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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 26 mars 2025, n° 23/04495

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/04495

26 mars 2025

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 26 MARS 2025

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/04495 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHH56

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2023 - tribunal judiciaire de Bobigny chambre 7 section 3 - RG n° 20/08419

APPELANT

Monsieur [G] [K]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 10] (Egypte)

[Adresse 4]

[Localité 9]

Représenté par Me Kodjovi Azianti SEDJRO, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, toque : 291

INTIMÉE

S.A. BOURSORAMA

[Adresse 6]

[Localité 8]

N° SIREN : 351 058 151

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jérôme HOCQUARD de la SELARL ELOCA, avocat au barreau de Paris, toque : P0087, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère chargée du rapport

Mme Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 2 mars 2025, M. [G] [K] a interjeté appel du jugement en date du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal judiciaire de Bobigny saisi par voie d'assignation en date du 28 septembre 2020 délivrée à la requête de la société Boursorama, a statué ainsi :

'Rejette la demande de sursis à statuer ;

Déboute Monsieur [G] [K] de l'ensemble de ses demandes ;

Déclare valablement intervenue la déchéance du terme prononcée par la banque par courrier du 25 juin 2020 ;

Condamne Monsieur [G] [K] à verser à la SA Boursorama la somme de 465 089,95 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 1,60 % sur la somme de 429 021,31 à compter du 30 septembre 2020 et jusqu'à parfait paiement,

Prononce la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne Monsieur [G] [K] aux dépens de l'instance, avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [G] [K] à verser à la SA Boursorama la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rappelle que l'exécution provisoire de l'entier jugement est de droit ;

Rejette comme non justifiées les demandes plus amples ou contraires.'

***

À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 10 décembre 2024 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 9 décembre 2024, l'appelant

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les dispositions des articles 9 du Code de procédure civile, 1101, 1134 et 1240 du

Code civil, L. 561-5 et L. 561-15 du Code monétaire et financier, L. 313-16 du Code de

la consommation,

Il est demandé à la Cour de :

INFIRMER en toutes ses dispositions la décision RG n° 20/08419 du 17 janvier 2023 du

Tribunal judiciaire de Bobigny,

Et, statuant à nouveau,

À titre principal,

CONSTATER que la société Boursorama n'apporte pas la preuve qu'elle a conclu un contrat de prêt immobilier avec M. [G] [K],

DIRE nul le contrat du 11 avril 2018 entre la société Boursorama et M. [G] [K],

DIRE ET JUGER que M. [G] [K] n'est pas tenu à restitution envers la société Boursorama en l'absence de réception des fonds que celle-ci a débloqués,

Subsidiairement,

CONDAMNER la société Boursorama à payer à M. [G] [K] la somme de 470 000 euros en réparation de son préjudice financier, outre 30 000 euros en réparation de son préjudice moral,

En tout état de cause,

CONDAMNER la société Boursorama à payer à M. [G] [K] la somme de 4 500 euros hors taxes en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société Boursorama aux dépens de la première instance et à ceux de

l'appel.'

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 9 décembre 2024, l'intimé

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Il est demandé à la Cour,

Vu le jugement rendu le 7 janvier 2023 par le Tribunal Judiciaire de Bobigny sous le numéro de RG

DECLARER la Sté BOURSORAMA recevable et bien fondée en ses conclusions, fins et prétentions.

REJETER toutes fins, moyens et conclusions contraires

CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions

Vu la loi N°2007-291du 5 mars 2007

Vu l'art. 4 du code de procédure pénale

Vu l'art. L. 312-33 du Code de la Consommation

Vu l'art. L. 313-16 du Code de la Consommation

Vu les dispositions des articles 1101, 1103 et 1240 du code civil

Vu les dispositions de l'art. L. 561-5 et L. 561-15 du CMF

DEBOUTER M. [K] de sa demande de sursis à statuer.

