CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 27 mars 2025, n° 21/21452
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Agence Commerciale Technologies Nouvelles (SAS), Pena Sch (SAS), Also France (SAS), Mobotix AG (Sté)
Défendeur :
Autorité de la concurrence, Ministre chargé de l'économie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maîtrepierre
Vice-président :
M. Barbier
Conseiller :
Mme Fenayrou
Avocats :
Me Guerre, Me Cholet, Me Teytaud, Me Vever, Me Boccon-Gibod, Me Djavadi
FAITS ET PROCÉDURE
1.Le 13 octobre 2017, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après la « DGCCRF ») a transmis à l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») un rapport administratif d'enquête relatif à des pratiques mises en 'uvre au sein du réseau de distribution des produits MOBOTIX.
I. LE SECTEUR ET LES ACTEURS CONCERNÉS
A. Le secteur
2.Les pratiques reprochées concernent le secteur de la vidéosurveillance.
3.Les équipements de vidéosurveillance sont des dispositifs de surveillance vidéo d'un lieu privé ou d'un espace public. Ces équipements peuvent nécessiter une installation par le biais d'une prestation particulière.
4.La vidéosurveillance est utilisée par un grand nombre d'acteurs économiques, mais aussi par les particuliers. Elle connaît une croissance importante, notamment sous l'impulsion des municipalités.
5.Les fabricants de systèmes de vidéosurveillance sont essentiellement étrangers. En 2015, plus d'un tiers des équipements installés en France étaient importés de Chine, le fabricant chinois Hikvision occupant la place de leader mondial.
6.Les installateurs de systèmes de vidéosurveillance, qui sont en règle générale indépendants des fabricants, étaient à l'origine, pour l'essentiel, des opérateurs spécialisés dans la vente et l'installation de réseaux informatiques. Désormais, ces opérateurs spécialisés sont concurrencés par d'autres professionnels, tels que les électriciens ou les sociétés de sécurité.
B. Le fabricant MOBOTIX AG
7.MOBOTIX AG (ci-après « MOBOTIX ») est une société de droit allemand créée en 1999 et établie en Allemagne. Elle a pour activité la fabrication et la commercialisation de caméras et de systèmes de vidéosurveillance.
8.La société japonaise Konica Minolta Inc. a acquis 65 % du capital de MOBOTIX en 2016.
9.Les produits MOBOTIX, comprenant des systèmes vidéo haute résolution assez complexes, sont perçus comme relevant du « haut de gamme », et se démarquent à cet égard.
10.La société MOBOTIX a généré, en 2015, un chiffre d'affaires consolidé de 80,1 millions d'euros, en progression de 2,1 % par rapport à l'exercice précédent. 30 % de ce chiffre d'affaires a été réalisé en Allemagne contre 31,7 % dans le reste de l'Europe et 38,2 % dans le reste du monde.
II. LE SYSTÈME DE DISTRIBUTION MIS EN PLACE PAR MOBOTIX
11.MOBOTIX a mis en place un réseau de distribution à deux niveaux, qui repose sur différentes catégories d'opérateurs, qui, à l'exception des « vendeurs occasionnels non-inscrits », doivent être agréés par ledit fabricant.
A. Les distributeurs AMD
12.Sur le marché amont, MOBOTIX vend les produits qu'elle fabrique à des grossistes-distributeurs agréés, désignés sous l'appellation « AMD » pour « Authorized MOBOTIX Distributor », (ci-après, « distributeur AMD ») et chargés de promouvoir et de développer le réseau de revendeurs-installateurs sur leur territoire et d'en assister les membres, notamment à travers des formations techniques et commerciales.
13.En France, cinq distributeurs agréés par MOBOTIX faisaient partie du réseau de distribution MOBOTIX en qualité de distributeurs AMD : la SAS ACTN (ci-après « ACTN »), la SAS BE IP (ci-après « BE IP »), la SA CONFIG (ci-après « CONFIG »), la SAS EDOX (ci-après « EDOX ») et la SA ALLIANCE-COM (ci-après « ALLIANCE-COM »).
14.Ces distributeurs n'ont pas la possibilité de vendre les produits MOBOTIX dans un autre territoire que le territoire français. La distribution qui leur est confiée ne présente pas de caractère exclusif.
15.ACTN a pour objet le négoce de produits informatiques. Son capital est détenu à 100 % par la SAS PENA SCH (ci-après « PENA »). Outre MOBOTIX, ACTN avait deux autres fournisseurs pendant la durée des pratiques, Hikvision et ACTI.
16.Par convention, les moyens exposés par ACTN et PENA dans leurs écritures communes seront présentés dans le présent arrêt au seul nom d'ACTN.
17.BE IP, avait pour activité la distribution de produits de type mobilité (réseaux sans fil), la vidéo protection et le stockage de données. MOBOTIX était son unique fournisseur.
18.BE IP a cessé de vendre les produits MOBOTIX en 2020.
19.BE IP a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine réalisée le 1er mars 2022 au profit de la SAS ALSO France. Par convention, BE IP et ALSO France seront toutes deux dénommées BE IP dans le présent arrêt.
B. Les revendeurs-installateurs
20.Les distributeurs AMD approvisionnent les revendeurs-installateurs, qui sont classés en différentes catégories selon leur niveau d'engagement à l'égard de MOBOTIX, et se voient appliquer des conditions particulières en fonction de ce statut :
' les partenaires MOBOTIX avancés (« Advanced MOBOTIX Partner », ci-après « AMP ») ;
' les partenaires MOBOTIX certifiés (« Certified MOBOTIX Partner », ci-après « CMP ») ;
' les partenaires MOBOTIX enregistrés (« Registered MOBOTIX Partner », ci-après « RMP ») ;
' les revendeurs-installateurs de produits MOBOTIX non-inscrits (« Unregistered MOBOTIX Partner », ci-après « UMP »).
21.Selon MOBOTIX, le réseau de partenaires revendeurs-installateurs en France de matériels MOBOTIX ayant le statut AMP, CMP ou RMP entre 2012 et 2017 comprenait environ 35 sociétés.
22.Le nombre des revendeurs-installateurs non-inscrits (UMP) était, quant à lui, estimé à plus de 300.
III. LES CONTRATS CONCLUS PAR MOBOTIX AVEC BE IP ET ACTN
23.BE IP et ACTN ont tous deux conclu un contrat de distribution avec MOBOTIX en 2012, entré en vigueur le 1er octobre 2012.
24.Le premier contrat de distribution conclu entre MOBOTIX et ACTN (ci-après « contrat ACTN de 2012 ») a été modifié par plusieurs avenants, en particulier par un avenant du 15 octobre 2016 (ci-après « avenant ACTN de 2016 ») et un contrat d'objectif (ci-après « contrat d'objectif ACTN 17/18 »), avant d'être remplacé par un nouveau contrat applicable à compter du 1er janvier 2020.
25.Le premier contrat de distribution noué entre MOBOTIX et BE IP (ci-après « contrat BE IP de 2012 ») a été modifié notamment par un avenant du 18 août 2014 (ci-après « avenant BE IP de 2014 »), puis par des contrats d'objectif (ci-après « contrat d'objectif BE IP 16/17 », « contrat d'objectif BE IP 17/18 » et « contrat d'objectif BE IP 18/19 »), avant d'être remplacé par un contrat applicable à compter du 1er janvier 2019.
A. La clause 12 des contrats de distribution relative au réseau international de partenaires
26.La clause 12 des contrats de 2012 et de leurs avenants met à la charge des distributeurs un certain nombre d'obligations portant sur le fonctionnement du réseau international de partenaires créé par MOBOTIX.
27.Les clauses 12.1 et 12.2 des contrats imposent aux distributeurs de participer au réseau international de partenaires de MOBOTIX et de s'assurer que leurs clients participent également à ce même programme.
28.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, ces clauses stipulaient :
12.1 « Le Distributeur est tenu de participer au Réseau international de partenaires de MOBOTIX (« GPN ») [']. » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée).
12.2 « Le Distributeur s'efforce de faire en sorte que tous ses clients participent au GPN. Le Distributeur est, dans le cadre autorisé par les législations applicables (droit de la distribution, droit antitrust, droit de la concurrence, droit civil, droit des contrats, etc.), tenu d'utiliser tous les moyens possibles pour que tous ses clients participent au GPN. » (traduction libre).
29.À compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016 ces mêmes clauses stipulaient :
12.1 « Le Distributeur est tenu de participer au Programme de partenariat MOBOTIX (« MxPP ») [']. » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée).
12.2 « Le Distributeur s'efforce de faire participer tous ses clients au MxPP. Le Distributeur est, dans le cadre autorisé par les législations applicables (droit de la distribution, droit antitrust, droit de la concurrence, droit civil, droit des contrats, etc.), tenu d'utiliser tous les moyens possibles pour que tous ses clients participent au MxPP. » (traduction libre).
30.La clause 12.3 des contrats porte sur les conditions, fixées par MOBOTIX, auxquelles les clients des distributeurs doivent satisfaire pour intégrer le réseau des partenaires, sur la définition de différents niveaux de partenariat des revendeurs-installateurs (AMP, CMP, RMP et UMP) et renvoie à l'annexe D3 la détermination des « conditions initiales et autres conditions » des accords des distributeurs AMD avec leurs clients.
31.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, cette clause stipulait :
12.3 « MOBOTIX établira les conditions préalables qui donnent droit aux clients du distributeur de participer au GPN. MOBOTIX prévoit de classer les clients du distributeur dans les catégories suivantes : Advanced MOBOTIX Partners ('AMP'), Certified MOBOTIX Partners ('CMP'), Registered MOBOTIX Partners ('RMP'), Unregistered MOBOTIX Partners ('UMP'). Les conditions initiales et autres conditions des accords respectifs avec les AMP, CMP, RMP et UMP sont contenues dans l'annexe D3 du présent contrat. MOBOTIX est en droit de modifier (y compris de supprimer) le MxPP à sa libre appréciation. MOBOTIX informera le distributeur de tels changements avec un délai de prévenance de 30 jours ['] » (traduction libre).
32.À compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016 cette même clause stipulait :
12.3 « Sur la base d'une évaluation du potentiel de revenus, de l'expertise dans le domaine de la vidéosurveillance IP ou de la domotique, MOBOTIX classe les clients du distributeur dans les catégories suivantes : Advanced MOBOTIX Partners ('AMP'), Certified MOBOTIX Partners ('CMP') et Registered MOBOTIX Partners ('RMP'). Les conditions initiales et les autres conditions des contrats respectifs avec les AMP, CMP et RMP sont contenues dans l'annexe D du présent contrat. MOBOTIX est en droit de modifier (y compris de supprimer) le MxPP à sa libre appréciation. MOBOTIX informera le distributeur de tels changements avec un délai de prévenance de 30 jours ['] ». (traduction libre).
33.L'annexe D3, à laquelle la clause 12.3 fait référence, comporte un tableau dans lequel figure la liste des « Engagements de base des partenaires à l'égard de MOBOTIX » auxquels les revendeurs-installateurs souscrivent et celle des avantages auxquels ils peuvent prétendre, en fonction de la catégorie à laquelle ils appartiennent.
34.Ce tableau figure, dans sa version anglaise originale, au paragraphe 60 de la décision attaquée, dont la Cour propose la traduction suivante :
Avantages et engagements des partenaires du réseau international de partenaires MOBOTIX
« MOBOTIX prévoit de classer les clients du distributeur dans les catégories suivantes : Advanced MOBOTIX Partners ('AMP'), Certified MOBOTIX Partners ('CMP'), Registered MOBOTIX Partners ('RMP'), Unregistered MOBOTIX Partners ('UMP'). ».
Engagements de base des partenaires à l'égard de MOBOTIX :
Engagements des Partenaires
UMP
RMP
CMP
AMP
Niveau de chiffre d'affaires convenu avec le distributeur AMD
optionnel
optionnel
obligatoire
obligatoire
Achat auprès d'un distributeur AMD
optionnel
obligatoire
obligatoire
obligatoire
Pas d'activité commerciale basée sur les « boutiques en ligne »
optionnel
obligatoire
obligatoire
obligatoire
Formation à la vente
optionnel
recommandé
obligatoire
obligatoire
Séminaire de vente, de planification et d'installation
optionnel
recommandé
obligatoire
obligatoire
Séminaire d'initiation
optionnel
optionnel
recommandé
obligatoire
Séminaire technique de base
optionnel
optionnel
obligatoire
obligatoire
Séminaire technique avancé
optionnel
optionnel
recommandé
obligatoire
Séminaire en ligne de mise à niveau (formation en continu)
optionnel
optionnel
recommandé
obligatoire
Conférences nationale (NPC) et/ou internationale (IPC) des partenaires
optionnel
optionnel
obligatoire
obligatoire
Conférence internationale des partenaires (IPC)
optionnel
optionnel
sur invitation
obligatoire
Dotation interne d'un support commercial et technique
optionnel
recommandé
obligatoire
obligatoire
Mention de MOBOTIX sur le site Internet du partenaire
optionnel
recommandé
obligatoire
obligatoire
Plan d'affaires annuel des produits MOBOTIX
optionnel
optionnel
recommandé
obligatoire
Équipement de démonstration
optionnel
recommandé
obligatoire
obligatoire
Rapports de projets
optionnel
optionnel
recommandé
obligatoire
Enquête de satisfaction clientèle
optionnel
optionnel
recommandé
obligatoire
Réalisation d'une étude de cas
optionnel
optionnel
recommandé
obligatoire
Avantages octroyés aux partenaires MOBOTIX :
Avantages des Partenaires
UMP
RMP
CMP
AMP
Remise octroyée aux partenaires
NON
OUI
OUI
OUI
Certificat de partenariat
NON
OUI
OUI
OUI
Formation en ligne
NON
OUI
OUI
OUI
Lettre d'information MOBOTIX
NON
OUI
OUI
OUI
Utilisation du logo MOBOTIX et du logo du réseau international des partenaires
NON
OUI
OUI
OUI
Assistance pour les visites client
NON
OUI
OUI
OUI
Documentation gratuite sur les produits MOBOTIX
NON
OUI
OUI
OUI
Enregistrement de projets / assistance
NON
OUI
OUI
OUI
Mention sur le site Internet de MOBOTIX sous l'appellation « partenaire »
NON
NON
NON
OUI
Assistance marketing
NON
NON
NON/OUI
OUI
Prospects et recommandations
NON
NON
NON
OUI
Invitation à la conférence internationale des partenaires
sur invitation
toujours
Remplacement avancé des produits après évaluation
NON
NON
NON
sur RDV
Assistance relations presse pour des études de cas / publicités
NON
NON
OUI
OUI
Accès au portail d'assistance des partenaires
NON
OUI
OUI
OUI
Assistance technique MOBOTIX (emails ou appels téléphoniques)
standard
standard
Assistance optionnelle sur site
NON
NON
OUI
OUI
Assistance et prise de main à distance
NON
NON
OUI
OUI
Contrat de partenariat signé avec MOBOTIX
NON
NON
OUI
OUI
Assistance à la participation à des appels d'offre
NON
OUI
OUI
OUI
Source : annexe D3 des contrats ACTN et BE IP (traduction libre)
35.La clause 12.4 des contrats de 2012 évoque les obligations du distributeur en termes de promotion et de développement du réseau MOBOTIX.
36.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, cette clause stipulait :
12.4 « En considération du rôle du GPN pour la distribution des Produits, le Distributeur doit promouvoir et développer le GPN sur le Territoire (nonobstant toute activité d'autres Distributeurs sur le même Territoire). Le Distributeur est tenu, conjointement avec MOBOTIX et selon les instructions de et en accord avec MOBOTIX, d'organiser et de réaliser des formations dans les termes du GPN, de fournir une assistance technique aux participants du GPN ('Partenaires GPN'), de réaliser des enquêtes, des études et de fournir des rapports concernant le GPN et de réaliser toute autre activité visant à la promotion et à l'expansion du GPN. Les Parties conviennent que les remises que MOBOTIX accordera au Distributeur en vertu du présent Contrat constituent une contrepartie suffisante pour les obligations du Distributeur à l'égard du GPN et pour les dépenses qu'il pourrait engager dans le cadre de l'exécution de ces obligations et du GPN en général. » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée).
37.À compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016 cette même clause stipulait :
12.4 « Le Distributeur aide MOBOTIX à développer la base de revendeurs et d'intégrateurs de systèmes bien formés en organisant et en dispensant des formations conformément au programme de formation actuel de MOBOTIX, en fournissant une assistance technique aux participants du MxPP (les 'Partenaires') et en menant des activités de marketing visant à étendre la couverture du marché de MOBOTIX. Les Parties conviennent que les remises que MOBOTIX accordera au Distributeur en vertu du présent Contrat constituent une contrepartie suffisante pour les obligations du Distributeur relatives au MxPP et les dépenses qu'il pourrait encourir dans le cadre de l'exécution de ces obligations et du MxPP en général. » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée).
38.Enfin, la clause 12.5 des contrats de 2012 et leurs avenants oblige le distributeur à respecter les « prix publics minimums » de MOBOTIX, selon la traduction retenue par l'Autorité au paragraphe 59 de la décision attaquée, et à s'assurer de leur respect par ses clients partenaires.
39.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, ces clauses stipulaient :
12.5 « Le Distributeur est tenu de respecter les instructions de MOBOTIX concernant les prix minimums annoncés : nonobstant les prix réels obtenus de MOBOTIX et/ou accordés à ses clients, le Distributeur ne doit pas annoncer publiquement les produits à des prix inférieurs aux prix publics minimum et doit veiller à ce que le Partenaire respecte cette même obligation de conformité aux prix minimum annoncés. » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée).
40.La clause 12.5 est demeurée inchangée après l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016.
41.La traduction de cette clause, contestée par les requérantes, fera l'objet d'un examen au fond.
