celle-ci est domiciliée [Adresse 4], sans aucune indication d'une domiciliation au Centre d'affaires international.
La cour confirme la décision attaquée.
II (a) Sur la fin de non-recevoir en raison de l'autorité de chose jugée :
Par application de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, en raison de la chose jugée.
La SCI Bellevue fait valoir que M. [Z] [R] n'a jamais engagé de procédure au fond pour faire valoir les droits allégués, n'ayant eu de cesse depuis 20 ans que d'engager la même action. Il avait été déclaré irrecevable à deux reprises pour défaut de qualité pour agir puis irrecevable en raison de l'autorité provisoire de la chose jugée. Une ordonnance du 13 juin 2023 avait prononcé la nullité de l'assignation. Le premier juge avait justement retenu que [Z] [R] persistait à produire une copie incomplète des statuts et qu'il ne justifiait pas de qualité pour agir.
Elle ajoute que l'appelant ne rapportait pas la preuve de circonstances nouvelles, ce que ne constituent ni la communication de statuts constitutifs complets ni la radiation de la SCI.
M. [Z] [R] fait valoir que si le premier juge a retenu la production incomplète des statuts de la société, les pages manquantes ne peuvent remettre en question sa qualité d'associé. Il indique verser aux débats les statuts en leur intégralité. Il conteste également la motivation de la décision attaquée qu'il dit contraire à celle de l'arrêt arrêt du 2 mai 2018.
Il soutient que la cour avait alors rappelé la précédente procédure et le rejet de sa demande , étant précisé que le premier juge avait retenu un défaut de qualité à agir en raison de l'absence de production d'une copie certifiée conforme des statuts et au visa de l'article 488 du Code de procédure civile, l'absence d élément nouveau car ne versant aucune pièce pouvant démontrer sa qualité à agir en qualité d'associé, notamment une copie certifiée conforme des statuts.
Il ajoute que s'il avait apporté des éléments nouveaux, la cour aurait statué sur sa demande de désignation d'un administrateur provisoire. Elle avait donc estimé qu'il ne prouvait pas sa qualité d'associé et non pas qu'il n'avait pas la qualité d'associé. La production des statuts complets constitue donc une circonstance nouvelle au regard de l'autorité de chose sur laquelle portait l'arrêt d'appel précité.
L'appelante ajoute qu'à l'inverse la SCI ne rapporte pas la preuve de ce que [Z] [R] ne serait plus associé. Elle ne produit pas l'acte par lequel il aurait cédé ses parts sociales et ne justifie pas plus d'un paiement intervenu au titre de la cession ni de l'enregistrement au Registre du commerce et des sociétés.
Il invoque ensuite l'arrêt de la Chambre de l'instruction du 28 janvier 2021 de la présente cour, ayant relevé que cet acte de cession n'avait pas pu être retrouvé, et n'avait jamais été produit par la SCI Bellevue, faisant obstacle à toute poursuite pénale.
Sur ce,
Aux termes de l'article 488 du Code de procédure civile :
'L'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.
Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles.'
En conséquence, en cas de circonstances nouvelles le juge peut modifier une précédente décision.
En l'espèce, une ordonnance de référé du 22 décembre 2006 a, après saisine par M. [Z] [R] retenu la non comparution de celui-ci alors que la procédure était orale et qu'aucun des documents produits par les défendeurs (Me [G] ès-qualités de liquidateur de Mme [V] [R]), M. [R], et la SCI Bellevue, ne permettait de déterminer avec certitude les porteurs de parts du capital social de la SCI Bellevue. Si un appel avait été interjeté, il avait été suivi d'un désistement.
Puis, par ordonnance du 14 octobre 2008, le juge des référés saisi par M. [Z] [R] d'une demande de désignation d'un administrateur provisoire a déclaré les demandes irrecevables car la copie des statuts ni datés ni certifiés et incomplets ne pouvait constituer le titre de propriété de parts sociales ni de [Z] [R] ni de [M] [R]. Celui-ci ayant selon ses déclarations cédé toutes ses parts dans la SCI, il ne pouvait en être le gérant. Son intervention était déclarée irrecevable.
Par arrêt du 2 mai 2018, statuant sur une opposition et tierce-opposition de M. [M] [R] en qualité de gérant de la SCI Bellevue et en son nom personnel ; et M. [C] ès-qualités d'administrateur officiel de la succession de Mme [V] [R], la présente cour a rétracté un arrêt rendu le 30 mai 2017 et déclaré irrecevable en raison de l'autorité provisoire de chose jugée attachée à l'ordonnance de référé du 14 octobre 2008, la demande de M. [Z] [R] aux fins de désignation d'un administrateur provisoire de la SCI Bellevue.
