CA Amiens, ch. économique, 27 mars 2025, n° 24/01820
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
[D]
C/
S.C.I.. [7]
Copie exécutoire
le 27 mars 2025
à
Me Crépin
Me Garnier
OG
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 27 MARS 2025
N° RG 24/01820 - RG 23/04745
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 06 MAI 2020 (référence dossier N° RG 2020L00060)
APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC
EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [K] [D]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMEE
S.C.P. [Z] [J] [V] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [9]'
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric GARNIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS
***
DEBATS :
A l'audience publique du 30 Janvier 2025 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mars 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI
MINISTERE PUBLIC : M. Wilfrid GACQUER, substitut général
PRONONCE :
Le 27 Mars 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION
La SARL [9]' ayant pour objet l'exploitation d'une activité d'étanchéité, bardage, et toutes activités connexes ou annexes avait pour gérante de droit Mme [K] [D] qui le 22 décembre 2016 a déclaré l'état de cessation des paiements.
Par jugement en date du 4 janvier 2017, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL [9]' et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 31 juillet 2016, tout en nommant la SCP [Z]-Hazane-Duval en la personne de maître [T] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte en date du 30 décembre 2019, le liquidateur judiciaire a fait assigner Mme [D], dirigeante de la SARL [10], devant le tribunal de commerce de Compiègne aux fins de la voir condamner à supporter l'insuffisance d'actif de la société et de prononcer sa faillite personnelle.
Par un jugement en date du 6 mai 2020, le tribunal de commerce de Compiègne a dit recevable l'action dirigée contre Mme [D], a prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 5 ans et l'a condamnée à supporter le passif de la SARL [9]' à hauteur de la somme de 245.000 euros.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 novembre 2023, Mme [D] a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Compiègne. (RG 23/04745).
Par une ordonnance de référé en date du 28 mars 2024, la première présidente de la cour d'appel a relevé Mme [D] de la forclusion résultant de l'expiration de son droit à faire appel du jugement et l'a autorisée à former appel dudit jugement dans le délai d'un mois suivant la présente ordonnance.
Le 15 avril 2024, Madame [K] [D] a formalisé une seconde déclaration d'appel (RG 24/01820), et sollicité la jonction des deux instances en cours, à savoir le dossier RG 23/04745 et le dossier RG 24/01820.
Aux termes de ses conclusions remises le 1er juillet 2024, Mme [D] demande à la cour de prononcer la nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 6 mai 2020 et à toutes fins de l'infirmer en toutes ses dispositions, et en conséquence à titre principal de prononcer la nullité des actes de signification du jugement en date du 6 mai 2020 et de l'acte introductif d'instance et de déclarer le liquidateur judiciaire irrecevable en son action pour cause de prescription et à titre subsidiaire de débouter le liquidateur judiciaire de l'ensemble de ses demandes et à défaut de réduire à de plus justes proportions le montant mis à sa charge au titre du comblement du passif.
En tout état de cause elle demande qu'il soit statué ce que de droit quant aux dépens.
Aux termes de ses conclusions remises le 15 juillet 2024 la SCP [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [9]' demande à la cour de joindre l'appel avec celui enregistré après l'ordonnance de relevé de forclusion, de confirmer le jugement et s'il devait être réformé de condamner Mme [D] à lui payer au titre de l'insuffisance d'actif la somme de 245.287,49 euros et de prononcer à l'égard de Mme [D] une mesure de faillite personnelle et subsidiairement une interdiction de diriger.
A titre infiniment subsidiaire si l'annulation de l'exploit introductif d'instance était encourue, de constater que l'effet dévolutif ne joue pas et de prononcer une décision de dessaisissement.
En toute hypothèse, elle demande à la cour de condamner Mme [D] aux dépens et au paiement d'une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par avis communiqué aux parties le 27 mars 2024, le ministère public a contesté la prescription alléguée à l'encontre de l'action en comblement de passif, mais demandé que soit constatée la nullité de l'acte de signification du jugement pour non-respect des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile et demande à la cour d'évoquer l'affaire et de condamner Mme [D] à une interdiction de gérer durant 5 années et à une contribution raisonnable au comblement de passif.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient de constater que l'ordonnance de relevé de forclusion en date du 28 mars 2024 suivie d'une déclaration d'appel dans le mois a permis la régularisation de la procédure d'appel engagée par une déclaration en date du 21 novembre 2023 et qu'il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et conformément aux demandes des parties de joindre les deux procédures sous le numéro 23/4745.