42.Quant aux contrats BE IP de 2019 et ACTN de 2020, ils ne mentionnent plus les prix publics minimums.
B. La clause 6 relative aux prix, achats minimums et remises allouées aux distributeurs par MOBOTIX
43.Aux termes de la clause 3.1 des contrats de 2012, un distributeur AMD tel qu'ACTN et BE IP, est un « distributeur non exclusif de MOBOTIX pour la vente des produits dans le territoire », le territoire étant entendu comme la zone correspondant au territoire français.
44.La clause 6.4.1 des contrats de 2012 prévoit que ces distributeurs bénéficient de remises avant, accordées au moment de la commande en fonction du type de matériel commandé ' type A (Basic/Web), type B (IT ou Thermique) et type C (Sécurité/Accessoires) ' si le volume annuel de produits achetés par le distributeur atteint le volume d'achat minimum défini contractuellement par la clause 6.3.
45.La clause 6.1 des contrats de 2012 prévoit que cette remise est appliquée au prix recommandé par MOBOTIX pour chaque produit et que ces prix recommandés sont publiés sur le site Web de MOBOTIX.
46.Les taux de remise avant applicables ont varié au gré des avenants aux contrats de 2012.
47.À titre d'illustration, les taux de remise suivants ont été octroyés à BE IP, aux termes du contrat de 2012 et des deux avenants qui ont suivi :
' sur les produits de type A (Basic/Web) :
' 17 % du 1er octobre 2012 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014
' 35 % à compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014
' sur les produits de type B (IT ou Thermique) :
' 22 % du 1er octobre 2012 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014
' 35 % à compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014
' sur les produits de type C (Sécurité/Accessoires) :
' 27 % du 1er octobre 2012 jusqu'au 17 mars 2013
' 29 % du 18 mars 2013 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014
' 40 % à compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014
48.Concernant ACTN, les taux de remise suivants lui ont été accordés aux termes du contrat de 2012 et de l'avenant ACTN 2016 :
' sur les produits de type A (Basic/Web) :
' 17 % du 1er octobre 2012 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant ACTN de 2016
' L'avenant ACTN de 2016 ne précise pas le taux de remise applicable
' sur les produits de type B (IT ou Thermique) :
' 22 % du 1er octobre 2012 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant ACTN de 2016
' 35 % à compter de l'entrée en vigueur de l'avenant ACTN de 2016
' sur les produits de type C (Sécurité/Accessoires) :
' 27 % du 1er octobre 2012 jusqu'au 30 septembre 2013
' 29 % du 1er octobre 2013 jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant ACTN de 2016
' 40 % à compter de l'entrée en vigueur de l'avenant ACTN de 2016.
49.Jusqu'aux avenants BE IP de 2014 et ACTN de 2016 précités, les clauses 6.4.2 des contrats de 2012 prévoyaient également le bénéfice d'une remise arrière, versée à chaque distributeur en fin d'année en fonction du statut des revendeurs-installateurs auxquels les produits étaient vendus. Cette clause précise que la remise arrière est calculée sur le prix recommandé par MOBOTIX diminué de la remise avant.
50.Les taux de remise arrière octroyés à compter du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur des avenants BE IP de 2014 et ACTN de 2016 sont les suivants :
' 12 % pour les ventes effectuées auprès des partenaires AMP ;
' 7 % pour les ventes effectuées auprès des partenaires CMP ;
' 3 % pour les ventes effectuées auprès des partenaires RMP.
51.La clause 6.4.2 (remise arrière) a été supprimée par les avenants BE IP de 2014 et ACTN de 2016.
C. La clause 4 des contrats de distribution relative aux prévisions et aux rapports de vente
52.La clause 4.2 des contrats de 2012 prévoit l'obligation pour les distributeurs AMD d'adresser mensuellement à MOBOTIX un rapport de vente.
53.La clause 4.4 des mêmes contrats prévoit, quant à elle, la possibilité pour MOBOTIX de réduire le montant des remises accordées aux distributeurs AMD, si ces derniers omettent de lui fournir des prévisions ou les rapports de vente.
54.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, ces clauses stipulaient :
4.2 « Dans un délai de sept (7) jours calendaires suivant la fin du mois, le Distributeur fournira à MOBOTIX, sous forme électronique (.xls), un rapport de vente, comprenant des spécifications relatives aux Produits, quantités, montants des ventes, dates des ventes, acheteurs et états d'inventaire. Le rapport de vente doit également contenir des informations sur le statut de l'acheteur en tant que partenaire au sein du réseau. Le Distributeur doit permettre à MOBOTIX d'examiner l'exactitude des données fournies dans les rapports de vente et permettre l'accès à tous les documents permettant leur vérification. » (traduction figurant au paragraphe 79 de la décision attaquée).
4.4 « Si le Distributeur omet de fournir des prévisions de vente ou de déclarer ses ventes conformément aux paragraphes (') 4.2 ci-dessus, MOBOTIX s'octroie le droit de réduire les remises accordées au Distributeur conformément à l'article 6, paragraphe 4 ci-dessous. » (traduction figurant au paragraphe 79 de la décision attaquée).
55.À compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016 la clause 4.2 stipulait (la clause 4.4 est demeurée inchangée) :
4.2 « Dans un délai de sept (7) jours calendaires après la fin du mois, le Distributeur fournit à MOBOTIX, en format électronique (.xls), un rapport de vente, comprenant les spécifications relatives aux produits, quantités, montants de ventes et acheteurs. ». (traduction libre figurant au paragraphe 79 de la décision attaquée).
D. La clause 10 des contrats de distribution relative à la promotion des ventes
56.La clause 10 des contrats de 2012 relative à la promotion des ventes évoque la politique de marketing à l''uvre dans les contrats de distribution MOBOTIX.
57.Elle prévoit, notamment, que toutes les activités de marketing doivent être approuvées par MOBOTIX.
58.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, ces clauses stipulaient :
10.1 « Le Distributeur doit, à ses propres frais, faire de son mieux pour créer un marché, promouvoir et maintenir une demande, obtenir un maximum de ventes des Produits sur le Territoire et sauvegarder les intérêts de MOBOTIX sur le Territoire.
10.2 Toutes les activités de marketing doivent être approuvées par écrit par MOBOTIX et MOBOTIX a le droit de refuser les activités proposées par le Distributeur, si elles ne sont pas conformes aux politiques de marketing de MOBOTIX en ce qui concerne le profil, les médias, le message, etc. (').
10.4 Au moins une fois par année civile, le distributeur enverra un représentant à un événement organisé par MOBOTIX dans un lieu laissé à la discrétion de MOBOTIX, tel que la Conférence internationale des partenaires de MOBOTIX.
10.5 Le Distributeur enverra tous les trimestres des informations sur les projets et sur les différentes applications des caméras, qui seront éventuellement utilisées à des fins de marketing par MOBOTIX.
10.6 Le Distributeur organisera des événements commerciaux trimestriels pour promouvoir les produits. » (traduction figurant au paragraphe 32 de la décision attaquée).
59.À compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016 cette même clause stipulait :
« 10.1 Le Distributeur devra, à ses propres frais, faire de son mieux pour créer un marché, promouvoir et maintenir une demande, obtenir un maximum de ventes des Produits sur le Territoire et sauvegarder les intérêts de MOBOTIX sur le Territoire. En particulier, le Distributeur devra :
' présenter la gamme de produits actuels de MOBOTIX dans ses brochures et bulletins d'information ;
' organiser des événements [conférences pour les clients ou les partenaires, séminaires, formations, participations à des salons professionnels, tournées de présentation, etc.] pour augmenter le nombre de revendeurs-installateurs et d'intégrateurs de systèmes qui achètent MOBOTIX ;
' organiser des publicités, des activités de relations publiques et de marketing (conférences de presse, présentations de produits, démonstrations de projets de référence, etc.) afin de créer et d'améliorer la notoriété de la marque MOBOTIX.
10.5 Le Distributeur enverra trimestriellement des informations sur les promotions des ventes, les activités de marketing, les projets et les diverses applications des caméras qui seront éventuellement utilisées par MOBOTIX à des fins de marketing.
10.2 à 10.4 et 10.6 inchangées. » (traduction libre).
E. La procédure devant l'Autorité
60.Par décision n° 18-SO-02 du 7 février 2018, l'Autorité s'est saisie d'office, à la suite de la transmission d'un rapport administratif d'enquête par la DGCCRF, de pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la distribution des produits de marque MOBOTIX.
61.Par décision du 12 novembre 2020, prise au visa des articles L. 463-3 et R. 463-12 du code de commerce, le rapporteur général a décidé que l'affaire serait examinée par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport.
62.Le même jour, une notification de griefs a été adressée, pour des pratiques prohibées au titre de l'article L. 420-1 du code de commerce et du paragraphe 1 de l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE »), aux six sociétés suivantes :
' MOBOTIX en raison de sa participation directe ;
' CONFIG en raison de sa participation directe ;
' ACTN en raison de sa participation directe et à PENA en sa qualité de société mère ;
' BE IP en raison de sa participation directe ;
' EDOX en raison de sa participation directe.
63.Aux termes du grief n° 1, il leur a été reproché « depuis septembre 2012 pour MOBOTIX AG, BE- IP SAS, ACTN SAS, EDOX SA, et depuis juillet 2014 pour CONFIG SA, de s'être entendues, jusqu'à ce jour, pour les sociétés ACTN, SAS PENA SCH en sa qualité de mère exerçant une influence déterminante sur la société ACTN et CONFIG, jusqu'au 31 janvier 2020 pour la société EDOX et jusqu'au 31 aout 2020 pour la société BE-IP afin de fixer les prix de vente des produits MOBOTIX ».
64.Aux termes du grief n° 2, il a été reproché à MOBOTIX, BE IP, ACTN, PENA en sa qualité de mère et EDOX, « de s'être entendues, jusqu'à ce jour pour la société ACTN et sa mère SAS PENA SCH, et jusqu'au 31 janvier 2020 pour la société EDOX et jusqu'au 31 aout 2020 pour la société BE-IP pour limiter la vente des produits de la marque sur internet ».
F. La décision attaquée et les recours entrepris
65.Par la décision n° 21-D-26 du 8 novembre 2021 relative à des pratiques mises en 'uvre au sein du réseau de distribution des produits de marque MOBOTIX (ci-après « la décision attaquée »), l'Autorité a retenu le grief n° 1 (fixation des prix de vente) à l'encontre de toutes les sociétés auxquelles il a été notifié à l'exception de CONFIG, et considéré que les pratiques visées par le grief n° 2 (limitation de ventes sur internet) étaient toutes établies.
66.L'Autorité a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre des sociétés MOBOTIX, ACTN, BE IP et EDOX, étant précisé qu'elle a considéré que les pratiques étaient anticoncurrentielles par leur objet même et que, partant, il n'était pas nécessaire d'établir l'existence d'effets de ces pratiques et qu'elle a prononcé des sanctions distinctes au titre de chacun des griefs.
67.Par son recours et aux termes de ses dernières écritures, la société MOBOTIX demande à la Cour :
' de juger la société MOBOTIX recevable et bien fondée en son recours ;
' y faisant droit, de juger que la société MOBOTIX n'a pas mis en 'uvre une pratique d'entente visant à limiter la liberté tarifaire de ses revendeurs-installateurs en fixant directement ou indirectement le prix des produits de la marque MOBOTIX sur le marché de la vidéosurveillance ;
' de juger que la société MOBOTIX n'a pas mis en 'uvre une pratique d'entente visant à restreindre les ventes en ligne des produits de la marque MOBOTIX sur le marché de la vidéosurveillance ;
' en conséquence, de réformer les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 de la décision attaquée, de juger n'y avoir lieu à entrer en voie de condamnation à l'encontre de la société MOBOTIX et de condamner l'Autorité à payer à la société MOBOTIX la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'Autorité aux entiers dépens d'instance.
68.Par son recours et aux termes de ses dernières écritures, la société ACTN demande à la Cour :
' à titre principal, de juger que la décision attaquée est affectée d'un vice de procédure résultant de la nullité de la saisine n° 18-SO-02, décidée sur proposition du rapporteur général en dehors du délai impératif posé par les articles L. 450-5 alinéa 2 et D. 450-3 II du code de commerce, de juger que la décision attaquée a été adoptée en violation des droits de la défense et, en conséquence, d'annuler la décision attaquée ;
' à titre subsidiaire, de dire et juger qu'il n'est pas établi qu'ACTN a acquiescé à un quelconque objectif anticoncurrentiel poursuivi par le fournisseur MOBOTIX au titre de la pratique relative aux prix MOBOTIX et de celle relative aux ventes par Internet et, en conséquence, d'annuler la décision attaquée en ce qu'elle a condamné ACTN et PENA au titre des articles 2 et 6 et des articles 4 et 7 ;
' à titre infiniment subsidiaire, de juger que la sanction infligée aux sociétés ACTN et PENA au titre des articles 6 et 7 de la décision attaquée est manifestement excessive et, en conséquence, de réformer la décision attaquée en réduisant significativement le montant de la sanction pécuniaire infligée aux sociétés ACTN et PENA au titre des articles 6 et 7 de la décision ;
' en toutes hypothèses, d'ordonner le remboursement immédiat aux sociétés ACTN et PENA des sommes indûment versées au titre du paiement de la sanction pécuniaire, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et la capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil et de condamner l'Autorité au paiement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
69.Par son recours et aux termes de ses dernières écritures, la société ALSO, anciennement BE IP, demande à la Cour :
' à titre principal, d'annuler la décision attaquée en ce que le rapporteur général a proposé à l'Autorité de se saisir après l'expiration des délais impératifs prévus à l'article D. 450-3 du code de commerce ;
' à titre subsidiaire, d'annuler la décision attaquée en ce qu'elle ne démontre pas un acquiescement de la société BE IP à une éventuelle « stratégie unilatérale » de MOBOTIX de prix de revente imposés et de restriction de la revente en ligne de ses produits ;
' en toute hypothèse, d'annuler la décision attaquée, en ce que le contrat conclu entre la société MOBOTIX et la société BE IP ne prévoit aucune restriction sur Internet et, qu'en tout état de cause, les conditions de l'exemption figurant tant au point 54 qu'au point 52, c) des lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales sont remplies s'agissant de la pratique de restriction de la revente en ligne des produits MOBOTIX ;
' à titre infiniment subsidiaire, de réformer la décision attaquée en ce que la sanction infligée à la société BE IP est manifestement disproportionnée et, par voie de conséquence, de réduire de manière drastique son montant, d'ordonner le remboursement immédiat à la société ALSO France, venant aux droits et obligations de la société BE IP, du trop-perçu des sommes éventuellement versées au titre du paiement de la sanction pécuniaire, assorti des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, d'ordonner la capitalisation desdits intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil et de condamner l'Autorité au paiement à la société ALSO France, venant aux droits et obligations de la société BE IP, d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
70.L'Autorité et le ministère public invitent la Cour à écarter l'ensemble des moyens et rejeter les recours.
71.Le ministre chargé de l'économie invite la Cour à écarter l'ensemble des moyens à l'exception de ceux portant sur le dommage à l'économie rattaché à la pratique du grief n° 1. À cet égard, il invite la Cour à confirmer l'existence d'un dommage à l'économie, tout en nuançant son ampleur.
MOTIVATION
I. SUR LES VIOLATIONS PROCÉDURALES ALLÉGUÉES
A. Sur la régularité de la saisine d'office
72.ACTN et BE IP invoquent la méconnaissance des délais impératifs fixés par l'article D. 450-3 II du code de commerce, qui prévoit en particulier la possibilité pour le rapporteur général de proposer à l'Autorité de prendre une décision d'auto-saisine, dans un délai de deux mois à partir de la réception par le rapporteur général des pièces transmises par le ministre chargé de l'économie, pour conclure à l'irrégularité de la saisine d'office de l'Autorité.
73.ACTN et BE IP soutiennent que l'Autorité, qui a visé explicitement les articles L. 450-5 alinéa 2 et D. 450-3 II du code de commerce dans sa décision n° 18-SO-02 par laquelle elle s'est saisie d'office des pratiques en cause, était tenue de respecter ces délais.
74.Elles rappellent que le décret n° 2009-311 du 20 mars 2009, pris en application de l'article L. 450-5 du code de commerce, est intitulé décret « relatif aux délais dont dispose l'Autorité de la concurrence pour prendre la direction des investigations souhaitées par le ministre chargé de l'économie et se saisir du résultat de ces investigations ». Elles en déduisent que l'Autorité n'a la possibilité de prendre la direction desdites investigations que dans le délai de deux mois et après avoir notifié sa décision aux services du ministre chargé de l'économie dans le délai de 65 jours.
75.BE IP précise qu'en l'espèce, l'inaction du rapporteur général pendant les deux mois qui ont suivi la réception des éléments de la DGCCRF valait décision d'écarter la possibilité de proposer à l'Autorité de se saisir d'office. Les articles L. 450-5 alinéa 2 et D. 450-3 II du code de commerce applicables à l'espèce étant des textes spéciaux instituant une compétence dérogatoire à la compétence générale d'auto-saisine prévue par l'article L. 462-5 III du code de commerce, l'Autorité n'avait pas non plus la possibilité de se saisir d'office sur le fondement de ce texte, qui ne fixe aucun délai pour son exercice.
76.ACTN et BE IP contestent l'interprétation faite par l'Autorité de l'arrêt Altice rendu par le Conseil d'État (CE, 31 mars 2017, Altice Luxembourg, n° 401059), dans lequel il a été jugé que le délai imparti à l'Autorité pour sanctionner l'inexécution des injonctions, prescriptions et engagements en matière de concentration ' prévu par l'article L. 430-8 IV du code de commerce ' n'était pas prescrit à peine d'irrégularité de la procédure. Elles soutiennent notamment que cette disposition n'est en rien analogue à celles des articles L. 450-5 alinéa 2 et D. 450-3 du code de commerce afférents à la capacité pour l'Autorité de se saisir des investigations menées par la DGCCRF.