DECLARER M. [K] irrecevable de sa demande de sursis à statuer

Vu l'article 1103 nouveau du Code Civil,

CONDAMNER Monsieur [G] [K] à payer à la société BOURSORAMA la somme de 465.089,96 € outre intérêts contractuels sur la somme de 429.021,31 € à compter du 24 avril 2020,

À titre subsidiaire,

Vu les articles 1130 et 1137 du Code Civil,

PRONONCER la nullité du prêt résultant de l'offre de prêt du 5 septembre 2018,

CONDAMNER en conséquence Monsieur [G] [K] à rembourser à la société BOURSORAMA, en deniers ou quittance, la somme de 465.089,96 €, outre intérêts au taux

légal à compter de l'assignation en date du 28 septembre 2020

DIRE que les intérêts se capitaliseront dans les conditions de l'article 1343-2 nouveau du Code Civil,

Vu l'article 1240 nouveau du Code Civil,

CONDAMNER Monsieur [G] [K] à payer à la société BOURSORAMA la somme de 96.279,00 €, en guise de dommages-intérêts au titre du préjudice financier subi par la Société BOURSORAMA,

En tout état de cause,

Vu les articles 699 et 700 du CPC,

CONDAMNER Monsieur [G] [K] à payer à la société BOURSORAMA, outre dépens dont distraction au bénéfice de la SELARL ELOCA, Avocats, en application de l'article 699 du CPC, la somme de 4.500 € en guise d'indemnité de procédure en application de l'article 700.'

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

La société Boursorama a introduit une action en paiement à l'encontre de M. [K], fondée sur une exigibilité immédiate des sommes dues au titre d'un contrat de prêt immobilier conclu en ligne le 12 mars 2018, M. [K] ayant fourni de faux documents à l'appui de la demande de prêt.

M. [G] [K] s'en défend en prétendant n'avoir conclu aucun contrat de prêt immobilier avec la société Boursorama. Il expose en détail les faits suivants.

Étant ouvrier-peintre, il a souvent réalisé, sur son temps libre, des travaux de rénovation des immeubles de M. [W] [I], marchand de biens, dont il avait fait connaissance en 2012, lui ayant acheté une maison, pour en faire sa résidence principale. À la fin de l'année 2017, alors que M. [K] à la demande de M. [I] effectuait des travaux dans un immeuble situé au [Adresse 5] à [Localité 12], M. [I] l'a informé du fait qu'il comptait vendre cet immeuble, et M. [K] qui souhaitait investir étant intéressé par l'acquisition de cette maison évaluée à 270 000 à 300 000 euros, M. [I] a orienté M. [K] vers son 'courtier habituel' auquel M. [K] a remis les documents demandés, soit les copies de sa pièce d'identité et de celle de son épouse, la copie de ses fiches de paie, la copie de leurs avis d'imposition, ainsi que celle de leurs relevés de compte. N'ayant pas de nouvelles après plusieurs mois, M. [K] a pensé que sa situation ne lui permettait pas d'obtenir le prêt et n'a pas jugé utile de réinterroger ses interlocuteurs.

Au mois d'août 2018, M. [K], retournant dans l'immeuble du [Adresse 5] à [Localité 12] dans lequel il se rendait régulièrement le week-end pour poursuivre les travaux, y a découvert des courriers à son nom, dont une lettre de la banque Boursorama faisant état de trois mensualités impayées. M. [K] a contacté M. [I] qui lui a alors révélé avoir réalisé pour lui l'ensemble des démarches nécessaires à l'acquisition du bien, notamment l'ouverture d'un compte, la demande de financement, et les formalités notariales.

M. [K] s'est alors rendu au commissariat de [Localité 12], où son interlocuteur lui a répondu ne pas pouvoir enregistrer de plainte, à défaut de faits relevant du droit pénal. Sur ses conseils, M. [K] a pris attache avec la banque afin de contester l'ouverture d'un compte et d'un crédit en son nom, vainement, la banque disant qu'il y avait discordance dans les données d'état civil, ainsi qu'avec l'étude notariale en charge de la vente, qui lui a confirmé la régularité la cession, et lui a précisé qu'elle reviendrait vers lui pour lui adresser son titre de propriété et le reliquat des fonds versés par la banque.

Sur ce, M. [I] s'est excusé de ne pas avoir informé M. [K] de l'ouverture du compte et de la demande de prêt immobilier de 450 000 euros qui dépasse largement le prix de l'immeuble, lui a asuré que le notaire restituerait le solde des fonds et que les revenus locatifs mensuels couvriraient les 2 000 euros de remboursement du prêt. M. [I] a versé 6 000 euros sur le compte Boursorama en régularisation des impayés, et a remis à M. [K] le RIB afin d'y verser chaque mois le montant des mensualités, ce qu'a fait M. [K], avec, dans le même temps, l'aide de sa famille pour la remise en état de la maison et sa mise en location.