En sa motivation la cour a notamment indiqué 'il y a lieu de constater qu'aucun élément nouveau n'est apporté par M. [Z] [R] pour démontrer sa qualité à agir comme associé de la SCI Bellevue dans le cadre de la nouvelle procédure de référé par lui introduite, ayant donné lieu à l'ordonnance du 28 juin 2016, puis, à l'arrêt, du 30 mai 2017, frappée d'opposition et de tierce opposition.'
En la présente instance, la cour relève que l'appelant a produit devant le premier juge des statuts datés et signés en office notarial, statuts enregistrés le 5 juin 1992. Il en manquait les pages 3/5/14 et 16.
Selon les termes de l'assignation, la demande de désignation d'un administrateur provisoire était fondée sur l'absence de convocation aux assemblées générales annuelles, sur la prise de connaissance par M. [Z] [R] en mai 2015 d'un faux procès-verbal d'assemblée générale de la société du 8 octobre 2012 mentionnant la détention par la société Sydney de 26 des 32 parts, mais également sur un détournement de loyer et d'une procédure pénale. En effet, le demandeur évoquait un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 juin 2016 et une mise en examen de [M] [R] le 16 novembre 2017. L'assignation évoquait en outre l'absence de siège social ayant conduit le greffe du tribunal de commerce à radier la société le 17 octobre 2022.
Il a par ailleurs produit en première instance un arrêt de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel du 11 avril 2017 ordonnant un supplément d'information en notant notamment que l'information judiciaire avait établi la fausseté des mentions relatives aux associés de la société civile immobilière Bellevue dans des déclarations fiscales produites en justice par [M] [R], qu'aucune cession au profit de la société Sydney n'avait été établie et les attestations fiscales litigieuses contenaient la mention fausse de cette société comme détenant la majorité des parts de la société civile immobilière puisque les revenus locatifs de celle-ci avaient été confondus dans le patrimoine d'une autre personne morale et utilisés à d'autres fins que l'intérêt de cette société.
La cour considère que [Z] [R] avait justifié devant le premier juge d'éléments nouveaux quant à la preuve de sa qualité à agir en tant qu'associé de la SCI Bellevue comme exigé par l'article 488 du Code civil.
La cour infirme la décision attaquée.
II (b)Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [Z] [R]
La SCI Bellevue soutient que M. [Z] [R] n'est plus associé depuis 1992 et la cession de ses parts à la société Sydney, cession jamais contestée.
Il ajoute que l'appelant s'est gardé de communiquer l'arrêt de la Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon du 28 janvier 2021 exposant et tirant les conséquences du fait que [Z] [R] ne contestait pas les actes de cession de ses parts sociales.Il avait renoncé devant le juge pénal à soutenir que les actes de cession de ses parts seraient faux.
L'intimée fait également valoir que [Z] [R] n'avait jamais saisi le juge du fond et était prescrit pour le faire. Il n'établissait pas sa qualité pour agir. De plus, il avait écrit à son frère [M] le 1er juin 1999 pour lui demander la cession de ses parts à la société Sydney avec la mention de l'enregistrement et avait écrit à l'administration fiscale ne plus être associé de la SCI Bellevue.
M. [Z] [R] maintient être associé, indiquant produire les statuts complets tandis qu'à l'inverse la SCI ne rapportait pas la preuve qu'il ne serait plus associé, ne produisant pas l'acte par lequel il aurait cédé ses parts à la société Sydney en septembre 1992 et ne justifiant pas non plus d'un paiement intervenu au titre de cette cession. L'intimée n'apporte pas plus la preuve de l'enregistrement de l'acte auprès du registre du commerce et des sociétés.
Il ajoute qu'en son arrêt du 28 janvier 2021, la Chambre de l'instruction avait relevé que l'acte de cession n'avait pu être retrouvé. Il n'avait jamais été produit par la SCI faisant ainsi échec à toute poursuite pénale. S'il n'avait pas eu la qualité d'associé il n'aurait pas pu déposer plainte.
Il conteste avoir déclaré à l'administration fiscale ne plus être associé de la SCI Bellevue, la pièce produite correspondant à une autre société.
Sur ce,
Par application de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité.