77.En se référant notamment aux conclusions du rapporteur public dans l'affaire Altice, elles soutiennent que les délais impartis à l'administration par des dispositions législatives ou règlementaires pour prendre une décision peuvent être considérés comme une garantie bénéficiant aux entreprises dont le comportement est mis en cause devant l'Autorité et que l'article D. 450-3, qui fixe très précisément le point de départ du délai de deux mois, constitue une telle garantie, dont le respect est prescrit à peine d'illégalité.
78.Elles font valoir, enfin, que l'Autorité ne saurait se prévaloir, a posteriori, du défaut de compétence du ministre chargé de l'économie pour appliquer le droit de l'Union aux pratiques en cause, pour justifier sa décision d'auto-saisine après le dépassement des délais légaux, en méconnaissance de la loi et de la réglementation.
79.L'Autorité répond qu'il ressort de la lettre même des dispositions concernées que l'expiration des délais a pour seule conséquence d'ouvrir la possibilité, pour le ministre chargé de l'économie, de prendre les mesures prévues aux articles L. 462-5 et L. 464-9. Le dépassement du délai de l'article D. 450-3 du code de commerce ouvrirait seulement la possibilité pour le ministre chargé de l'économie de mettre en 'uvre ces mesures, sauf dans les cas où, comme en l'espèce, le droit de l'Union est applicable. Il n'aurait pas pour effet de dessaisir l'Autorité ou d'entacher la procédure d'irrégularité et ne la priverait donc pas de la possibilité de se saisir d'office.
80.Selon le ministre chargé de l'économie, le dépassement du délai prévu à l'article D. 450-3 du code de commerce ne fait naître aucune garantie dont les requérantes pourraient utilement se prévaloir.
81.Le ministère public considère que la décision d'auto-saisine n'a pas été rendue hors délais.
Sur ce, la Cour :
82.La Cour rappelle qu'aux termes des dispositions de l'article L. 450-5 du code de commerce :
« le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence est informé avant leur déclenchement des investigations que le ministre chargé de l'économie souhaite voir diligenter sur des faits susceptibles de relever des articles L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 ou d'être contraires aux mesures prises en application de l'article L. 410-3 et peut, dans un délai fixé par décret, en prendre la direction.
Le rapporteur général est informé sans délai du résultat des investigations menées par les services du ministre. Il peut, dans un délai fixé par décret, proposer à l'Autorité de se saisir d'office » (souligné par la Cour).
83.L'article D. 450-3 du code de commerce précise que :
« I. - Le ministre chargé de l'économie informe le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence des investigations qu'il souhaite entreprendre sur des faits susceptibles de relever des articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5. Il lui transmet les documents en sa possession justifiant le déclenchement d'une enquête.
Le rapporteur général peut prendre la direction de ces investigations dans le délai d'un mois à compter de la réception des documents susmentionnés, auquel cas il en informe le ministre. Dans l'hypothèse où le rapporteur général écarte cette possibilité ou n'a pas informé, dans un délai de trente-cinq jours suivant la réception des documents, le ministre des suites données, le ministre chargé de l'économie peut faire réaliser les investigations par ses services.
II. le ministre chargé de l'économie informe le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence du résultat des investigations auxquelles il aura fait procéder et lui transmet l'ensemble des pièces de la procédure.
Le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des résultats de l'enquête ; l'Autorité dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer à compter de la réception par le rapporteur général des pièces de la procédure. Dans l'hypothèse où le rapporteur général écarte cette possibilité ou si l'Autorité ne donne pas suite à sa proposition dans le délai mentionné ci-dessus, le rapporteur général en informe le ministre. À défaut de notification par le rapporteur général de la décision de l'Autorité dans un délai de soixante-cinq jours suivant la transmission des pièces de la procédure, le ministre chargé de l'économie peut prendre les mesures prévues aux articles L. 462-5 et L. 464-9, ou classer l'affaire » (souligné par la Cour).
84.En l'espèce, l'Autorité s'est saisie d'office, le 7 février 2018, de pratiques décrites dans un rapport administratif d'enquête transmis par le ministre chargé de l'économie le 13 octobre 2017, soit près de 4 mois après ladite transmission, et qu'elle a notifié au ministre sa décision de se saisir d'office le 27 février 2018, soit plus de 140 jours à compter de la transmission.
85.Il ne saurait toutefois être inféré des termes des articles précités que les délais fixés constituent une garantie pour les entreprises faisant l'objet des investigations menées par le ministre chargé de l'économie.
86.Il ressort, en effet, des travaux parlementaires relatifs à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 (loi de modernisation de l'économie, de compétences élargies en matière de contrôle des pratiques anticoncurrentielles et d'avis sur les questions de concurrence), ayant habilité le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la transformation du Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence, que l'un des objectifs de cette ordonnance était de coordonner les compétences de cette nouvelle autorité administrative indépendante et celles du ministre chargé de l'économie.
87.Ainsi, le rapport parlementaire n° 908 du 22 mai 2008 relatif au projet de loi de modernisation de l'économie énonce : « L'ordonnance permettra également de rapprocher, en matière de pratiques anti-concurrentielles, les procédures d'enquête et d'instruction [']. L'ordonnance rapproche ces deux phases en prévoyant que le rapporteur général près l'Autorité de la concurrence sera informé des enquêtes envisagées par le ministre chargé de l'économie, qu'il pourra en prendre la direction en voyant mis à sa disposition les enquêteurs dont il juge la présence nécessaire, qu'il sera informé du résultat des enquêtes et pourra se saisir d'office de leur conclusion. Ces mesures devraient donner davantage de cohérence et d'efficacité à la chaîne d'instruction et permettre de rectifier l'anomalie française qui réside dans le nombre anormalement bas de saisines ministérielles à l'issue de la phase d'enquête » (Rapport n° 908 du 22 mai 2008 de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de modernisation de l'économie, par M. Jean-Paul Charié, page 33, souligné par la Cour).
88.Il s'ensuit que l'un des objectifs de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, était de coordonner les compétences de la nouvelle autorité administrative indépendante qu'était l'Autorité et celles du ministre chargé de l'économie.
89.Cet objectif a été décliné dans l'article L. 450-5 du code de commerce, issu de ladite ordonnance, qui prévoit que l'Autorité puisse examiner l'affaire à deux stades : en début d'enquête, pour en prendre la direction, et après transmission du résultat des investigations, pour se saisir d'office.
90.Le décret n° 2009-311 du 20 mars 2009 relatif aux délais dont dispose l'Autorité pour prendre la direction des investigations souhaitées par le ministre chargé de l'économie et se saisir du résultat de ces investigations, est venu articuler plus précisément ces compétences parallèles à travers l'article D. 450-3 du même code.
91.Il résulte de ce qui précède que les délais fixés par l'article D. 450-3 du code de commerce, qui ne sont assortis d'aucune sanction, ont pour objet d'organiser la répartition des affaires entre les autorités de poursuite et l'articulation de leurs actions répressives respectives, pour favoriser une meilleure efficacité de la chaîne d'enquête et d'instruction. Ces délais ne constituent donc aucune garantie pour les entreprises en cause, peu important que l'article D. 450-3 du code de commerce établisse précisément le point de départ des délais fixés.
92.Ainsi, le dépassement de ces délais de quelques mois ne saurait emporter dessaisissement de l'Autorité, d'autant qu'à la date où l'Autorité a pris la décision de se saisir d'office des pratiques litigieuses, le ministre chargé de l'économie n'avait pas fait usage, au terme du délai de 65 jours suivant la transmission des pièces de la procédure, de la possibilité offerte par l'article D. 450-3 du code de commerce notamment de classer l'affaire ou de la traiter lui-même.
93.Il n'importe, à cet égard, que les pratiques soient ou non susceptibles de relever de la compétence du ministre chargé de l'économie, telle que définie par l'article L. 464-9 du code de commerce.
94.Il ressort de l'ensemble de ces considérations que les dispositions des articles L. 450-5 alinéa 2 et D. 450-3 du code de commerce n'imposent pas à l'Autorité de se prononcer dans le délai litigieux à peine de dessaisissement et que l'écoulement de ce délai ne saurait constituer un vice de procédure.
95.C'est donc en vain qu'il est soutenu que le rapporteur général aurait définitivement renoncé à la possibilité de saisir l'Autorité, en s'abstenant d'effectuer cette saisine dans le délai fixé par l'article D. 450-3 II. précité.
96.Ainsi, l'Autorité était donc fondée à décider de se saisir d'office des pratiques exposées par le ministre chargé de l'économie. Sa décision prise aux visas des articles L. 450-5, alinéa 2 et D. 450-3, II du code de commerce est régulière.
97.Le moyen est rejeté.
B. Sur la violation des droits de la défense
98.Après avoir fait valoir que le principe du contradictoire avait été affecté par le recours à la procédure simplifiée, ACTN invoque une triple méconnaissance de ce principe.
99.En premier lieu, ACTN dénonce l'absence de mesures d'instruction auprès de certains distributeurs-grossistes et revendeurs-installateurs, qui aurait privé le dossier d'éléments de nature à conforter la défense d'ACTN.
100.En deuxième lieu, ACTN soutient que la notification des griefs a, d'une part, traduit et interprété de manière déloyale les clauses du contrat anglais conclu par ACTN avec MOBOTIX et, d'autre part, adopté une présentation particulièrement imprécise du grief relatif au prix.
101.En troisième lieu, ACTN reproche à l'Autorité d'avoir fondé sa décision sur un raisonnement nouveau, inusité et radicalement différent du raisonnement exposé dans la notification des griefs, ce qui l'aurait empêchée de présenter une défense adéquate.
102.MOBOTIX estime, quant à elle, que l'instruction a été menée de façon parcellaire et insuffisante. À cet égard, elle regrette l'absence d'actes d'instruction à son égard, de la part de la DGCCRF et des services d'instruction, à l'exception d'un questionnaire adressé le 22 juillet 2020 ne concernant pas les faits qui lui sont reprochés, qui porte atteinte, selon elle, non seulement à l'impartialité de l'instruction, mais également à sa loyauté.
103.Selon l'Autorité, les moyens tirés de l'insuffisance de l'instruction, de la méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire doivent être écartés comme infondés, dès lors que :
' le rapporteur n'est pas tenu de procéder à des auditions s'il s'estime suffisamment informé pour déterminer les griefs susceptibles d'être notifiés ;
' les entreprises mises en cause ont pu exercer toutes les prérogatives qui leur sont reconnues dans le cadre de la procédure contradictoire ;
' si la décision attaquée ne s'appuie pas sur l'ensemble des éléments retenus par la notification de griefs, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause sa légalité externe.
104.Le ministre chargé de l'économie rappelle que la phase d'enquête précédant la notification des griefs n'est pas soumise au principe du contradictoire et que le rapporteur dispose d'un pouvoir d'appréciation quant à la conduite de ses investigations et que la motivation de la décision attaquée est claire et précise.
105.Le ministère public partage les analyses de l'Autorité et du ministre chargé de l'économie.
Sur ce, la Cour :
106.À titre liminaire, la Cour relève que MOBOTIX n'a tiré aucune conséquence juridique dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives des moyens qu'elle a développés dans la première partie relative à « l'insuffisance de l'instruction et des preuves des pratiques reprochées à MOBOTIX et l'atteinte aux droits de la défense » (pages 1 à 15 desdites conclusions). La Cour, qui, en vertu de l'article R. 464-25-1 du code de commerce, ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures déposées, n'examinera donc que les moyens présentés par ACTN et BE IP sur la violation des droits de la défense, venant au soutien de leur demande d'annulation de la décision attaquée.
107.La Cour rappelle que le principe du contradictoire s'infère de l'article 6 de la CESDH, qui garantit, plus globalement, le droit à un procès équitable, en disposant, en son paragraphe 1, que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ['] ».
1. Sur le recours à la procédure simplifiée
108.La Cour rappelle que le rapporteur général de l'Autorité peut, aux termes de l'article L. 463-3 du code de commerce, décider que l'affaire sera examinée sans établissement préalable d'un rapport, lors de la notification de griefs aux requérantes.
109.Si ce choix procédural s'impose aux entreprises mises en cause, cette procédure demeure soumise au principe du contradictoire, en vertu de l'article L. 463-1 du code de commerce qui dispose en son premier alinéa que l'instruction et la procédure devant l'Autorité sont contradictoires.
110.Ainsi, les entreprises mises en cause ont la possibilité au cours d'une procédure simplifiée de formuler des observations en réponse à la notification des griefs et de présenter leur défense lors de la séance.
111.En l'espèce, ACTN s'est saisie de la faculté de répliquer à l'argumentaire présenté dans la notification des griefs par des observations en date du 29 janvier 2021, après avoir bénéficié d'une prorogation d'une semaine de son délai de réponse à la notification de griefs, et a été entendue lors de la séance de l'Autorité.
112.C'est donc à tort qu'ACTN soutient que le principe du contradictoire a été affecté par le recours à la procédure simplifiée.
2. Sur l'absence de certaines mesures d'instruction
113.Le rapporteur, qui dispose d'un large pouvoir d'appréciation quant à la conduite de ses investigations, n'est pas tenu de procéder à des auditions s'il s'estime suffisamment informé pour déterminer les griefs susceptibles d'être notifiés.
114.En l'espèce, la circonstance que la rapporteure n'a pas estimé utile de procéder à d'autres auditions que celles de l'ensemble des distributeurs AMD, à l'exception de la société ALLIANCE-COM, et des cinq revendeurs-installateurs entendus, n'est, en elle-même, pas de nature à entraîner l'annulation de la procédure, d'autant qu'ACTN ne précise pas en quoi l'absence d'éléments portant sur la spécificité des produits, la politique tarifaire et le modèle commercial d'autres opérateurs aurait porté une atteinte concrète et irrémédiable à ses droits de la défense.
115.Par ailleurs, il ne saurait être sérieusement soutenu que l'absence d'auditions complémentaires révèle une volonté manifeste des services de l'instruction de ne pas aller plus avant dans l'instruction du dossier, ni que l'instruction a été menée à charge.
116.La Cour observe, en effet, que le dossier comporte, outre les informations et pièces fournies par ACTN, les éléments communiqués à fois par le fabricant lui-même, les trois autres distributeurs et les cinq revendeurs-installateurs interrogés et qu'il ne ressort pas des nombreux documents cotés au dossier, en particulier des questions posées par les services d'instruction dans les questionnaires envoyés aux entreprises, que l'instruction se serait bornée à instruire à charge.
3. Sur les erreurs et imprécisions de la notification des griefs
117.La Cour rappelle qu'un grief est un ensemble de faits juridiquement qualifiés et imputés à une entreprise et que, partant, si la notification des griefs doit être suffisamment claire et précise pour permettre à son destinataire de savoir ce qui lui est reproché afin d'exercer utilement sa défense, elle doit être appréhendée au regard non seulement de la formule finale d'accusation, mais aussi du corps même du document.
118.S'agissant du grief fait aux personnes morales concernées de s'être entendues, en violation de l'article L. 420-1 du code de commerce et de l'article 101 du TFUE, « afin de fixer les prix de vente des produits MOBOTIX », la Cour observe que la formulation finale de ce grief, critiquée par ACTN en ce qu'elle n'indiquerait pas si ces prix de ventes étaient ceux des grossistes ou ceux des installateurs, est notifiée aux requérantes au paragraphe 352 de la notification des griefs, à la suite de longs développements précisant à suffisance les contours de la pratique reprochée.
119.La formulation finale du grief n° 1 doit être lue par référence, notamment, aux paragraphes suivants :
' « En conclusion, il ressort des éléments ci-dessus, qu'en publiant des listes de prix conseillés, en insérant des clauses contractuelles relatives au respect des prix minimum annoncés, au taux de remise, à l'obligation de reporting, et en soumettant à autorisation d'éventuelles réductions supplémentaires par rapport aux prix ainsi définis, la société MOBOTIX participe à la détermination des prix de vente des distributeurs AMD ainsi que ceux des partenaires installateurs » (paragraphe 286, souligné par la Cour) ;
' « En l'espèce, l'ensemble des stipulations mises en place au sein du réseau de distribution des produits MOBOTIX a pour objet de rendre homogènes les prix de ces produits. Cette pratique est acceptée par les grossistes distributeurs ainsi que par les partenaires installateurs qui adhèrent au programme MOBOTIX en place au sein du réseau de distribution des produits MOBOTIX » (paragraphe 293, souligné par la Cour) ;
' « MOBOTIX, en restreignant la liberté tarifaire des distributeurs AMD et des partenaires installateurs, est ainsi en mesure de limiter non seulement la concurrence entre les distributeurs eux-mêmes mais aussi celle des partenaires installateurs » (paragraphe 295, souligné par la Cour).
120.Il s'ensuit que les requérantes ont été mises en mesure de comprendre ce qui leur était reproché et qu'elles ne sauraient se prévaloir des interprétations divergentes qu'elles ont pu proposer du grief pour remettre en cause sa précision.
121.Il s'ensuit également que la décision attaquée ne s'écarte pas du périmètre du grief tel que circonscrit par la notification des griefs et que, dès lors, les requérantes se prévalent en vain d'un « glissement sémantique » de l'Autorité, qui a consisté, quod non, à se concentrer sur l'impact de la pratique sur les revendeurs-installateurs, contrairement à ce qui aurait été fait dans la notification des griefs.
122.Il résulte donc de l'examen de la notification des griefs que cette dernière, développée sur 75 pages, était suffisamment précise quant aux faits reprochés et à la qualification juridique envisagée.
123.Par ailleurs, ACTN ne saurait valablement tirer argument de ce que la notification de griefs se fonderait sur une traduction déloyale des clauses du contrat pour soutenir que ladite notification serait imprécise et demander l'annulation de la décision attaquée, dès lors que cet argument, qui soulève une question de fond, est sans incidence sur la régularité de la procédure en cause et sera apprécié lors de l'examen des moyens relatifs à la légalité interne.
