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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 26 mars 2025, n° 24/01449

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 24/01449

26 mars 2025

N° RG 24/01449 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PPPT

Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE en référé du 12 février 2024

RG : 2023 07846

S.A.S. [13]

C/

[X]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 26 Mars 2025

APPELANTE :

La société [12] (anciennement dénommée [13]), société par actions simplifiées immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro [N° SIREN/SIRET 2], dont le siège social est situé [Adresse 1], représentée par son Président, la société [11]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me Clémence CRESPE de la SELARL LCS AVOCATS, avocat au barreau d'ANNECY

INTIMÉ :

Représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Ayant pour avocat plaidant le Cabinet OMA AVOCATS (anciennement VIAJURIS CONTENTIEUX) représenté par Me Ophélie MICHEL, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 28 Janvier 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Janvier 2025

Date de mise à disposition : 26 Mars 2025

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique DRAHI, conseiller

- Nathalie LAURENT, conseiller

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Véronique DRAHI, conseiller, en application de l'article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

La société [13] (aujourd'hui dénommée [12]) exerce une activité d'achat, vente, représentation, installation, réparation et maintenance de tout matériel pour la boulangerie et la pâtisserie et, d'une manière générale, pour les cuisines professionnelles.

Elle a été constituée par M. [K] [X] qui en détenait 400 parts à la constitution et la société [5] ([5]), qui en détenait 100 parts à la constitution.

Dans le cadre de son mandat de dirigeant de la société [13] et en sa qualité d'associé, M. [X] a prêté à cette dernière un certain nombre de sommes qui ont été portées au crédit de son compte courant d'associé, dont le solde créditeur s'élevait, au 31 décembre 2021, à la somme de 92.316,26 €.

Par protocole de cession sous conditions suspensives en date du 7 juillet 2022, la société [5] et M. [X] ont cédé à la société [11], dirigée par M. [H] [T], l'intégralité des 500 parts composant le capital de la société [13], pour la somme totale de 300.000 €.

Deux conditions suspensives étaient stipulées à l'article 4 de ce protocole :

la transformation de la structure juridique constituée sous forme de SARL en SAS,

l'accord de M. [X] et de la société [11] sur les termes définitifs de la garantie d'actif et de passif.

Par ailleurs, dans les conditions particulières, il était stipulé le remboursement du compte courant de M. [X] ainsi que les conditions de sa démission et la cession par la société [13] à M. [X] du véhicule Porsche mis à sa disposition, au plus tard le 29 juillet 2023 moyennant un prix déterminé entre les parties au jour de sa vente devant être imputé en priorité sur le solde du compte courant.

Suite à l'assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2022, la société [13] a été transformée en SAS.

Comme stipulé au contrat, le 29 juillet 2022, les parties ont régularisé un acte réitératif de cession fixant la réalisation de la cession à la date à laquelle les parties ont constaté que l'ensemble des conditions suspensives étaient levées, c'est à dire le jour même et conclu concomitamment une garantie d'actif et de passif (GAP).

L'acte réitératif stipulait le remboursement du solde créditeur du compte courant de M. [X], arrêté à cette date à la somme de 90.833 €, en une ou plusieurs fois, dans un délai maximum de 12 mois à compter du 29 juillet 2022 et reprenait les autres conditions particulières du protocole.

Le 6 juillet 2023, M. [T] a déposé plainte contre M. [X] pour abus de confiance en raison de la non restitution du véhicule Porsche Panamera pour expertise.

Après différents échanges entre conseils, les parties se sont mises d'accord et la restitution pour expertise a eu lieu le 24 juillet 2023, au siège de la société [13].

Par LRAR du 20 juillet 2023, la société [11] a mis en jeu la GAP et sollicité de M. [X] le paiement de la somme de 12.376,76 € au titre de deux passifs.

Des échanges ont eu lieu entre conseils afférents au bien fondé de la mise en jeu de la GAP et à la cession du véhicule Porsche à M. [X].

Le 25 septembre 2023, M. [X] a, par l'intermédiaire de son conseil, mise en demeure la société [13] de lui rembourser sous 8 jours la somme de 90.833 €, au titre de son compte courant et lui a signifié son intention de ne plus se porter acquéreur du véhicule Porsche.

Par courrier du 3 octobre 2023, la société [13] a pris acte de cette renonciation et fait proposition de rembourser le compte courant à hauteur de 16.076,32 € après restitution du double des clés du véhicule, proposition refusée par M. [X] par mail du 4 octobre 2023.

Par exploit du 9 octobre 2023, M. [X] a fait assigner la société [13] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bourg en Bresse en paiement de la somme de 90.833 €, au titre du solde créditeur de son compte courant.

Par requête du 3 novembre 2023, M. [X] a demandé l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire des comptes bancaires de la société [13] pour garantir le paiement de sa créance.

Cette saisie a été autorisée par ordonnance du juge des requêtes du tribunal de commerce de Bourg en Bresse du 8 novembre 2023 et pratiquée le 24 novembre 2023.

Par acte du 12 décembre 2023, la société [13] a sollicité la rétractation de l'ordonnance du 8 novembre 2023.

Le 19 décembre 2023, M. [X] a restitué le double des clés du véhicule Porsche.

Par ordonnance du 22 février 2024, le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon a :

Condamné la société [13] à payer à M. [X] une provision d'un montant de 90.833 € ;

Dit que cette provision ne produira pas intérêts ;

Débouté M. [X] de sa demande reconventionnelle au titre de la résistance abusive, comme n'étant ni fondée, ni justifiée ;

Pris acte de la renonciation de la société [13] à sa demande reconventionnelle ;

Débouté la société [13] du surplus de ses demandes comme n'étant ni fondées, ni justifiées ;

Condamné la société [13] à payer à M. [X] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Liquidé les dépens prévus par l'article 701 du code de procédure civile à la somme de 40,65 € TTC ;

Le juge des référés retient en substance que :

les créances invoquées par la société [13] au titre de la compensation ne sont ni certaines, ni réciproques,

la clause figurant à l'article 5 de l'acte réitératif aux termes de laquelle la société [13] s'est engagée au remboursement de la somme de 90.833 €, au titre du solde créditeur du compte courant est claire et précise et les contestations invoquées non sérieuses.

Par ordonnance du même jour, le président du tribunal de commerce de Bourg en Bresse a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 8 novembre 2023.

Par déclaration enregistrée le 22 février 2024, la société [13] a interjeté appel de ces deux ordonnances.

La conversion de la saisie conservatoire en saisie attribution a été signifiée au [8] (tiers saisi) le 27 février 2024 et dénoncée à la société [13] le 1er mars 2024 qui ne l'a pas contestée.

Par conclusions enregistrées au RPVA le 29 novembre 2024, la société [13] demande à la cour :

Sur l'appel principal de la société [13],

A titre principal,

Constater l'existence de multiples contestations sérieuses faisant obstacle à la compétence du juge des référés ;

Infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :

° condamné la société [13] à payer à M. [X] une provision d'un montant de 90.833 €,

° débouté la société [13] du surplus de ses demandes comme n'étant ni fondées, ni justifiées,

° condamné la société [13] à payer à M. [X] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté M. [X] de sa demande reconventionnelle au titre d'une prétendue résistance abusive au paiement ;

A titre subsidiaire,

Donner acte à la société [13] de ce qu'elle se reconnaît débitrice de la somme de 24.649,92 € au titre du solde du compte courant d'associé de M. [X] ;

Infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a :

° condamné la société [13] à payer à M. [X] une provision d'un montant de 90.833 €,

° débouté la société [13] du surplus de ses demandes comme n'étant ni fondées ni justifiées,

° condamné la société [13] à payer à M. [X] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

Constater que le montant de la créance de M. [X] à l'égard de la société [13] s'établit à la somme de 24.649,92 € au titre du solde de son compte courant d'associé ;

Condamner M. [X] à rembourser à la société [13] la somme de 66.611,87 € (91.261,79 € - 24.649,92€) outre intérêts aux taux légal à compter du 24 novembre 2023 et capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;

Confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté M. [X] de sa demande reconventionnelle au titre de la prétendue résistance abusive ;

Sur l'appel incident de M. [X],

Rejeter l'appel incident de M. [X] sur l'ensemble de ses demandes ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner M. [K] [X] à payer à la société [13] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile ;

En toute hypothèse,

Débouter M. [K] [X] de l'intégralité de ses demandes ;

Par conclusions régularisées au RPVA le 27 janvier 2025, M. [X] demande à la cour :

Confirmer l'ordonnance de référé du 12 février 2024, rendue par le Président du Tribunal decommerce de Bourg-en-Bresse en ce qu'elle a :

° condamné la société [13] à rembourser à M. [X] à titre provisionnel, la somme de 90.833 € au titre de son compte courant d'associé,

° débouté la société [13] de l'ensemble de ses demandes,

° pris acte de la renonciation de la société [13] à sa demande reconventionnelle,

° condamné la société [13] à payer à M. [X] la somme de 3.500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

° condamné la société [13] aux entiers dépens et les a liquidés conformément à l'article 701 du Code de procédure civile ;

Infirmer ladite ordonnance en ce qu'elle a :

° dit que la provision accordée à M. [X] ne produira pas d'intérêts,

° jugé non fondée ni justifiée la demande de M. [X] au titre de la résistance abusive ;

A titre incident et statuant à nouveau,

Juger que la provision d'un montant de 90.833 € accordée à M. [X] produira des intérêts au taux légal en vigueur à compter de la date de première mise en demeure du 25 septembre 2023, outre application du principe de l'anatocisme des intérêts ;

Condamner la société [13] à payer à M. [X] la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice subi en raison de la résistance abusive dont elle a fait preuve en vue de son règlement ;

En tout état de cause,

Condamner la société [13] à payer à M. [X] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'instance et d'exécution au profit de la Selarl LX, Avocat sur son affirmation de droit ;

La clôture des débats est intervenue le 28 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des conclusions de M. [X]

Selon les articles 15 et 16 du Code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense et le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Par conclusions enregistrées au RPVA le 28 janvier 2025, la société [13] sollicite le rejet des conclusions de l'intimé, transmises par RPVA la veille de l'audience en sorte qu'elle n'a pas été en mesure d'y répondre.

La cour estime que s'agissant d'une procédure en référé, avec clôture des débats au jour de l'audience, la notification de conclusions par l'intimé la veille de celle-ci, en réponse aux conclusions de l'appelant ne porte pas atteinte au principe du contradictoire. Elle les déclare recevables.

Sur la demande de provision

La cour rappelle qu'en application de l'article 873, alinéa 2 du Code de procédure civile, dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.

Le juge des référés a le pouvoir d'apprécier si l'éventualité d'une compensation entre créances réciproques est de nature à rendre sérieuses ou non la contestation de l'obligation invoquée par la partie qui demande une provision.

Selon les articles 1347 et 1347-1 du Code civil, la compensation s'opère entre créances réciproques, fongibles, certaines, liquides et exigibles.

La société [13] soutient que le solde du compte courant d'associé qui peut faire l'objet d'une compensation lorsque la personne morale est réciproquement créancière de l'associé, est sérieusement contestable à hauteur de 90.833,81 €, montant communiqué la veille de l'acte réitératif par le conseil de la société [11]. Elle invoque des erreurs dans ce compte révélées par le détail du compte établi par le cabinet d'expertise comptable [6], dont il résulte que le solde était de 57.495,75 € au 5 juillet 2022, puis de 33.498,52 € au 31 décembre 2022 après compensation avec les sommes portées au débit de ce compte, ainsi que dans les comptes annuels de la société pour l'exercice 2022 dont la régularité et la sincérité ont été attestées par le [6].

Elle ajoute que par la suite différentes autres sommes ont été portées au débit du compte par le nouvel expert comptable, M. [G] [N] pour arriver à un solde de 12.211,92 €.

Elle estime que constituent des contestations sérieuses au montant sollicité :

les prélèvements sur le compte de la société, postérieurement à la cessation des fonctions de dirigeant de M. [X], de cotisations relatives au contrat de retraite complémentaire [3] souscrit à titre personnel par M. [X], pour un montant total de 3.000 €, d'août 2022 à janvier 2023, dont la prise en charge par la société [13] n'a pas été prévue au protocole de cession, et qui n'ont pas été déduites de ses charges,

les prélèvements sur le compte de la société des cotisations non déductibles relatives au contrat prévoyance [4] souscrit à titre personnel par M. [X], pour un montant total de 1.073,25 € pour la période d'août à décembre 2022, cotisations déduites partiellement des charges de la société dans le compte de résultat pour la période concernée,

les prélèvements de la société [10] sur le compte de la société au titre de l'abonnement personnel de M. [X], postérieurement à la cessation de ses fonctions de dirigeant, pour un montant total de 423,60 € pour la période de janvier à mai 2023, les factures étant libellées à son nom et non à celui de la société [13], étant précisé que le CDD de 18 mois ne prévoyait pas la prise en charge de l'utilisation de son téléphone personnel,

les dépenses personnelles de M. [X] réglées avec les cartes bancaires business et [7] de la société [13], pour un montant total de 3.222,11 €, y compris après la cession, lesquelles ont été portées au débit du compte courant d'associé par le [6], les relevés de comptes afférents étant versés aux débats, ainsi que les factures correspondantes,

les virements de M. [X] à son profit ou au profit de son épouse, pour un montant total de 4.000 € pour la période du 1er février au 13 avril 2022, non contestés par ce dernier,

la régularisation de la rémunération de la gérance de M. [X] pour 2022, la somme de 13.500 € ayant été portée au débit du compte courant par l'expert comptable, correspondant à un trop perçu de rémunération en juillet 2022 à titre de prime pourtant exclue à l'article 5.2 relatif aux conditions de sa démission,

la régularisation des cotisions provisionnelles Urssaf 2022 suite à la régularisation de la rémunération de M. [X] en qualité de gérant sur l'exercice 2022, pour un montant total de 28.212 €, porté au débit du compte courant,

les avantages en nature pour l'utilisation du véhicule Porsche, propriété de la société [13], sur 2022 et 2023, à hauteur de 5.733 € pour l'exercice 2022 et de 5.819 € pour l'exercice 2023, la mise à disposition à titre gratuit n'étant prévue ni au protocole, ni à l'acte réitératif.

Elle fait en outre valoir que sa demande subsidiaire est recevable en ce qu'elle est destinée à faire écarter les prétentions adverses, et tient compte des remboursements effectué par l'Urssaf de la somme de 4.718 € et de celle de 3.720 € par la société [9] (12.211,92 + 3.720 + 4.718).

Elle rappelle enfin que le juge des référés dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation lorsqu'il lui est présenté une demande de condamnation à des intérêts qu'il peut donc rejeter, comme décidé par le premier juge.

M. [X] qui rappelle que l'acte de cession stipule que les parties ont arrêté le compte courant d'associé de M. [X] à la somme de 90.833 € somme que la société [13] s'est engagée à rembourser, étant rappelé qu'un tel compte constitue un prêt remboursable à vue, c'est à dire à première demande de l'associé et que la totalité des sommes portées au débit de ce compte l'a été par l'expert comptable, l'obligation au paiement du solde créditeur est une obligation contractuelle qui ne souffre d'aucune contestation sérieuse, qu'il s'agisse :

de l'utilisation du véhicule Porsche dont la disposition à titre gratuit, comme cela a toujours été le cas, jusqu'à sa cession ressort clairement de l'acte réitératif, la restitution ayant eu lieu le 24 juillet et M. [T] confirmant l'utilisation gratuite du véhicule jusqu'au 31 juillet y compris dans sa plainte, étant observé de surcroît que les montants réclamés ne sont nullement justifiés,

de la déduction au titre des cotisations sociales (retraite complémentaire et prévoyance), alors que les cotisations au titre de la loi Madelin qui se calculent sur un exercice entier, ont donné lieu à déduction au titre des charges de la société [13] et ont cessé en janvier 2023 comme retenu par cette dernière en sorte que rien n'est à imputer à ce titre et que les prélèvements concernant son contrat de prévoyance n° D130051904, seuls concernés, ont cessé à la date de réalisation effective de la cession,

des factures de téléphone personnel de M. [X] pour lesquelles la société [13] ne produit qu'une facture de 44,99 € alors qu'elle sollicite une imputation à hauteur de 423,60 €, concernant un téléphone mobile utilisé à des fins strictement professionnelles, étant précisé que si cette ligne téléphonique avait été résiliée au moment de la cessation de ses fonctions, il lui aurait été reproché des actes anormaux ayant empêché le bon fonctionnement de l'activité (au mépris des exigences du protocole d'accord), le numéro étant connu de l'ensemble des clients et fournisseurs,

de ses dépenses personnelles, rien ne démontrant que les dépenses concernées l'ont été avec la carte bancaire de la société [13], le numéro figurant sur les tickets de caisse n'étant pas toujours identique et/ou rien ne démontrant qu'il s'agit de dépenses personnelles et rien ne figurant au protocole à ce titre alors que le cessionnaire a eu tout le loisir d'analyser les comptes sociaux, étant précisé qu'il n'a jamais profité des fonds de la société [13] à des fins personnelles,

de la régularisation de la rémunération de sa gérance pour 2022, les parties n'ayant pas convenu de verser à M. [X] une rémunération brute de 6.500 € pour l'année 2022 mais de le maintenir à son poste avec une rémunération équivalente à la rémunération actuelle laquelle est supérieure à 6.500 € brut ce dont M. [T] avait parfaitement connaissance, la mention de 6.500 € brut étant une erreur, sa rémunération s'élevant à 123.000 € brut en 2021, en sorte que la société [13] ne peut s'estimer créancière d'une quelconque somme à ce titre.

S'agissant des intérêts, il soutient que le juge des référés peut assortir les condamnations qu'il prononce à titre provisionnel d'intérêts, sur le fondement des articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil, étant relevé que la société [13] disposait d'un délai de 12 mois en sorte qu'il est légitime que la somme de 90.833 € produise intérêts et qu'il soit fait application de l'anatocisme de l'article 1343-2.

Il fait valoir que la demande subsidiaire de la société [13] est nouvelle, dès lors qu'elle ne s'est jamais reconnue débitrice d'aucune somme en première instance.

Sur ce,

La cour observe que le relevé de compte courant d'associé présentant un solde créditeur de 90.833 € à la date de la cession c'est à dire le 29 juillet 2022 n'est versé aux débats ni par M. [X], ni par la société [13], laquelle invoque néanmoins des créances pour l'essentiel antérieures à la dite cession portées au débit de ce compte après la cession (sauf exceptions).

Or, l'acte de cession stipule sans ambage le remboursement du solde créditeur du compte courant de M. [X], arrêté à cette date à la somme de 90.833 € sur la base de la balance générale issue des comptes sociaux arrêtée au 5 juillet 2022 et établie par le [6], expert comptable dont il y a lieu de considérer qu'il a été en mesure de vérifier les sommes portées au débit du compte courant d'associé de l'intimé.

La cour retient en conséquence que les créances antérieures à la cession invoquées par l'appelante ne constituent pas des contestations sérieuses.

Ainsi en est-il des virements à hauteur de 4.000 € au total effectués en février et avril 2022, à titre personnel dont M. [X] dit qu'ils ont déjà été déduits du compte courant d'associé avant la cession. S'agissant plus globalement de l'ensemble des dépenses qualifiées de personnelles invoquées par l'appelante, la cour retient qu'elles sont pour la plupart antérieures à la cession et que leur caractère personnel est très contestable à l'exception de quelques dépenses déjà portées au débit du compte courant au moment de la cession comme cela résulte de la pièce 21 de l'appelante et comme le soutient M. [X].

S'agissant des créances postérieures à l'acte de cession, la cour retient que celle invoquée par l'appelante au titre de l'utilisation du véhicule Porsche ne repose sur aucune des pièces versées aux débats, l'acte de cession réitératif rappelant la mise à la disposition de M. [X] du véhicule, jusqu'au 29 juillet 2023, le caractère onéreux de cette mise à disposition n'étant pas stipulé. Le conflit afférent à la valorisation du véhicule en vue de sa reprise par M. [X] est sans emport sur l'absence de caractère sérieux de cette contestation.

Il est par ailleurs établi que la société [12] a payé les cotisations mensuelles de retraite complémentaire de M. [X] (cotisations loi Madelin [3]) y compris sur la période postérieure à l'acte de vente réitératif c'est à dire d'août 2022 à janvier 2023, pour un total de 3.000 €, montant qui n'a pas été reporté dans les charges de la société au titre du compte de résultat de l'exercice 2022 établi par l'expert comptable, le montant de 3.500 € y figurant correspondant aux 7 premiers mois de cet exercice. En outre, seule une partie des cotisations prévoyance de M. [X] (870,77 €) est inscrite dans les charges de la société pour ce même exercice, alors que la somme totale de 1 073,25 € a été payée par la société [12] à ce titre pour la période de janvier à décembre 2022. La cour estime en conséquence que la créance de M. [X] est sérieusement contestable à hauteur de 3.598,12 € au total.

La cour retient que la créance invoquée au titre de l'abonnement [10] pour le téléphone portable de M. [X] de décembre 2022 à mai 2023 ne constitue pas une contestation sérieuse alors qu'il était salarié de l'entreprise et qu'il utilisait ce téléphone à titre professionnel avant la cession, l'intimé faisant remarquer à juste titre que de nombreux clients et fournisseurs le joignaient sur ce numéro.

Quant à la rémunération de M. [X], le protocole d'accord stipule le maintien de M. [X] à son poste avec une rémunération équivalente à sa rémunération actuelle, s'élevant à 6.500 € bruts mensuels. Toutefois, le même protocole prévoit qu'après réalisation de l'opération, M. [X] bénéficie d'un contrat de travail à durée déterminée de 24 mois dont la rémunération mensuelle brute sera de 7.500 €, auquel il conviendra d'ajouter une indemnité forfaitaire pour frais de 2 500 €. Or, il résulte des comptes annuels de l'exercice 2021 que la rémunération de dirigeant de M. [X] s'élevait à 123.000 € bruts annuels, c'est à dire 10.250 € par mois. En conséquence, la cour considère que l'erreur invoquée par M. [X] est acquise, ce dernier ne pouvant percevoir une rémunération en qualité de dirigeant inférieure à celle perçue en qualité de salarié, même s'il est constaté que sa rémunération en qualité de dirigeant est de 45.500 € bruts dans les comptes annuels 2022, c'est à dire 6.500 € par mois de janvier à juillet. Au total, M. [X] a perçu 59.000 € sur la période considérée, c'est à dire 8.400 € net par mois, ce qui correspond à sa rémunération de dirigeant. La cour estime que la contestation à ce titre n'est pas sérieuse.

Pour les mêmes raisons, la créance invoquée au titre des cotisations Urssaf suite à régularisation de la rémunération de M. [X] en qualité de dirigeant ne peut être qualifiée de contestation sérieuse.

La cour confirme en conséquence l'ordonnance déférée sauf s'agissant du quantum mis à la charge de la société [13] qui s'élève à la somme de 87.234,88 €, somme à laquelle la société [13] est condamnée, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2023, date de la mise en demeure, en application de l'article 1231-6 du Code civil.

La décision est donc infirmée s'agissant des intérêts moratoires dont il n'y a pas lieu de priver M. [X] compte tenu de l'ancienneté de sa créance et de ce que ces intérêts peuvent être octroyés par le juge des référés.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Selon l'article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

M. [K] [X] soutient qu'au regard de la clarté de la clause du contrat de cession afférente au remboursement du compte courant d'associé, la société [13] n'avait aucune raison de s'opposer si fermement et avec autant de mauvaise foi à ce paiement, auquel elle s'était engagée au moment de la cession. Il ajoute que l'erreur invoquée par l'appelante dans la balance générale issue des comptes sociaux de la société s'agissant de son compte courant témoigne de sa mauvaise foi, dès lors qu'il s'agit d'une pièce comptable officielle établie par le [6].

La société [13] fait valoir que le montant erroné figurant sur cette pièce a été communiqué par M. [X] la veille de l'acte réitératif, sans communiquer le détail de son compte courant d'associé sur lequel les retenues opérées par son expert comptable sont incontestables.

Compte tenu de la teneur de la présente décision, qui repose sur le caractère trop incertain des créances invoquées, sauf à hauteur de la somme de 3.598,12 €, la cour estime que la résistance de la société [13] n'a pas dégénéré en abus et confirme l'ordonnance attaquée à ce titre.

Sur les mesures accessoires

La décision déférée est confirmée en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance.

Les dépens d'appel sont mis à la charge de la société [13] avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la Selarl LX, Avocat, sur son affirmation de droit ;

L'équité commande en outre de la condamner à payer à M. [K] [X] la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d'appel.

La société [13] est déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel,

Déclare recevables les conclusions notifiées par M. [K] [X] le 27 janvier 2025 ;

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision attaquée à l'exception du quantum de la condamnation et des intérêts moratoires ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société [13] devenue [12] à payer à M. [K] [X] la somme provisionnelle de 87.234,88 €, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2023 ;

Y ajoutant,

Condamne la société [13] devenue [12] aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la Selarl LX, Avocat, sur son affirmation de droit ;

Condamne la société [13] devenue [12] à payer à M. [K] [X] la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Déboute la société [13] devenue [12] de sa demande sur ce fondement.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Véronique DRAHI, CONSEILLER

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