Aux termes de l'article 1865 du Code civil, la cession de parts sociales est constatée par écrit. Elle est rendue opposable à la société dans les formes prévues à l'article 1690 ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société. Elle n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et après publication au registre du commerce et des sociétés ; ce dépôt peut être effectué par voie électronique.
La cour relève que la qualité d'associé de [Z] [R] lors de la constitution de la société n'est pas contestée. Parmi les pages des statuts constitutifs produites devant le premier juge se trouvaient les pages relatives à la composition de la société. Les associés étaient [V] [E] veuve [R], [M] [R], et [Z] [R].
La cour rappelle que [Z] [R] avait également déposé plainte et qu'une information judiciaire avait été ouverte.
Si la SCI Bellevue a soulevé le défaut de qualité pour agir de M. [Z] [R] au motif qu'il avait cédé ses parts à une société Sydney, la cour relève que cette cession n'est pas produite, et qu'aucune formalité en découlant n'a été démontrée puisque l'appelante se contente à hauteur d'appel d'évoquer des formalités au greffe du tribunal de commerce en décembre 2024 sans justifier de leur réalité alors même que la pièce produite en délibéré par l'appelant remet en cause cette affirmation.
La cour relève par ailleurs que selon les deux arrêts de la Chambre de l'instruction produits, et notamment du second du 28 janvier 2021, ni l'acte de cession des parts [Z] [R] n'avait pu être retrouvé ni l'attestation qui aurait été établie le 16 septembre 1982, seule ayant été produite une copie de la signification du 6 octobre 2012 de ladite attestation.
La Chambre de l'Instruction avait ensuite constaté la prescription du délit de faux, à supposer qu'il était établi, et le fait que les investigations n'avaient pas permis de retrouver les actes litigieux. La Chambre de l'instruction a cependant renvoyé [M] [R] devant le tribunal correctionnel du fait d'usage de faux pour avoir produit des déclarations fiscales mentionnant que les associés de la SCI Bellevue étaient la SA Sydney et Mme [V] [E]-[R], ces déclarations fiscales étant fausses.
En sa motivation, l'arrêt mentionne que les dernières écritures du conseil de M. [R] ne soutenaient plus que l'attestation et l'acte de cession étaient faux. La cour considère que cette seule indication n'établit pas que M. [R] considérait avoir cédé ses parts à la SA Sydney.
Par ailleurs, il n'est pas établi que les courriers de M. [Z] [R] adressés à son frère et à l'administration fiscale invoqués par la SCI Bellevue concernaient celle-ci.
La cour considère que [Z] [R] a prouvé sa qualité à agir et que [M] [R] n'a pas prouvé la perte de cette qualité.
III Sur la désignation d'un administrateur provisoire au profit de la SCI Bellevue
À l'appui de sa demande, M. [Z] [R] fait valoir l'obligation du gérant de convoquer les associés pour tenir une assemblée générale annuelle, et obtenir quitus de sa gestion en rendant compte de sa gérance. M. [M] [R] devait tenir à disposition des associés l'ensemble des documents sociaux. De plus, lui-même n'avait jamais reçu sa quote-part des revenus locatifs de la société qui était pourtant propriétaire à [Localité 12] de trois appartements d'un garage et d'une cave. Selon l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 juin 2016, les loyers avaient été détournés par le gérant au profit d'une SCI Monclair.
L'appelant ajoutait que malgré sa lettre de mise en demeure adressée le 19 janvier 2021 au gérant, il n'avait pas pu obtenir les documents réclamés et n'avait jamais été convoqué aux assemblées générales. Il indique ensuite avoir découvert la tenue d'assemblées générales en son absence outre qu'une société Sydney détenait ses parts, qu'il n'en avait pas été informé malgré les exigences des statuts et les dispositions légales n'avaient pas été respectées. Les statuts constitutifs n'ayant pas été modifiés. Le greffe du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse n'avait enregistré aucune modification statutaire depuis 1992 de même que les bénéficiaires effectifs n'avaient pas été déclarés et la SCI avait été radiée le 17 octobre 2022 pour défaut de siège social.
Il en conclut à l'existence d'un préjudice considérable causé à la société ainsi qu'à lui-même, associé solidairement responsable, et à l'impossibilité de la poursuite de l'activité sociale. Le péril était imminent et manifeste. Il ajoute que si M. [M] [R] verse aux débats un extrait de son casier judiciaire, il se gardait de produire un casier judiciaire de [Localité 10] où il avait été condamné.