4. Sur le recours à de nouveaux motifs et arguments dans la décision attaquée
124.C'est en vain qu'ACTN fait grief à l'Autorité de retenir dans sa décision une appréciation différente des éléments du dossier et une analyse radicalement différente du raisonnement exposé dans la notification des griefs. En effet, l'Autorité demeure libre, en toutes circonstances, d'exercer son pouvoir souverain d'examiner les faits qui lui sont soumis à l'aune des textes et de la jurisprudence applicables, conformément aux missions qui lui sont confiées par la loi, sans être tenue par l'analyse des rapporteurs.
125.De même, ACTN ne saurait, pour demander l'annulation de la décision attaquée, reprocher à l'Autorité de s'être fondée sur des décisions qui n'étaient pas visées dans la notification des griefs, en particulier sur la décision Yamaha de la Commission européenne (Déc. Com., 16 juillet 2003, n° 37.975) que la société requérante considère isolée, dès lors qu'il s'agit d'une question de fond, à laquelle il sera répondu ultérieurement.
126.Il se déduit de l'ensemble de ces considérations que le moyen pris de la méconnaissance des droits de la défense n'est pas fondé et doit donc être écarté.
II. SUR LE MARCHÉ PERTINENT
127.La décision attaquée retient que les marchés concernés peuvent être définis comme ceux de la fabrication et de la distribution des systèmes de vidéosurveillance et que ces marchés sont de dimension nationale.
128.MOBOTIX estime sa part de marché sur le marché de la vidéosurveillance français à moins de 0,2 % en 2019 et à 2,6 % au niveau européen. Elle en déduit que sa position sur le marché de la vidéosurveillance est particulièrement faible et qu'elle n'a pu avoir par son activité la moindre influence sur le fonctionnement concurrentiel du marché interne.
Sur ce, la Cour :
129.La Cour relève à titre liminaire que les requérantes ne contestent ni la définition des marchés concernés comme ceux de la fabrication et de la distribution des systèmes de vidéosurveillance, ni leur dimension nationale.
130.La critique de MOBOTIX portant non pas sur la délimitation des marchés en cause ' qu'il n'est pas nécessaire de définir avec précision en présence de pratiques examinées au titre de la prohibition des ententes, comme l'a rappelé à juste titre l'Autorité au paragraphe 140 de la décision attaquée ', mais sur l'impact de l'activité de l'entreprise sur le fonctionnement concurrentiel du marché de la vidéosurveillance français, elle sera examinée à l'occasion de l'analyse des pratiques en cause, plus particulièrement au stade de l'examen du contexte économique de l'espèce (§ 346 et suivants du présent arrêt).
III. SUR L'APPLICATION DU DROIT EUROPÉEN
131.Selon la décision attaquée, le commerce entre les États membres est susceptible d'être affecté de manière sensible par les pratiques en cause, rendant ainsi applicable le droit de l'UE.
132.En premier lieu, MOBOTIX est présent dans plusieurs États membres (30 % de son chiffre d'affaires en Allemagne) et se trouve en concurrence avec d'autres sociétés internationales.
133.En deuxième lieu, les pratiques en cause sont de nature à affecter les prix et à restreindre la capacité des revendeurs-installateurs de MOBOTIX à toucher une clientèle située en dehors de leur zone de chalandise et donc à répondre à la demande de consommateurs situés dans d'autres États membres.
134.En troisième lieu, les deux conditions cumulatives, posées par la Communication de la Commission européenne du 27 avril 2004, fixant les lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (ci-après « les lignes directrices n° 2004/C 101/07 ») pour conclure à la non-affectation sensible du commerce entre États membres, ne sont pas remplies puisque, si MOBOTIX a une part de marché en Europe de moins de 5 % (condition 1), elle n'a pas un chiffre d'affaires inférieur à 40 millions d'euros pour chacune des années concernées par les pratiques (condition 2).
135.MOBOTIX soutient que, si les pratiques visées sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, sa part de marché sur le marché européen de la vidéosurveillance (2,6 %), ainsi que son chiffre d'affaires au niveau européen (38,4 millions d'euros lors de son dernier exercice comptable clos) sont inférieurs aux seuils visés par les lignes directrices précitées.
136.Elle soutient également que l'Autorité n'a pas démontré qu'elles auraient abouti à cloisonner le territoire national, ni qu'elles auraient affecté le prix final, alors que la part de marché de MOBOTIX est toujours inférieure à 5 %.
137.Elle en conclut que le droit de l'Union est inapplicable et que les pratiques ne peuvent être analysées que sur le fondement des articles du code de commerce prohibant les pratiques anticoncurrentielles.
138.L'Autorité répond que le chiffre d'affaires de MOBOTIX au niveau européen est supérieur au seuil de 40 millions d'euros fixé dans les lignes directrices précitées, pour chacune des années concernées par les pratiques. Elle considère que celles-ci, qui concernent un opérateur allemand revendant en partie ses produits en ligne aux revendeurs-installateurs par ses grossistes agréés, entrent dans le champ de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE et que le droit de l'Union est applicable.
139.Le ministre chargé de l'économie indique que MOBOTIX, malgré sa faible part de marché, est un acteur important sur le segment des caméras de haute technicité, ce qui augmente la possibilité d'affectation des importations dans l'Union.
140.Le ministère public considère que si la première condition relative à la part de marché de MOBOTIX sur le marché communautaire en cause n'est pas remplie, celle portant sur le chiffre d'affaires annuel de MOBOTIX au plan européen l'est.
Sur ce, la Cour :
141.Aux termes de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE :
« Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur (') ».
142.Conformément à la jurisprudence européenne synthétisée dans les lignes directrices n° 2004/C 101/07, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres, et de rentrer ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées :
' l'existence d'échanges, à tout le moins potentiels, entre États membres portant sur les produits ou service en cause ;
' l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges ;
' et le caractère sensible de la potentielle affectation (point 18 et suivants des lignes directrices précitées).
143.La Cour relève, à titre liminaire, qu'il est établi et non contesté en l'espèce que les pratiques mises en cause sur le marché de la fabrication et de la distribution des systèmes de vidéosurveillance sont celles d'une société allemande, réalisant, en 2015, 30 % de son chiffre d'affaires en Allemagne et 31,7 % de son chiffre d'affaires dans d'autres pays européens, notamment en France, et que les accords verticaux en cause couvrent l'ensemble du territoire français.
144.La Cour relève également que MOBOTIX, qui indique dans son mémoire en réplique que « les pratiques visées par la notification des griefs sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membre de l'UE », ne conteste ni l'existence d'échanges entre États membres portant sur les produits faisant l'objet des pratiques en cause, ni le fait que lesdites pratiques, à les supposer démontrées, sont susceptibles d'affecter ces échanges, de sorte que la Cour n'examinera que le troisième élément relatif au caractère sensible de la potentielle affectation.
145.À cet égard, les lignes directrices n° 2004/C 101/07 précisent que « [l]'appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l'accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause ['] » (point 45 des lignes directrices) et que « [p]ar conséquent, le caractère sensible peut être mesuré à la fois en termes absolus (chiffre d'affaires) et en termes relatifs en comparant la position de la ou des entreprises en cause avec celle d'autres acteurs du marché (part de marché) » (point 47 des lignes directrices).
146.En outre, lesdites lignes directrices comportent également, en leur point 52, une définition négative du caractère sensible, aux termes de laquelle la Commission estime qu'en principe, les accords ne peuvent pas affecter sensiblement le commerce entre États membres lorsque « la part de marché totale des parties sur un marché communautaire en cause affecté par l'accord n'excède pas 5 % » et « [d]ans le cas des accords verticaux, le chiffre d'affaires annuel total réalisé dans la Communauté par le fournisseur avec les produits concernés par l'accord n'excède pas 40 millions d'euros », ces deux conditions étant cumulatives.
147.S'agissant de la condition de chiffres d'affaires, les lignes directrices font référence à un chiffre d'affaires « calculé sur la base des ventes totales hors taxes réalisées dans la Communauté, durant l'exercice écoulé, par les entreprises en cause ['] avec les produits concernés par l'accord », étant précisé que les termes « exercice écoulé » visent le dernier exercice comptable correspondant à la période des pratiques litigieuses.
148.En l'espèce, MOBOTIX se borne à indiquer dans ses deux mémoires, datés respectivement des 20 janvier 2022 et 22 mai 2023, que le « chiffre d'affaires réalisé par MOBOTIX au niveau européen lors de son dernier exercice comptable clos s'établissait à 38,4 millions d'euros » (page 18 du mémoire récapitulatif du 22 mai 2023, soulignement ajouté par la Cour), sans préciser à quel exercice elle se réfère et sans produire les justificatifs y afférents.
149.Or, il ressort des éléments du dossier, cités par l'Autorité au paragraphe 132 de la décision attaquée, que les chiffres d'affaires réalisés par MOBOTIX au niveau européen pendant la période des pratiques litigieuses, dépassent, pour la période comprise entre 2011 et 2019, le seuil de 40 millions d'euros.
150.Le chiffre d'affaires de Mobotix était, en effet, de 49,8 millions d'euros en 2011-2012 (cote 4287), de 50,7 millions d'euros en 2012-2013 (cote 4345), de 49 millions d'euros en 2013-2014 (cotes 4381-4643), de 48,4 millions d'euros en 2015-2016 (cotes 4381-4643), de 42,4 millions d'euros en 2016-2017 (cotes 4432-4434), de 41,7 millions d'euros en 2017-2018 et de 40,6 millions d'euros en 2018-2019 (cote 5204).
151.Au regard du caractère cumulatif des deux conditions posées par le point 52 des lignes directrices, il résulte du seul dépassement du seuil de 40 % de chiffre d'affaires que les pratiques en cause, à les supposer établies, ne relèvent pas de la présomption de non affectation sensible du commerce dont se prévaut MOBOTIX.
152.Au surplus, la Cour relève que, bien que la part de marché de MOBOTIX sur le marché communautaire affecté par les accords en cause n'excédait pas 5 %, comme le souligne MOBOTIX, il est constant qu'une entente s'étendant sur l'ensemble du territoire d'un État membre, admise en l'espèce, a pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant l'interpénétration économique voulue par le TFUE (Cour de justice de l'Union (ci-après « CJUE »), 18 juillet 2013, Consiglio Nazionale dei Geologi, C-136/12, point 50).
153.Le moyen pris de l'inapplicabilité du droit de l'Union sera donc écarté.
IV. SUR LA PRATIQUE DE RESTRICTION DE LA LIBERTÉ TARIFAIRE (GRIEF N° 1)
A. Sur l'existence d'un accord de volontés entre les requérantes et la matérialité des pratiques alléguées
154.Dans la décision attaquée, l'Autorité a retenu d'une part, que MOBOTIX avait invité ses distributeurs ACTN, BE IP et EDOX à limiter leur communication sur les prix et à encadrer la liberté tarifaire de leurs clients revendeurs-installateurs afin de tendre in fine à l'uniformisation des prix affichés concernant les produits MOBOTIX par ses partenaires au stade de la vente au détail et, d'autre part qu'ACTN, BE IP et EDOX avaient acquiescé à l'invitation du fabricant, en signant les contrats leur étant proposés.
155.Ainsi, les contrats de distribution conclus par MOBOTIX avec ces distributeurs, en particulier les stipulations de la clause 12.5 des contrats de 2012 interdisant aux distributeurs la communication de prix en dessous du niveau de prix de détail diffusé par MOBOTIX et les obligeant à veiller à ce que leurs clients fassent de même, constituent des preuves directes permettant d'établir l'existence d'un accord de volontés entre MOBOTIX et lesdits distributeurs.
156.Selon la décision attaquée, ces éléments sont, en outre, corroborés par les objectifs poursuivis par MOBOTIX au travers de son « Programme Partenaire MOBOTIX » - qui figurait sur le site Internet de MOBOTIX et faisait état d'un « Programme MAP ['Minimum Advertised Price'] » ou « Programme de prix public minimum ».
157.En premier lieu, sur le standard de preuve de l'accord de volontés, MOBOTIX, après avoir fait état de la jurisprudence en matière d'accord de volontés, (arrêt Bayer du Tribunal de l'Union ; Canna France, cour d'appel de Paris, 16 janvier 2020, n° 19/03410), rappelle qu'en l'absence de preuves directes, il convient de rechercher des preuves indirectes, notamment par la réunion d'un faisceau d'indices précis, graves et concordants, généralement constitué de trois branches : l'évocation des prix de revente au public, la mise en 'uvre d'une police ' ou au moins d'une surveillance ' des prix et le constat que les prix ont été effectivement appliqués. En se fondant sur l'arrêt Apple (cour d'appel de Paris, 6 octobre 2022, n° 20/08582, ci-après « arrêt Apple »), MOBOTIX soutient qu'il n'est pas possible en l'espèce, de s'appuyer uniquement sur des preuves documentaires ou contractuelles pour qualifier l'entente et considère que l'analyse de l'Autorité ne correspond à aucun standard de preuve cohérent.
158.Par ailleurs, selon MOBOTIX, la démonstration d'une entente sur le respect de prix conseillés suppose d'établir qu'un nombre significatif de requérantes ont librement exprimé leur volonté commune de se comporter de cette manière, en connaissant l'objet ou l'effet de la pratique. Si la preuve de l'intention n'est pas requise, les requérantes doivent avoir conscience de la portée et des conséquences de l'accord sur les prix.
159.De manière analogue, BE IP et ACTN considèrent que la décision, qui ne pouvait se limiter aux clauses contractuelles, aurait dû constater, conformément au faisceau à trois branches, l'absence d'éléments au dossier montrant que les prix conseillés étaient toujours appliqués. Selon ACTN, la jurisprudence française et européenne invoquée par l'Autorité s'appuie systématiquement sur l'existence de mesures de surveillance ou de sanction par le fournisseur pour condamner une politique de prix imposés et ce, en l'absence de clause contractuelle claire et explicite. ACTN et BE IP font par ailleurs valoir que les précédents sur lesquels l'Autorité s'appuie pour fonder sa condamnation à titre principal sont non pertinents, en ce qu'ils sont isolés et non confirmés par des juridictions de recours.
160.En deuxième lieu, sur la licéité de la communication des prix de détail recommandés par le fabricant, ACTN, BE IP et MOBOTIX affirment que la communication de prix conseillés est une pratique licite, conformément à l'article 4 du règlement d'exemption européen n° 330/2010 du 20 avril 2010 concernant les accords verticaux (ci-après, « le règlement n° 330/2010 »).
161.MOBOTIX fait valoir que la liste de prix publiée sur son site internet, intitulée « Manufacturer Suggested Retail Price », est une liste de prix conseillés au stade de la revente au consommateur final et que la transparence sur le prix de revente au détail des produits d'un fournisseur n'est pas un obstacle à l'exercice d'une concurrence intra marque entre distributeurs. BE IP soutient cette analyse et ajoute que cette liste ne concerne pas les prix de vente de gros proposés par les AMD aux revendeurs-installateurs, de sorte que leur diffusion ne peut constituer un indice de l'accord des AMD à une pratique de prix de revente imposés.
162.Si MOBOTIX relève que, depuis 2019, seuls ses partenaires référencés peuvent consulter cette liste sur leur espace réservé sur son site, BE IP fait valoir que les AMD n'y ont plus accès via ce canal et que la liste lui est totalement étrangère.
163.En troisième lieu, sur l'analyse de la clause 12.5 des contrats de 2012, BE IP reproche à l'Autorité d'avoir traduit l'expression « minimum advertised prices » figurant à l'article 12.5 du contrat par les termes « prix publics minimums ». Elle soutient que la traduction de l'Autorité l'aurait conduite à assimiler l'article 12.5 à une clause de fixation de prix de revente alors qu'elle renvoie à des prix affichés ou annoncés, sans référence aux prix pratiqués. Selon BE IP, la traduction appropriée est celle de « prix minimums annoncés ». ACTN considère, quant à elle, que la traduction appropriée est celle de « prix minimums affichés ». MOBOTIX soutient également que l'Autorité a déformé le sens de l'article 12.5 en traduisant le terme « advertised » par « public » et reproche à l'Autorité de n'avoir pas recherché ce que cette clause impliquait concrètement dans le réseau de distribution MOBOTIX.
164.ACTN, BE IP et MOBOTIX relèvent toutes que l'article 12.5 prévoit expressément la possibilité d'appliquer des prix différents. ACTN et BE IP font valoir que les prix minimaux affichés visés dans la clause sont des prix maximaux licites laissant libres les distributeurs de pratiquer des prix inférieurs.
165.ACTN relève que les Lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales du 10 mai 2010 (ci-après « les lignes directrices n° 2010/C 130/01 »), sur lesquelles l'Autorité a fondé sa décision, reconnaissent que des prix peuvent être imposés par des moyens indirects mais ne visent pas les « prix minimums affichés » dans l'énumération qui est faite de ces moyens indirects. À cet égard, ACTN, BE IP et MOBOTIX mentionnent le projet de lignes directrices sur les restrictions verticales du 9 juillet 2021, dont il ressortirait qu'une politique de « prix minimums affichés » ou d'imposition de prix de détail maximal n'est illicite que si elle est accompagnée de mesures complémentaires permettant de conclure à une volonté de prix imposés. De même, BE IP et ACTN considèrent que le paragraphe 187 des Lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales du 30 juin 2022 (ci-après « les lignes directrices n° 2022/C 248/01 ») limite les cas d'illicéité des « prix minimums affichés » aux prix de détail d'un produit vendu à un consommateur qui n'en discute pas le prix, de sorte qu'elles ne peuvent être applicables en l'espèce, l'entente concernant les prix de gros. BE IP reproche en outre à l'Autorité de n'avoir pas pris en considération, dans son analyse de la portée de la clause 12.5, le fait que les clients professionnels des grossistes se voient systématiquement accorder des remises, sans qu'il soit nécessaire d'en rendre compte au fournisseur.