Le 18 décembre 2019, M. [K] a été convoqué à la gendarmerie de [Localité 15], où lui était notifiée une ordonnance de saisie pénale immobilère de l'immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 12]. Il apprenait alors que l'immeuble dont il se croyait propriétaire évalué par France Domaine en 2019 à 225 810 euros avait été acheté par une société civile immobilière dénommée '[K] Family' qu'il n'a jamais constituée, et que cette opération faisait partie d'un ensemble de faits faisant l'objet d'une instruction pour escroquerie aggravée, blanchiment abus de biens sociaux, faux, recel d'abus de biens sociaux. C'est alors que M. [K] a cessé d'honorer les mensualités du prêt.

La société Boursorama, banque en ligne dont l'activité est intégralement dématérialisée, expose que suivant offre de prêt en date du 12 mars 2018, signée électroniquement, M. [K] a obtenu un prêt d'un montant de 450 000 euros, destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier situé au [Adresse 7] dans le [Localité 3], au prix de 307 000 euros. L'accord du prêteur a été donné au vu des documents fournis par M. [K], soit des bulletins de paie, avis d'imposition, relevés de compte, et compromis de vente entre M. [K] et la société MS Invest.

La société Boursorama a plus tard découvert que la vente portait sur un bien immobilier situé au [Adresse 5] à [Localité 12] et non sur un bien situé à [Localité 13] comme il avait été indiqué dans la demande de prêt, et que l'acquéreur n'était pas M. [G] [K] mais une société civile immobilière portant le nom d'[K] Family, dont il était le gérant. Interrogeant le service de la publicité foncière, la société Boursorama a appris que le bien acquis faisait l'objet d'une saisie pénale et qu'une instruction était ouverte, révélant que la société civile immobilère [K] Family avait acquis le bien situé à [Localité 12] dans des conditions suspectes. La société Boursorama découvrait également que les documents fournis en vu de l'octroi du prêt étaient faux et qu'ainsi, une substitution de bien et d'acquéreur avait eu lieu au cours de la vente, sans que cela ne soit prévu par le compromis de vente.

Le 5 mars 2020, les échéances du prêt pour les mois de janvier et février n'ayant pas été honorées, la société Boursorama a mis en demeure M. [K] de les régler, en vain. Puis, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 25 juin 2020, la société Boursorama a notifié à M. [K] l'exigibilité anticipée du prêt.

Par acte du 28 septembre 2020, la société Boursorama a assigné M. [K] en paiement devant le tribunal judiciaire de Bobigny, qui a rendu le jugement dont appel.

°°°°°°°

M. [K] considère que l'existence d'une erreur-obstacle justifie la nullité du contrat de prêt, et subsidiairement, que la banque a engagé sa responsabilité à son égard.

Sur le vice du consentement

M. [K] fait valoir, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 1101 et 1134 du code civil, qu'une erreur obstacle empêchait la formation du contrat de prêt, qui doit donc être déclaré nul.

Il soutient qu'il n'a pas donné son consentement à la conclusion des contrats avec la société Boursorama, dans la mesure où il avait transmis des documents au courtier de M. [I] lorsque l'achat de l'immeuble situé à [Localité 12] lui avait été proposé. Or ceux-ci ont été utilisés pour obtenir un prêt en son nom, à son insu, d'un montant de 450 000 euros, ayant vocation à financer un immeuble estimé à une valeur bien inférieure de 225 810 euros par France Domaine.

Il soutient également que les éléments sur lesquels la banque s'appuie pour établir le fait qu'il est bien la personne ayant conclu le contrat de prêt sont insuffisants. Tout d'abord, l'intérêt qu'il avait manifesté pour l'acquisition de l'immeuble et la communication de sa carte d'identité au courtier de M. [I] ne permettent pas d'établir son consentement pour la conclusion du contrat de prêt. Il affirme n'avoir jamais été l'utilisateur du numéro de téléphone [XXXXXXXX01] et de l'adresse mail [Courriel 11] ayant servi à communiquer avec la banque, et notamment à obtenir les codes d'accès personnels sécurisants les transactions. Il indique également ne jamais avoir rencontré le notaire chargé de l'acquisition, ne pas lui avoir donné de pouvoir, et avance que celui-ci a procédé sans autorisation à la substitution de l'acquéreur et du bien objet de la vente, au bénéfice d'une société civile immobilière qui n'a pas été constituée par M. [G] [K].