Sur la nullité de l'acte de signification du jugement et de l'acte introductif d'instance
Mme [D] soutient que le jugement du 6 mai 2020 lui a été signifié selon un procès-verbal de recherches infructueuses sans que l'huissier ait relaté de façon précise dans l'acte les diligences accomplies pour signifier le jugement à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
Elle fait valoir que l'huissier en effet se contente d'indiquer n'avoir pu rencontrer la destinataire de l'acte et les déclarations des voisins indiquant ne pas l'avoir vue depuis plusieurs mois et avoir interrogé en vain la mairie et le service de la poste.
Elle soutient que de telles diligences sont insuffisantes et fait observer qu'il n'a pas cherché à la joindre par téléphone ni sollicité les services fiscaux qui connaissaient sa nouvelle adresse ainsi qu'en attestent ses avis d'imposition.
Elle ajoute qu'il était possible pour l'huissier de contacter le conseil qui l'assistait lors du placement de la société en liquidation judiciaire.
Elle fait valoir que son grief est substantiel dès lors qu'elle pouvait se voir privée des voies de recours.
Elle soutient enfin qu'elle n'a pas eu davantage connaissance de l'acte introductif d'instance délivré à une adresse où elle n'habitait plus depuis longtemps alors que l'huissier n'a pas mis en oeuvre les démarches nécessaires pour qu'elle soit valablement convoquée. Elle en demande également l'annulation.
Le liquidateur judiciaire rappelle en premier lieu que le fait de ne pas tenir son mandataire judiciaire informé de son changement d'adresse est une faute passible de faillite personnelle et que selon l'article R662-1 du code de commerce le greffier ne peut notifier au débiteur qu'à l'adresse qui lui a été déclarée lors de l'ouverture ou en cours de procédure et qu'ainsi il n'appartenait pas aux organes de la procédure de retrouver Mme [D] mais à elle de signaler tout changement d'adresse.
Il conteste la nullité invoquée de l'acte introductif d'instance faisant valoir que le procès-verbal dressé par l'huissier, dont les constatations valent jusqu'à inscription de faux, mentionne que s'étant présenté au domicile connu de Mme [D] et ne pouvant remettre l'exploit à la requise absente l'huissier s'est fait confirmer l'adresse par la requise contactée par téléphone.
Il fait valoir que ces diligences étaient suffisantes et opérantes la réalité de son domicile ayant été confirmée par Mme [U] elle-même et qu'une requête [I] ne peut être mise en oeuvre que pour une mesure d'exécution forcée de la décision.
Il sera observé que l'acte introductif d'instance en date du 30 décembre 2019 a été délivré en l'étude à la dernière adresse connue de Mme [D] qui n'était pas présente en son domicile ni personne pour recevoir l'acte mais seulement après que l'huissier ait eu confirmation par Mme [D] elle-même qu'il s'agissait bien de son domicile. Il en résultait que le domicile était certain et que personne n'était en mesure de recevoir l'acte au domicile.
Il résulte du procès-verbal dressé par l'huissier que celui-ci a ensuite respecté les dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile
Il en ressort que les diligences nécessaires à la remise à personne en se rendant au domicile du destinataire confirmé par celui-ci téléphoniquement étaient suffisantes et la remise à personne étant impossible les diligences de l'huissier étaient également suffisantes.
Il convient de dire régulière l'assignation du 30 décembre 2019 et de rejeter la demande de nullité de l'acte introductif d'instance.
L'éventuelle nullité de la signification du jugement entrepris effectuée par acte d'huissier en date du 12 mai 2020 est en l'espèce sans conséquence dès lors que Mme [D] a bénéficié d'un relevé de forclusion.
Il sera cependant observé que l'acte de signification en date du 12 mai 2020 est intervenu à la demande du greffe du tribunal de commerce et à la dernière adresse connue par celui-ci ainsi que par le liquidateur judiciaire.
Il résulte du procès-verbal de recherches infructueuses dressé que cette fois l'huissier a pu constater qu'il n'y avait pas de nom sur la boîte aux lettres et que différents voisins lui ont indiqué qu'ils ne connaissaient pas Mme [D] et l'un d'entre eux qu'elle ne résidait plus à cette adresse depuis plusieurs mois, et qu'il a effectué des recherches auprès du service de la poste de la poste et de la mairie sans succès également sur l'annuaire électronique.