166.Selon MOBOTIX, la lecture seule de la clause 12.5 ne permet pas de retenir la preuve directe d'une fixation de prix minimums puisqu'il n'y a pas d'interdiction pour les distributeurs de fixer leurs prix de vente et qu'aucune sanction n'est fixée. En conséquence, ni la concordance de volontés, ni l'objet anticoncurrentiel ne sont démontrés. MOBOTIX soutient en outre que des prix minimums affichés peuvent avantager les distributeurs, en ce qu'ils leur permettent de valoriser les avantages concédés à leurs clients lorsqu'ils pratiquent des prix inférieurs.
167.En quatrième lieu, sur les remises consenties aux AMD par le fabricant, MOBOTIX affirme que les remises arrière prévues à l'article 6.4.2 des contrats de 2012, dont le montant est défini par rapport au statut des clients des distributeurs, n'ont été appliquées qu'entre 2012 et 2014. Elle estime que cette clause ne peut s'analyser en remises octroyées indirectement aux grossistes qui suivraient les recommandations de MOBOTIX au profit des revendeurs-installateurs. BE IP reproche à l'Autorité d'utiliser les clauses 6.4 et 12.4 des mêmes contrats comme preuves directes de l'acquiescement de la société BE IP, alors qu'elles étaient limitées dans leur montant ainsi que dans leur période d'application et visaient à favoriser la revente des produits MOBOTIX par les revendeurs-installateurs les plus impliqués.
168.En cinquième lieu, sur les remises consenties par les distributeurs aux revendeurs-installateurs, ACTN affirme ne pas s'être engagée à respecter un certain niveau de remise sur ses ventes aux installateurs ou à faire respecter par les installateurs un certain niveau de remise pour la vente au détail. Si certaines déclarations font état de la pratique de MOBOTIX de déterminer un niveau de remise pouvant être appliqué en fonction du revendeur, cette pratique ne ressort pas des contrats et rien n'indique que les grossistes y ont adhéré. ACTN relève que les revendeurs-installateurs n'évoquent pas d'instructions de la part des AMD concernant d'éventuels prix imposés et certains affirment même être libres de fixer leurs prix. MOBOTIX confirme que ses distributeurs déterminaient librement leur politique commerciale, et notamment leur prix.
169.En sixième lieu, sur le « Programme Partenaire MOBOTIX », BE IP et ACTN critiquent la décision attaquée en ce qu'elle fait la démonstration d'un objectif anticoncurrentiel, en se reposant uniquement sur le document relatif au « Programme Partenaire MOBOTIX ».
170.ACTN, BE IP et MOBOTIX reprochent à l'Autorité, qui a admis que ce document n'était pas de nature contractuelle, de n'avoir pas démontré que les distributeurs en avaient eu connaissance ou qu'ils l'auraient approuvé. BE IP en conclut que cette démonstration est exclue la concernant, d'autant que son président a déclaré ne pas savoir à quoi correspondait ce programme. ACTN fait valoir que ce document a été établi unilatéralement par MOBOTIX postérieurement à sa signature du contrat et des avenants, qui ne prévoyaient pas le respect d'une politique tarifaire.
171.BE IP ajoute qu'en tout état de cause, les indications de nature commerciale figurant dans ce document avaient vocation à préserver la cohérence du réseau MOBOTIX et ne permettent pas de conclure à l'existence d'une pratique de prix imposés. De même, MOBOTIX soutient que l'existence du document « Programme Partenaire MOBOTIX » n'équivaut pas à une obligation d'adhésion à un programme de stabilité des marges.
172.En septième lieu, sur les stipulations relatives à la participation des grossistes au « Programme Partenaire MOBOTIX », les clauses 12.1, 12.2 et 12.4 des contrats de 2012 constituent, selon BE IP, des obligations classiques dans un réseau de distribution tel que celui de MOBOTIX, visant à assurer la meilleure promotion possible de produits de haute technicité. Il en est de même des engagements des revendeurs-installateurs figurant à l'annexe D3 du même contrat, considérés par l'Autorité comme des incitations à respecter les stipulations relatives à la communication des prix. ACTN affirme ne pas avoir l'obligation de faire respecter le « Programme Partenaire MOBOTIX » par les revendeurs-installateurs. Ses obligations seraient limitées à participer au réseau conformément à la clause 12.1 et à s'efforcer d'y faire participer tous ses clients, dans le but de promouvoir la qualité de l'activité des acheteurs commerciaux, les services rendus et les processus de fabrication réalisés. MOBOTIX soutient par ailleurs que la clause 12.2 des contrats met clairement à la charge des distributeurs, l'obligation de respecter le droit de la concurrence dans le cadre de l'exécution du contrat et considère qu'il ne ressort de la clause 12.4 aucune obligation de respecter les prix conseillés. Il n'existerait, par ailleurs, aucune obligation pour les revendeurs-installateurs de faire partie du réseau.
173.En huitième lieu, sur l'absence de sanction contractuelle découlant de la clause 12.4, ACTN reproche à l'Autorité d'avoir extrapolé cette clause, en considérant qu'elle se serait engagée à respecter les objectifs tarifaires poursuivis par MOBOTIX sous peine d'être dispensée de remise. Elle expose que cette clause reviendrait simplement à prévoir l'octroi de remises aux distributeurs, en contrepartie des nombreux engagements et dépenses auxquels ils consentent pour promouvoir et développer le réseau de partenaires. ACTN soutient, en outre, que les différences dans les niveaux de remise entre 2012 et 2016 en fonction du statut du partenaire s'expliquent par le fait que les dépenses engagées par le grossiste pour répondre aux besoins des revendeurs-installateurs importants, en particulier les AMP, sont plus conséquentes. Enfin, ACTN rappelle que ces remises n'ont été perçues par les distributeurs qu'entre fin 2012 et début 2014.
174.En neuvième lieu, sur l'absence de surveillance des prix, MOBOTIX soutient que l'article 4 des contrats de 2012, relative aux prévisions et aux rapports de vente, est uniquement destiné à suivre l'activité commerciale des distributeurs, à améliorer sa connaissance du marché et à classer les revendeurs-installateurs. Aucune remontée des données des revendeurs-installateurs aux distributeurs ne serait effectuée. Si l'article 4.4 prévoit que les remises accordées au distributeur peuvent être réduites en cas de manquement à ses obligations de remontées d'informations, il n'a pas été démontré que cette clause a été appliquée. MOBOTIX relève que seule ACTN a déclaré au cours de l'enquête que MOBOTIX exerçait une surveillance des prix, ce qui ne constituerait pas une preuve suffisante. Par ailleurs, elle souligne qu'il ressort des déclarations de plusieurs distributeurs et installateurs que ces derniers ne subissent aucune surveillance ou ingérence d'autres membres du réseau. Elle estime que le fait que les distributeurs et revendeurs-installateurs n'ont pas perçu les remontées d'informations comme une police des prix doit nécessairement être pris en compte par la Cour dans son analyse, comme elle l'a fait dans l'affaire Apple précitée.
175.Si MOBOTIX assure ne pas entretenir de relations commerciales directes avec les nombreux revendeurs-installateurs de son réseau, BE IP considère, quant à elle, que MOBOTIX, qui entretenait des relations avec certains installateurs, était en mesure de connaître leurs prix de vente.
176.Selon ACTN, les remontées d'information qu'elle a réalisées au titre de la clause 4 étaient agrégées par montant total des ventes mensuelles et visaient seulement à calculer les remises arrière consenties en fonction du chiffre d'affaires réalisé mensuellement par ACTN avec ses partenaires selon leur statut. Elle affirme en outre n'avoir pas surveillé les prix affichés ou pratiqués par les installateurs. BE IP relève que les clauses 4.2 et 4.4., qui ne sont pas reprises par la décision attaquée dans sa démonstration, n'établissent pas un acquiescement de la société BE IP à une pratique de prix imposés. Elle considère que les rapports de vente, dont il n'est pas démontré qu'ils portaient sur les prix effectifs et non sur les prix de base, ne sont pas illicites en eux-mêmes puisqu'ils permettent de suivre les performances du réseau marketing sans le surveiller. BE IP fait valoir que le dossier d'instruction ne fait état d'aucun rapport de vente qui aurait été envoyé par BE IP à MOBOTIX et que, pour autant, ses remises n'ont pas été réduites en conséquence.
177.En dixième et dernier lieu, sur les éléments comportementaux, BE IP soutient que c'est en raison de la faiblesse de ces preuves que l'Autorité aurait choisi de se reposer uniquement sur des « preuves documentaires ou contractuelles » pour entrer en voie de condamnation, afin d'écarter des preuves comportementales qui permettaient de montrer l'absence d'acquiescement à une politique de prix de revente imposés. BE IP reproche à l'Autorité de n'avoir pas analysé dans sa décision les remises importantes et individualisées qu'elle a fixées en toute indépendance, qui varient selon les revendeurs-installateurs, ses relations avec les revendeurs-installateurs ou encore les projets concernés. Elle note, par ailleurs, qu'au-delà du cas de la société BE IP, l'enquête de la DGCCRF avait fait ressortir l'existence d'une grande hétérogénéité des remises appliquées par les AMD aux revendeurs-installateurs. Elle s'appuie sur des supports de communication relatifs à des opérations promotionnelles et de déstockage pour montrer que l'opération relevée par la DGCCRF ne serait pas isolée.
178.ACTN soutient s'être toujours considérée libre de fixer ses prix et avoir laissé les installateurs faire de même, et qu'elle a affiché et diffusé ses propres prix, différents des prix de détail communiqués par MOBOTIX. Elle relève que ses factures ne mentionnent pas les prix publics conseillés et que les installateurs ont déclaré qu'ils obtiennent les prix publics directement auprès du fournisseur. Elle souligne que le directeur général d'ACTN n'a jamais affirmé avoir perçu comme obligatoires les niveaux de remise qu'il pouvait accorder à ses clients ou les avoir respectés en pratique. Par ailleurs, selon elle, le dossier n'établit pas le respect par ACTN des prix ou des remises conseillés par MOBOTIX. ACTN relève, à cet égard, que le rapport administratif d'enquête contient une liste de prix relevés sur ses factures, montrant que les remises accordées sont systématiquement supérieures à celles que MOBOTIX a fixées et ne sont pas uniformisées en fonction du statut des clients ou en fonction du produit. Elle soutient que si elle pratiquait réellement les remises fixées par MOBOTIX, sa marge serait nécessairement supérieure à 20 %, même en tenant compte des ventes aux clients non classés et des promotions, ce qui n'est généralement pas le cas.
179.ACTN et MOBOTIX assurent qu'il existe une véritable concurrence entre les grossistes de MOBOTIX et de manière générale entre les revendeurs-installateurs de matériels de vidéosurveillance. Les revendeurs-installateurs détiendraient un fort pouvoir de négociation auprès des grossistes pour obtenir des prix bas, de sorte qu'un grossiste serait amené à compresser sa marge en proposant des remises importantes.
180.MOBOTIX reproche à l'instruction de n'avoir réalisé aucun relevé de prix lui permettant de soutenir que les prix conseillés étaient des prix minimaux imposés. Par ailleurs, elle affirme que si certaines factures d'ACTN mentionnent un prix catalogue, cette indication ne correspond qu'à la mise en 'uvre d'une obligation prévue par le code de commerce.
181.Quant à l'Autorité, elle rappelle, en premier lieu, s'agissant de la preuve de l'accord de volontés, qu'une entente verticale peut être caractérisée lorsque des éléments ' écrits ou déclaratifs ' démontrent sans ambiguïté l'existence d'une invitation à s'entendre et d'un acquiescement. Selon elle, l'existence d'un accord se déduit en l'espèce directement des contrats conclus entre MOBOTIX et ses distributeurs puisqu'ils contiennent des clauses concourant à encadrer la liberté tarifaire des revendeurs-installateurs en imposant que les seuls prix affichés soient les prix de détail communiqués par MOBOTIX, de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme des prix conseillés. Ces clauses se suffiraient à elles-mêmes pour établir l'existence d'un accord de volontés, de sorte que l'argument des requérantes, faisant valoir que le document « Programme Partenaire MOBOTIX » ne permet pas de démontrer l'existence d'un tel accord, est inopérant. En tout état de cause, elle considère que ce document corrobore l'existence d'un accord.
182.En deuxième lieu, sur l'analyse de la clause 12.5, l'Autorité répond que le débat sur la mauvaise traduction des termes « minimum advertised price » est inopérant quant à l'existence d'une restriction de la liberté tarifaire des revendeurs-installateurs puisque MOBOTIX a, par des moyens indirects, conféré aux prix auxquels font référence les contrats le caractère de prix minimaux. L'Autorité rappelle, en outre, que le règlement n° 330/2010 inclut dans son champ les pratiques visant à imposer des prix de manière indirecte, afin d'éviter que des pratiques n'ayant que l'apparence de la légalité échappent aux autorités de concurrence. Selon les lignes directrices n° 2010/C 130/01, entrent dans la catégorie des pratiques indirectes de prix imposés, les pratiques ayant pour objet l'établissement d'un niveau de prix de vente fixe ou minimal que l'acheteur est tenu de respecter. L'Autorité considère qu'en l'espèce, la restriction de la liberté des revendeurs-installateurs est caractérisée par l'existence de « prix publics conseillés » que les distributeurs s'engageaient à respecter et à faire respecter par les revendeurs-installateurs et par un système d'incitation visant à récompenser les revendeurs-installateurs respectant les règles du « Programme Partenaire MOBOTIX ». Selon l'Autorité, le fait que les revendeurs-installateurs ne se voyaient pas directement interdire de vendre les produits en dessous du prix conseillé est sans incidence sur l'existence d'une restriction de leur liberté tarifaire puisque l'analyse de l'accord de volontés n'est pas limitée à la forme que les requérantes sont convenues de lui conférer mais à sa portée réelle.
183.En troisième lieu, sur le « Programme Partenaire MOBOTIX », l'Autorité estime que, si ce document n'a pas en lui-même de valeur contractuelle, il corrobore les clauses du contrat, suffisantes à elles-seules pour fonder la pratique.
184.En quatrième lieu, sur les remises consenties par MOBOTIX, l'Autorité estime que si les remises prévues par la clause 6.4.2 ont été modifiées après 2014, le système MOBOTIX persistait à travers la clause 12.4.
185.En cinquième lieu, sur l'absence de surveillance des prix, l'Autorité considère que la caractérisation d'une restriction tarifaire n'implique pas de démontrer l'existence d'une police des prix puisque, selon la jurisprudence, une telle politique n'est qu'un élément d'appréciation des effets de la pratique et non une condition essentielle de son existence.
186.En sixième et dernier lieu, sur les éléments comportementaux, l'Autorité fait valoir que le fait que les distributeurs pouvaient ponctuellement vendre aux revendeurs-installateurs des produits en dessous du prix public conseillé ne remet pas en cause l'existence d'un système de restriction de la liberté tarifaire. Les pratiques mises en 'uvre par les requérantes leur sont en effet reprochées en ce qu'elles ont eu pour objet le maintien d'un niveau de prix uniforme entre revendeurs-installateurs pour les produits de marque MOBOTIX par le biais de moyens indirects, et non en ce qu'elles leur interdiraient formellement de descendre en dessous d'un niveau de prix minimum.
187.Le ministre chargé de l'économie considère que les listes de prix, couplées aux stipulations contractuelles, ont revêtu un caractère contraignant manifestant l'offre de se comporter d'une manière déterminée sur un marché. Les distributeurs y auraient adhéré par la signature des contrats de distribution. Il relève que le « Programme Partenaire MOBOTIX » est expressément visé dans le contrat et fait, comme tel, partie intégrante du corpus contractuel auquel il a été consenti. Selon lui, l'analyse de la clause 12.4 des contrats montre que les remises accordées aux distributeurs en fonction du statut de leurs clients l'étaient en contrepartie du respect du « Programme Partenaire MOBOTIX » comprenant des règles relatives à l'affichage des prix. Enfin, il estime que l'affirmation d'une pratique promotionnelle indépendante et régulière est contredite par les déclarations des distributeurs, selon lesquelles toute opération promotionnelle était soumise à autorisation et les taux de remise à contrôle.
188.Le ministère public, considère notamment que la clause 12.5 des contrats, qui interdit aux distributeurs d'annoncer des prix inférieurs aux prix publics minimums, renferme de manière très claire une volonté du fournisseur d'encadrer les prix. Il en conclut qu'il existe, en l'espèce, une invitation caractérisée par les stipulations de la clause 12 et un acquiescement par la signature du contrat de distribution par les requérantes.
Sur ce, la Cour :
189.Aux termes de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE :
« Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à : a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction ; (...) ».
190.Il résulte de l'article L. 420-1 du code de commerce une même prohibition des ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence, notamment lorsqu'elles tendent à :
« 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ».
191.La Cour rappelle qu'une entente verticale sur les prix suppose l'existence d'un « accord » au sens de l'article 101, paragraphe 1, TFUE, à savoir que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée, étant précisé qu'un acte ou un comportement apparemment unilatéral constitue un accord, dès lors qu'il est l'expression de la volonté concordante de deux opérateurs au moins, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance n'étant pas déterminante par elle-même (en ce sens, notamment, CJUE, 29 juin 2023, Super Bock Bebidas SA c. Autoridade da Concorrência, C-211/22, point 47 - ci-après, « CJUE Super Bock »).
192.En la matière, la forme selon laquelle se manifeste cette concordance des volontés est indifférente. Elle peut résulter de clauses contractuelles autorisant explicitement le fournisseur à imposer des prix minimaux de revente, par exemple. Elle peut encore résulter du comportement des requérantes et, notamment, d'un acquiescement, explicite ou tacite, de la part des distributeurs, à une invitation de respecter de tels prix minimaux de revente (en ce sens, CJUE Super Bock, points 49, 50 et 53).
193.L'existence d'un accord portant sur des prix minimaux de revente peut donc être établie non seulement au moyen de preuves directes, mais également sur la base de coïncidences et d'indices concordants, dès lors qu'il peut en être inféré qu'un fournisseur a invité ses distributeurs à suivre de tels prix et que ces derniers ont, en pratique, respecté les prix indiqués par le fournisseur (CJUE Super Bock, point 57).
194.Il résulte de ce qui précède que l'existence d'un accord peut résulter de la combinaison de différents éléments de preuve, de nature contractuelle ou comportementale ' notamment en présence de pratiques sophistiquées reposant sur des mécanismes qui, pris isolément, pourraient revêtir l'apparence de l'unilatéralité ', pour autant qu'ils constituent, ensemble, un faisceau d'indices graves, précis et concordants permettant d'établir, d'une part, l'invitation du fournisseur, et d'autre part, l'acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse.
1. Sur l'invitation à l'entente
a. Sur la communication des prix de revente au détail
195.La Cour observe que MOBOTIX indique dans ses écritures que « la liste des prix publics conseillés n'est plus librement accessible sur le site Internet de MOBOTIX depuis 2019. Seuls les partenaires référencés de MOBOTIX ont désormais accès à cette liste sur le site Internet de MOBOTIX après s'être connectés à l'espace qui leur est réservé » (mémoire du 22 mai 2023, page 30).
196.Il s'en déduit que MOBOTIX ne conteste pas avoir diffusé jusqu'en 2019 sur son site internet un prix de vente au détail conseillé pour chacun des produits qu'elle commercialise et que ces prix ont continué d'être disponibles après 2019 pour l'ensemble des partenaires MOBOTIX ' distributeurs et revendeurs-installateurs ' dans l'espace partenaire qui leur est réservé sur le site du fabricant.
197.L'argument de BE IP selon lequel les distributeurs AMD ne seraient pas des « partenaires référencés », en l'absence de précision en ce sens par MOBOTIX dans ses écritures, et les listes de prix conseillés par MOBOTIX lui seraient totalement étrangères n'est pas fondé. En effet, il ressort de plusieurs pièces du dossier que ces derniers constituent au contraire les principaux partenaires du fabricant. Ainsi, à la cote 2786, un courrier du 19 décembre 2012 adressé par MOBOTIX à BE IP montre qu'un distributeur n'obtient la qualité de distributeur AMD qu'après avoir été enregistré par MOBOTIX en tant que « partenaire MOBOTIX ». À la cote 86, le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX » précise qu'un distributeur MOBOTIX agréé est un « partenaire de 1er rang » pour le fabricant.
198.En outre, il ressort du rapport d'enquête (cotes 9 et suivantes) que, dans la plupart des cas, les factures établies par MOBOTIX mentionnent le prix de détail de chaque produit. Or, comme le relève l'Autorité au paragraphe 176 de la décision attaquée, aucune obligation légale ne pesait sur MOBOTIX en la matière, contrairement à ce que MOBOTIX fait valoir.
199.En tout état de cause, les requérantes ne sauraient sérieusement soutenir qu'elles n'avaient pas connaissance des prix de vente au détail, dès lors que la liste des prix conseillés par MOBOTIX est visée par plusieurs clauses de ses contrats, en particulier par la clause 6.1 des contrats de 2012 qui s'y réfère en tant que base de calcul des remises accordées par MOBOTIX aux distributeurs :
« [l]es prix payables par le Distributeur et les remises accordées au Distributeur conformément au paragraphe 6.4 ci-dessous sont basés sur le volume annuel de Produits achetés par le Distributeur auprès de MOBOTIX et sur le prix de vente recommandé par MOBOTIX pour le Produit concerné » (traduction figurant au paragraphe 209 de la décision attaquée, souligné par la Cour).
200.Il résulte de ces considérations que les distributeurs BE IP et ACTN, tout comme les revendeurs-installateurs (voir le paragraphe 333 du présent arrêt), ont eu connaissance de la liste des prix de détail conseillés par MOBOTIX.
201.Au surplus, contrairement à la lecture que semblent en avoir fait BE IP et MOBOTIX, l'Autorité n'a pas fondé sa décision de retenir une entente de prix imposés sur la seule diffusion d'une liste de prix conseillés par MOBOTIX, mais sur certaines stipulations contractuelles, en particulier la clause 12.5 des contrats en cause (paragraphes 181 à 184 de la décision attaquée), qu'il convient d'examiner précisément.
b. Sur la clause 12.5 du contrat MOBOTIX relative aux « minimum advertised prices »
202.Concernant, en premier lieu, la traduction des termes de la clause 12.5, il y a lieu de préciser que les contrats d'ACTN et de BE IP, rédigés en langue anglaise, stipulent en leur clause 12.5 que :
« 12.5 Distributor is obliged to fulfill the instructions of MOBOTIX concerning the minimum advertised prices : Notwithstanding the actual prices obtained from MOBOTIX and/or granted to its customers, the Distributor shall not publicly advertise the Products at the level under the minimum advertised prices and to ensure that the Partners assume the corresponding obligation and observe the minimum advertised prices either » (souligné par la Cour).
203.Il est indifférent que l'Autorité ait pu traduire les termes « minimum advertised prices » par « prix publics minimums » plutôt que par « prix minimums affichés » ou par « prix minimums annoncés » (traductions proposées respectivement par ACTN et BE IP), dès lors que, contrairement à ce qu'indique BE IP, il ne ressort pas de la décision attaquée ' en particulier du paragraphe 179 de la décision attaquée auquel la Cour renvoie ' que cette traduction a directement conduit l'Autorité à assimiler l'article 12.5 à une clause de fixation de prix de revente.
204.La Cour relève, de surcroît, que l'Autorité a elle-même utilisé les termes « prix minimums annoncés » dans la traduction proposée au paragraphe 59 de la décision attaquée :
« 12.5 Le Distributeur est tenu de respecter les instructions de MOBOTIX concernant les prix minimums annoncés : Nonobstant les prix réels obtenus de MOBOTIX et/ou accordés à ses clients, le Distributeur ne doit pas annoncer publiquement les produits à des prix inférieurs aux prix publics minimum et doit veiller à ce que le partenaire respecte cette même obligation de conformité aux prix minimum annoncés ».
205.L'Autorité a également employé cette énonciation au paragraphe 196 de la décision attaquée (« Ainsi, en imposant à ses distributeurs AMD de ne pas communiquer publiquement d'autres prix que les prix de revente au détail conseillés et en leur enjoignant de veiller à ce que les revendeurs au détail respectent la même obligation de conformité des prix minimums annoncés, Mobotix les a invités à encadrer la liberté des revendeurs-installateurs sur le plan tarifaire »).
206.Pour lever toute ambiguïté éventuelle, la Cour retiendra néanmoins dans le présent arrêt la traduction « prix minimaux affichés », tels qu'ils figurent aux points 187 d) et 189) des lignes directrices n° 2022/C 248/01, qui, si elles ne sont pas applicables à l'espèce ratione temporis, offrent une traduction incontestable des termes « minimum advertised prices ».
207.En conséquence, la clause 12.5 doit être lue de la sorte :
« Le Distributeur est tenu de respecter les instructions de MOBOTIX concernant les prix minimaux affichés : Nonobstant les prix réels obtenus de MOBOTIX et/ou accordés à ses clients, le Distributeur ne doit pas annoncer publiquement les produits à des prix inférieurs aux prix minimaux affichés et doit veiller à ce que le partenaire respecte cette même obligation de conformité aux prix minimaux affichés » (traduction libre)
208.Ainsi, les stipulations de la clause 12.5 imposent aux distributeurs de n'afficher que les prix de détail recommandés par le fournisseur et de veiller à ce que leurs clients respectent eux aussi cette obligation.
209.Par ailleurs, c'est à tort que MOBOTIX déduit de l'énonciation « Nonobstant les prix réels obtenus de MOBOTIX et/ou accordés à ses clients » une absence de tout prix minimum imposé, alors que ces termes ne font qu'indiquer, de façon claire, que l'obligation des distributeurs demeure en toutes circonstances, quels que soient les prix auxquels ces derniers achètent les produits à MOBOTIX et les revendent à leurs clients.
210.Il ressort de ce qui précède que la clause 12.5 impose aux distributeurs une double obligation, celle de ne pas annoncer publiquement, sous quelque forme que ce soit, de prix de détail inférieurs aux prix conseillés établis par MOBOTIX elle-même pour la vente de ses produits, et, d'autre part, celle de veiller à ce que les revendeurs-installateurs respectent cette même obligation de conformité aux prix minimaux affichés.
211.Il conviendra donc de rechercher la portée de la clause 12.5 au regard de l'ensemble des obligations auxquelles les distributeurs étaient soumis, pour déterminer si cette double obligation consistait uniquement à recommander un prix de vente ou à imposer un prix de vente maximal, pratique dont le caractère licite ressort clairement de la jurisprudence européenne et nationale, ou si elle participait d'un système tendant à restreindre la capacité des partenaires du réseau, distributeurs et revendeurs-installateurs, à déterminer leurs prix de vente.
212.À cet égard, la Cour relève que la clause 12.5 figure dans une partie essentielle des contrats en cause dédiée au fonctionnement du « réseau international de partenaires », correspondant à la clause 12 de ces contrats, qui comporte d'autres stipulations au regard desquelles la clause 12.5 doit être lue.
c. Sur les autres stipulations contractuelles
213.La Cour rappelle que le réseau de distribution MOBOTIX décrit à la clause 12 des contrats en cause a d'abord été dénommé « Réseau international de partenaires » (Global Partner Network ou GPN) dans les contrats du 1er octobre 2012, puis « Programme Partenaire MOBOTIX » (MOBOTIX Partner Program ou MxPP) par l'avenant BE IP de 2014 et l'avenant ACTN de 2016. Par convention d'écriture, il sera dénommé dans le présent arrêt, pour l'ensemble de la période des pratiques, « Programme Partenaire MOBOTIX ».
214.Elle observe que le fonctionnement du « Programme Partenaire MOBOTIX » est précisé à travers chacune des sections de la clause 12 des contrats en cause, telle qu'énoncée aux paragraphes 26 et suivants du présent arrêt, et de leur annexe D3.
215.S'agissant de la participation des partenaires à ce réseau, la clause 12.1 stipule que les distributeurs AMD sont « tenus d'y participer ».
216.La clause 12.2, quant à elle, impose aux distributeurs AMD, en des termes non équivoques, l'obligation suivante : « ['] Le Distributeur est, dans le cadre autorisé par les législations applicables (droit de la distribution, droit antitrust, droit de la concurrence, droit civil, droit des contrats, etc.), tenu d'utiliser tous les moyens possibles pour que tous [leurs] clients participent au GPN ». Elle ne saurait donc être lue, comme le suggère MOBOTIX, comme une obligation pour les distributeurs, de respecter le droit de la concurrence, et en particulier le droit des ententes, dans le cadre de l'exécution du contrat.
217.Il ressort d'un courrier adressé par MOBOTIX à BE IP le 19 décembre 2012 qu'un opérateur désireux de devenir un distributeur AMD faisait l'objet d'un enregistrement au « Programme Partenaire MOBOTIX » et que cet enregistrement lui donnait notamment accès à un compte personnel en ligne dans la section « Partenaires MOBOTIX » (cote 2786).
218.De même, pour les revendeurs-installateurs souhaitant obtenir la qualité de « partenaire MOBOTIX », la clause 12.3 prévoit les modalités d'accès suivantes :
219.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, ces clauses stipulaient :
12.3 « MOBOTIX établira les conditions préalables qui donnent droit aux clients du distributeur de participer au GPN. MOBOTIX prévoit de classer les clients du distributeur dans les catégories suivantes : Advanced MOBOTIX Partners ('AMP'), Certified MOBOTIX Partners ('CMP'), Registered MOBOTIX Partners ('RMP'), Unregistered MOBOTIX Partners ('UMP'). Les conditions initiales et autres conditions des accords respectifs avec les AMP, CMP, RMP et UMP sont contenues dans l'annexe D3 du présent contrat » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée ' soulignement ajouté par la Cour).
220.À compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, ces mêmes clauses stipulaient :
12.3 « Sur la base d'une évaluation du potentiel de revenus, de l'expertise dans le domaine de la vidéosurveillance IP ou de la domotique, MOBOTIX classe les clients du distributeur dans les catégories suivantes : Advanced MOBOTIX Partners ('AMP'), Certified MOBOTIX Partners ('CMP') et Registered MOBOTIX Partners ('RMP'). Les conditions initiales et les autres conditions des contrats respectifs avec les AMP, CMP et RMP sont contenues dans l'annexe D du présent contrat. MOBOTIX a le droit de modifier (y compris de supprimer) le MxPP à sa libre appréciation » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée ' soulignement ajouté par la Cour).
221.Il s'ensuit que MOBOTIX fixait elle-même les conditions d'accès au « Programme Partenaire MOBOTIX » ainsi que les « autres conditions » des accords entre les distributeurs et les revendeurs-installateurs, et qu'elle effectuait un classement des revendeurs-installateurs dans des catégories établies par ses soins.
222.La Cour observe que la clause 12.3 fait référence à l'annexe D3 des contrats en cause, comportant un tableau figurant au paragraphe 34 du présent arrêt, qui précise les engagements auxquels les revendeurs-installateurs doivent souscrire pour participer au « Programme Partenaire MOBOTIX » ainsi que les avantages qu'ils perçoivent en qualité de « partenaires MOBOTIX ».
223.Le tableau reproduit au paragraphe 42 de la décision attaquée, découvert par les enquêteurs de la DGCCRF dans la rubrique « Partenaires » du site internet de MOBOTIX le 14 décembre 2016, présente les avantages et engagements associés à chaque catégorie de partenaires revendeurs-distributeurs de la façon suivante :
Source : cote 1264
224.La Cour relève qu'une « remise partenaire » figure au premier rang des avantages réservés aux revendeurs-installateurs partenaires du réseau MOBOTIX et que son montant varie « en fonction du niveau de partenariat » du revendeur-installateur.
225.Il s'en infère que le taux de remise que les distributeurs devaient, contractuellement, appliquer aux achats des revendeurs-installateurs AMP, était supérieur à celui accordé aux CMP, qui était lui-même supérieur à celui concédé aux RMP.
226.À cet égard, le document « listings avantages et obligations partenaire AMP MOBOTIX » produit par le revendeur MAIANO montre que les revendeurs-installateurs AMP, dont le niveau d'engagements est le plus élevé, bénéficient « d'un niveau de remise supplémentaire » (cote 878).
227.Surtout, l'avenant BE IP 16/17, qui stipule que « Les niveaux de remise échelonnés pour RMP, CMP, AMP (augmentant avec le niveau du partenaire de RMP à AMP) nécessitent l'enregistrement du projet. Au moins 3 à 5 % de la remise initiale définie à la section 2 doivent être consacrés au soutien financier de projets pour CMP et AMP » (cote 2813, clause 3.3 de l'avenant BE IP 16/17, traduction libre, soulignement ajouté), donne une preuve directe de ce que le système MOBOTIX était fondé sur la différenciation des statuts des revendeurs-installateurs et prévoyait des niveaux de remise de plus en plus élevés à mesure que le niveau de partenariat augmentait, réservant ainsi les meilleurs taux à la catégorie des AMP.
228.Il ne saurait en être autrement, dès lors que le niveau de remise est le principal critère de distinction entre les différentes catégories de revendeurs-installateurs, justifiant l'instauration d'une procédure d'enregistrement des revendeurs-installateurs fondée sur une différenciation des statuts auxquels ils peuvent prétendre. À ce titre, l'octroi d'une remise attribuée « en fonction du niveau de partenariat » figure au premier rang des avantages listés dans le tableau figurant à l'annexe D3 des contrats.
229.Ainsi, par le jeu de ces stipulations contractuelles, les distributeurs sont soumis à l'obligation d'accorder à leurs clients ayant la qualité de « partenaire MOBOTIX » une remise dont le niveau dépend du statut qui leur a été octroyé par MOBOTIX.
230.Au regard de la nature des avantages auxquels la participation au réseau donne droit, les revendeurs-installateurs dont le niveau d'activité leur permettait de répondre aux exigences posées par MOBOTIX pour bénéficier d'un statut AMP, CMP et RMP, ne pouvaient avoir qu'intérêt à solliciter leur enregistrement auprès de MOBOTIX, nonobstant l'absence de toute obligation pesant sur eux de faire partie du « Programme Partenaire MOBOTIX », soulignée par MOBOTIX.
231.Outre l'incitation représentée par les avantages offerts aux revendeurs-installateurs partenaires du réseau, les revendeurs-installateurs étaient fortement incités à y participer par les distributeurs, qui devaient « utiliser tous les moyens possibles pour que tous [leurs] clients participent au GPN » (clause 12.2 des contrats de 2012).
232.Il ressort de ce qui précède que les différentes sections de la clause 12 des contrats en cause constituaient l'essence même de ces contrats, en ce qu'elle prévoyait dans ses différentes versions que les distributeurs AMD et leurs clients partenaires faisaient partie d'un réseau animé et promu par les distributeurs, imposant à ces derniers, d'une part, de ne pas annoncer publiquement des prix inférieurs aux prix de détail conseillés par MOBOTIX et de s'assurer que les revendeurs-installateurs respectent cette même obligation et, d'autre part, d'accepter que MOBOTIX attribue à chacun de leurs clients l'un des statuts qu'elle déterminait elle-même et, partant, les conditions commerciales auxquelles ces revendeurs-installateurs avaient vocation à être soumis une fois enregistrés, en particulier l'octroi d'une remise dont le niveau dépendait du statut AMP, CMP ou RMP des revendeurs-installateurs.
233.Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu par les requérantes, les stipulations de la clause 12 ne se limitaient pas à assurer la qualité des services rendus et la meilleure promotion possible de produits contractuels à haute technicité.
234.Les différentes sections de la clause 12, lues les unes en regard des autres, formaient donc un système dédié au pilotage par le fabricant de la politique tarifaire de ses partenaires.
235.Les distributeurs étaient contractuellement tenus d'appliquer les obligations relatives au « Programme Partenaire MOBOTIX », dès lors qu'aux termes de la clause 12.4, les remises qui leur étaient accordées par MOBOTIX en vertu de la clause 6.4 des contrats en cause représentaient une « contrepartie suffisante » pour le respect de ces obligations, en plus de constituer une contrepartie des dépenses que les distributeurs pouvaient engager dans le cadre de l'exécution de ces obligations et du « Programme Partenaire MOBOTIX » en général.
236.Du 1er octobre 2012 et jusqu'à l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016, ces clauses stipulaient :
« ['] Les Parties conviennent que les remises que MOBOTIX accordera au Distributeur en vertu du présent Contrat constituent une contrepartie suffisante pour les obligations du Distributeur à l'égard du GPN et pour les dépenses qu'il pourrait engager dans le cadre de l'exécution de ces obligations et du GPN en général » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée ' soulignement ajouté par la Cour).
237.À compter de l'entrée en vigueur de l'avenant BE IP de 2014 et de l'avenant ACTN de 2016 ces mêmes clauses stipulaient :
12.4 « ['] Les Parties conviennent que les remises que MOBOTIX accordera au Distributeur en vertu du présent Contrat constituent une contrepartie suffisante pour les obligations du Distributeur relatives au MxPP et les dépenses qu'il pourrait encourir dans le cadre de l'exécution de ces obligations et du MxPP en général » (traduction figurant au paragraphe 59 de la décision attaquée ' soulignement ajouté par la Cour)
238.Ainsi, contrairement à ce que fait valoir ACTN, la clause 12.4 ne revenait pas simplement à prévoir des remises en contrepartie des nombreux engagements et dépenses consentis par les distributeurs pour promouvoir et développer le réseau de partenaires mais constituait surtout un mécanisme d'incitation à respecter les consignes déterminées par MOBOTIX au plan tarifaire, dès lors que l'octroi aux distributeurs de remises à l'achat (clause 6.4.1 des contrats) et de remises arrière (clause 6.4.2), représentait également une rétribution de la bonne application par les distributeurs de leurs obligations à l'égard du « Programme Partenaire MOBOTIX », découlant de l'ensemble des stipulations de la clause 12, et donc de l'obligation de respecter à la fois les instructions de MOBOTIX concernant les prix minimaux affichés (clause 12.5) et les stipulations relatives aux conditions préalables d'octroi du statut de « partenaire MOBOTIX » et aux avantages liés à ce statut (clause 12.3 et annexe D3).
239.Il ne saurait donc être sérieusement soutenu que les remises arrière attribuées par MOBOTIX aux distributeurs, dont le montant dépendait du statut octroyé par MOBOTIX à leurs clients, visaient seulement, durant leur période d'application (de 2012 à 2014 pour BE IP et de 2012 à 2016 pour ACTN), à compenser la plus grande disponibilité attendue par les revendeurs-installateurs bénéficiant des statuts les plus avantageux, comme le soutient ACTN, ou à favoriser la revente des produits MOBOTIX aux revendeurs-installateurs les plus impliqués, selon BE IP.
240.Il ressort de l'ensemble de ces considérations que les contrats MOBOTIX imposaient aux distributeurs de respecter les instructions de MOBOTIX concernant les prix minimaux affichés (clause 12.5) mais aussi d'accepter que MOBOTIX enregistre elle-même les revendeurs-installateurs souhaitant participer au réseau MOBOTIX et qu'elle leur octroie l'un des statuts AMP, CMP et RMP, dont découlaient les conditions commerciales et tarifaires prévues à l'annexe D3.
d. Sur le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX »
241.La Cour observe que le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », consultable sur le site Internet de MOBOTIX en 2016, précisait les principales caractéristiques dudit « programme ».
242.D'abord, il définissait un partenaire MOBOTIX comme « une société qui s'est inscrite au programme de partenaires » et faisait apparaître deux catégories de partenaires, les distributeurs et les revendeurs-installateurs, les termes « partenaire de 1er rang » et « partenaire de 2ème rang » désignant respectivement un « distributeur MOBOTIX agréé » et un « installateur, intégrateur de systèmes [ou un] revendeur » (cotes 86 et 91).
243.Il mentionnait, ensuite, un « processus de renouvellement annuel », impliquant la révision annuelle du statut octroyé initialement au partenaire par MOBOTIX ' qui déterminait les « conditions initiales et les autres conditions » des contrats conclus entre les distributeurs AMD et les revendeurs-installateurs AMP, CMP et RMP (voir clause 12.3 des contrats) ' et son éventuelle requalification (cote 102).
244.En outre, il faisait état d'un « programme de prix public minimum » (programme MAP), dont l'objectif était de « préserver l'intégrité du programme des partenaires du réseau MOBOTIX en veillant à la cohérence des informations communiquées sur les produits MOBOTIX » (souligné par la Cour, cote 100).
245.De surcroît, la Cour relève que ce document décrivait précisément le fonctionnement du réseau de distribution MOBOTIX, en énonçant les avantages et les objectifs du « Programme Partenaire MOBOTIX » (cotes 87, 93 et 98), et les obligations des partenaires. Il présentait la « consolidation d'une marge stable » comme l'un des « arguments principaux pour un programme de partenaires » (cote 87, souligné par la Cour) et la « Stabilité de marge - Niveaux de marge constants et définis », comme l'un des avantages du réseau (cote 93, souligné par la Cour).
246.Ce document informait également les partenaires MOBOTIX ' distributeurs et revendeurs-installateurs ' des processus que l'appartenance au réseau de distribution de MOBOTIX leur imposait d'appliquer, tels que le « programme de prix public minimum » (cote 100) et les « procédures requises » par MOBOTIX, comprenant les processus suivants :
« ' Compte-rendu de ventes mensuel
' Calcul et traitement du remboursement mensuel
' Processus de renouvellement annuel : avec re-qualification du partenaire
' Suivi de projets : condition préalable pour l'enregistrement et la protection des projets
' Portail Web et CRM [pour Customer Relationship Management], en français gestion de la relation client » (cote 102, soulignement ajouté par la Cour).
247.Au vu de ce qui précède, la Cour considère que ce document présentait in fine toutes les caractéristiques, non pas d'un simple document commercial, mais d'une circulaire venant compléter la clause 12 des contrats, qui imposait à ACTN et BE IP de participer au « Programme Partenaire MOBOTIX ».
248.Ainsi, le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX » corrobore l'existence d'un système fondé sur deux principaux piliers, le premier étant constitué par l'organisation de la « cohérence des informations communiquées sur les produits », en ce compris celles relatives aux « prix public minimum » sur le marché de détail, et le second par la détermination, pour l'ensemble des partenaires MOBOTIX, de « niveaux de marge constants et définis » (souligné par la Cour).
249.Il se déduit, au demeurant, du terme « définis » que MOBOTIX ne pouvait qu'intervenir dans la détermination du niveau de marge concédé aux distributeurs et aux revendeurs-installateurs, à travers les leviers que lui réservaient les contrats : fixation des remises avant et arrière des distributeurs, définition des conditions commerciales et tarifaires applicables aux revendeurs-installateurs et imposition de prix minimaux affichés.
e. Sur la combinaison des différentes stipulations
250.La Cour rappelle qu'il est considéré, de façon constante, que les prix conseillés risquent, du point de vue de la concurrence, de fonctionner comme point de convergence pour les revendeurs-installateurs et d'être suivis par la plupart, voire la totalité d'entre eux et sont susceptibles d'atténuer la concurrence (point 227 des lignes directrices n° 2010/C 130/01).
251.A fortiori, l'imposition de prix minimaux affichés ne peut que restreindre la capacité des revendeurs-installateurs d'attirer des clients potentiels en annonçant des prix différents ou des remises sur ces prix et, partant, les dissuader de fixer un prix de vente au détail inférieur à ces prix conseillés.
252.Au cas particulier, les pratiques sont révélées par des éléments protéiformes, dont la combinaison met en lumière un système restreignant la liberté tarifaire des partenaires MOBOTIX.
253.S'agissant des revendeurs-installateurs, s'ils avaient la possibilité de pratiquer des prix de détail inférieurs aux prix de référence, ils en étaient dissuadés par le système de partenariat mis en place par MOBOTIX, axé sur la consolidation de marges stables pour les partenaires MOBOTIX à tous les niveaux de la chaîne de valeur.
254.Il résulte de l'ensemble de ces considérations que MOBOTIX a invité les distributeurs BE IP et ACTN à participer, et à faire participer leurs clients, à un dispositif permettant de restreindre la liberté tarifaire des partenaires MOBOTIX, à travers non seulement l'obligation de respecter les instructions de MOBOTIX concernant les prix minimaux affichés, mais aussi l'imposition d'une procédure prévoyant que MOBOTIX enregistrait elle-même les revendeurs-installateurs souhaitant participer à son réseau de distribution et leur octroyait un statut AMP, CMP et RMP, conditionnant l'octroi des avantages commerciaux et tarifaires précisés à l'annexe D3.
255.Ces pratiques tendaient à l'harmonisation des prix des produits MOBOTIX au stade de la vente au détail, à travers l'uniformisation de leur affichage et la garantie de niveaux de marge constants et définis pour l'ensemble des partenaires, et donc à l'élimination d'un paramètre clé de la concurrence.
2. Sur l'acquiescement des distributeurs
a. Sur les preuves documentaires
256.L'acquiescement de BE IP et ACTN aux pratiques litigieuses résulte, au premier chef, de la circonstance qu'elles ont chacune signé un contrat dont les stipulations organisaient un système de pilotage par MOBOTIX de la politique tarifaire de ses partenaires, reposant sur une série d'obligations mises à la charge des distributeurs.
257.Ces derniers étaient, en outre, fortement incités à respecter les obligations découlant du « Programme Partenaire MOBOTIX », dès lors que les remises octroyées par le fabricant leur étaient versées en contrepartie notamment de la satisfaction de ces obligations, et qu'en tout état de cause, leur inexécution était susceptible d'entrainer l'exécution forcée du contrat, sa résolution ou encore une action tendant à engager leur responsabilité contractuelle.
258.Par ailleurs, la Cour rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante que les décisions unilatérales d'un fournisseur, telles que les circulaires et les instructions, s'insèrent en réalité dans les relations contractuelles qu'il entretient avec ses distributeurs, dès lors que ces derniers n'expriment pas de désaccord et poursuivent leurs relations commerciales avec le fournisseur (voir en ce sens, CJCE, 17 septembre 1985, Aff. jointes 25/84 et 26/84, Ford - Werke AG et Ford of Europe Inc., points 20 et 21 ; CJCE, 11 janvier 1990, aff. C-277/87, Sandoz, point 10 à 12 ; Déc. Comm. n° 37.975 PO, Yamaha, point 87).
259.Au cas particulier, il a été établi aux paragraphes 241 et suivants du présent arrêt que le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX » s'apparentait à une circulaire venant compléter la clause 12 des contrats, en informant les partenaires du « Programme Partenaire MOBOTIX » ' distributeurs et revendeurs-installateurs ' des objectifs et de l'organisation de ce « programme » et en détaillant, en particulier, les processus que l'appartenance au réseau de distribution de MOBOTIX leur imposait d'appliquer, tels que le « programme de prix public minimum » et les « procédures requises ».
260.C'est en vain que les requérantes arguent de leur méconnaissance de ce document essentiel, figurant sur le site internet MOBOTIX et portant sur le fonctionnement même du réseau de distribution MOBOTIX.
261.La Cour considère qu'ACTN et BE IP ne pouvaient pas ignorer l'existence de ce document et du détail du « Programme Partenaire MOBOTIX » qu'il décrit, quoi qu'en ait dit le représentant de BE IP, dans la mesure où ils étaient contractuellement tenus de participer à ce programme aux termes de la clause 12.1. La Cour rappelle également que la clause 12.4, qui prévoyait que les remises versées par MOBOTIX aux distributeurs AMD représentaient notamment une contrepartie suffisante pour leurs obligations à l'égard de ce programme, constituait une incitation supplémentaire à la participation et au respect du « Programme Partenaire MOBOTIX ».
262.De surcroît, la Cour relève que cette circulaire comporte le même intitulé que celui de la clause 12 des contrats, qui évoque successivement les obligations des distributeurs à l'égard du « Réseau international de partenaires » (contrats du 1er octobre 2012), puis du « Programme Partenaire MOBOTIX » (avenants BE IP de 2014 et ACTN de 2016), ce qui participe à illustrer le lien existant entre ce document et les contrats en cause.
263.La Cour relève, au surplus, qu'il ressort de la pièce 10 versée au dossier de la Cour par ACTN, intitulée « mail de MBTX aux installateurs », qu'à l'occasion de ses premiers contacts par courriel avec un revendeur-installateur manifestant son intention de rejoindre le « Programme Partenaire MOBOTIX », le directeur commercial et développement de MOBOTIX adressait au candidat un courriel type comportant un lien vers une « Brochure MxGPN » :
264.Il s'infère de ce document que les revendeurs-installateurs recevaient de MOBOTIX, au moment de leur inscription auprès du fabricant en tant que « partenaire MOBOTIX », deux « liens importants d'information » les renvoyant à des documents figurant sur le site Internet www.mobotix.com, en particulier à un document destiné à leur permettre de « découvrir en détail [le] 'Programme des Partenaires Internationaux MOBOTIX' » et « de bien le comprendre » dont il est permis de penser qu'il s'agissait du document intitulé « Réseau international des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX ».
265.Par suite, BE IP et ACTN que MOBOTIX rendaient destinataires de ses échanges avec les revendeurs-installateurs désireux de participer au « Programme Partenaire MOBOTIX », ne sauraient sérieusement soutenir qu'ils n'avaient pas connaissance de ce document, dont MOBOTIX elle-même souligne l'importance, et ce d'autant qu'ils ont vraisemblablement reçu le même lien au moment de leur enregistrement auprès de MOBOTIX en tant que distributeur AMD et que ce document, compte tenu de son importance, devait figurer dans l'espace personnel qui leur était réservé sur ce site. À cet égard, à la cote 2786, un courrier du 19 décembre 2012 adressé par MOBOTIX à BE IP montre que ce compte personnel dont bénéficiait les partenaires dans la « Section Partenaire MOBOTIX » recélait notamment la « documentation » du fabricant.
266.L'argument de MOBOTIX tenant à la suppression de ce document de son site internet en 2019 est inopérant, dès lors qu'un retrait de ce site n'implique pas nécessairement le retrait du document des « espaces partenaires », comme en témoigne le maintien de la liste des prix de détail établie par MOBOTIX dans l'espace réservé à chacun des partenaires référencés après leur retrait du site internet, de l'aveu même de MOBOTIX (page 30 du mémoire de MOBOTIX du 22 mai 2023).
267.En tout état de cause, la présence de ce document sur le site internet jusqu'en 2019, et donc pendant la majeure partie de la période des pratiques en cause, suffit à établir la connaissance de ce document, et donc du fonctionnement et des finalités du « Programme Partenaire MOBOTIX », par les distributeurs, qui ont continué à entretenir des relations commerciales avec MOBOTIX pendant cette période et postérieurement au retrait évoqué par MOBOTIX.
268.Il y a lieu de souligner que, si ACTN soutient que ce document n'a été établi par MOBOTIX qu'en 2016 (période correspondant aux constatations des enquêteurs de la DGCCRF), et donc postérieurement à la signature des contrats de distribution, le fabricant lui-même n'invoque pas cet argument.
269.Quoi qu'il en soit, l'argument tenant à l'inexistence du document intitulé « Réseau international des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX » avant 2016 est inopérant, dès lors que le courriel précité, daté du 25 février 2013, évoque déjà une brochure explicative du « GPN » de MOBOTIX et les termes de ce courriel, ainsi que l'intitulé même du document, sont à rapprocher de ceux de la clause 12 des contrats de 2012, évoquant le « Réseau international de partenaires de MOBOTIX » (« GPN »).
270.Il s'infère de ce qui précède que ce document s'insérait dans les relations contractuelles que MOBOTIX entretenait avec ses distributeurs.
271.L'acquiescement de BE IP et ACTN résulte donc non seulement de la signature des contrats noués avec MOBOTIX, mais aussi de la circonstance qu'au cas particulier, l'admission dans le réseau de distribution MOBOTIX impliquait que ces distributeurs acceptent, même implicitement, la politique de distribution du fabricant, et donc les termes de ce document, spécialement ceux portant sur le « Programme de prix public minimum » et sur les niveaux de marge constants et définis, garantis par MOBOTIX.
272.Ainsi, les développements qui précèdent démontrent l'existence d'une concertation entre MOBOTIX et ses distributeurs BE IP et ACTN visant à limiter la concurrence par les prix.
273.Cette démonstration résultant, de manière claire et non équivoque, de la réunion de preuves documentaires combinées entre elles, il ne sera procédé à l'étude des preuves additionnelles de nature comportementale qu'à titre surabondant.
b. Sur les éléments comportementaux
Sur les éléments relatifs à la détermination des « conditions d'accès et autres conditions »
274.À titre surabondant, la Cour considère que les éléments comportementaux versés à son dossier confirment l'existence d'une concertation entre MOBOTIX et ses distributeurs BE IP et ACTN visant à limiter la concurrence par les prix.
275.S'agissant des éléments testimoniaux, il ressort, d'abord, des déclarations recueillies au cours de l'enquête administrative que les distributeurs, à l'occasion de chaque commande, déterminaient les prix de revente des produits MOBOTIX en déduisant le montant de la remise prévue à l'annexe D3 et communiquée par le fabricant, des prix de vente conseillés par MOBOTIX pour ces produits.