Par ailleurs, il reproche à la banque de ne pas avoir réalisé l'examen sommaire du dossier, alors que celui-ci lui aurait permis de détecter la fraude. Ainsi, M. [K] était locataire et la banque a pourtant reçu, à la place d'une copie du contrat de bail, une attestation d'hébergement, sans s'en étonner. Également, la banque a enregistré M. [K] comme étant séparé et se trouvait en possession d'une convention de divorce par consentement mutuel qui ne mentionnait le nom que d'un avocat, au lieu de deux conformément aux dispositions légales. De plus, le financement a été accordé alors que la banque ne se trouvait pas en possession des documents qu'elle avait elle-même demandés, un seul avis d'imposition ayant été fourni au lieu de trois et aucun relevé du compte épargne ou du compte sur lequel étaient versés ses salaires n'ayant été apporté. M. [K] reproche également à la banque de ne pas avoir procédé à vérification concernant ses revenus, ceux-ci s'élevant à 2 300 euros avant décembre 2016 et à 7 500 euros après. En outre, le compromis de vente présentait lui aussi des éléments qui auraient dû alerter la banque, notamment le fait que le dépôt de garantie demandé n'était que de 1 000 euros, que le prix de vente était de 307 000 euros alors que le prêt sollicité s'élevait à 450 000 euros et que ces fonds avaient été débloqués sur le compte du notaire ayant réalisé la vente, sur la base d'une unique lettre, dont la banque est entrée en possession sans que M. [K] ne lui ait transmise. Sa signature aurait également dû attirer l'attention de la banque, puisqu'elle était différente de celle figurant sur les documents dont elle était en possession.

Ainsi, la banque n'apporte pas la preuve que c'est avec M. [K] qu'elle a conclu le contrat de prêt.

Enfin, il fait valoir que l'étude notariale de Maitre [C] est mise en examen dans une procédure pénale pour escroquerie, de sorte qu'il n'a pas accès à l'ensemble des documents permettant d'établir le fait qu'il n'est pas à l'origine des contrats conclus avec la banque.

Il ajoute que la facilité avec laquelle le prêt a été accordé laisse présumer une collusion entre la banque et les mis en examen, dont il se trouve victime, dans la mesure où les paiements qu'il avait réalisés pour la banque, jusqu'à ce qu'il apprenne la saisie pénale de l'immeuble, reposaient sur la crédibilité qu'il attribuait à la fonction de notaire. Ces paiements ont été réalisés dans la totale ignorance de l'illicéité du prêt, en aucune manière ils ne pourraient être analysés comme un acte de régularisation du contrat de prêt. Dès lors, le contrat de prêt doit être considéré comme nul, les restitutions ne pouvant pas lui être demandées, puisqu'il n'était pas le destinataire des fonds.

La société Boursorama, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 1104 et 1101 du code civil, fait valoir que le contrat de prêt litigieux a valablement été conclu par M. [K], faute pour lui de démontrer que quelqu'un d'autre en serait à l'origine. Ce contrat a été souscrit sur le site internet de la banque, en réponse à la demande de financement pour un bien immobilier, et en considération des documents qui y ont été déposés. Les éléments transmis portaient le nom de M. [K], il ne s'agissait pas uniquement de sa pièce d'identité mais aussi de relevés de comptes, de bulletins de salaires, d'avis d'imposition, d'une convention de divorce par consentement mutuel' Surtout, M. [K] disposait de codes personnels pour accéder à son espace en ligne Boursorama, permettant d'authentifier les utilisateurs. S'agissant d'informations confidentielles, il appartenait à M. [K] de les protéger contre toute utilisation fraudeuse.

Concernant les anomalies invoquées par M. [K], la banque fait valoir qu'il n'était pas un de ses clients avant cette opération, de sorte qu'elle ne pouvait pas savoir qu'il était locataire et ne pouvait que se satisfaire de l'attestation d'hébergement, que la réforme relative au divorce par consentement mutuel était entrée en vigueur à peine un an avant la convention fournie si bien qu'elle n'en maîtrisait pas encore les dispositions. Par ailleurs, le montant d'un dépôt de garantie n'étant pas fixé par la loi, elle n'avait pas à s'y intéresser. Enfin, le choix de faire garantir le crédit par le seul Crédit Logement et non par une garantie hypothécaire se justifie par le coût de ces garanties.

La banque fait valoir en outre, au visa de l'article L. 133-17 du code monétaire et financier, que M. [K] était tenu d'une obligation d'informer sa banque en cas de réalisation d'une opération non autorisée. En négligeant de veiller à la sécurité de ses codes d'accès confidentiels et en remettant en cause la banque plutôt que ses propres actes, M. [K] fait preuve de mauvaise foi et doit assumer seul les conséquences de ses manquements. Les démarches réalisées auprès d'elle au moyen des codes personnels étaient motivées par la volonté d'acquérir un bien immobilier, ce que M. [K] a toujours reconnu.

Par ailleurs, M. [K] était engagé dans un contrat synallagmatique, dans la mesure où en échange d'un financement, il s'engageait à rembourser les sommes débloquées. La destination des fonds était établie par le compromis de vente fourni, qui mentionnait un bien situé à [Localité 13] et non à [Localité 12], ce qui démontre la mauvaise foi de M. [K].

Il s'agissait d'un contrat électronique signé conformément aux articles 1366, 1367 alinéa 2 du code civil et à l'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017. Son prestataire chargé des signatures électroniques avait obtenu la certification LSTI, permettant à la banque de bénéficier d'une présomption de fiabilité, de sorte que la signature de M. [K] ne peut pas avoir été falsifiée.

La société Boursorama fait ensuite valoir qu'aucun mandataire ne peut avoir conclu le contrat de prêt à la place de M. [K], puisque comme indiqué supra, il avait utilisé des codes d'accès personnels et une signature électronique. De plus, elle indique n'avoir jamais traité avec la société civile immobilière [K] Family ou M. [I], à qui M. [K] dit avoir accordé un mandat, dont il n'apporte pas la preuve. Concernant les éléments relatifs à l'étude notariale, ils sont étrangers à la présente procédure.

La société Boursorama rappelle enfin qu'une mise en demeure a été adressée à M. [K] en raison de retards de paiement, en application de la clause d'exigibilité anticipée prévue par le contrat de prêt. M. [K] n'apporte pas la preuve qu'il se trouverait dans l'impossibilité de régler les mensualités et invoque à tort la saisie pénale comme étant l'évènement à l'origine des incidents de paiement : l'ordonnance pénale ne met pas fin aux locations en cours dans l'immeuble et n'empêche pas la perception des loyers, ceux-ci ne faisant pas l'objet d'une saisie mobilière.

Dès lors, M. [K] se trouve débiteur d'une somme de 465 089,96 euros qui comprend notamment l'indemnité de 7 % prévue au contrat, à laquelle doivent être ajoutés les intérêts contractuels de 1,60%, portant la somme totale à 485 481,05 euros.

Sur ce

Liminairement, il doit être indiqué que la question du sursis à statuer dans l'attente le l'issue de la procédure pénale a été définitivement tranché par le conseiller de la mise en état dans son ordonnance rendue le 19 septembre 2023, lequel a rejeté la requête de M. [K], en relevant qu'aucune des parties à la présente instance n'est mise en cause dans la procédure pénale, et qu'ainsi que l'a relevé le tribunal l'action en remboursement engagée par la banque ne vise pas à réparer le dommage causé par l'infraction alléguée mais à faire application des clauses du contrat prévoyant l'exigibilité anticipée du prêt en cas de renseignements inexacts fournis par l'emprunteur, et subsidiairement voir annuler le prêt pour dol. Le conseiller de la mise en état a ensuite rappelé que conformément à l'article 9 du code de procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, ainsi M. [G] [K] n'a pas à établir qu'il n'a pas contracté avec la société Boursorama, il appartient au contraire à cette dernière d'apporter la preuve du contrat dont elle se prévaut.

C'est d'ailleurs en ce sens qu'en suite d'un examen attentif et exhaustif des pièces produites par les parties et de leur exacte analyse, le tribunal a statué par des motifs appropriés en droit comme en fait qu'il y a lieu d'adopter en leur entièreté.

En particulier, comme à juste titre rappelé par le premier juge, la société Boursorama à réception d'un courrier du notaire (pièce 19), a découvert que le prêt avait été détourné de son objet, puisque c'est un autre bien qui a été acheté - un bien immobilier situé à [Localité 12] et non un immeuble sis à [Adresse 14] comme prévu dans le compromis de vente qui lui avait été transmis lors de la demande de prêt - et que la vente réalisée le 6 juillet 2018 avait eu lieu entre la société Pandore Invest Corporation et la société civile immobilière [K] Family au lieu de M. [G] [K] agissant en personne, étant établi, le cadastre ayant été consulté à ce sujet, que M. [K] n'est propriétaire d'aucun bien à [Localité 13].

