CA Lyon, 8e ch., 26 mars 2025, n° 24/01450
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 24/01450 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PPPV
Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE en référé du 12 février 2024 - RG : 2023/09559
S.A.S. SIMATEL CONCEPT
C/
[I]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 26 Mars 2025
APPELANTE :
La société SIMATEL 69 (anciennement dénommée SIMATEL CONCEPT), société par actions simplifiées immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 813631090, dont le siège social est situé [Adresse 4], représentée par son Président, la société SIMA-H
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Ayant pour avocat plaidant Me Clémence CRESPE de la SELARL LCS AVOCATS, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMÉ :
M. [C] [I]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant le Cabinet OMA AVOCATS (anciennement VIAJURIS CONTENTIEUX) représenté par Me Ophélie MICHEL, avocat au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 28 Janvier 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Janvier 2025
Date de mise à disposition : 26 Mars 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Véronique DRAHI, conseiller, en application de l'article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
La société Simatel Concept (aujourd'hui dénommée Simatel 69) exerce une activité d'achat, vente, représentation, installation, réparation et maintenance de tout matériel pour la boulangerie et la pâtisserie et, d'une manière générale, pour les cuisines professionnelles.
Elle a été constituée par M. [C] [I] qui en détenait 400 parts à la constitution et la société Boulangerie Développement Partenariat (BDP), qui en détenait 100 parts à la constitution.
Dans le cadre de son mandat de dirigeant de la société Simatel Concept et en sa qualité d'associé, M. [I] a prêté à cette dernière un certain nombre de sommes qui ont été portées au crédit de son compte courant d'associé, dont le solde créditeur s'élevait, au 31 décembre 2021, à la somme de 92.316,26 €.
Par protocole de cession sous conditions suspensives en date du 7 juillet 2022, la société BDP et M. [I] ont cédé à la société Sima-H, dirigée par M. [Y] [B], l'intégralité des 500 parts composant le capital de la société Simatel Concept, pour la somme totale de 300.000 €.
Deux conditions suspensives étaient stipulées à l'article 4 de ce protocole :
la transformation de la structure juridique constituée sous forme de SARL en SAS,
l'accord de M. [I] et de la société Sima-H sur les termes définitifs de la garantie d'actif et de passif.
Par ailleurs, dans les conditions particulières, il était stipulé le remboursement du compte courant de M. [I] ainsi que les conditions de sa démission et la cession par la société Simatel Concept à M. [I] du véhicule Porsche mis à sa disposition, au plus tard le 29 juillet 2023 moyennant un prix déterminé entre les parties au jour de sa vente devant être imputé en priorité sur le solde du compte courant.
Suite à l'assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2022, la société Simatel Concept a été transformée en SAS.
Comme stipulé au contrat, le 29 juillet 2022, les parties ont régularisé un acte réitératif de cession fixant la réalisation de la cession à la date à laquelle les parties ont constaté que l'ensemble des conditions suspensives étaient levées, c'est à dire le jour même et conclu concomitamment une garantie d'actif et de passif (GAP).
L'acte réitératif stipulait le remboursement du solde créditeur du compte courant de M. [I], arrêté à cette date à la somme de 90.833 €, en une ou plusieurs fois, dans un délai maximum de 12 mois à compter du 29 juillet 2022 et reprenait les autres conditions particulières du protocole.
Le 6 juillet 2023, M. [B] a déposé plainte contre M. [I] pour abus de confiance en raison de la non restitution du véhicule Porsche Panamera pour expertise.
Après différents échanges entre conseils, les parties se sont mises d'accord et la restitution pour expertise a eu lieu le 24 juillet 2023, au siège de la société Simatel Concept.
Par LRAR du 20 juillet 2023, la société Sima-H a mis en jeu la GAP et sollicité de M. [I] le paiement de la somme de 12.376,76 € au titre de deux passifs.
Des échanges ont eu lieu entre conseils afférents au bien fondé de la mise en jeu de la GAP et à la cession du véhicule Porsche à M. [I].
Le 25 septembre 2023, M. [I] a, par l'intermédiaire de son conseil, mise en demeure la société Simatel Concept de lui rembourser sous 8 jours la somme de 90.833 €, au titre de son compte courant et lui a signifié son intention de ne plus se porter acquéreur du véhicule Porsche.
Par courrier du 3 octobre 2023, la société Simatel Concept a pris acte de cette renonciation et fait proposition de rembourser le compte courant à hauteur de 16.076,32 € après restitution du double des clés du véhicule, proposition refusée par M. [I] par mail du 4 octobre 2023.
Par exploit du 9 octobre 2023, M. [I] a fait assigner la société Simatel Concept devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bourg en Bresse en paiement de la somme de 90.833 €, au titre du solde créditeur de son compte courant.
Par requête du 3 novembre 2023, M. [I] a demandé l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Simatel Concept pour garantir le paiement de sa créance.
Cette saisie a été autorisée par ordonnance du juge des requêtes du tribunal de commerce de Bourg en Bresse du 8 novembre 2023 et pratiquée le 24 novembre 2023 entre les mains du Crédit Agricole Centre Est, de la Caisse d'Epargne et de la BNP.
Par acte du 12 décembre 2023, la société Simatel Concept a sollicité la rétractation de l'ordonnance du 8 novembre 2023 et la main levée de la saisie pratiquée sur son compte Crédit Agricole Centre Est ainsi que le remboursement des frais bancaires afférents outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'indisponibilité de la somme saisie.
Le 19 décembre 2023, M. [I] a restitué le double des clés du véhicule Porsche.
Par ordonnance du 22 février 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a notamment condamné la société Simatel Concept à payer à M. [I] une provision d'un montant de 90.833 €, en remboursement du compte courant d'associé.
Par ordonnance du même jour, le président du tribunal de commerce de Bourg en Bresse a :
Rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 8 novembre 2023 ;
Débouté la société Simatel Concept du surplus de ses demandes comme étant ni fondées, ni justifiées ;
Condamné la société Simatel Concept à payer à M. [I] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Simatel Concept aux entiers dépens ;
Liquidé les dépens prévus par l'article 701 du code de procédure civile à la somme de 44,66 € TTC (dont TVA : 6,77 €) ;
Le juge des référés retient en substance que la créance est fondée dans son principe et que les circonstances de l'espèce montre qu'il y a un risque dans son recouvrement et que le mesure étant maintenue, les demandes de la société Simatel Concept au titre des frais bancaires en lien avec la mesure conservatoire et de dommages et intérêts ne sont pas fondées.
Par déclaration enregistrée le 22 février 2024, la société Simatel Concept a interjeté appel de ces deux ordonnances.
La conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution a été signifiée au Crédit Agricole Centre Est (tiers saisi) le 27 février 2024 et dénoncée à la société Simatel Concept le 1er mars 2024.
Le 18 mars 2024, le certificat de non-contestation de la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution a été délivré au Crédit Agricole Centre Est.
Par conclusions enregistrées au RPVA le 25 juillet 2024, la société Simatel Concept demande à la cour :
Infirmer l'ordonnance de référé du 12 février 2024 inscrite sous le numéro de rôle 2023009559 en ce qu'elle a :
° Débouté la société Simatel Concept du surplus de ses demandes comme étant non fondées ni justifiées,
°Condamné la société Simatel Concept à payer à M. [I] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
Condamner M. [I] à payer à la société Simatel Concept la somme de 401,10 € au titre des frais bancaires consécutifs aux saisies, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé rétractation du 12 décembre 2023 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;
Condamner M. [I] à payer à la société Simatel Concept la somme de 20.000 € au titre du préjudice subi du fait de la privation de la somme de 91.261,79 € depuis le 24 novembre 2023 ;
Condamner M. [I] à payer à la société Simatel Concept la somme de 5.000 €, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes ;
Par conclusions régularisées au RPVA le 15 mai 2024, M. [I] demande à la cour :
Juger que les demandes de la société Simatel Concept sont irrecevables ;
Juger sur le fond, que la saisie-conservatoire était parfaitement fondée ;
Par conséquent,
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 12 février 2024 ayant rejeté la demande de rétractation de la saisie conservatoire ;
Débouter la société Simatel Concept de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner la société Simatel Concept à payer à monsieur [I] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la même aux entiers dépens d'instance distraits au profit de la Selarl LX, Avocats sur son affirmation de droit ;
La clôture des débats est intervenue le 28 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon les articles R 523-8 et R 523-9 du Code des procédures civiles d'exécution, la copie de l'acte de conversion est signifiée au débiteur et à compter de cette signification, le débiteur dispose d'un délai de quinze jours pour contester l'acte de conversion devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure. Ce délai est prescrit à peine d'irrecevabilité. Sous la même sanction, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. En l'absence de contestation, le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d'un certificat délivré par le greffe ou établi par l'huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans les quinze jours suivant la dénonciation de l'acte de conversion. Le paiement peut intervenir avant l'expiration de ce délai si le débiteur a déclaré ne pas contester l'acte de conversion. Cette déclaration doit être constatée par écrit.
M. [I] soutient que la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution sur le fondement du titre exécutoire rendu le même jour que l'ordonnance querellée ayant été signifiée à la société Simatel Concept, à personne le 1er mars 2024, cette dernière avait jusqu'au 16 mars 2024 pour saisir le juge de l'exécution en contestation de cette saisie attribution, ce qu'elle reconnaît elle-même ne pas avoir fait, en sorte que ni la saisie conservatoire, ni la saisie attribution ne peuvent plus être contestées et que la société Simatel Concept est forclose à agir et donc irrecevable en son appel qui n'a pas lieu d'être.
A titre subsidiaire, M. [I] soutient que sa créance est fondée dans son principe et menacée dans son recouvrement, en sorte qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la rétractation.
La société Simatel Concept qui déclare ne pas maintenir sa demande de remboursement de la somme saisie dès lors qu'elle demande l'infirmation de l'ordonnance l'ayant condamnée au paiement, s'estime parfaitement recevable à solliciter la réformation de l'ordonnance de référé du 12 février 2024 en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes en paiement de la somme de 401,10 € au titre des frais bancaires consécutifs aux saisies et de dommages et intérêts au titre du préjudice consécutif à la saisie conservatoire convertie en saisie attribution.
Elle se dit bien fondée à solliciter le remboursement des frais bancaires consécutifs aux saisies conservatoires pratiquées le 24 novembre 2023 sur le fondement de l'article L 111-10 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, ce texte prévoyant que l'exécution poursuivie en vertu d'un titre exécutoire provisoire l'est aux risques du créancier, lequel rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
Elle fait en outre valoir que du fait de la saisie pratiquée abusivement par M. [I], elle rencontre d'importantes difficultés pour payer ses fournisseurs du fait de l'indisponibilité de la somme saisie.
Elle sollicite en conséquence, le remboursement de ses frais bancaires et la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en cas de réformation par la cour d'appel de Lyon de l'ordonnance de référé du 12 février 2024 l'ayant condamnée à payer à M. [I] la somme de 90.833 €.
Sur ce,
La cour retient que faute pour la société Simatel Concept d'avoir contesté devant le juge de l'exécution, dans le délai de 15 jours imparti, la régularité de la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution laquelle emporte attribution immédiate de la créance saisie jusqu'à concurrence du montant de la condamnation, la procédure de conversion est devenue définitive, en sorte que la société Simatel Concept est devenue par voie de conséquence irrecevable à contester à hauteur d'appel la saisie conservatoire pratiquée et convertie.
Elle déclare ne faire appel que des dispositions de l'ordonnance l'ayant déboutée de ses demandes de remboursement des frais bancaires et de dommages et intérêts.
Or, elle n'est pas davantage recevable à solliciter le remboursement des frais bancaires afférents et le paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de l'indisponibilité de la somme saisie, lesquelles demandes ont pour raison d'être la saisie conservatoire pratiquée et convertie, dont le bien fondé ne peut plus être remis en cause, malgré les dispositions de l'article L 111-10, alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, la cour n'étant pas saisie du fond du litige dans le cadre de la présente instance.
La cour déclare la société Simatel Concept irrecevables en ses demandes à hauteur d'appel, en sorte que l'ordonnance critiquée est confirmée.
Sur les mesures accessoires
La décision déférée est confirmée en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.
Les dépens d'appel sont mis à la charge de la société Simatel Concept, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la Selarl LX, Avocat, sur son affirmation de droit ;
L'équité commande en outre de la condamner à payer à M. [C] [I] la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d'appel.
La société Simatel Concept est déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel,
Statuant dans les limites de l'appel,
Déclare la société Simatel Concept devenue Simatel 69 irrecevable en ses demandes à hauteur d'appel ;
Confirme l'ordonnance critiquée en toutes ses dispositions soumises à la cour.
Y ajoutant,
Condamne la société Simatel Concept devenue Simatel 69 aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la Selarl LX, Avocat, sur son affirmation de droit ;
Condamne la société Simatel Concept devenue Simatel 69 à payer à M. [C] [I] la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;
Déboute la société Simatel Concept devenue Simatel 69 de sa demande sur ce fondement.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,
Véronique DRAHI, CONSEILLER
Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE en référé du 12 février 2024 - RG : 2023/09559
S.A.S. SIMATEL CONCEPT
C/
[I]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 26 Mars 2025
APPELANTE :
La société SIMATEL 69 (anciennement dénommée SIMATEL CONCEPT), société par actions simplifiées immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 813631090, dont le siège social est situé [Adresse 4], représentée par son Président, la société SIMA-H
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Ayant pour avocat plaidant Me Clémence CRESPE de la SELARL LCS AVOCATS, avocat au barreau d'ANNECY
INTIMÉ :
M. [C] [I]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant le Cabinet OMA AVOCATS (anciennement VIAJURIS CONTENTIEUX) représenté par Me Ophélie MICHEL, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 28 Janvier 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Janvier 2025
Date de mise à disposition : 26 Mars 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Véronique DRAHI, conseiller, en application de l'article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société Simatel Concept (aujourd'hui dénommée Simatel 69) exerce une activité d'achat, vente, représentation, installation, réparation et maintenance de tout matériel pour la boulangerie et la pâtisserie et, d'une manière générale, pour les cuisines professionnelles.
Elle a été constituée par M. [C] [I] qui en détenait 400 parts à la constitution et la société Boulangerie Développement Partenariat (BDP), qui en détenait 100 parts à la constitution.
Dans le cadre de son mandat de dirigeant de la société Simatel Concept et en sa qualité d'associé, M. [I] a prêté à cette dernière un certain nombre de sommes qui ont été portées au crédit de son compte courant d'associé, dont le solde créditeur s'élevait, au 31 décembre 2021, à la somme de 92.316,26 €.
Par protocole de cession sous conditions suspensives en date du 7 juillet 2022, la société BDP et M. [I] ont cédé à la société Sima-H, dirigée par M. [Y] [B], l'intégralité des 500 parts composant le capital de la société Simatel Concept, pour la somme totale de 300.000 €.
Deux conditions suspensives étaient stipulées à l'article 4 de ce protocole :
la transformation de la structure juridique constituée sous forme de SARL en SAS,
l'accord de M. [I] et de la société Sima-H sur les termes définitifs de la garantie d'actif et de passif.
Par ailleurs, dans les conditions particulières, il était stipulé le remboursement du compte courant de M. [I] ainsi que les conditions de sa démission et la cession par la société Simatel Concept à M. [I] du véhicule Porsche mis à sa disposition, au plus tard le 29 juillet 2023 moyennant un prix déterminé entre les parties au jour de sa vente devant être imputé en priorité sur le solde du compte courant.
Suite à l'assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2022, la société Simatel Concept a été transformée en SAS.
Comme stipulé au contrat, le 29 juillet 2022, les parties ont régularisé un acte réitératif de cession fixant la réalisation de la cession à la date à laquelle les parties ont constaté que l'ensemble des conditions suspensives étaient levées, c'est à dire le jour même et conclu concomitamment une garantie d'actif et de passif (GAP).
L'acte réitératif stipulait le remboursement du solde créditeur du compte courant de M. [I], arrêté à cette date à la somme de 90.833 €, en une ou plusieurs fois, dans un délai maximum de 12 mois à compter du 29 juillet 2022 et reprenait les autres conditions particulières du protocole.
Le 6 juillet 2023, M. [B] a déposé plainte contre M. [I] pour abus de confiance en raison de la non restitution du véhicule Porsche Panamera pour expertise.
Après différents échanges entre conseils, les parties se sont mises d'accord et la restitution pour expertise a eu lieu le 24 juillet 2023, au siège de la société Simatel Concept.
Par LRAR du 20 juillet 2023, la société Sima-H a mis en jeu la GAP et sollicité de M. [I] le paiement de la somme de 12.376,76 € au titre de deux passifs.
Des échanges ont eu lieu entre conseils afférents au bien fondé de la mise en jeu de la GAP et à la cession du véhicule Porsche à M. [I].
Le 25 septembre 2023, M. [I] a, par l'intermédiaire de son conseil, mise en demeure la société Simatel Concept de lui rembourser sous 8 jours la somme de 90.833 €, au titre de son compte courant et lui a signifié son intention de ne plus se porter acquéreur du véhicule Porsche.
Par courrier du 3 octobre 2023, la société Simatel Concept a pris acte de cette renonciation et fait proposition de rembourser le compte courant à hauteur de 16.076,32 € après restitution du double des clés du véhicule, proposition refusée par M. [I] par mail du 4 octobre 2023.
Par exploit du 9 octobre 2023, M. [I] a fait assigner la société Simatel Concept devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bourg en Bresse en paiement de la somme de 90.833 €, au titre du solde créditeur de son compte courant.
Par requête du 3 novembre 2023, M. [I] a demandé l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la société Simatel Concept pour garantir le paiement de sa créance.
Cette saisie a été autorisée par ordonnance du juge des requêtes du tribunal de commerce de Bourg en Bresse du 8 novembre 2023 et pratiquée le 24 novembre 2023 entre les mains du Crédit Agricole Centre Est, de la Caisse d'Epargne et de la BNP.
Par acte du 12 décembre 2023, la société Simatel Concept a sollicité la rétractation de l'ordonnance du 8 novembre 2023 et la main levée de la saisie pratiquée sur son compte Crédit Agricole Centre Est ainsi que le remboursement des frais bancaires afférents outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'indisponibilité de la somme saisie.
Le 19 décembre 2023, M. [I] a restitué le double des clés du véhicule Porsche.
Par ordonnance du 22 février 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a notamment condamné la société Simatel Concept à payer à M. [I] une provision d'un montant de 90.833 €, en remboursement du compte courant d'associé.
Par ordonnance du même jour, le président du tribunal de commerce de Bourg en Bresse a :
Rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 8 novembre 2023 ;
Débouté la société Simatel Concept du surplus de ses demandes comme étant ni fondées, ni justifiées ;
Condamné la société Simatel Concept à payer à M. [I] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Simatel Concept aux entiers dépens ;
Liquidé les dépens prévus par l'article 701 du code de procédure civile à la somme de 44,66 € TTC (dont TVA : 6,77 €) ;
Le juge des référés retient en substance que la créance est fondée dans son principe et que les circonstances de l'espèce montre qu'il y a un risque dans son recouvrement et que le mesure étant maintenue, les demandes de la société Simatel Concept au titre des frais bancaires en lien avec la mesure conservatoire et de dommages et intérêts ne sont pas fondées.
Par déclaration enregistrée le 22 février 2024, la société Simatel Concept a interjeté appel de ces deux ordonnances.
La conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution a été signifiée au Crédit Agricole Centre Est (tiers saisi) le 27 février 2024 et dénoncée à la société Simatel Concept le 1er mars 2024.
Le 18 mars 2024, le certificat de non-contestation de la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution a été délivré au Crédit Agricole Centre Est.
Par conclusions enregistrées au RPVA le 25 juillet 2024, la société Simatel Concept demande à la cour :
Infirmer l'ordonnance de référé du 12 février 2024 inscrite sous le numéro de rôle 2023009559 en ce qu'elle a :
° Débouté la société Simatel Concept du surplus de ses demandes comme étant non fondées ni justifiées,
°Condamné la société Simatel Concept à payer à M. [I] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
Condamner M. [I] à payer à la société Simatel Concept la somme de 401,10 € au titre des frais bancaires consécutifs aux saisies, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé rétractation du 12 décembre 2023 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;
Condamner M. [I] à payer à la société Simatel Concept la somme de 20.000 € au titre du préjudice subi du fait de la privation de la somme de 91.261,79 € depuis le 24 novembre 2023 ;
Condamner M. [I] à payer à la société Simatel Concept la somme de 5.000 €, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes ;
Par conclusions régularisées au RPVA le 15 mai 2024, M. [I] demande à la cour :
Juger que les demandes de la société Simatel Concept sont irrecevables ;
Juger sur le fond, que la saisie-conservatoire était parfaitement fondée ;
Par conséquent,
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 12 février 2024 ayant rejeté la demande de rétractation de la saisie conservatoire ;
Débouter la société Simatel Concept de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner la société Simatel Concept à payer à monsieur [I] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la même aux entiers dépens d'instance distraits au profit de la Selarl LX, Avocats sur son affirmation de droit ;
La clôture des débats est intervenue le 28 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon les articles R 523-8 et R 523-9 du Code des procédures civiles d'exécution, la copie de l'acte de conversion est signifiée au débiteur et à compter de cette signification, le débiteur dispose d'un délai de quinze jours pour contester l'acte de conversion devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure. Ce délai est prescrit à peine d'irrecevabilité. Sous la même sanction, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. En l'absence de contestation, le tiers saisi procède au paiement sur la présentation d'un certificat délivré par le greffe ou établi par l'huissier de justice qui a procédé à la saisie attestant qu'aucune contestation n'a été formée dans les quinze jours suivant la dénonciation de l'acte de conversion. Le paiement peut intervenir avant l'expiration de ce délai si le débiteur a déclaré ne pas contester l'acte de conversion. Cette déclaration doit être constatée par écrit.
M. [I] soutient que la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution sur le fondement du titre exécutoire rendu le même jour que l'ordonnance querellée ayant été signifiée à la société Simatel Concept, à personne le 1er mars 2024, cette dernière avait jusqu'au 16 mars 2024 pour saisir le juge de l'exécution en contestation de cette saisie attribution, ce qu'elle reconnaît elle-même ne pas avoir fait, en sorte que ni la saisie conservatoire, ni la saisie attribution ne peuvent plus être contestées et que la société Simatel Concept est forclose à agir et donc irrecevable en son appel qui n'a pas lieu d'être.
A titre subsidiaire, M. [I] soutient que sa créance est fondée dans son principe et menacée dans son recouvrement, en sorte qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la rétractation.
La société Simatel Concept qui déclare ne pas maintenir sa demande de remboursement de la somme saisie dès lors qu'elle demande l'infirmation de l'ordonnance l'ayant condamnée au paiement, s'estime parfaitement recevable à solliciter la réformation de l'ordonnance de référé du 12 février 2024 en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes en paiement de la somme de 401,10 € au titre des frais bancaires consécutifs aux saisies et de dommages et intérêts au titre du préjudice consécutif à la saisie conservatoire convertie en saisie attribution.
Elle se dit bien fondée à solliciter le remboursement des frais bancaires consécutifs aux saisies conservatoires pratiquées le 24 novembre 2023 sur le fondement de l'article L 111-10 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, ce texte prévoyant que l'exécution poursuivie en vertu d'un titre exécutoire provisoire l'est aux risques du créancier, lequel rétablit le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre est ultérieurement modifié.
Elle fait en outre valoir que du fait de la saisie pratiquée abusivement par M. [I], elle rencontre d'importantes difficultés pour payer ses fournisseurs du fait de l'indisponibilité de la somme saisie.
Elle sollicite en conséquence, le remboursement de ses frais bancaires et la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts en cas de réformation par la cour d'appel de Lyon de l'ordonnance de référé du 12 février 2024 l'ayant condamnée à payer à M. [I] la somme de 90.833 €.
Sur ce,
La cour retient que faute pour la société Simatel Concept d'avoir contesté devant le juge de l'exécution, dans le délai de 15 jours imparti, la régularité de la conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution laquelle emporte attribution immédiate de la créance saisie jusqu'à concurrence du montant de la condamnation, la procédure de conversion est devenue définitive, en sorte que la société Simatel Concept est devenue par voie de conséquence irrecevable à contester à hauteur d'appel la saisie conservatoire pratiquée et convertie.
Elle déclare ne faire appel que des dispositions de l'ordonnance l'ayant déboutée de ses demandes de remboursement des frais bancaires et de dommages et intérêts.
Or, elle n'est pas davantage recevable à solliciter le remboursement des frais bancaires afférents et le paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de l'indisponibilité de la somme saisie, lesquelles demandes ont pour raison d'être la saisie conservatoire pratiquée et convertie, dont le bien fondé ne peut plus être remis en cause, malgré les dispositions de l'article L 111-10, alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, la cour n'étant pas saisie du fond du litige dans le cadre de la présente instance.
La cour déclare la société Simatel Concept irrecevables en ses demandes à hauteur d'appel, en sorte que l'ordonnance critiquée est confirmée.
Sur les mesures accessoires
La décision déférée est confirmée en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.
Les dépens d'appel sont mis à la charge de la société Simatel Concept, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la Selarl LX, Avocat, sur son affirmation de droit ;
L'équité commande en outre de la condamner à payer à M. [C] [I] la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d'appel.
La société Simatel Concept est déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour d'appel,
Statuant dans les limites de l'appel,
Déclare la société Simatel Concept devenue Simatel 69 irrecevable en ses demandes à hauteur d'appel ;
Confirme l'ordonnance critiquée en toutes ses dispositions soumises à la cour.
Y ajoutant,
Condamne la société Simatel Concept devenue Simatel 69 aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la Selarl LX, Avocat, sur son affirmation de droit ;
Condamne la société Simatel Concept devenue Simatel 69 à payer à M. [C] [I] la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;
Déboute la société Simatel Concept devenue Simatel 69 de sa demande sur ce fondement.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,
Véronique DRAHI, CONSEILLER