La SCI Bellevue invoque l'absence d'existence de la caractérisation d'un dommage imminent puisque depuis 2006, M. [R] demandait la désignation d'un administrateur ad hoc au visa de l'article 835 du Code de procédure civile. M. [Z] [R] n'était plus associé depuis 1992. Il n'existait pas de mésentente entre associés mais entre deux frères. Il n'était démontré ni d'un dommage ni de l'existence d'un mauvais fonctionnement ; la SCI étant parfaitement gérée par M. [M] [R].
Sur ce,
En application de l'article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les limites de sa compétence, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 1855 du Code civil :
« Les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d'un mois. »
Selon l'article 1856 :
« Les gérants doivent, au moins une fois dans l'année, rendre compte de leur gestion aux associés. Cette reddition de compte doit comporter un rapport écrit d'ensemble sur l'activité de la société au cours de l'année ou de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues. »
Par ailleurs l'article 1844 prévoit que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives.
La cour relève que la SCI Bellevue indique en ses conclusions que [M] [R] avait lui-même cédé ses parts à la société Sydney (page 11) tout en le présentant également comme son gérant assumant parfaitement ses fonctions.
Par ailleurs, l'appelant justifie d'une radiation de la société.
Il produit de plus une lettre en date du 9 décembre 2021 dont il justifie de l'envoi en la forme recommandée, demandant à [M] [R] en sa qualité de gérant de lui adresser les comptes, les documents, les bilans, les redditions des comptes, et les procès-verbaux d'assemblée générale avec les convocations les contrats de prêt pour les exercices 2015 à 2020, et demandant pourquoi la société n'avait plus de siège social. Il demandait également des pièces concernant la SCI Monclair car M. [M] [R] avait déclaré en justice que les revenus locatifs de la SCI Bellevue étaient versés à la SCI Monclair.
Aucune réponse n'est produite si ce n'est une lettre du 6 décembre 2022 dans laquelle [M] [R] répondait que la menace de faire désigner un administrateur provisoire était un nouvel acte de harcèlement.
La cour considère suffisamment rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un dommage imminent.
En conséquence, la cour désigne en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Bellevue la selarl AJUP en la personne d'[S] [O] pour une durée de 9 mois avec mission indiquée au dispositif.
La cour dit que M. [Z] [R] devra avancer à titre provisionnel la somme de 3 000 € à valoir sur les honoraires de l'administrateur provisoire et que la SCI Bellevue en aura la charge définitive.
Sur les mesures accessoires :
La cour infirme la décision attaquée sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SCI succombant, elle est condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat.
En équité la SCI Bellevue est condamnée à payer à M. [Z] [R] la somme de
de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La cour rejette la demande de la SCI Bellevue sur le même fondement,
Elle condamne la SCI Bellevue aux dépens à hauteur d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat.
En équité, elle condamne la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevables l'appel principal de M. [Z] [R] et l'appel incident de la SCI Bellevue.
Infirme la décision attaquée sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la SCI Bellevue.
Statuant à nouveau,
Désigne pour une durée de 9 mois en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Bellevue (n° 387 951 585 au RCS de Bourg en Bresse) la selarl AJ UP en la personne de Me [S] [O] avec pour mission :
de se faire remettre tous documents comptables et sociaux de la SCI Bellevue ainsi que les documents de gestion de location des immeubles appartenant,
d'effectuer les actes d'administration et de gestion nécessaires au fonctionnement habituel de la SCI Bellevue y compris toutes les formalités nécessaires,
à cet effet, notamment de convoquer les assemblées générales ordinaires prévues par les statuts et toute assemblée générale extraordinaire rendue nécessaire,
de percevoir le cas échéant les revenus locatifs des immeubles appartenant à la SCI Bellevue.
Autorise l'administrateur provisoire à remettre aux associés les bilans, les procès-verbaux d'assemblée générale, ainsi que les comptes sociaux pour les exercices 2006 à 2023,
Autorise l'administrateur provisoire pour les besoins de sa mission, à se faire assister par toute personne de son choix,
Dit que M. [Z] [R] devra avancer à titre provisionnel la somme de 3 000 € à valoir sur les honoraires de l'administrateur provisoire et que la SCI Bellevue aura la charge définitive de ces honoraires,
Condamne la SCI Bellevue aux dépens de première instance avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat,
Condamne la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette la demande de la SCI Bellevue sur le même fondement.
Y ajoutant,
Condamne la SCI Bellevue aux dépens à hauteur d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de Maître Sandrine Rouxit, Avocat,
Condamne la SCI Bellevue à payer à M. [Z] [R] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT