CA Versailles, ch. soc. 4-5, 27 mars 2025, n° 24/00289
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
Renvoi après cassation
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 MARS 2025
N° RG 24/00289
N° Portalis : DBV3-V-B7I-WJZY
AFFAIRE :
[D] [N]
C/
S.A. FORVIS MAZARS anciennement dénommée MAZARS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
N° RG : F17/00150
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sylvie KONG THONG
Me Audrey HINOUX
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 29 janvier 2024 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2024 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Versailles
Monsieur [D] [N]
né le 26 Août 1953 à [Localité 5] (TUNISIE)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Sylvie KONG THONG, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0069
Me Thibaut DE SAINT SERNIN, Plaidant, avocat au barreau de Paris
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A. FORVIS MAZARS anciennement dénommée MAZARS
N° SIRET : 784 824 153
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Audrey HINOUX de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :C2477
Me Emmanuelle BARBARA, Plaidant, avocat au barreau de Paris
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Janvier 2025, devant la cour composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l'affaire,
Greffier, lors des débats : Madame Anne REBOULEAU
Greffier, lors du prononcé : Madame Caroline CASTRO FEITOSA
EXPOSE DU LITIGE
M. [D] [N] a été engagé par la SA Mazars, devenue Forvis Mazars, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 1989 en qualité d'expert-comptable par rachat de son ancien cabinet d'expertise comptable, avec reprise d'ancienneté.
La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective nationale des experts comptables et des commissaires aux comptes.
Par courrier du 9 janvier 2017, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 janvier 2017, et mis à pied à titre conservatoire.
Par requête reçue au greffe le 20 janvier 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail outre la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
Par courrier du 23 janvier 2017, le salarié a été licencié pour faute grave.
Par jugement de départage du 20 décembre 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du licenciement pour faute grave dont [D] [N] a fait l'objet de la part de la SA Mazars ;
- débouté M. [D] [N] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ;
- dit que le licenciement pour faute grave dont M. [N] a fait l'objet de la part de la SA Mazars est fondé ;
- débouté M. [D] [N] de toutes ses demandes subséquentes ;
- condamné la SA Mazars à payer à M. [D] [N] la somme de 1 618,53 euros en remboursement des frais professionnels au titre des mois d'octobre et novembre 2016,
Avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2017 ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;
- condamné M. [D] [N] à payer à la SA Mazars la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [D] [N] aux dépens.
M. [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 21 janvier 2020.
Par arrêt du 17 février 2022, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes des parties et de la procédure antérieure, la cour d'appel de Versailles a :
- confirmé le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
- condamné M. [D] [N] aux dépens d'appel ;
- condamné M. [D] [N] à payer à la SA Mazars la somme complémentaire de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [D] [N] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
Par décision du 17 janvier 2024, la Cour de cassation, chambre sociale, a :
- cassé et annulé sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention des risques liés à la santé au travail et en ce qu'il a condamné la société Mazars à lui payer la somme de 1 618,53 euros en remboursement de frais professionnels au titre des mois d'octobre et novembre 2016 et ordonné la capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Pour se déterminer ainsi, la cour de cassation :
- au visa de l'alinéa premier de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, a :
* rappelé qu'il résulte de ces textes qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ;
* relevé que pour débouter le salarié de ses demandes formées au titre de la nullité, l'arrêt retient qu'il ressort de la chronologie de la procédure de licenciement et de la demande de résiliation judiciaire, que si le salarié a saisi le conseil de prud'hommes avant la notification de son licenciement, la procédure de licenciement était initiée par l'employeur dès le 9 janvier 2017, que compte tenu de la date de l'entretien préalable, ce dernier ne pouvait valablement adresser la lettre de licenciement au salarié avant le samedi 21 janvier 2017 et qu'il n'était pas établi qu'avant le 20 janvier 2017, l'employeur avait connaissance du fait que le salarié entendait saisir la juridiction prud'homale de sorte que cette chronologie contredit la thèse de représailles ou de rétorsion de l'employeur ;
* jugé qu'en statuant ainsi, alors que la cour avait constaté que la lettre de licenciement évoquait la démarche judiciaire du salarié, l'employeur estimant qu'elle visait à masquer ses fautes en éludant le fond pour l'empêcher de discuter du motif de la procédure disciplinaire le concernant, ce dont il résultait que le licenciement était bien en lien avec l'action introduite par le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
- au visa de l'article L. 1331-2 du code du travail a :
* relevé que pour débouter le salarié de sa demande en paiement du solde de la rémunération variable pour l'exercice clos le 31 août 2016, l'arrêt retient d'abord que l'article 4.5 de la charte et la section 6 du règlement instituaient une rémunération variable fondée sur la contribution de l'associé au développement de l'association et de son résultat. Il ajoute que si le salarié a pu bénéficier d'une quote-part de sa part variable versée au mois de novembre 2016, les membres du comité de rémunération ont pu estimer régulièrement qu'il ne pouvait plus prétendre au solde de cette part compte tenu de la gravité des fautes commises. Or en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait prononcé le licenciement pour faute grave du salarié puis avait refusé de lui verser, en raison de ses mêmes fautes, le solde de sa rémunération variable contractuellement due au titre de l'exercice clos le 31 août 2016, ce dont elle aurait dû en déduire que cette retenue était une sanction pécuniaire illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
M. [N] a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration au greffe du 29 janvier 2024.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [N] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel interjeté ;
Infirmer le jugement entrepris rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 20 décembre 2019 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement et de ses conséquences, à savoir :
* sa réintégration ;
* la condamnation de Mazars à une somme correspondant à ses salaires échus depuis sa sortie des effectifs ;
* juger que la cession de ses 7 527 parts Mazars est nulle et de nul effet ;
* ordonner la restitution de leur prix d'achat ;
* condamner Mazars à lui verser les dividendes échus ;
En tout état de cause,
- condamner Mazars aux sommes suivantes :
* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat de travail ;
* 87 685 euros à titre de rappel de rémunération variable de l'année 2016 ;
* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
- fixer la moyenne mensuelle de ses douze derniers mois de salaire à 437 739/12 = 36 478 euros ;
A titre principal :
- juger que son licenciement intervenu par mesure de rétorsion à sa saisine prud'homale, est nul et de nul effet ;
- prononcer sa réintégration dans son emploi à compter de la date de son licenciement jusqu'à la date de prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- condamner Mazars à lui verser 22 095,83 euros par mois du 24 janvier 2017 jusqu'à la date de sa réintégration effective ;
- juger que la cession de ses 7 527 parts Mazars est nulle et de nul effet ;
- ordonner la restitution desdites parts à M. [N] en contrepartie de la restitution de leur prix de rachat par ce dernier ;
- condamner Mazars à lui verser les dividendes échus depuis la date de son licenciement ;
A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour dirait le licenciement nul mais refuserait d'ordonner la réintégration de M. [N] :
- condamner Mazars à lui verser :
* 66 287,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 6 628,74 euros de congés payés afférents ;
* 178 608 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 154 002 euros de dommages et intérêts au titre de la perte des dividendes 2015/2016 ;
* 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;
En tout état de cause :
- condamner Mazars à lui verser :
* 50 000 euros au titre des circonstances vexatoires et brutales de la rupture ;
* 115 760 euros bruts de solde de rémunération variable au titre de l'exercice clos le 31 août 2016;
- condamner Mazars, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui payer 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens et 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant la Cour d'appel de renvoi ;
- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil ;
- dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Sylvie Kong Thong, Avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Forvis Mazars SA demande à la cour de :
A titre principal,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du licenciement ;
- débouté M. [N] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ;
- dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;
- débouté M. [N] de toutes ses demandes subséquentes ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes mais seulement en ce qu'il a débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;
- condamné M. [N] à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens ;
En conséquence,
- juger le licenciement pour faute grave de M. [N] est bien fondé ;
- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
- condamner M. [N] à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens ;
A titre subsidiaire, si la cour d'appel de céans devait considérer que M. [N] est bien-fondé dans sa demande au titre de la nullité de son licenciement :
- juger que la réintégration de M. [N] est matériellement impossible ;
- juger que M. [N] a demandé la liquidation de ses pensions de retraite ;
- en conséquence, débouter M. [N] de ses demandes au titre de la réintégration ;
- fixer le salaire de référence à la somme de 19 116,67 euros bruts ;
- juger que la date de rupture des relations contractuelles est intervenue le 23 janvier 2017 ;
- en conséquence limiter le montant des condamnations à :
* 153 995,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 57 350 euros bruts euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 5.735 euros bruts euros de congés payés y afférents ;
* limiter le montant des condamnations au titre de l'indemnité pour licenciement nul au minimum prévu par l'article L.1235-3 du Code du travail, soit la somme de 80 100 euros bruts.
En tout état de cause :
- déclarer irrecevable la demande de condamnation de la société Mazars à la somme de 154 000 euros au titre « de dommages et intérêts au titre de la perte des dividendes 2015/2016 » ;
- juger l'absence de circonstances vexatoires et brutales du licenciement et, en conséquence, confirmer le jugement entrepris et débouter M. [N] de ses demandes à ce titre ;
- juger qu'aucune rémunération variable ne reste due à M. [N] et, en conséquence, confirmer le jugement entrepris et débouter M. [N] de ses demandes à ce titre ou, à titre subsidiaire, limiter le montant de la condamnation à ce titre à la somme de 88 720 euros bruts ;
- débouter M. [N] de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts légaux ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la première instance et aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du licenciement
Pour infirmation du jugement entrepris, le salarié fait valoir que la lettre de licenciement évoque la démarche judiciaire qu'il a engagée pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail de sorte que son licenciement du 23 janvier 2017 est nul pour être en lien avec son action judiciaire initiée le 20 janvier 2017 et porter ainsi atteinte à sa liberté fondamentale constitutionnellement garantie, d'ester en justice.
L'employeur soutient en réplique que l'arrêt de cassation partielle est contraire aux principes que celle-ci a elle-même posés en la matière dès lors qu'une simple référence à l'action judiciaire du salarié ne saurait emporter la nullité du licenciement en l'absence d'énonciation d'un grief reprochant au salarié un comportement en lien avec son droit d'ester en justice.
Il résulte de l'alinéa premier de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur.
En l'espèce, la lettre de licenciement énonce :
« [D],
Tu as été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire par lettre recommandée avec AR du 9 janvier 2017, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire. Cet entretien s'est tenu le 18 janvier 2017 auquel tu t'es rendu accompagné.
Je t'ai reçu avec [L], puisqu'il a été associé à moi à cette affaire depuis ses débuts en décembre et, ensemble, nous avons pris grand soin d'adopter un ton mesuré quant à la forme de notre propos pour te faire part des griefs à ton encontre et relatifs aux évènements de décembre dont nous avons été indirectement témoins.
A ma grande surprise, j'ajoute avoir reçu un courrier le 20 janvier dernier de ton avocat qui m'informe du dépôt le même jour d'une demande de résiliation judiciaire de ton contrat de travail « à raison des très graves difficultés » auxquelles tu étais « confronté après plus de 28 ans de carrières au sein de Mazars ». Je reconnais volontiers que tel est le cas mais bien à raison de tes fautes et nous sommes les premiers à en être effondrés. Et victimes.
Ce préambule fait, voici donc les motifs que nous avons soumis à tes explications.
1. Ces motifs sont au nombre de cinq.
a) Résultats désastreux du contrôle qualité et insuffisance de diligences.
A compter du début de tes révélations concernant le dossier FTL, nous avons immédiatement diligenté une enquête, juste avant la trêve de Noël. Les conclusions obtenues attestent :
' d'une insuffisance dans les diligences mises en 'uvre, s'agissant même parfois de contrôles élémentaires et d'une absence de supervision de l'audit,
' d'une documentation des travaux très insuffisante, y compris sur des zones d'incertitudes mises en évidence ou sur les cycles sensibles y compris le cycle ventes et les avances aux fournisseurs,
' d'une absence de documentation de la continuité d'exploitation dans une société fortement endettée et rencontrant des tensions de trésorerie,
' d'un niveau d'honoraires impayés sur tes codes dossiers pour un montant de 835 k' relatifs au groupe FTL, correspondant à environ 2 années d'honoraires.
Le dossier fait l'objet d'un contrôle du régulateur HC, commencé depuis janvier. Les premiers points intermédiaires ne sont pas bons. Quel que soit le classement par le H3C, ces négligences hautement blâmables venant de toi, en qualité de professionnel confirmé, compétent, aguerri et jouissant d'une réputation jusqu'ici sans faille, sidèrent.
b) L'acceptation d'une mission d'exécuteur testamentaire de Mme [M].
Une première fois le 12 décembre 2016 puis le 14 décembre suivant, lors d'un entretien programmé de longue date pour ton évaluation annuelle, tu nous as informés de ce mandat te confiant le rôle d'exécuteur testamentaire, précisément dans l'affaire qui a donné lieu à tant d'approximations techniques intolérables de ta part. Tu nous as produit la copie de ce mandat le 15 décembre. Le fait que tu nous aies révélé un tel événement, alors que sans ton aveu aucun moyen n'aurait permis de le savoir, caractérise en soi une attitude embarrassée de ta part, puisque cette affaire aux accents sulfureux venait d'éclater médiatiquement et que tu avais conscience qu'une situation d'incompatibilité ou de conflit d'intérêt était avérée.
c) L'aveu de la perception de libéralités de la part du client sous forme d'un financement partiel d'une voiture pour ta fille. Tu as indiqué formellement ce point lors de notre entretien du 20 décembre et [K] nous l'a confirmé ultérieurement. Nul besoin d'insister sur l'inconvenance d'un tel fait.
d) Liens personnels avec Mme [M].
Nous avons évoqué l'article 27 du code de déontologie pour étayer ce point. Il précise : « Un commissaire aux comptes ne peut accepter ou conserver une mission de contrôle légal de la part de la personne ou de l'entité qui l'a désigné, dès lors que lui-même ou l'un des membres de la direction de la société de commissaires aux comptes entretient avec cette personne ou entité ou avec une personne occupant une fonction sensible au sein de celle-ci des liens personnels étroits affectant son indépendance ». Ces dispositions conditionnent l'éthique de notre mode opératoire professionnel et s'appliquent indifféremment à n'importe lequel de nos associés, fussent-ils les plus expérimentés d'entre nous. Il n'est pas question que les liens personnels que l'affaire révèle aujourd'hui te permettent de pouvoir utilement te retrancher derrière une responsabilité quelconque de Mazars à ce titre.
e) Non-respect des procédures du cabinet sur :
' Défaut de respect de la Déclaration Annuelle d'Objectivité et d'Indépendance (DAOI) au niveau des impayés et libéralités à déclarer,
' Défaut de classement du dossier sur la liste des dossiers risqués,
' Absence d'information en temps en en heures de l'Exécutif, des autres associés concernés et du conseil d'administration à propos de l'acceptation de la mission d'exécuteur testamentaire et ta sortie, en décembre, en tant que signataire du dossier qui ne lui a pas été signalée, celle-ci ayant été imaginée par toi seul dans l'urgence.
Sur l'ensemble de ces points, il apparait que tes abstentions révèlent à tout le moins deux séries de commentaires. Le premier : si tu t'étais astreint au respect de ces procédures, nous aurions peut-être pu modifier le cours de ce qui pouvait l'être encore, et éviter cette fuite en avant funeste que tu t'es imposée ainsi qu'à la firme par la même occasion. Le deuxième enseignement de tes abstentions est que si tu n'as pas procédé aux alertes en cause, c'est que probablement tu avais hélas conscience de l'étendue des dégâts.
En tout état de cause, il apparait qu'en ayant noué des relations conduisant à un mode opératoire hasardeux et éminemment contestable mettant en exergue une situation de conflit d'intérêt, tu as commis un manquement grave à la déontologie et à nos procédures.
Pour l'ensemble de ce qui précède, nous te licencions pour faute grave rendant impossible ton maintien dans l'entreprise, fût-ce pendant le préavis.
2. Contrairement aux usages, mais tout est inédit ici, je tiens à répondre à tes explications lapidaires formulées lors de cet entretien, qui ne modifient en rien notre appréciation des faits, et plus généralement à ton dernier mail particulièrement offensif et injuste du 18 janvier dernier adressé à [L] et moi-qui rassure néanmoins sur l'amélioration de ton état de santé-. Nos commentaires sont d'autant plus nécessaires que ta démarche judiciaire du 20 janvier -soit deux jours après cet entretien préalable et avant l'expiration du délai d'envoi de la présente lettre- a pour seule finalité de masquer tes fautes en éludant le fond et à te faire corrélativement revêtir la posture d'une victime.
On comprend que la man'uvre consisterait à nous empêcher de discuter du motif de la procédure disciplinaire qui te concerne puisque tu as voulu saisir la juridiction avant que ce courrier ne puisse t'être adressé. Mais comme tu as pris soin de m'en informer avant le 23 janvier, mes commentaires ci-dessous font entièrement partie du volet du débat judiciaire que tu as initié, peu important la date de ma propre lettre.
J'imagine que toi ou ton avocat escomptiez que je n'aurais pas osé évoquer ta man'uvre judiciaire « après 28 ans de carrière au sein de Mazars » pour accentuer l'hypothèse de ta victimisation. C'est un comble.
Schématiquement tu nous as dit ne pas accepter de responsabilités dans l'affaire FTL, subissant, depuis, calomnies et mises en cause pour masquer ce que nous t'aurions fait subir le 20 décembre dernier. S'il est vrai que la meilleure défense c'est l'attaque, ici hélas, c'est bien Mazars qui se trouve victime d'un maelström dont nous nous serions infiniment bien passés. Je retiens de ta position que rien dans ce qui précède n'est constitutif de la moindre faute de ta part, pas même au niveau de l'acceptation du mandat d'exécuteur testamentaire. Tu nous as indiqué que dans la mesure où tu nous avais révélé l'existence de ce mandat, il ne pouvait servir de fondement à la présente procédure et que plus généralement, il ne s'agit pas d'une faute. Cette position illustrant, selon toi, l'idée que tu serais un « lampiste » dans cette affaire est grossière, et traduit un affolement et une perte de contrôle.