Il convient de considérer que l'huissier a ainsi procédé à des diligences suffisantes au regard de surcroît du fait que gérante d'une société en liquidation Mme [D] se devait de communiquer son changement d'adresse.
Les deux actes n'étant pas annulés aucune prescription n'est encourue.
Sur le fond
Les premiers juges ont retenu l'absence de coopération de Mme [D] avec les organes de la procédure et le défaut de présentation des documents comptables demandés. Ils lui ont également reproché de ne pas avoir procédé à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements en relevant qu'elle s'était abstenue de prendre toute décision visant à redresser l'entreprise et à restaurer la trésorerie effectuant des retraits sur le compte courant de la société sans justificatif et qu'elle avait versé à son époux une somme de 33480 euros entre octobre et novembre 2016 alors que les autres salaires n'étaient pas payés.
Mme [D] conteste les fautes qui lui sont reprochées rappelant qu'elle n'avait que 23 ans lorsqu'elle a été nommée gérante de cette société. Elle fait valoir que lors du premier bilan de la société pour l'exercice du 3 octobre 2014 au 31 décembre 2015 le résultat était bénéficiaire à hauteur de 14812 euros mais qu'ensuite la situation s'est dégradée non pas à cause de malversations mais en raison d'une absence de commandes et des défauts de paiement des clients. Elle soutient avoir tout mis en oeuvre pour s'en sortir en privilégiant le règlement des fournisseurs et des salariés et ne pas subir un second échec et qu'un délai de cinq mois entre la date de cessation des paiements et sa déclaration n'a rien d'excessif.
Elle indique qu'elle n'a jamais été contactée par le liquidateur judiciaire et que si elle l'avait été elle aurait contesté la créance déclarée par l'URSSAF pour le montant abyssal de 157909 euros au titre de la période de mars 2016 à décembre 2016.
Elle fait valoir que la créance de l'URSSAF ne peut être supérieure à un montant de 65269,92 euros ce qui réduit le passif à la somme de 145000 euros.
Elle soutient que les condamnations prononcées à son encontre sont disproportionnées au regard des fautes qui lui sont reprochées et de la réalité du passif de la société.
Elle fait valoir qu'elle a réglé sous la pression de son mari les sommes qu'il estimait lui être dues et qui étaient au moins pour partie la contrepartie d'un travail et qu'elle a également réglé autant que possible les autres salariés.
Le liquidateur judiciaire reproche à Mme [D] face à un impayé structurel des charges sociales d'avoir attendu jusqu'au mois de décembre 2016 pour déclarer l'état de cessation des paiements et d'avoir prélevé sans justificatifs des sommes importantes sur le compte de la société faisant bénéficier son époux de paiements durant la période suspecte.
La cour relève en premier lieu que Mme [D] ne conteste formellement que son absence de coopération avec les organes de la procédure prétextant ne pas avoir été contactée en omettant par la même ne pas les avoir informés de ses changements d'adresse.
Pour le reste elle ne nie pas les actes qui lui sont reprochés mais tente de minimiser leur importance et leurs conséquences.
Elle fait également état de son jeune âge tout en reconnaissant avoir déjà subi un échec avec une précédente société.
- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
En application de l'article L 651-2 du code de commerce lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
L'article L.624-3 du code de commerce n'impose pas que le passif soit entièrement chiffré, ni que l'actif soit chiffré ou réalisé, il suffit que l'insuffisance d'actif soit certaine et que son existence et son montant soit apprécié au jour où le juge statue, peu importe à cet égard que le passif n'ait pas été vérifié dès lors que l'insuffisance d'actif est démontrée, la sanction étant limitée dans cette mesure.
Le liquidateur a retenu dans la liste succincte répertoriant les créances nées avant le jugement d'ouverture, un passif non vérifié qui s'élève à 245287,49 euros dont des créances privilégiées pour un montant de 190698,19 euros ainsi que des créances chirographaires de 31105,47 (créances super privilégiées pour 23483,83 euros).
Si Mme [D] conteste la créance déclarée par l'URSSAF il convient de relever qu'elle ne fait qu'arguer de son montant conséquent. Il résulte cependant de la déclaration de créance qu'il s'agit de cotisations impayées à compter du mars 2016 mais également d'une régularisation sur plus de dix-huit mois d'activité seule la somme sollicitée au titre du premier trimestre 2017 pouvant être déduite.
Il n'en demeure pas moins que le passif peut être évalué à plus de 204631 euros pour un actif inexistant au regard de la déclaration même de Mme [D] et des relevés de compte produits faisant été au d'un solde bancaire nul pour la société.
Il en résulte une insuffisance d'actif d'un montant de 204631 euros.
Il est justifié d'un impayé des cotisations sociales depuis le mois de mars 2016 et du fait que la déclaration de cessation des paiements n'est intervenue qu'en décembre 2016 alors même que la société n'avait plus de commande et donc d'activité ce dont Mme [D] était parfaitement consciente.
Il est établi en revanche que durant les derniers mois d'activité des retraits en espèces sont intervenus sur le compte bancaire pour un montant de 4540 euros sans qu'une explication soit fournie et que des virements d'un montant total de 33480 sont intervenus au profit de l'époux de Mme [D] sur les trois derniers mois.
Alors qu'elle avait conscience des difficultés rencontrées par la société, de l'impayé des cotisations sociales à compter du mois de mars 2016 Mme [D] n'a engagé aucune mesure de restructuration et en ne déclarant pas la cessation des paiements dans le délai légal n'a fait qu'aggraver la situation et a ainsi concouru à aggraver l'insuffisance d'actif et ce alors que la poursuite de l'exploitation déficitaire de la société s'est accompagnée de prélèvements injustifiés sur le compte de la société qui ont également participé à aggraver l'insuffisance d'actif.
Mme [D] a ensuite en 2020 fait l'acquisition d'un immeuble, un terrain à bâtir pour la somme de 33000 euros à l'adresse qu'elle indique désormais comme étant la sienne.
Une attestation de l'expert-comptable indique qu'elle-même n'a pas perçu de rémunération au titre de ses fonctions de gérante.
Elle justifie avoir perçu des revenus d'un montant de 2019 de 14062 euros et de 15595 euros en 2020, 17567 euros en 2021 et 12347 euros en 2022.
La cour considère qu'il est justifié au regard de ces éléments de condamner Mme [K] [D] au paiement d'une somme de 80000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif.
- Sur la sanction professionnelle
Il est reproché par le liquidateur judiciaire à Mme [D] d'avoir disposé des biens de la société comme des siens propres notamment au regard des prélèvements d'espèce non justifiés d'avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale le prélèvement au profit de son époux étant fait dans un intérêt personnel indirect et enfin de n'avoir pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.
En application des articles L 653-1 , L653-4 et L653-5 du code de commerce il peut être prononcé une mesure de faillite personnelle contre toute personne physique dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale qui notamment a disposé des biens de la société comme des siens propres a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements,
En application de l'article L 653-8 du code de commerce dans ces hypothèses il peut être prononcé à la place de la faillite personnelle une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
Cette mesure peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
En l'espèce il a été relevé que Mme [D] a effectué des prélèvements injustifiés sur le compte bancaire de la société et qu'elle a en outre poursuivi abusivement une exploitation qu'elle savait déficitaire et a procédé sur les trois derniers mois avant la déclaration de cessation des paiements à des prélèvements indus sur le compte de la société et ce afin d'assurer la rémunération de son époux.
Elle s'est ainsi rendue coupable à la fois d'un usage des biens de la société comme des siens propres er d'une poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel alors même que la cessation des paiements était inéluctable.
Il convient de la condamner à une interdiction de gérer d'une durée de cinq années.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner Mme [D] aux entiers dépens d'appel mais de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Ordonne la jonction des procédures RG n°23/04745 et RG n°24/01820 sous le n° 23/4745 ;
Rejette la demande de nullité de l'acte introductif d'instance en date du 30 décembre 2019 et de l'acte de signification en date du 12 mai 2020 ;
Infirme le jugement entrepris du chef du quantum de la condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actif et du chef de la sanction professionnelle ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne Mme [K] [C] épouse [D] née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 8] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 80000 euros ;
Condamne Mme [K] [C] épouse [D] née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 8] à une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de cinq années ;
Dit qu'en application des articles L 128-1 et suivants et R 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer ;
Dit qu'en application de l'article R653-3 du code de commerce, il sera procédé par les soins du greffe aux notifications prévues à l'article R 621-7 du code de commerce ;
Dit que la présente décision sera signifiée dans les quinze jours de sa date aux personnes sanctionnées ;
Dit que copie de la présente décision sera adressée au greffe du tribunal de commerce pour l'accomplissement des formalités de publicité ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [K] [C] épouse [D] aux entiers dépens d'appel ;
Déboute la SCP [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [10] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,
N°
[D]
C/
S.C.I.. [7]
Copie exécutoire
le 27 mars 2025
à
Me Crépin
Me Garnier
OG
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 27 MARS 2025
N° RG 24/01820 - RG 23/04745
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 06 MAI 2020 (référence dossier N° RG 2020L00060)
APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC
EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [K] [D]
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMEE
S.C.P. [Z] [J] [V] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [9]'
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric GARNIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS
***
DEBATS :
A l'audience publique du 30 Janvier 2025 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mars 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI
MINISTERE PUBLIC : M. Wilfrid GACQUER, substitut général
PRONONCE :
Le 27 Mars 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Malika RABHI, Greffière.