Surtout, le jugement énonce que dans ses dernières écritures M. [K] a reconnu 'avoir acquis par le biais d'une SCI dont il est le gérant un autre bien que celui mentionné lors de l'établissement du dossier'. En effet il résulte de la pièce 37 de la société Boursorama constituée des conclusions prises pour M. [K] qu'il fait écrire (page 6), pour soutenir que le prêt n'a pas été détourné de son objet puisqu'il s'agissait en tout hypothèse d'une acquisition immobilière : 'En l'espèce Monsieur [K] [G] a acquis, par le biais d'un SCI dont il est le gérant, un autre bien que celui mentionné lors de l'établissement du dossier. La destination du contrat de prêt ne saurait être interprétée autrement que celle visant à acquérir un bien immobilier'. D'ailleurs, la signature figurant au bas des statuts de cette société civile immobilère familiale constituée avec son épouse est similaire à celle figurant sur la convention de divorce à laquelle il dit être étranger, communiquée à l'appui de la demande de prêt (la même similitude ressort également quant à la signature de Mme [K]) et ressemble fortement à celle apposée sur son titre de séjour.

Enfin il convient de faire observer que M. [K] admet avoir exécuté le contrat de prêt auquel il n'aurait pas consenti, en remboursant pendant plusieurs mois les mensualités du prêt alors que M. [I] lui avait révélé avoir agi à son insu pour la demande de crédit, et ce jusqu'à ce qu'il se voit notifier l'ordonnance de saisie pénale.

C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que la banque pouvait se prévaloir de l'article 10 des Conditions générales du contrat de prêt, et prononcer sur ce fondement la déchéance du terme.

Par ailleurs, le tribunal a rappelé qu'il y a eu des impayés, ce que ne conteste d'ailleurs pas M. [K], selon décompte produit par la banque à l'appui de sa demande en paiement qui ne fait l'objet d'aucune critique de la part de M. [K].

Le jugement déféré est donc confirmé en ce que le tribunal a déclaré valablement intervenue la déchéance du terme prononcée par la banque par courrier du 25 juin 2020, et condamne M. [K] à payer à la société Boursorama la somme de 465 089,95 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 1,60 % sur la somme de 429 021,31 à compter du 30 septembre 2020 et jusqu'à parfait paiement.

En revanche il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'a été prononcée la capitalisation des intérêts, faisant obstacle à l'application de l'article 1343-2 du code civil la règle selon laquelle aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévus par ces articles.

Sur la responsabilité de la banque à raison de son devoir de vigilance

M. [K], au visa des articles 1240 du code civil, L. 561-5, L. 561-15 du code monétaire et financier et L. 313-16 du code de la consommation, fait valoir que la banque a commis une faute lui ayant causé un préjudice, devant donner lieu au versement de dommages et intérêts. Il soutient que les banques en ligne sont soumises aux mêmes obligations de vigilance et de signalement que les autres établissements de crédit et qu'elles sont tenues de contrôler les informations transmises par l'emprunteur, au regard de documents vérifiables. Or, la société Boursorama indique avoir accordé le prêt litigieux la carte d'identité de M. [K] lui ayant été fournie, ce qui n'est pas suffisant pour établir l'identité réelle de la personne l'ayant sollicité.

M. [K] soutient avoir fourni des documents à M. [I] afin qu'il les communique à un courtier et non pour que celui-ci conclu un emprunt en son nom.

De plus, il reproche à la banque d'avoir traité ce dossier avec une grande légèreté.

En effet, M. [K] était locataire et la banque a pourtant reçu, à la place d'une copie du contrat de bail, une attestation d'hébergement. La banque avait enregistré que M. [K] était séparé et se trouvait en possession d'une convention de divorce par consentement mutuel, alors que celle-ci avait été réalisée en l'absence d'avocats. De plus, le financement avait été accordé alors que la banque ne se trouvait pas en possession des documents qu'elle avait elle-même demandés, un seul avis d'imposition ayant été fourni au lieu de trois et aucun relevé du compte épargne ou du compte sur lequel étaient versés ses salaires n'ayant été apporté. M. [K] reproche également à la banque de ne pas avoir procédé à des vérifications concernant ses revenus, ceux-ci s'élevant à 2 300 euros avant décembre 2016 et à 7 500 euros après. Enfin, les fonds ont été versés au notaire sans qu'il soit démontré qu'il s'agissait d'une demande de M. [K], celui-ci ne l'ayant même jamais rencontré dans le cadre de cette opération. Dès lors, si la banque avait adopté un procédé de contrôle des dossiers ainsi qu'un dispositif d'identification de ses clients rigoureux, elle aurait pu se rendre compte de l'escroquerie réalisé par M. [I] et ses complices, ce qui constitue une faute.