Voici en revanche quelques précisions sur les préjudices substantiels que Mazars subit du fait de tes errements. D'abord et comme tu l'as reconnu dans ton SMS adressé à [L] le 20 décembre à 17h37, suivant cette réunion où nous avons été davantage abasourdis par tes révélations qu'en mesure de faire subir quelques pressions que ce soit, tu écris « regretter le mal que tu fais à Mazars et espère que nous pourrons un jour te pardonner ». Forts de ce message dramatique, nous n'avons pas hésité à nous rendre avec [K], dûment informée par nos soins, à la police pour te sauver d'un acte supposé irréparable d'après tes dires. Notre courrier du 22 décembre n'est en rien « hypocrite » mais souligne notre compassion et c'est avec grande sincérité que nous t'avons dit deux choses, la première de te reposer, la deuxième que nous reprendrions la conversation là où nous l'avions laissée. L'argument de l'atteinte à ta santé que tu sembles brandir comme une sorte de fait justificatif est un artifice et ne saurait atténuer la portée de ta responsabilité dans cette débâcle.
Nous avons donc naturellement procédé à des investigations qui nous ont conduits à soumettre au Comité exécutif - qui l'a validé à l'unanimité - la mise en 'uvre de cette procédure contre l'un d'entre nous du fait de l'étendue des fautes découvertes. Tu n'es donc pas un lampiste et il convient de ne pas renverser les responsabilités.
Les autres préjudices pour Mazars sont substantiels. Notre nom, et non le tien, est sorti publiquement, désormais associé à l'affaire « William Saurin », C'est donc Mazars qui fait face formellement à un scandale sans précédent pour la firme.
Le contrôle du régulateur H3C du fait de tes fautes va se traduire par des sanctions et par un accroissement des contrôles au sein de Mazars, qui jusqu'ici étaient conformes aux standards de la profession. Ces contrôles pèseront à l'avenir sur les associés de Mazars qui subiront les effets de cette affaire, en distillant désormais un sentiment de défiance entre nous. Nos clients sont perturbés aussi. Certes, nombreux sont ceux qui auront compris que Mazars en tant que tel n'est pas en cause et nous soutiennent dans cette épreuve pour la firme, mais d'autres nous quitteront du fait de cette atteinte à notre réputation. Quant à ceux qui te soutiendraient, ils n'ont évidemment pas connaissance de l'étendue de tes manquements, surtout s'ils sont instruits par tes soins selon ta nouvelle manière de voir les choses.
3. La date de première présentation du présent courrier marquera la fin de ton contrat de travail.
Par courrier séparé, nous t'adressons les éléments du solde de tout compte ainsi que tes documents de fin de contrat. Il te faudra restituer à la Société dès que possible et selon les modalités que tu nous feras connaître, tous les éléments qui ont été mis à ta disposition par Mazars.
4. En tant que de besoin, nous te libérons de toute obligation de non-concurrence ou de non- sollicitation. Aucune somme ne te sera en conséquence due à ce titre.
5. Enfin, nous te rappelons que tu peux bénéficier du dispositif de portabilité des garanties de frais santé et de prévoyance dans les conditions ci-après résumées :
En application des dispositions de la loi de Sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 et de l'article L, 911-8 du Code de la Sécurité sociale, tu bénéficieras du maintien des régimes de frais de santé et de prévoyance en vigueur dans l'entreprise à compter de la date de cessation de ton contrat de travail et pendant la période de prise en charge par l'assurance chômage, sans que celle-ci puisse excéder la durée de ton contrat de travail, appréciée en mois entiers et dans la limite de 12 mois.
Tu justifieras directement auprès de l'organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties prévoyance et frais de santé, des conditions prévues à l'article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale. Le maintien de ces garanties sera signalé dans ton certificat de travail et nous informerons l'organisme assureur de la cessation de ton contrat de travail.
Les garanties conservées sont celles en vigueur au sein de notre Société de telle sorte que toute évolution du régime te sera immédiatement applicable, dans les mêmes conditions que pour les salariés de l'entreprise. Le financement des garanties est assuré intégralement par Mazars dans le cadre du système de mutualisation du financement.
En cas de reprise d'une activité professionnelle avant la fin de la période de portabilité, mettant fin à votre prise en charge par le régime d'assurance chômage, tu cesseras alors de bénéficier de la portabilité des garanties de Frais de Santé et Prévoyance ».
Il ressort des énonciations reproduites ci-dessus en gras que l'employeur aborde de manière explicite le sujet de la démarche judiciaire du salarié en mettant en évidence le fait que ce dernier a 'voulu' saisir la juridiction avant l'envoi de la lettre de licenciement, qualifiant cette action judiciaire de 'manoeuvre' à deux reprises dont la seule finalité aurait été 'de masquer [ses] fautes en éludant le fond et à [lui] faire corrélativement revêtir la posture d'une victime', ce dont il résulte que le licenciement est partiellement en lien avec l'action judiciaire engagée le 20 janvier 2017 et doit être déclaré nul comme portant atteinte à la liberté fondamentale constitutionnellement garantie, d'ester en justice.
Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre d'un licenciement nul.
Sur la demande de réintégration
Le salarié, qui indique avoir été contraint, du fait du licenciement, de liquider ses droits à la retraite, et qui présente en page 22 de ses conclusions une simulation qui mentionne une date de liquidation des droits à retraite le 1er avril 2017 à 63 ans et 7 mois et l'acquisition à cette date de 181 trimestres tous régimes confondus, invoque au soutien de sa demande de réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent, le cumul emploi/retraite, les dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail qui prévoient que la réintégration du salarié est le principe en cas de nullité du licenciement, une atteinte à la liberté de travailler garantie par l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et à l'article 15 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
L'employeur réplique que la réintégration sollicitée par le salarié est impossible à plusieurs titres en ce que celui-ci a pris l'initiative de se retirer volontairement de l'Ordre des experts-comptables et de la liste des commissaires aux comptes dès 2017, a perdu tout droit d'occuper un emploi de commissaire aux comptes et d'expert-comptable depuis février 2021 par suite d'une radiation disciplinaire par l'autorité de régulation compétente, a librement liquidé ses droits à la retraite à taux plein, et est âgé de plus de 70 ans révolus et encourt une mise à la retraite d'office.
L'article L. 1235-3-1, dans ses versions successives depuis l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail, n'est pas applicable en l'espèce au regard de la date du licenciement.
Au cas particulier, il résulte d'une jurisprudence constante que le salarié dont le licenciement est annulé pour avoir méconnu une liberté constitutionnellement garantie et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d'une indemnité d'éviction. Toutefois, si sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Il résulte des article 1134, devenu 1103 du code civil, et L. 1237-9 du code du travail, que le départ à la retraite d'un salarié, acte unilatéral par lequel celui-ci manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, rend impossible sa réintégration.
Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour et des écritures du salarié que ce dernier a fait le choix de liquider ses droits à la retraite à la suite de son départ de l'entreprise. Aucun élément ne fait ressortir qu'il y aurait été contraint de manière absolue, une telle situation ne pouvant se déduire, en soi, du licenciement, même nul.
Le fait d'avoir librement, de manière claire et non équivoque, décidé de mettre fin à son contrat de travail en liquidant ses droits à la retraite rend inopérant l'argumentaire du salarié relatif à la prétendue violation de la liberté de travailler. Au demeurant, sur ce point, il invoque de manière inopportune un effet direct horizontal de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par ailleurs, ne peut être regardé comme indifférent le fait que l'employeur, qui s'oppose à la réintégration du salarié, âgé de plus de 70 ans, peut le mettre à la retraite d'office.
Le salarié sera donc débouté de sa demande de réintégration dans l'entreprise ainsi que de ses demandes subséquentes.
Sur la demande subsidiaire en paiement d'une indemnité pour licenciement nul
A titre subsidiaire, et en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, le salarié sollicite le versement, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 22 095,83 euros brut calculé sur les douze derniers mois, d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement nul au titre d'un préjudice moral lié aux conséquences sur sa carrière et sa réputation et d'un préjudice financier découlant d'une perte de rémunération et de droits à la retraite.
L'employeur fait valoir que le salarié ne justifie pas d'un préjudice au-delà du montant minimum prévu par l'article L. 1235-3-1 du code du travail qu'il évalue à 80 100 euros à partir du salaire des six derniers mois.
Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour, dont les éléments de calcul, que le montant brut des six derniers mois de salaire doit être fixé à 80 100 euros.
Compte tenu de l'âge du salarié, 63 ans, et de son ancienneté dans l'entreprise, au moment de la rupture du contrat de travail, ainsi que d'une perte de revenus et de droit à la retraite, le préjudice matériel et moral résultant du caractère illicite de son licenciement sera entièrement réparé par l'allocation d'une indemnité pour licenciement nul d'un montant de 150 000 euros. L'employeur sera dès lors condamné au paiement de cette somme.
Sur les demandes en paiement d'une indemnité de préavis, des congés payés afférents et d'une indemnité conventionnelle de licenciement
S'agissant du calcul de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le salarié prend en considération un salaire moyen mensuel brut calculé à partir des douze derniers mois ayant précédé son dernier jour travaillé et payé, le 20 décembre 2016, soit de décembre 2015 à novembre 2016, quand l'employeur tient compte d'une moyenne calculée sur les mois de janvier 2016 à décembre 2016.
La cour observe qu'à la suite d'un événement survenu le 20 décembre 2016 objet d'une déclaration d'accident de trajet par l'employeur, le salarié a travaillé et a été rémunéré jusqu'à cette date selon les mentions portées sur l'attestation destinée à Pôle Emploi, le bulletin de paie de janvier 2017 indiquant que le salarié a été en absence maladie à compter du 21 décembre 2016 et jusqu'à son licenciement.
En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, le salarié est fondé à prétendre au versement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à la rémunération complète qu'il aurait perçue s'il avait travaillé jusqu'à l'expiration du préavis, lequel est d'une durée de trois mois selon l'article 6.2.0 de la convention collective applicable.
Concernant l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'article 6.2.1 prévoit que 'L'indemnité de licenciement est celle fixée par la loi, à savoir à la date de signature du présent avenant, 2/10 de mois par année d'ancienneté avec une majoration de 2/15 de mois par année au-delà de 10 ans'.
En considération de ce qui précède, il convient de fixer :
- le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, à la somme de 66 287,49 euros brut, outre 6 628,74 euros brut de congés payés afférents ;
- le montant de l'indemnité conventionnelle, à la somme de 178 607,96 euros.
L'employeur sera ainsi condamné au paiement de ces sommes et le jugement sera donc infirmé sur ces chefs.
Sur la demande de dommages-intérêts à raison de circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement
En toute hypothèse, le salarié ne justifie à ce titre d'aucun préjudice distinct non réparé par l'indemnité allouée ci-dessus au titre d'un licenciement nul.
Le salarié sera donc débouté de sa demande formée de ce chef sur lequel le jugement a omis de statuer.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte de dividendes 2015/2016
Le salarié sollicite le paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de la partie de sa rémunération globale d'associé correspondant, pour l'exercice 2015/2016, aux dividendes non versés sur son compte par suite de la restitution de ses actions déclenchée par son licenciement en janvier 2017.
L'employeur soulève l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en cause d'appel au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile. En réplique à l'argumentaire du salarié sur ce point,
il précise que les conclusions d'appel initiales font ressortir qu'il considérait que de tels dividendes devaient être inclus dans sa rémunération.
Le salarié fait valoir que la demande n'est pas nouvelle en raison de la révélation d'un fait au sens de l'article 564 du code de procédure civile en ce que les conclusions de l'employeur à la suite du renvoi de cassation ont mis en évidence le caractère complexe de la structure de sa rémunération devant intégrer les dividendes.
Il résulte de l'article 910-4, alors en vigueur, du code de procédure civile, qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, dans leurs versions applicables au litige, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
En vertu des dispositions alors en vigueur de l'article 954 du même code, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 1032 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi est saisie par une déclaration au greffe, laquelle n'introduit ni une nouvelle instance ni une voie de recours par application des articles 625, alinéa 1er, et 631 du code de procédure civile, qui énoncent que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé et que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.
Ainsi, pour examiner la recevabilité de demandes au regard du principe de concentration des prétentions posé par l'article 910-4, alors en vigueur, du code de procédure civile, la cour d'appel de renvoi doit prendre en considération non pas le dispositif des premières conclusions notifiées par l'appelant sur renvoi après cassation, mais celui des premières conclusions remises par l'appelant à la cour d'appel dont la décision a été cassée (2e Civ., 12 janvier 2023, pourvoi n° 21-18.762, publié).
Les dispositions des articles 623 et suivants du code de procédure civile ne soumettent pas, à l'issue de la cassation, la recevabilité d'une demande nouvelle à d'autres règles que celles qui s'appliquaient devant la juridiction dont la décision a été cassée et n'imposent, dès lors, pas aux parties de reprendre les demandes formées devant cette juridiction (1ère Civ., 18 janvier 2023, pourvoi n° 19-10.911, publié).
Il résulte de la combinaison des articles 625, alinéa 1er , 633, 565 et 566 du code de procédure civile, que la cour d'appel de renvoi doit rechercher, même d'office, si les demandes qui lui sont soumises ne tendent pas aux mêmes fins que la demande initiale sur laquelle il a été statué par le chef de l'arrêt atteint par la cassation ou n'en constituent pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. (2ème Civ., 28 mars 2024, 22-13.419, publié)
Au cas particulier, si la demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de chance pour le salarié de percevoir sur l'exercice 2015/2016 des dividendes intégrés dans sa rémunération, constitue le complément de la demande initiale de ce dernier en paiement du solde de la rémunération variable pour l'exercice clos le 31 août 2016, il demeure que cette demande n'était pas présentée dans ses premières conclusions devant la cour d'appel autrement composée dont l'arrêt a été partiellement cassé, alors qu'il ne s'infère d'aucun élément que cette prétention est destinée à faire juger une question née, postérieurement aux premières conclusions, de la révélation d'un fait, cette situation ne pouvant se déduire de l'intégration de dividendes dans la rémunération du salarié quand ce dernier n'ignorait pas la structure de sa rémunération globale d'associé.
Cette demande sera donc déclarée irrecevable.
Sur le rappel de rémunération variable au titre de l'exercice clos le 31 août 2016
Il résulte de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et,
lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.
Aux termes de l'article L. 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.
Le salarié sollicite le paiement d'un solde de rémunération variable pour l'exercice clos le 31 août 2016, en application de l'article 4.5 de la Charte et de la section 6 du Règlement instituant une rémunération variable fondée sur la contribution de l'associé au développement de l'association et de son résultat. Il soutient que les règles de rémunération qui en ressortent sont les suivantes : chaque associé se voit attribuer un nombre de points, les « PB », correspondant à l'évaluation de sa contribution au développement de l'association et à son résultat ; il est déterminé annuellement, à partir du compte de résultat arrêté par le conseil d'administration, le montant du « Surplus » global dégagé par chaque entité ; le Surplus est défini comme le résultat après toutes charges mais avant toute attribution aux associés (rémunérations, dividendes, résultats mis en réserve, rémunération différée, voiture, immobilier, etc.) et avant charges sociales, cotisations de retraite sur les attributions aux associés et impôt sur les sociétés (Règlement art. 4.5.1) ; une fraction du Surplus est ensuite affectée à chaque associé proportionnellement aux nombres de 'PB' qui lui sont affectés par rapports aux 'PB' totaux de l'entité associée. Ainsi, il fait valoir que son droit à Surplus doit être fixé pour l'exercice litigieux au regard de 420 'PB' d'une valeur nominale de 1 635 euros, que ce droit correspondant à des rémunérations définitivement acquises s'élevait donc à 686 700 euros et que si un premier versement sur bonus est intervenu en novembre 2016, l'employeur reste à lui devoir un solde de rémunération variable de 115 760 euros brut conformément à ses calculs détaillés en page 28 de ses conclusions.
Si l'employeur soutient que ' le premier point essentiel pour bénéficier d'une rémunération variable est, pour un commissaire aux comptes, d'accomplir correctement ses missions', que tel n'a pas été le cas, il ne peut en être déduit que le salarié n'est pas fondé à prétendre au solde de rémunération variable qu'il revendique, sauf à méconnaître les dispositions de l'article L. 1331-2 du code du travail précité.
L'employeur critique les calculs du salarié. Il indique que la pièce numéro 12 versée par ce dernier mentionne 390 PB, soit un Surplus pour l'exercice considéré de 637 650 euros, que la rémunération globale charges incluses dont il doit être tenu compte est de 326 732 euros et non de 373 572 euros, qu'il s'agit d'un montant charges sociales patronales incluses non pris en compte par le salarié, pour en déduire qu'aucune somme n'est due à ce dernier à ce titre.
Toutefois, alors que le salarié invoque notamment le fait que l'employeur a retenu 420 PB pour l'exercice 2014/2015 sans justifier des 390 PB qu'il retient et que ce dernier procède par affirmation lorsqu'il soutient que les charges patronales sur le bonus ne seraient pas prises en compte dans ses calculs, l'employeur ne communique pas d'éléments précis nécessaires au calcul de la part de rémunération variable du salarié. Il ne justifie pas non plus ni même n'allègue s'être libéré du paiement d'un solde de part variable.
Il résulte de tout ce qui précède que l'employeur doit être condamné à payer au salarié un solde de rémunération variable d'un montant de 115 760 euros brut pour l'exercice clos le 31 août 2016.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce chef.
Sur les intérêts légaux
Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il convient de dire que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, conformément à l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, avec le bénéfice pour Maître Sylvie KONG THONG, Avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En équité, il y a lieu d'allouer au salarié une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
La société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, sera déboutée de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, dans les limites de la cassation,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2024 ;
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;
Déclare irrecevable la demande de M. [D] [N] en paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de dividendes 2015/2016 ;
Dit nul le licenciement de M. [D] [N] ;
Déboute M. [D] [N] de sa demande de réintégration au sein de la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars ;
Condamne la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, à payer à M. [D] [N] les somme suivantes :
* 150 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;
* 66 287,49 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
* 6 628,74 euros brut de congés payés afférents ;
* 178 607,96 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 115 760 euros brut au titre du solde de rémunération variable relatif à l'exercice clos le 31 août 2016 ;
* 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Condamne la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, aux dépens de première instance et d'appel avec le bénéfice pour Maître Sylvie KONG THONG, Avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Caroline CASTRO FEITOSA, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-5
Renvoi après cassation
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 MARS 2025
N° RG 24/00289
N° Portalis : DBV3-V-B7I-WJZY
AFFAIRE :
[D] [N]
C/
S.A. FORVIS MAZARS anciennement dénommée MAZARS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Décembre 2019 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
N° RG : F17/00150
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Sylvie KONG THONG
Me Audrey HINOUX
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT MARS DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 29 janvier 2024 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2024 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Versailles
Monsieur [D] [N]
né le 26 Août 1953 à [Localité 5] (TUNISIE)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentant : Me Sylvie KONG THONG, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0069
Me Thibaut DE SAINT SERNIN, Plaidant, avocat au barreau de Paris
****************
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A. FORVIS MAZARS anciennement dénommée MAZARS
N° SIRET : 784 824 153
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Audrey HINOUX de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES- REIMS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire :C2477
Me Emmanuelle BARBARA, Plaidant, avocat au barreau de Paris
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Janvier 2025, devant la cour composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,
dans l'affaire,
Greffier, lors des débats : Madame Anne REBOULEAU
Greffier, lors du prononcé : Madame Caroline CASTRO FEITOSA
EXPOSE DU LITIGE
M. [D] [N] a été engagé par la SA Mazars, devenue Forvis Mazars, par contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 1989 en qualité d'expert-comptable par rachat de son ancien cabinet d'expertise comptable, avec reprise d'ancienneté.
La relation de travail était soumise aux dispositions de la convention collective nationale des experts comptables et des commissaires aux comptes.
Par courrier du 9 janvier 2017, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 18 janvier 2017, et mis à pied à titre conservatoire.
Par requête reçue au greffe le 20 janvier 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail outre la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
Par courrier du 23 janvier 2017, le salarié a été licencié pour faute grave.
Par jugement de départage du 20 décembre 2019, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du licenciement pour faute grave dont [D] [N] a fait l'objet de la part de la SA Mazars ;
- débouté M. [D] [N] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ;
- dit que le licenciement pour faute grave dont M. [N] a fait l'objet de la part de la SA Mazars est fondé ;
- débouté M. [D] [N] de toutes ses demandes subséquentes ;
- condamné la SA Mazars à payer à M. [D] [N] la somme de 1 618,53 euros en remboursement des frais professionnels au titre des mois d'octobre et novembre 2016,
Avec intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2017 ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile ;
- condamné M. [D] [N] à payer à la SA Mazars la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [D] [N] aux dépens.
M. [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 21 janvier 2020.
Par arrêt du 17 février 2022, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes des parties et de la procédure antérieure, la cour d'appel de Versailles a :
- confirmé le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires ;
- condamné M. [D] [N] aux dépens d'appel ;
- condamné M. [D] [N] à payer à la SA Mazars la somme complémentaire de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [D] [N] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.
Par décision du 17 janvier 2024, la Cour de cassation, chambre sociale, a :
- cassé et annulé sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention des risques liés à la santé au travail et en ce qu'il a condamné la société Mazars à lui payer la somme de 1 618,53 euros en remboursement de frais professionnels au titre des mois d'octobre et novembre 2016 et ordonné la capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Pour se déterminer ainsi, la cour de cassation :
- au visa de l'alinéa premier de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, a :
* rappelé qu'il résulte de ces textes qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur ;
* relevé que pour débouter le salarié de ses demandes formées au titre de la nullité, l'arrêt retient qu'il ressort de la chronologie de la procédure de licenciement et de la demande de résiliation judiciaire, que si le salarié a saisi le conseil de prud'hommes avant la notification de son licenciement, la procédure de licenciement était initiée par l'employeur dès le 9 janvier 2017, que compte tenu de la date de l'entretien préalable, ce dernier ne pouvait valablement adresser la lettre de licenciement au salarié avant le samedi 21 janvier 2017 et qu'il n'était pas établi qu'avant le 20 janvier 2017, l'employeur avait connaissance du fait que le salarié entendait saisir la juridiction prud'homale de sorte que cette chronologie contredit la thèse de représailles ou de rétorsion de l'employeur ;
* jugé qu'en statuant ainsi, alors que la cour avait constaté que la lettre de licenciement évoquait la démarche judiciaire du salarié, l'employeur estimant qu'elle visait à masquer ses fautes en éludant le fond pour l'empêcher de discuter du motif de la procédure disciplinaire le concernant, ce dont il résultait que le licenciement était bien en lien avec l'action introduite par le salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
- au visa de l'article L. 1331-2 du code du travail a :
* relevé que pour débouter le salarié de sa demande en paiement du solde de la rémunération variable pour l'exercice clos le 31 août 2016, l'arrêt retient d'abord que l'article 4.5 de la charte et la section 6 du règlement instituaient une rémunération variable fondée sur la contribution de l'associé au développement de l'association et de son résultat. Il ajoute que si le salarié a pu bénéficier d'une quote-part de sa part variable versée au mois de novembre 2016, les membres du comité de rémunération ont pu estimer régulièrement qu'il ne pouvait plus prétendre au solde de cette part compte tenu de la gravité des fautes commises. Or en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait prononcé le licenciement pour faute grave du salarié puis avait refusé de lui verser, en raison de ses mêmes fautes, le solde de sa rémunération variable contractuellement due au titre de l'exercice clos le 31 août 2016, ce dont elle aurait dû en déduire que cette retenue était une sanction pécuniaire illicite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
M. [N] a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration au greffe du 29 janvier 2024.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [N] demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel interjeté ;
Infirmer le jugement entrepris rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 20 décembre 2019 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement et de ses conséquences, à savoir :
* sa réintégration ;
* la condamnation de Mazars à une somme correspondant à ses salaires échus depuis sa sortie des effectifs ;
* juger que la cession de ses 7 527 parts Mazars est nulle et de nul effet ;
* ordonner la restitution de leur prix d'achat ;
* condamner Mazars à lui verser les dividendes échus ;
En tout état de cause,
- condamner Mazars aux sommes suivantes :
* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale du contrat de travail ;
* 87 685 euros à titre de rappel de rémunération variable de l'année 2016 ;
* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
- fixer la moyenne mensuelle de ses douze derniers mois de salaire à 437 739/12 = 36 478 euros ;
A titre principal :
- juger que son licenciement intervenu par mesure de rétorsion à sa saisine prud'homale, est nul et de nul effet ;
- prononcer sa réintégration dans son emploi à compter de la date de son licenciement jusqu'à la date de prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- condamner Mazars à lui verser 22 095,83 euros par mois du 24 janvier 2017 jusqu'à la date de sa réintégration effective ;
- juger que la cession de ses 7 527 parts Mazars est nulle et de nul effet ;
- ordonner la restitution desdites parts à M. [N] en contrepartie de la restitution de leur prix de rachat par ce dernier ;
- condamner Mazars à lui verser les dividendes échus depuis la date de son licenciement ;
A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour dirait le licenciement nul mais refuserait d'ordonner la réintégration de M. [N] :
- condamner Mazars à lui verser :
* 66 287,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 6 628,74 euros de congés payés afférents ;
* 178 608 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 154 002 euros de dommages et intérêts au titre de la perte des dividendes 2015/2016 ;
* 1 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;
En tout état de cause :
- condamner Mazars à lui verser :
* 50 000 euros au titre des circonstances vexatoires et brutales de la rupture ;
* 115 760 euros bruts de solde de rémunération variable au titre de l'exercice clos le 31 août 2016;
- condamner Mazars, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à lui payer 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens et 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant la Cour d'appel de renvoi ;
- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil ;
- dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Sylvie Kong Thong, Avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Forvis Mazars SA demande à la cour de :
A titre principal,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du licenciement ;
- débouté M. [N] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ;
- dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;
- débouté M. [N] de toutes ses demandes subséquentes ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes mais seulement en ce qu'il a débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;
- condamné M. [N] à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers dépens ;
En conséquence,
- juger le licenciement pour faute grave de M. [N] est bien fondé ;
- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
- condamner M. [N] à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens ;
A titre subsidiaire, si la cour d'appel de céans devait considérer que M. [N] est bien-fondé dans sa demande au titre de la nullité de son licenciement :
- juger que la réintégration de M. [N] est matériellement impossible ;
- juger que M. [N] a demandé la liquidation de ses pensions de retraite ;
- en conséquence, débouter M. [N] de ses demandes au titre de la réintégration ;
- fixer le salaire de référence à la somme de 19 116,67 euros bruts ;
- juger que la date de rupture des relations contractuelles est intervenue le 23 janvier 2017 ;
- en conséquence limiter le montant des condamnations à :
* 153 995,37 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 57 350 euros bruts euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 5.735 euros bruts euros de congés payés y afférents ;
* limiter le montant des condamnations au titre de l'indemnité pour licenciement nul au minimum prévu par l'article L.1235-3 du Code du travail, soit la somme de 80 100 euros bruts.
En tout état de cause :
- déclarer irrecevable la demande de condamnation de la société Mazars à la somme de 154 000 euros au titre « de dommages et intérêts au titre de la perte des dividendes 2015/2016 » ;
- juger l'absence de circonstances vexatoires et brutales du licenciement et, en conséquence, confirmer le jugement entrepris et débouter M. [N] de ses demandes à ce titre ;
- juger qu'aucune rémunération variable ne reste due à M. [N] et, en conséquence, confirmer le jugement entrepris et débouter M. [N] de ses demandes à ce titre ou, à titre subsidiaire, limiter le montant de la condamnation à ce titre à la somme de 88 720 euros bruts ;
- débouter M. [N] de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts légaux ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la première instance et aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du licenciement
Pour infirmation du jugement entrepris, le salarié fait valoir que la lettre de licenciement évoque la démarche judiciaire qu'il a engagée pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail de sorte que son licenciement du 23 janvier 2017 est nul pour être en lien avec son action judiciaire initiée le 20 janvier 2017 et porter ainsi atteinte à sa liberté fondamentale constitutionnellement garantie, d'ester en justice.
L'employeur soutient en réplique que l'arrêt de cassation partielle est contraire aux principes que celle-ci a elle-même posés en la matière dès lors qu'une simple référence à l'action judiciaire du salarié ne saurait emporter la nullité du licenciement en l'absence d'énonciation d'un grief reprochant au salarié un comportement en lien avec son droit d'ester en justice.
Il résulte de l'alinéa premier de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, qu'est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur.
En l'espèce, la lettre de licenciement énonce :
« [D],
Tu as été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire par lettre recommandée avec AR du 9 janvier 2017, assorti d'une mise à pied à titre conservatoire. Cet entretien s'est tenu le 18 janvier 2017 auquel tu t'es rendu accompagné.
Je t'ai reçu avec [L], puisqu'il a été associé à moi à cette affaire depuis ses débuts en décembre et, ensemble, nous avons pris grand soin d'adopter un ton mesuré quant à la forme de notre propos pour te faire part des griefs à ton encontre et relatifs aux évènements de décembre dont nous avons été indirectement témoins.
A ma grande surprise, j'ajoute avoir reçu un courrier le 20 janvier dernier de ton avocat qui m'informe du dépôt le même jour d'une demande de résiliation judiciaire de ton contrat de travail « à raison des très graves difficultés » auxquelles tu étais « confronté après plus de 28 ans de carrières au sein de Mazars ». Je reconnais volontiers que tel est le cas mais bien à raison de tes fautes et nous sommes les premiers à en être effondrés. Et victimes.
Ce préambule fait, voici donc les motifs que nous avons soumis à tes explications.
1. Ces motifs sont au nombre de cinq.
a) Résultats désastreux du contrôle qualité et insuffisance de diligences.
A compter du début de tes révélations concernant le dossier FTL, nous avons immédiatement diligenté une enquête, juste avant la trêve de Noël. Les conclusions obtenues attestent :
' d'une insuffisance dans les diligences mises en 'uvre, s'agissant même parfois de contrôles élémentaires et d'une absence de supervision de l'audit,
' d'une documentation des travaux très insuffisante, y compris sur des zones d'incertitudes mises en évidence ou sur les cycles sensibles y compris le cycle ventes et les avances aux fournisseurs,
' d'une absence de documentation de la continuité d'exploitation dans une société fortement endettée et rencontrant des tensions de trésorerie,
' d'un niveau d'honoraires impayés sur tes codes dossiers pour un montant de 835 k' relatifs au groupe FTL, correspondant à environ 2 années d'honoraires.
Le dossier fait l'objet d'un contrôle du régulateur HC, commencé depuis janvier. Les premiers points intermédiaires ne sont pas bons. Quel que soit le classement par le H3C, ces négligences hautement blâmables venant de toi, en qualité de professionnel confirmé, compétent, aguerri et jouissant d'une réputation jusqu'ici sans faille, sidèrent.
b) L'acceptation d'une mission d'exécuteur testamentaire de Mme [M].
Une première fois le 12 décembre 2016 puis le 14 décembre suivant, lors d'un entretien programmé de longue date pour ton évaluation annuelle, tu nous as informés de ce mandat te confiant le rôle d'exécuteur testamentaire, précisément dans l'affaire qui a donné lieu à tant d'approximations techniques intolérables de ta part. Tu nous as produit la copie de ce mandat le 15 décembre. Le fait que tu nous aies révélé un tel événement, alors que sans ton aveu aucun moyen n'aurait permis de le savoir, caractérise en soi une attitude embarrassée de ta part, puisque cette affaire aux accents sulfureux venait d'éclater médiatiquement et que tu avais conscience qu'une situation d'incompatibilité ou de conflit d'intérêt était avérée.
c) L'aveu de la perception de libéralités de la part du client sous forme d'un financement partiel d'une voiture pour ta fille. Tu as indiqué formellement ce point lors de notre entretien du 20 décembre et [K] nous l'a confirmé ultérieurement. Nul besoin d'insister sur l'inconvenance d'un tel fait.
d) Liens personnels avec Mme [M].
Nous avons évoqué l'article 27 du code de déontologie pour étayer ce point. Il précise : « Un commissaire aux comptes ne peut accepter ou conserver une mission de contrôle légal de la part de la personne ou de l'entité qui l'a désigné, dès lors que lui-même ou l'un des membres de la direction de la société de commissaires aux comptes entretient avec cette personne ou entité ou avec une personne occupant une fonction sensible au sein de celle-ci des liens personnels étroits affectant son indépendance ». Ces dispositions conditionnent l'éthique de notre mode opératoire professionnel et s'appliquent indifféremment à n'importe lequel de nos associés, fussent-ils les plus expérimentés d'entre nous. Il n'est pas question que les liens personnels que l'affaire révèle aujourd'hui te permettent de pouvoir utilement te retrancher derrière une responsabilité quelconque de Mazars à ce titre.
e) Non-respect des procédures du cabinet sur :
' Défaut de respect de la Déclaration Annuelle d'Objectivité et d'Indépendance (DAOI) au niveau des impayés et libéralités à déclarer,
' Défaut de classement du dossier sur la liste des dossiers risqués,
' Absence d'information en temps en en heures de l'Exécutif, des autres associés concernés et du conseil d'administration à propos de l'acceptation de la mission d'exécuteur testamentaire et ta sortie, en décembre, en tant que signataire du dossier qui ne lui a pas été signalée, celle-ci ayant été imaginée par toi seul dans l'urgence.
Sur l'ensemble de ces points, il apparait que tes abstentions révèlent à tout le moins deux séries de commentaires. Le premier : si tu t'étais astreint au respect de ces procédures, nous aurions peut-être pu modifier le cours de ce qui pouvait l'être encore, et éviter cette fuite en avant funeste que tu t'es imposée ainsi qu'à la firme par la même occasion. Le deuxième enseignement de tes abstentions est que si tu n'as pas procédé aux alertes en cause, c'est que probablement tu avais hélas conscience de l'étendue des dégâts.
En tout état de cause, il apparait qu'en ayant noué des relations conduisant à un mode opératoire hasardeux et éminemment contestable mettant en exergue une situation de conflit d'intérêt, tu as commis un manquement grave à la déontologie et à nos procédures.
Pour l'ensemble de ce qui précède, nous te licencions pour faute grave rendant impossible ton maintien dans l'entreprise, fût-ce pendant le préavis.
2. Contrairement aux usages, mais tout est inédit ici, je tiens à répondre à tes explications lapidaires formulées lors de cet entretien, qui ne modifient en rien notre appréciation des faits, et plus généralement à ton dernier mail particulièrement offensif et injuste du 18 janvier dernier adressé à [L] et moi-qui rassure néanmoins sur l'amélioration de ton état de santé-. Nos commentaires sont d'autant plus nécessaires que ta démarche judiciaire du 20 janvier -soit deux jours après cet entretien préalable et avant l'expiration du délai d'envoi de la présente lettre- a pour seule finalité de masquer tes fautes en éludant le fond et à te faire corrélativement revêtir la posture d'une victime.
On comprend que la man'uvre consisterait à nous empêcher de discuter du motif de la procédure disciplinaire qui te concerne puisque tu as voulu saisir la juridiction avant que ce courrier ne puisse t'être adressé. Mais comme tu as pris soin de m'en informer avant le 23 janvier, mes commentaires ci-dessous font entièrement partie du volet du débat judiciaire que tu as initié, peu important la date de ma propre lettre.
J'imagine que toi ou ton avocat escomptiez que je n'aurais pas osé évoquer ta man'uvre judiciaire « après 28 ans de carrière au sein de Mazars » pour accentuer l'hypothèse de ta victimisation. C'est un comble.
Schématiquement tu nous as dit ne pas accepter de responsabilités dans l'affaire FTL, subissant, depuis, calomnies et mises en cause pour masquer ce que nous t'aurions fait subir le 20 décembre dernier. S'il est vrai que la meilleure défense c'est l'attaque, ici hélas, c'est bien Mazars qui se trouve victime d'un maelström dont nous nous serions infiniment bien passés. Je retiens de ta position que rien dans ce qui précède n'est constitutif de la moindre faute de ta part, pas même au niveau de l'acceptation du mandat d'exécuteur testamentaire. Tu nous as indiqué que dans la mesure où tu nous avais révélé l'existence de ce mandat, il ne pouvait servir de fondement à la présente procédure et que plus généralement, il ne s'agit pas d'une faute. Cette position illustrant, selon toi, l'idée que tu serais un « lampiste » dans cette affaire est grossière, et traduit un affolement et une perte de contrôle.
Voici en revanche quelques précisions sur les préjudices substantiels que Mazars subit du fait de tes errements. D'abord et comme tu l'as reconnu dans ton SMS adressé à [L] le 20 décembre à 17h37, suivant cette réunion où nous avons été davantage abasourdis par tes révélations qu'en mesure de faire subir quelques pressions que ce soit, tu écris « regretter le mal que tu fais à Mazars et espère que nous pourrons un jour te pardonner ». Forts de ce message dramatique, nous n'avons pas hésité à nous rendre avec [K], dûment informée par nos soins, à la police pour te sauver d'un acte supposé irréparable d'après tes dires. Notre courrier du 22 décembre n'est en rien « hypocrite » mais souligne notre compassion et c'est avec grande sincérité que nous t'avons dit deux choses, la première de te reposer, la deuxième que nous reprendrions la conversation là où nous l'avions laissée. L'argument de l'atteinte à ta santé que tu sembles brandir comme une sorte de fait justificatif est un artifice et ne saurait atténuer la portée de ta responsabilité dans cette débâcle.
Nous avons donc naturellement procédé à des investigations qui nous ont conduits à soumettre au Comité exécutif - qui l'a validé à l'unanimité - la mise en 'uvre de cette procédure contre l'un d'entre nous du fait de l'étendue des fautes découvertes. Tu n'es donc pas un lampiste et il convient de ne pas renverser les responsabilités.
Les autres préjudices pour Mazars sont substantiels. Notre nom, et non le tien, est sorti publiquement, désormais associé à l'affaire « William Saurin », C'est donc Mazars qui fait face formellement à un scandale sans précédent pour la firme.
Le contrôle du régulateur H3C du fait de tes fautes va se traduire par des sanctions et par un accroissement des contrôles au sein de Mazars, qui jusqu'ici étaient conformes aux standards de la profession. Ces contrôles pèseront à l'avenir sur les associés de Mazars qui subiront les effets de cette affaire, en distillant désormais un sentiment de défiance entre nous. Nos clients sont perturbés aussi. Certes, nombreux sont ceux qui auront compris que Mazars en tant que tel n'est pas en cause et nous soutiennent dans cette épreuve pour la firme, mais d'autres nous quitteront du fait de cette atteinte à notre réputation. Quant à ceux qui te soutiendraient, ils n'ont évidemment pas connaissance de l'étendue de tes manquements, surtout s'ils sont instruits par tes soins selon ta nouvelle manière de voir les choses.
3. La date de première présentation du présent courrier marquera la fin de ton contrat de travail.
Par courrier séparé, nous t'adressons les éléments du solde de tout compte ainsi que tes documents de fin de contrat. Il te faudra restituer à la Société dès que possible et selon les modalités que tu nous feras connaître, tous les éléments qui ont été mis à ta disposition par Mazars.
4. En tant que de besoin, nous te libérons de toute obligation de non-concurrence ou de non- sollicitation. Aucune somme ne te sera en conséquence due à ce titre.
5. Enfin, nous te rappelons que tu peux bénéficier du dispositif de portabilité des garanties de frais santé et de prévoyance dans les conditions ci-après résumées :
En application des dispositions de la loi de Sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 et de l'article L, 911-8 du Code de la Sécurité sociale, tu bénéficieras du maintien des régimes de frais de santé et de prévoyance en vigueur dans l'entreprise à compter de la date de cessation de ton contrat de travail et pendant la période de prise en charge par l'assurance chômage, sans que celle-ci puisse excéder la durée de ton contrat de travail, appréciée en mois entiers et dans la limite de 12 mois.
Tu justifieras directement auprès de l'organisme assureur, à l'ouverture et au cours de la période de maintien des garanties prévoyance et frais de santé, des conditions prévues à l'article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale. Le maintien de ces garanties sera signalé dans ton certificat de travail et nous informerons l'organisme assureur de la cessation de ton contrat de travail.
Les garanties conservées sont celles en vigueur au sein de notre Société de telle sorte que toute évolution du régime te sera immédiatement applicable, dans les mêmes conditions que pour les salariés de l'entreprise. Le financement des garanties est assuré intégralement par Mazars dans le cadre du système de mutualisation du financement.
En cas de reprise d'une activité professionnelle avant la fin de la période de portabilité, mettant fin à votre prise en charge par le régime d'assurance chômage, tu cesseras alors de bénéficier de la portabilité des garanties de Frais de Santé et Prévoyance ».
Il ressort des énonciations reproduites ci-dessus en gras que l'employeur aborde de manière explicite le sujet de la démarche judiciaire du salarié en mettant en évidence le fait que ce dernier a 'voulu' saisir la juridiction avant l'envoi de la lettre de licenciement, qualifiant cette action judiciaire de 'manoeuvre' à deux reprises dont la seule finalité aurait été 'de masquer [ses] fautes en éludant le fond et à [lui] faire corrélativement revêtir la posture d'une victime', ce dont il résulte que le licenciement est partiellement en lien avec l'action judiciaire engagée le 20 janvier 2017 et doit être déclaré nul comme portant atteinte à la liberté fondamentale constitutionnellement garantie, d'ester en justice.
Le jugement entrepris est donc infirmé en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre d'un licenciement nul.
Sur la demande de réintégration
Le salarié, qui indique avoir été contraint, du fait du licenciement, de liquider ses droits à la retraite, et qui présente en page 22 de ses conclusions une simulation qui mentionne une date de liquidation des droits à retraite le 1er avril 2017 à 63 ans et 7 mois et l'acquisition à cette date de 181 trimestres tous régimes confondus, invoque au soutien de sa demande de réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent, le cumul emploi/retraite, les dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail qui prévoient que la réintégration du salarié est le principe en cas de nullité du licenciement, une atteinte à la liberté de travailler garantie par l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et à l'article 15 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
L'employeur réplique que la réintégration sollicitée par le salarié est impossible à plusieurs titres en ce que celui-ci a pris l'initiative de se retirer volontairement de l'Ordre des experts-comptables et de la liste des commissaires aux comptes dès 2017, a perdu tout droit d'occuper un emploi de commissaire aux comptes et d'expert-comptable depuis février 2021 par suite d'une radiation disciplinaire par l'autorité de régulation compétente, a librement liquidé ses droits à la retraite à taux plein, et est âgé de plus de 70 ans révolus et encourt une mise à la retraite d'office.
L'article L. 1235-3-1, dans ses versions successives depuis l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, du code du travail, n'est pas applicable en l'espèce au regard de la date du licenciement.
Au cas particulier, il résulte d'une jurisprudence constante que le salarié dont le licenciement est annulé pour avoir méconnu une liberté constitutionnellement garantie et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d'une indemnité d'éviction. Toutefois, si sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Il résulte des article 1134, devenu 1103 du code civil, et L. 1237-9 du code du travail, que le départ à la retraite d'un salarié, acte unilatéral par lequel celui-ci manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail, rend impossible sa réintégration.
Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour et des écritures du salarié que ce dernier a fait le choix de liquider ses droits à la retraite à la suite de son départ de l'entreprise. Aucun élément ne fait ressortir qu'il y aurait été contraint de manière absolue, une telle situation ne pouvant se déduire, en soi, du licenciement, même nul.
Le fait d'avoir librement, de manière claire et non équivoque, décidé de mettre fin à son contrat de travail en liquidant ses droits à la retraite rend inopérant l'argumentaire du salarié relatif à la prétendue violation de la liberté de travailler. Au demeurant, sur ce point, il invoque de manière inopportune un effet direct horizontal de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Par ailleurs, ne peut être regardé comme indifférent le fait que l'employeur, qui s'oppose à la réintégration du salarié, âgé de plus de 70 ans, peut le mettre à la retraite d'office.
Le salarié sera donc débouté de sa demande de réintégration dans l'entreprise ainsi que de ses demandes subséquentes.
Sur la demande subsidiaire en paiement d'une indemnité pour licenciement nul
A titre subsidiaire, et en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, le salarié sollicite le versement, sur la base d'un salaire mensuel moyen de 22 095,83 euros brut calculé sur les douze derniers mois, d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement nul au titre d'un préjudice moral lié aux conséquences sur sa carrière et sa réputation et d'un préjudice financier découlant d'une perte de rémunération et de droits à la retraite.
L'employeur fait valoir que le salarié ne justifie pas d'un préjudice au-delà du montant minimum prévu par l'article L. 1235-3-1 du code du travail qu'il évalue à 80 100 euros à partir du salaire des six derniers mois.
Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour, dont les éléments de calcul, que le montant brut des six derniers mois de salaire doit être fixé à 80 100 euros.
Compte tenu de l'âge du salarié, 63 ans, et de son ancienneté dans l'entreprise, au moment de la rupture du contrat de travail, ainsi que d'une perte de revenus et de droit à la retraite, le préjudice matériel et moral résultant du caractère illicite de son licenciement sera entièrement réparé par l'allocation d'une indemnité pour licenciement nul d'un montant de 150 000 euros. L'employeur sera dès lors condamné au paiement de cette somme.
Sur les demandes en paiement d'une indemnité de préavis, des congés payés afférents et d'une indemnité conventionnelle de licenciement
S'agissant du calcul de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le salarié prend en considération un salaire moyen mensuel brut calculé à partir des douze derniers mois ayant précédé son dernier jour travaillé et payé, le 20 décembre 2016, soit de décembre 2015 à novembre 2016, quand l'employeur tient compte d'une moyenne calculée sur les mois de janvier 2016 à décembre 2016.
La cour observe qu'à la suite d'un événement survenu le 20 décembre 2016 objet d'une déclaration d'accident de trajet par l'employeur, le salarié a travaillé et a été rémunéré jusqu'à cette date selon les mentions portées sur l'attestation destinée à Pôle Emploi, le bulletin de paie de janvier 2017 indiquant que le salarié a été en absence maladie à compter du 21 décembre 2016 et jusqu'à son licenciement.
En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, le salarié est fondé à prétendre au versement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à la rémunération complète qu'il aurait perçue s'il avait travaillé jusqu'à l'expiration du préavis, lequel est d'une durée de trois mois selon l'article 6.2.0 de la convention collective applicable.
Concernant l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'article 6.2.1 prévoit que 'L'indemnité de licenciement est celle fixée par la loi, à savoir à la date de signature du présent avenant, 2/10 de mois par année d'ancienneté avec une majoration de 2/15 de mois par année au-delà de 10 ans'.
En considération de ce qui précède, il convient de fixer :
- le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, à la somme de 66 287,49 euros brut, outre 6 628,74 euros brut de congés payés afférents ;
- le montant de l'indemnité conventionnelle, à la somme de 178 607,96 euros.
L'employeur sera ainsi condamné au paiement de ces sommes et le jugement sera donc infirmé sur ces chefs.
Sur la demande de dommages-intérêts à raison de circonstances brutales et vexatoires entourant le licenciement
En toute hypothèse, le salarié ne justifie à ce titre d'aucun préjudice distinct non réparé par l'indemnité allouée ci-dessus au titre d'un licenciement nul.
Le salarié sera donc débouté de sa demande formée de ce chef sur lequel le jugement a omis de statuer.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la perte de dividendes 2015/2016
Le salarié sollicite le paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de la partie de sa rémunération globale d'associé correspondant, pour l'exercice 2015/2016, aux dividendes non versés sur son compte par suite de la restitution de ses actions déclenchée par son licenciement en janvier 2017.
L'employeur soulève l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en cause d'appel au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile. En réplique à l'argumentaire du salarié sur ce point,
il précise que les conclusions d'appel initiales font ressortir qu'il considérait que de tels dividendes devaient être inclus dans sa rémunération.
Le salarié fait valoir que la demande n'est pas nouvelle en raison de la révélation d'un fait au sens de l'article 564 du code de procédure civile en ce que les conclusions de l'employeur à la suite du renvoi de cassation ont mis en évidence le caractère complexe de la structure de sa rémunération devant intégrer les dividendes.
Il résulte de l'article 910-4, alors en vigueur, du code de procédure civile, qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, dans leurs versions applicables au litige, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.
En vertu des dispositions alors en vigueur de l'article 954 du même code, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 1032 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi est saisie par une déclaration au greffe, laquelle n'introduit ni une nouvelle instance ni une voie de recours par application des articles 625, alinéa 1er, et 631 du code de procédure civile, qui énoncent que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé et que devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.
Ainsi, pour examiner la recevabilité de demandes au regard du principe de concentration des prétentions posé par l'article 910-4, alors en vigueur, du code de procédure civile, la cour d'appel de renvoi doit prendre en considération non pas le dispositif des premières conclusions notifiées par l'appelant sur renvoi après cassation, mais celui des premières conclusions remises par l'appelant à la cour d'appel dont la décision a été cassée (2e Civ., 12 janvier 2023, pourvoi n° 21-18.762, publié).
Les dispositions des articles 623 et suivants du code de procédure civile ne soumettent pas, à l'issue de la cassation, la recevabilité d'une demande nouvelle à d'autres règles que celles qui s'appliquaient devant la juridiction dont la décision a été cassée et n'imposent, dès lors, pas aux parties de reprendre les demandes formées devant cette juridiction (1ère Civ., 18 janvier 2023, pourvoi n° 19-10.911, publié).
Il résulte de la combinaison des articles 625, alinéa 1er , 633, 565 et 566 du code de procédure civile, que la cour d'appel de renvoi doit rechercher, même d'office, si les demandes qui lui sont soumises ne tendent pas aux mêmes fins que la demande initiale sur laquelle il a été statué par le chef de l'arrêt atteint par la cassation ou n'en constituent pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. (2ème Civ., 28 mars 2024, 22-13.419, publié)
Au cas particulier, si la demande en paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de chance pour le salarié de percevoir sur l'exercice 2015/2016 des dividendes intégrés dans sa rémunération, constitue le complément de la demande initiale de ce dernier en paiement du solde de la rémunération variable pour l'exercice clos le 31 août 2016, il demeure que cette demande n'était pas présentée dans ses premières conclusions devant la cour d'appel autrement composée dont l'arrêt a été partiellement cassé, alors qu'il ne s'infère d'aucun élément que cette prétention est destinée à faire juger une question née, postérieurement aux premières conclusions, de la révélation d'un fait, cette situation ne pouvant se déduire de l'intégration de dividendes dans la rémunération du salarié quand ce dernier n'ignorait pas la structure de sa rémunération globale d'associé.
Cette demande sera donc déclarée irrecevable.
Sur le rappel de rémunération variable au titre de l'exercice clos le 31 août 2016
Il résulte de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et,
lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.
Aux termes de l'article L. 1331-2 du code du travail, les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites.
Le salarié sollicite le paiement d'un solde de rémunération variable pour l'exercice clos le 31 août 2016, en application de l'article 4.5 de la Charte et de la section 6 du Règlement instituant une rémunération variable fondée sur la contribution de l'associé au développement de l'association et de son résultat. Il soutient que les règles de rémunération qui en ressortent sont les suivantes : chaque associé se voit attribuer un nombre de points, les « PB », correspondant à l'évaluation de sa contribution au développement de l'association et à son résultat ; il est déterminé annuellement, à partir du compte de résultat arrêté par le conseil d'administration, le montant du « Surplus » global dégagé par chaque entité ; le Surplus est défini comme le résultat après toutes charges mais avant toute attribution aux associés (rémunérations, dividendes, résultats mis en réserve, rémunération différée, voiture, immobilier, etc.) et avant charges sociales, cotisations de retraite sur les attributions aux associés et impôt sur les sociétés (Règlement art. 4.5.1) ; une fraction du Surplus est ensuite affectée à chaque associé proportionnellement aux nombres de 'PB' qui lui sont affectés par rapports aux 'PB' totaux de l'entité associée. Ainsi, il fait valoir que son droit à Surplus doit être fixé pour l'exercice litigieux au regard de 420 'PB' d'une valeur nominale de 1 635 euros, que ce droit correspondant à des rémunérations définitivement acquises s'élevait donc à 686 700 euros et que si un premier versement sur bonus est intervenu en novembre 2016, l'employeur reste à lui devoir un solde de rémunération variable de 115 760 euros brut conformément à ses calculs détaillés en page 28 de ses conclusions.
Si l'employeur soutient que ' le premier point essentiel pour bénéficier d'une rémunération variable est, pour un commissaire aux comptes, d'accomplir correctement ses missions', que tel n'a pas été le cas, il ne peut en être déduit que le salarié n'est pas fondé à prétendre au solde de rémunération variable qu'il revendique, sauf à méconnaître les dispositions de l'article L. 1331-2 du code du travail précité.
L'employeur critique les calculs du salarié. Il indique que la pièce numéro 12 versée par ce dernier mentionne 390 PB, soit un Surplus pour l'exercice considéré de 637 650 euros, que la rémunération globale charges incluses dont il doit être tenu compte est de 326 732 euros et non de 373 572 euros, qu'il s'agit d'un montant charges sociales patronales incluses non pris en compte par le salarié, pour en déduire qu'aucune somme n'est due à ce dernier à ce titre.
Toutefois, alors que le salarié invoque notamment le fait que l'employeur a retenu 420 PB pour l'exercice 2014/2015 sans justifier des 390 PB qu'il retient et que ce dernier procède par affirmation lorsqu'il soutient que les charges patronales sur le bonus ne seraient pas prises en compte dans ses calculs, l'employeur ne communique pas d'éléments précis nécessaires au calcul de la part de rémunération variable du salarié. Il ne justifie pas non plus ni même n'allègue s'être libéré du paiement d'un solde de part variable.
Il résulte de tout ce qui précède que l'employeur doit être condamné à payer au salarié un solde de rémunération variable d'un montant de 115 760 euros brut pour l'exercice clos le 31 août 2016.
Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce chef.
Sur les intérêts légaux
Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.
Les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il convient de dire que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, conformément à l'article 1343-2 du code civil.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.
Les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, avec le bénéfice pour Maître Sylvie KONG THONG, Avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En équité, il y a lieu d'allouer au salarié une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
La société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, sera déboutée de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, dans les limites de la cassation,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2024 ;
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;
Déclare irrecevable la demande de M. [D] [N] en paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de dividendes 2015/2016 ;
Dit nul le licenciement de M. [D] [N] ;
Déboute M. [D] [N] de sa demande de réintégration au sein de la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars ;
Condamne la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, à payer à M. [D] [N] les somme suivantes :
* 150 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;
* 66 287,49 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
* 6 628,74 euros brut de congés payés afférents ;
* 178 607,96 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 115 760 euros brut au titre du solde de rémunération variable relatif à l'exercice clos le 31 août 2016 ;
* 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et que les créances de nature indemnitaire portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Condamne la société Forvis Mazars SA, anciennement Mazars, aux dépens de première instance et d'appel avec le bénéfice pour Maître Sylvie KONG THONG, Avocat, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Caroline CASTRO FEITOSA, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président