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DECISION
La SARL [9]' ayant pour objet l'exploitation d'une activité d'étanchéité, bardage, et toutes activités connexes ou annexes avait pour gérante de droit Mme [K] [D] qui le 22 décembre 2016 a déclaré l'état de cessation des paiements.
Par jugement en date du 4 janvier 2017, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL [9]' et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 31 juillet 2016, tout en nommant la SCP [Z]-Hazane-Duval en la personne de maître [T] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte en date du 30 décembre 2019, le liquidateur judiciaire a fait assigner Mme [D], dirigeante de la SARL [10], devant le tribunal de commerce de Compiègne aux fins de la voir condamner à supporter l'insuffisance d'actif de la société et de prononcer sa faillite personnelle.
Par un jugement en date du 6 mai 2020, le tribunal de commerce de Compiègne a dit recevable l'action dirigée contre Mme [D], a prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 5 ans et l'a condamnée à supporter le passif de la SARL [9]' à hauteur de la somme de 245.000 euros.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 novembre 2023, Mme [D] a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Compiègne. (RG 23/04745).
Par une ordonnance de référé en date du 28 mars 2024, la première présidente de la cour d'appel a relevé Mme [D] de la forclusion résultant de l'expiration de son droit à faire appel du jugement et l'a autorisée à former appel dudit jugement dans le délai d'un mois suivant la présente ordonnance.
Le 15 avril 2024, Madame [K] [D] a formalisé une seconde déclaration d'appel (RG 24/01820), et sollicité la jonction des deux instances en cours, à savoir le dossier RG 23/04745 et le dossier RG 24/01820.
Aux termes de ses conclusions remises le 1er juillet 2024, Mme [D] demande à la cour de prononcer la nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 6 mai 2020 et à toutes fins de l'infirmer en toutes ses dispositions, et en conséquence à titre principal de prononcer la nullité des actes de signification du jugement en date du 6 mai 2020 et de l'acte introductif d'instance et de déclarer le liquidateur judiciaire irrecevable en son action pour cause de prescription et à titre subsidiaire de débouter le liquidateur judiciaire de l'ensemble de ses demandes et à défaut de réduire à de plus justes proportions le montant mis à sa charge au titre du comblement du passif.
En tout état de cause elle demande qu'il soit statué ce que de droit quant aux dépens.
Aux termes de ses conclusions remises le 15 juillet 2024 la SCP [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [9]' demande à la cour de joindre l'appel avec celui enregistré après l'ordonnance de relevé de forclusion, de confirmer le jugement et s'il devait être réformé de condamner Mme [D] à lui payer au titre de l'insuffisance d'actif la somme de 245.287,49 euros et de prononcer à l'égard de Mme [D] une mesure de faillite personnelle et subsidiairement une interdiction de diriger.
A titre infiniment subsidiaire si l'annulation de l'exploit introductif d'instance était encourue, de constater que l'effet dévolutif ne joue pas et de prononcer une décision de dessaisissement.
En toute hypothèse, elle demande à la cour de condamner Mme [D] aux dépens et au paiement d'une somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par avis communiqué aux parties le 27 mars 2024, le ministère public a contesté la prescription alléguée à l'encontre de l'action en comblement de passif, mais demandé que soit constatée la nullité de l'acte de signification du jugement pour non-respect des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile et demande à la cour d'évoquer l'affaire et de condamner Mme [D] à une interdiction de gérer durant 5 années et à une contribution raisonnable au comblement de passif.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient de constater que l'ordonnance de relevé de forclusion en date du 28 mars 2024 suivie d'une déclaration d'appel dans le mois a permis la régularisation de la procédure d'appel engagée par une déclaration en date du 21 novembre 2023 et qu'il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et conformément aux demandes des parties de joindre les deux procédures sous le numéro 23/4745.
Sur la nullité de l'acte de signification du jugement et de l'acte introductif d'instance
Mme [D] soutient que le jugement du 6 mai 2020 lui a été signifié selon un procès-verbal de recherches infructueuses sans que l'huissier ait relaté de façon précise dans l'acte les diligences accomplies pour signifier le jugement à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
Elle fait valoir que l'huissier en effet se contente d'indiquer n'avoir pu rencontrer la destinataire de l'acte et les déclarations des voisins indiquant ne pas l'avoir vue depuis plusieurs mois et avoir interrogé en vain la mairie et le service de la poste.
Elle soutient que de telles diligences sont insuffisantes et fait observer qu'il n'a pas cherché à la joindre par téléphone ni sollicité les services fiscaux qui connaissaient sa nouvelle adresse ainsi qu'en attestent ses avis d'imposition.
Elle ajoute qu'il était possible pour l'huissier de contacter le conseil qui l'assistait lors du placement de la société en liquidation judiciaire.
Elle fait valoir que son grief est substantiel dès lors qu'elle pouvait se voir privée des voies de recours.
Elle soutient enfin qu'elle n'a pas eu davantage connaissance de l'acte introductif d'instance délivré à une adresse où elle n'habitait plus depuis longtemps alors que l'huissier n'a pas mis en oeuvre les démarches nécessaires pour qu'elle soit valablement convoquée. Elle en demande également l'annulation.
Le liquidateur judiciaire rappelle en premier lieu que le fait de ne pas tenir son mandataire judiciaire informé de son changement d'adresse est une faute passible de faillite personnelle et que selon l'article R662-1 du code de commerce le greffier ne peut notifier au débiteur qu'à l'adresse qui lui a été déclarée lors de l'ouverture ou en cours de procédure et qu'ainsi il n'appartenait pas aux organes de la procédure de retrouver Mme [D] mais à elle de signaler tout changement d'adresse.
Il conteste la nullité invoquée de l'acte introductif d'instance faisant valoir que le procès-verbal dressé par l'huissier, dont les constatations valent jusqu'à inscription de faux, mentionne que s'étant présenté au domicile connu de Mme [D] et ne pouvant remettre l'exploit à la requise absente l'huissier s'est fait confirmer l'adresse par la requise contactée par téléphone.
Il fait valoir que ces diligences étaient suffisantes et opérantes la réalité de son domicile ayant été confirmée par Mme [U] elle-même et qu'une requête [I] ne peut être mise en oeuvre que pour une mesure d'exécution forcée de la décision.
Il sera observé que l'acte introductif d'instance en date du 30 décembre 2019 a été délivré en l'étude à la dernière adresse connue de Mme [D] qui n'était pas présente en son domicile ni personne pour recevoir l'acte mais seulement après que l'huissier ait eu confirmation par Mme [D] elle-même qu'il s'agissait bien de son domicile. Il en résultait que le domicile était certain et que personne n'était en mesure de recevoir l'acte au domicile.
Il résulte du procès-verbal dressé par l'huissier que celui-ci a ensuite respecté les dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile
Il en ressort que les diligences nécessaires à la remise à personne en se rendant au domicile du destinataire confirmé par celui-ci téléphoniquement étaient suffisantes et la remise à personne étant impossible les diligences de l'huissier étaient également suffisantes.
Il convient de dire régulière l'assignation du 30 décembre 2019 et de rejeter la demande de nullité de l'acte introductif d'instance.
L'éventuelle nullité de la signification du jugement entrepris effectuée par acte d'huissier en date du 12 mai 2020 est en l'espèce sans conséquence dès lors que Mme [D] a bénéficié d'un relevé de forclusion.
Il sera cependant observé que l'acte de signification en date du 12 mai 2020 est intervenu à la demande du greffe du tribunal de commerce et à la dernière adresse connue par celui-ci ainsi que par le liquidateur judiciaire.
Il résulte du procès-verbal de recherches infructueuses dressé que cette fois l'huissier a pu constater qu'il n'y avait pas de nom sur la boîte aux lettres et que différents voisins lui ont indiqué qu'ils ne connaissaient pas Mme [D] et l'un d'entre eux qu'elle ne résidait plus à cette adresse depuis plusieurs mois, et qu'il a effectué des recherches auprès du service de la poste de la poste et de la mairie sans succès également sur l'annuaire électronique.
Il convient de considérer que l'huissier a ainsi procédé à des diligences suffisantes au regard de surcroît du fait que gérante d'une société en liquidation Mme [D] se devait de communiquer son changement d'adresse.
Les deux actes n'étant pas annulés aucune prescription n'est encourue.
Sur le fond
Les premiers juges ont retenu l'absence de coopération de Mme [D] avec les organes de la procédure et le défaut de présentation des documents comptables demandés. Ils lui ont également reproché de ne pas avoir procédé à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et d'avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements en relevant qu'elle s'était abstenue de prendre toute décision visant à redresser l'entreprise et à restaurer la trésorerie effectuant des retraits sur le compte courant de la société sans justificatif et qu'elle avait versé à son époux une somme de 33480 euros entre octobre et novembre 2016 alors que les autres salaires n'étaient pas payés.
Mme [D] conteste les fautes qui lui sont reprochées rappelant qu'elle n'avait que 23 ans lorsqu'elle a été nommée gérante de cette société. Elle fait valoir que lors du premier bilan de la société pour l'exercice du 3 octobre 2014 au 31 décembre 2015 le résultat était bénéficiaire à hauteur de 14812 euros mais qu'ensuite la situation s'est dégradée non pas à cause de malversations mais en raison d'une absence de commandes et des défauts de paiement des clients. Elle soutient avoir tout mis en oeuvre pour s'en sortir en privilégiant le règlement des fournisseurs et des salariés et ne pas subir un second échec et qu'un délai de cinq mois entre la date de cessation des paiements et sa déclaration n'a rien d'excessif.
Elle indique qu'elle n'a jamais été contactée par le liquidateur judiciaire et que si elle l'avait été elle aurait contesté la créance déclarée par l'URSSAF pour le montant abyssal de 157909 euros au titre de la période de mars 2016 à décembre 2016.
Elle fait valoir que la créance de l'URSSAF ne peut être supérieure à un montant de 65269,92 euros ce qui réduit le passif à la somme de 145000 euros.
Elle soutient que les condamnations prononcées à son encontre sont disproportionnées au regard des fautes qui lui sont reprochées et de la réalité du passif de la société.
Elle fait valoir qu'elle a réglé sous la pression de son mari les sommes qu'il estimait lui être dues et qui étaient au moins pour partie la contrepartie d'un travail et qu'elle a également réglé autant que possible les autres salariés.
Le liquidateur judiciaire reproche à Mme [D] face à un impayé structurel des charges sociales d'avoir attendu jusqu'au mois de décembre 2016 pour déclarer l'état de cessation des paiements et d'avoir prélevé sans justificatifs des sommes importantes sur le compte de la société faisant bénéficier son époux de paiements durant la période suspecte.
La cour relève en premier lieu que Mme [D] ne conteste formellement que son absence de coopération avec les organes de la procédure prétextant ne pas avoir été contactée en omettant par la même ne pas les avoir informés de ses changements d'adresse.
Pour le reste elle ne nie pas les actes qui lui sont reprochés mais tente de minimiser leur importance et leurs conséquences.
Elle fait également état de son jeune âge tout en reconnaissant avoir déjà subi un échec avec une précédente société.
- Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
En application de l'article L 651-2 du code de commerce lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.
L'article L.624-3 du code de commerce n'impose pas que le passif soit entièrement chiffré, ni que l'actif soit chiffré ou réalisé, il suffit que l'insuffisance d'actif soit certaine et que son existence et son montant soit apprécié au jour où le juge statue, peu importe à cet égard que le passif n'ait pas été vérifié dès lors que l'insuffisance d'actif est démontrée, la sanction étant limitée dans cette mesure.
Le liquidateur a retenu dans la liste succincte répertoriant les créances nées avant le jugement d'ouverture, un passif non vérifié qui s'élève à 245287,49 euros dont des créances privilégiées pour un montant de 190698,19 euros ainsi que des créances chirographaires de 31105,47 (créances super privilégiées pour 23483,83 euros).
Si Mme [D] conteste la créance déclarée par l'URSSAF il convient de relever qu'elle ne fait qu'arguer de son montant conséquent. Il résulte cependant de la déclaration de créance qu'il s'agit de cotisations impayées à compter du mars 2016 mais également d'une régularisation sur plus de dix-huit mois d'activité seule la somme sollicitée au titre du premier trimestre 2017 pouvant être déduite.
Il n'en demeure pas moins que le passif peut être évalué à plus de 204631 euros pour un actif inexistant au regard de la déclaration même de Mme [D] et des relevés de compte produits faisant été au d'un solde bancaire nul pour la société.
Il en résulte une insuffisance d'actif d'un montant de 204631 euros.
Il est justifié d'un impayé des cotisations sociales depuis le mois de mars 2016 et du fait que la déclaration de cessation des paiements n'est intervenue qu'en décembre 2016 alors même que la société n'avait plus de commande et donc d'activité ce dont Mme [D] était parfaitement consciente.
Il est établi en revanche que durant les derniers mois d'activité des retraits en espèces sont intervenus sur le compte bancaire pour un montant de 4540 euros sans qu'une explication soit fournie et que des virements d'un montant total de 33480 sont intervenus au profit de l'époux de Mme [D] sur les trois derniers mois.
Alors qu'elle avait conscience des difficultés rencontrées par la société, de l'impayé des cotisations sociales à compter du mois de mars 2016 Mme [D] n'a engagé aucune mesure de restructuration et en ne déclarant pas la cessation des paiements dans le délai légal n'a fait qu'aggraver la situation et a ainsi concouru à aggraver l'insuffisance d'actif et ce alors que la poursuite de l'exploitation déficitaire de la société s'est accompagnée de prélèvements injustifiés sur le compte de la société qui ont également participé à aggraver l'insuffisance d'actif.
Mme [D] a ensuite en 2020 fait l'acquisition d'un immeuble, un terrain à bâtir pour la somme de 33000 euros à l'adresse qu'elle indique désormais comme étant la sienne.
Une attestation de l'expert-comptable indique qu'elle-même n'a pas perçu de rémunération au titre de ses fonctions de gérante.
Elle justifie avoir perçu des revenus d'un montant de 2019 de 14062 euros et de 15595 euros en 2020, 17567 euros en 2021 et 12347 euros en 2022.
La cour considère qu'il est justifié au regard de ces éléments de condamner Mme [K] [D] au paiement d'une somme de 80000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif.
- Sur la sanction professionnelle
Il est reproché par le liquidateur judiciaire à Mme [D] d'avoir disposé des biens de la société comme des siens propres notamment au regard des prélèvements d'espèce non justifiés d'avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale le prélèvement au profit de son époux étant fait dans un intérêt personnel indirect et enfin de n'avoir pas déclaré l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.
En application des articles L 653-1 , L653-4 et L653-5 du code de commerce il peut être prononcé une mesure de faillite personnelle contre toute personne physique dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale qui notamment a disposé des biens de la société comme des siens propres a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements,
En application de l'article L 653-8 du code de commerce dans ces hypothèses il peut être prononcé à la place de la faillite personnelle une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
Cette mesure peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
En l'espèce il a été relevé que Mme [D] a effectué des prélèvements injustifiés sur le compte bancaire de la société et qu'elle a en outre poursuivi abusivement une exploitation qu'elle savait déficitaire et a procédé sur les trois derniers mois avant la déclaration de cessation des paiements à des prélèvements indus sur le compte de la société et ce afin d'assurer la rémunération de son époux.
Elle s'est ainsi rendue coupable à la fois d'un usage des biens de la société comme des siens propres er d'une poursuite d'une activité déficitaire dans un intérêt personnel alors même que la cessation des paiements était inéluctable.
Il convient de la condamner à une interdiction de gérer d'une durée de cinq années.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner Mme [D] aux entiers dépens d'appel mais de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Ordonne la jonction des procédures RG n°23/04745 et RG n°24/01820 sous le n° 23/4745 ;
Rejette la demande de nullité de l'acte introductif d'instance en date du 30 décembre 2019 et de l'acte de signification en date du 12 mai 2020 ;
Infirme le jugement entrepris du chef du quantum de la condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actif et du chef de la sanction professionnelle ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne Mme [K] [C] épouse [D] née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 8] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 80000 euros ;
Condamne Mme [K] [C] épouse [D] née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 8] à une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de cinq années ;
Dit qu'en application des articles L 128-1 et suivants et R 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l'objet d'une inscription au fichier national automatisé des interdits de gérer ;
Dit qu'en application de l'article R653-3 du code de commerce, il sera procédé par les soins du greffe aux notifications prévues à l'article R 621-7 du code de commerce ;
Dit que la présente décision sera signifiée dans les quinze jours de sa date aux personnes sanctionnées ;
Dit que copie de la présente décision sera adressée au greffe du tribunal de commerce pour l'accomplissement des formalités de publicité ;
Y ajoutant,
Condamne Mme [K] [C] épouse [D] aux entiers dépens d'appel ;
Déboute la SCP [6] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [10] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,