M. [K] ajoute qu'il se retrouve donc propriétaire d'une SCI qu'il n'a pas constituée et d'un bien acquis pour un prix bien supérieur à sa valeur, et que la charge d'un emprunt qu'il n'a jamais sollicité lui incombe injustement.

Le fait que la société Boursorama demande l'inscription d'une hypothèque sur l'immeuble litigieux est, selon lui, révélateur du risque de confiscation à intervenir après le procès pénal, de même que le refus de payer de la société Crédit Logement, s'étant portée caution.

Il vit dans l'inquiétude des conséquences de cette escroquerie depuis bientôt cinq ans et sollicite l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 470 000 euros en réparation de son préjudice financier, outre 30 000 euros en compensation de son préjudice moral.

La société Boursorama fait valoir que M. [K] ne démontre pas les préjudices qu'il allègue au titre du devoir de vigilance de la banque. Elle souligne le fait qu'il n'invoque aucunement un vol de sa pièce d'identité et reconnaît avoir remis ses documents et codes d'accès à un tiers, se rendant coupable d'une négligence grave, exonérant la banque de toute responsabilité. Concernant les pièces à sa disposition, elle soutient que la pièce d'identité déposée sur l'espace personnel en ligne de M. [K] ne peut être que la sienne, ses codes d'accès personnels ayant été utilisés pour y accéder, et qu'elle ne pouvait pas déceler les falsifications de la convention de divorce, pour les raisons invoquées supra. De même, M. [K] lui reproche un manque de vigilance concernant les montants présentés sur les bulletins de salaires fournis, alors que ceux-ci oscillent entre 1 582,89 euros et 4 200 euros et que des différences dans l'intitulé de son emploi y figurent. En outre, elle souligne le fait que M. [K] allègue une usurpation d'identité, pour laquelle il n'a jamais porté plainte et accuse la banque de complicité d'escroquerie avec des tiers dont elle ne connaissait pas l'existence. Enfin, elle fait valoir que la demande d'indemnisation de 470 000 euros formulée par l'appelant n'est nullement justifiée puisqu'il demande la nullité du contrat, supposée remettre les parties dans une situation similaire à celle qu'elles connaissaient avant la conclusion du contrat, et présente un montant exorbitant, alors que M. [K] a bénéficié des fonds débloqués par la banque. Etant donné que M. [K] est à l'origine des falsifications qu'il allègue, il ne peut obtenir aucun dédommagement.

Sur ce

M. [K] développe ici les mêmes éléments que dans la partie de ses conclusions relative à l'erreur-obstacle.

Comme jugé par le tribunal, la banque n'est tenue d'aucune vérification complémentaire dès lors que les renseignements recueillis sur la situation du débiteur ne comportent pas d'incohérence ou anomalie apparente. Or celles que M. [K] considère comme telles sont purement marginales.

Par ailleurs, 'Fraus omnia corrumpit' et M. [K] s'est au moins dans un premier temps accommodé des irrégularités qu'il impute désormais à M. [I], lequel était une de ses connaissances, et qui se trouve impliqué au premier plan dans la procédure d'information judiciaire (comme cela ressort de l'ordonnance de saisie immobilière pénale).

Ce moyen ne saurait prospérer et le jugement déféré sera donc confirmé en ce que le tribunal a débouté M. [K] de l'ensemble de ses prétentions en ce comprise sa demande indemnitaire.

****

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [K] qui échoue dans ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de la société Boursorama formulée sur ce même fondement mais uniquement dans la limite de la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

sauf en ce qu'il a été prononcé la capitalisation des intérêts, et statuant de ce chef infirmé, DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] [K] à payer à la société Boursorama la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE M. [G] [K] de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE M. [G] [K] aux entiers dépens d'appel et admet la SELARL ELOCA avocat constitué, du Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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