276.À cet égard, la Cour relève qu'au cours de son audition du 1er mars 2016, le directeur général d'ACTN a déclaré : « Avant de livrer un nouveau client, nous devons nous assurer auprès du fournisseur [MOBOTIX] qu'il nous donne son autorisation pour ce faire. Dans le même temps, notre fournisseur nous informe du montant de remise que nous pouvons accorder à ce client. Ainsi un AMP (partenaire avancé) bénéficie par rapport aux prix de vente conseillés par MOBOTIX d'une remise de 27 %, le CMP (partenaire certifié) bénéficie d'une remise de 23 %, le RMP (partenaire enregistré) d'une remise de 20 % » (cote 2984, reproduite au paragraphe 71 de la décision attaquée ' soulignement ajouté par la Cour).
277.De même, le président de BE IP a indiqué, lors de son audition du 1er mars 2016 : « les revendeurs-installateurs sont enregistrés auprès du fabricant MOBOTIX qui définit leur catégorie de vente et transmettent les informations aux grossistes ; les catégories varient en fonction des niveaux de chiffre d'affaires attendus, du niveau technique du partenaire et de l'investissement qu'il souhaite mettre sur la marque ; à l'occasion des commandes d'un client, nous savons à quelle catégorie il appartient et à quelles conditions commerciales il peut prétendre » (cote 190, reproduite au paragraphe 71 de la décision attaquée - soulignement ajouté par la Cour).
278.Ainsi, il résulte des déclarations de ces distributeurs que la procédure d'enregistrement des revendeurs-installateurs au « Programme Partenaire MOBOTIX » avait principalement pour objet la détermination par MOBOTIX du niveau de remise qui devait leur être octroyé par les distributeurs (en ce sens également, cote 396, audition de CONFIG du 9 novembre 2007 : « cet agrément permet seulement de déterminer le montant de remise [à] accorder à un client »).
279.Quant aux revendeurs-installateurs, ils évoquent le rôle central exercé par MOBOTIX, d'abord au stade de la procédure d'enregistrement (cote 1029, Espace sécurité GDJ, audition du 26 octobre 2016 : « Préalablement au premier achat, j'ai été agréée par la société MOBOTIX. Pour ce faire, j'ai rempli un formulaire qui a été adressé au fournisseur »), puis dans la détermination des remises prévues au tableau de l'annexe D3 des contrats (cote 1135, TECHNOSTORAGE, audition du 28 novembre 2016 : « pour les remises, nous recevons des propositions qui sont faites par le fournisseur au cas par cas. Les discussions se font de gré à gré et il n'existe une certaine souplesse que pour les affaires importantes »).
280.Force est de constater que les remises attribuées aux revendeurs-installateurs étaient fixées par MOBOTIX en fonction de la catégorie à laquelle ils appartiennent, comme en attestent les déclarations de plusieurs revendeurs-installateurs, étant précisé que des variations existaient au sein d'une même catégorie, comme le montrent les déclarations des revendeurs-installateurs AMP tels que la société MAIANO informatique (cote 815, audition du 30 janvier 2014 : « nous bénéficions d'une remise de 27 % sur le tarif et cette remise constitue notre marge. Le montant de la remise (et donc de la marge) dépend de la classification de l'installateur. La société Mariano est installateur AMP (installateurs partenaires) », de la société SECURICOM qui évoque « l'existence de 30 % de remise sur les tarifs publics » (cote 886, audition du 7 novembre 2016), et de la société SES dont le représentant a précisé que « [son] taux de marge sur les produits MOBOTIX [était] en général de 27 points brut » (cote 1050, audition du 16 décembre 2016), c'est-à-dire de 27 % sur les prix publics recommandés par MOBOTIX.
281.De même, un revendeur tel qu'Espace sécurité GDJ, dont le statut a évolué de RMP en CMP indique : « En tant que RMP, il me semble que je bénéficiais d'une remise de 15 % sur le prix public conseillé ce qui est très peu. En ayant le statut de CMP, je bénéficie d'une remise de 20 % sur ledit prix public » (cote 1029).
282.Il s'infère de ces déclarations que le niveau de remise octroyé à un revendeur par MOBOTIX était corrélé au niveau d'engagement auquel le revendeur acceptait de souscrire, en sorte que les remises accordées aux revendeurs-installateurs appartenant à la catégorie AMP étaient les plus élevées.
283.Si les revendeurs-installateurs AMP entendus ont évoqué des taux différents (27 % et 30 % selon les revendeurs-installateurs AMP entendus), démontrant ainsi une certaine diversité des taux au sein d'une même catégorie de revendeurs-installateurs, il n'en demeure pas moins que ces taux restent voisins et marquent une nette différence avec les taux attribués aux CMP et RMP (respectivement 20 % et 15 % de remise, dans le cas d'Espace sécurité GDJ).
284.Il se déduit de la variété des taux évoqués par les revendeurs-installateurs et de l'existence de « discussions de gré à gré » menées par MOBOTIX avec les revendeurs-installateurs souhaitant intégrer le « Programme Partenaire MOBOTIX », que l'échelle des remises communiquée par le directeur général d'ACTN lors de son audition du 1er mars 2016 (ci-après « l'échelle ACTN ») ' qui confirme la progressivité des remises octroyées aux revendeurs-installateurs selon leur classement en RMP, CMP ou AMP ' ne saurait constituer l'unique paramètre de référence pour l'analyse des factures produites.
285.S'agissant des discussions entre MOBOTIX et les revendeurs-installateurs souhaitant adhérer au « Programme Partenaire MOBOTIX », il y a lieu de souligner que les revendeurs-installateurs ont fait état de conditions commerciales strictes imposées par MOBOTIX, qui ne souffraient que de peu d'aménagements : le gérant de la société SECURICOM explique au cours de son audition du 7 novembre 2016 qu'il a pu bénéficier d'une remise complémentaire accordée par le fabricant sur les achats intervenus, seulement à l'occasion d'un « gros marché avec l'hôtel George V, ainsi que Veolia/Transdev » et précise qu'il ne réalise aucune promotion ou écoulement de stock et qu'il ne bénéficie d'aucune remise de fin d'année de la part de MOBOTIX (cotes 885 et 886).
286.Il en ressort que, loin de disposer du fort pouvoir de négociation que leur prêtent MOBOTIX et ACTN, les revendeurs-installateurs ne bénéficiaient que de marges de négociation très restreintes sur le niveau des remises auquel ils pouvaient prétendre et que celles-ci n'étaient majorées par MOBOTIX que lorsque le revendeur pouvait se prévaloir de marchés conséquents, comme le confirment les déclarations du revendeur TECHNOSTORAGE, qui précise que MOBOTIX ne fait montre « [d]'une certaine souplesse que pour les affaires importantes » (cote 1135). Selon le représentant d'ACTN, il « existe des remises supplémentaires pour projets qui vont de 1 % à 3 % » (cote 112).
287.Il se déduit des déclarations des dirigeants entendus ' auxquelles il y a lieu de reconnaître une crédibilité particulièrement élevée, s'agissant de déclarations cohérentes, précises et concordantes, faites au nom de chaque entreprise entendue et provenant de personnes tenues d'agir dans l'intérêt de leur entreprise et témoins directs des circonstances qu'elles rapportent ' qu'ACTN et BE IP ont accepté d'ajuster leur comportement sur le marché en fonction des stipulations qu'elles s'étaient engagées contractuellement à respecter et des éléments tarifaires déterminés par MOBOTIX.
288.L'acquiescement de BE IP et ACTN à la politique de prix mise en place par MOBOTIX est donc solidement établi.
289.L'analyse des éléments testimoniaux ne saurait être remise en cause par les trois séries d'éléments produits par les requérantes.
290.Concernant les factures produites par BE IP et ACTN, la Cour constate qu'ACTN et BE IP ont chacune produit un tableau recensant des exemples de remises accordées à leurs clients ' pour la plupart distinctes des remises figurant dans le tableau du rapport administratif de la DGCCRF (cote 34) ' ainsi que les factures y afférentes. Il s'agit, pour ACTN, de 323 exemples de remises provenant de 60 factures (pièce ACTN n° 9 - cotes 6456 à 6592) et, pour BE IP, de 16 exemples de remises provenant chacune d'une facture différente (pièces n° 6.1 à 6.16 - cotes 6196 et 6232 à 6337).
291.L'analyse de ces pièces révèle des biais méthodologiques dans les choix opérés par BE IP et ACTN.
292.D'abord, ces distributeurs n'ont pas précisé les critères ayant présidé au choix des factures dont les exemples de remises ont été extraits. La Cour observe, au demeurant, que le nombre de factures retenues varie sensiblement selon les années (à titre d'illustration, pour ACTN, 6 factures en 2012 contre 119 factures en 2019 et pour BE IP, aucune facture en 2012 et 2014 et 6 en 2017).
293.Ensuite, il y a lieu de relever également que les factures sélectionnées ne sont pas reportées intégralement dans les tableaux d'analyse produits par les deux distributeurs, sans que les critères sous-tendant la sélection opérée dans chaque facture ne soient précisés.
294.Ainsi, BE IP n'a extrait qu'un seul exemple de chacune des factures produites. Quant à ACTN, plusieurs exemples montrent que le distributeur a sélectionné dans les factures produites les lignes faisant apparaître la remise la plus forte :
' ACTN ne retient de la facture n° 630677 que la ligne stipulant une remise de 30 % pour le produit référencé MX-Q24M-SEC-D11, ignorant une autre ligne de cette facture qui indique une remise de 20 % pour ce même produit (facture à la cote 6467) ;
' de la facture n° 580624, ACTN retient un seul exemple de remise à 35 %, pour un produit référencé MX-S14D-SET3, sans reporter dans son tableau deux exemples de remises de 25 % appliquées à un autre produit, référencé MX-Q24M-SEC-D11 (le calcul du taux de 25 % a été réalisé par la Cour à partir du prix public indiqué pour ce produit à la 5ème ligne du tableau ACTN figurant à la cote 6456 ; voir également la facture à la cote 6458) ;
' de la facture n° 645022, ACTN ne retient qu'un seul exemple de remise à 30 % pour le produit MX-Q24M-SEC-N11 alors qu'un autre produit, référencé MX-4M-EC- D11 et faisant l'objet d'une remise de 20 %, n'est pas sélectionné (voir ligne 1 du tableau à la cote 6463 et la facture à la cote 6464) ;
' ACTN retient la totalité des 8 lignes de la facture n° 706694 portant sur des produits MOBOTIX, qui présentent toutes un niveau de remise de 70 % (voir tableau cote 6542 et facture cote 6551), alors qu'elle ne tire qu'un seul exemple de remise à 29 % des 36 lignes de la facture n° 700504 (voir tableau cote 6542 et facture cote 6549).
295.Il s'en déduit que la méthodologie employée par ACTN conduit à une surreprésentation des taux de remise élevés.
296.L'examen des 21 remises les plus importantes accordées par ACTN, allant de 50 à 99 %, montre le caractère exceptionnel de ce type de taux et conforte cette analyse. Ainsi, 19 de ces 21 remises sont intervenues dans une période de temps très courte ' du 28 décembre 2018 au 29 mars 2019 (factures numéros 706694, cote 6551 ; 708440, cote 6582 ; 708648, cote 6583 ; 708650, cote 6580 et 709059, cote 6564) ' et correspondent, à tout le moins pour le revendeur Milex, à des promotions exceptionnelles (voir les factures Milex n° 708440, cote 6582, et n° 708648, cote 6583, portant la mention « PROMO STOCK, 60 DAYS FOR PAYMENT », d'où sont tirées 5 exemples de remise à 61 %).
297.En outre, la Cour observe qu'ACTN accorde la même pondération à toutes les lignes de son tableau d'analyse, quel que soit le montant auquel la remise s'applique, ce qui entraîne une surestimation de la moyenne des remises appliquées.
298.L'analyse de la facture n° 672146 (cote 6499) dont les quatre lignes suivantes sont toutes retenues par ACTN, en donne l'illustration :
' une remise de 99 % appliquée à un achat de 15 articles à 10 euros l'unité, soit un total de 150 euros ;
' une remise de 35 % appliquée à un achat de 26 articles à 198 euros l'unité, soit un total de 5 148 euros ;
' une remise de 32 % appliquée à un achat de 41 articles à 78 euros l'unité, soit un total de 3 198 euros ;
' une remise de 30 % appliquée à un achat de 41 articles à 3 998 euros l'unité, soit un total de 163 918 euros.
299.Il en résulte que la moyenne des taux de ces quatre remises s'élève à 49 %, alors que leur moyenne pondérée, c'est-à-dire rapportée aux montants auxquels elle s'applique, n'est que de 30 %, ce qui correspond en réalité à la remise la plus faible appliquée au montant le plus élevé.
300.La méthodologie employée par ACTN pour l'exploitation de cette facture aboutit donc à une surestimation de la remise octroyée sur les achats qu'elle comporte de près de 19 points de base.
301.Par ailleurs, ACTN et BE IP relèvent la variété des taux des remises appliquées à leurs revendeurs-installateurs indépendamment de leur statut, sans en expliquer aucunement les raisons.
302.Or, il ressort de l'examen des factures que les différences soulignées par ces requérantes sont susceptibles de tenir notamment aux caractéristiques de certains produits. Il y a lieu de relever, en effet, que les remises élevées pratiquées par ACTN, en particulier pendant le déstockage de mars 2019, concernent spécialement les produits portant la référence S-15D-SEC, vendus à partir de 2014 avec un taux de remise compris entre 30 % et 53 % (voir ligne 4 du tableau de la cote 6475) et les produits dont la référence se termine par AUD, vendus à partir de 2015 avec un taux de remise entre 41% et 67 % (voir ligne 12 du tableau cote 6494).
303.Ces différences sont également susceptibles de s'expliquer par le profil commercial propre à chacun des revendeurs-installateurs bénéficiant des remises les plus importantes, dont MOBOTIX pouvait tenir compte dans le cadre de ses échanges bilatéraux avec eux.
304.À cet égard, la Cour observe que cinq des douze clients cités par ACTN bénéficient de taux de remise beaucoup plus importants que les neuf autres (MILEX, treize exemples de remises de 61 % à 67 % ; ID+, cinq exemples de 27 % à 41 % ; IPAC, six exemples de 24 % à 52 % ; SECURICAM, deux exemples à 40 % ; et 2TC TECHNOLOGIES, trois exemples à 40 %). En enlevant les 29 exemples tirés des factures de ces cinq revendeurs-installateurs, la fourchette des remises accordées par ACTN à ses revendeurs-installateurs AMP passe de [34 % à 39 %] à [29 % à 31 %], se resserrant ainsi autour de 30 %.
305.S'agissant de BE IP, le nombre restreint des remises figurant dans son tableau d'analyse et des factures versées au dossier ne peut que limiter la représentativité de l'échantillon produit et ne permet pas le même degré d'analyse que celui des factures ACTN.
306.Il s'infère de l'ensemble de ces constatations qu'un doute sérieux pèse sur la représentativité des exemples sélectionnés par ACTN et BE IP.
307.En tout état de cause, l'analyse des données produites par les distributeurs, réalisée sans correction des biais identifiés, montre que les remises moyennes octroyées par ACTN et BE IP à leurs clients augmentent à mesure que le niveau de partenariat MOBOTIX s'élève, dans les proportions suivantes :
Tableau : Remises moyennes octroyées par ACTN et BE IP à leurs clients
selon les éléments produits
Niveau de partenariat MOBOTIX
Echelle ACTN
Distributeur
Remise moyenne octroyée selon les factures
AMP
27 %
ACTN
[34 % à 39 %]
BE IP
[31 % à 33 %]
CMP
23 %
ACTN
[32 % à 34 %]
BE IP
[13 % à 39 %] Echantillon non représentatif
RMP
20 %
ACTN
[29 % à 32 %]
BE IP
[23 % à 28 %]
Source : tableau réalisé par la Cour à partir des tableaux des remises fournis par ACTN et BE IP ' calculs effectués par la Cour selon un intervalle de confiance de 95 %.
308.Si ces fourchettes présentent des taux supérieurs à ceux de l'échelle ACTN, elles en conservent toutefois la structure et illustrent le lien existant entre le niveau des remises octroyées et le niveau de partenariat du revendeur.
309.La Cour ajoute que ces taux, corrigés des biais relevés précédemment, ne pourraient être que plus proches de l'échelle ACTN.
310.ACTN se borne, par ailleurs, à faire valoir que la preuve de ce qu'elle aurait pratiqué des taux de remise supérieurs à l'échelle évoquée par son directeur général résulterait de la circonstance que les marges réalisées sur les produits MOBOTIX pendant la période des pratiques sont inférieures à 20 %, sans préciser son raisonnement, ni les calculs sous-jacents.
311.Or, la Cour relève d'une part, que la marge obtenue par ACTN ne résulte pas uniquement des ventes réalisées auprès des revendeurs-installateurs RMP, CMP et AMP mais reflète également celles réalisées auprès des UMP, sur lesquelles le distributeur ne donne aucune précision.
312.La Cour observe, d'autre part, que cette marge dépend non seulement du prix de vente des produits aux revendeurs-installateurs, calculé après application du taux de remise octroyé à chacun, mais aussi du prix d'achat des produits à MOBOTIX, calculé après déduction des remises accordées au distributeur.
313.Il s'ensuit que la marge obtenue par ACTN ne saurait être déduite directement des taux de remise octroyé aux revendeurs-installateurs et que l'octroi de remises d'au moins 20 % ne saurait démontrer à lui seul que la marge réalisée par le distributeur était supérieure à cette valeur.
314.Ainsi, la considération d'un seuil de marge de 20 % avancée par ACTN ne peut s'expliquer que par des éléments qui n'ont pas été portés à la connaissance de la Cour et ne saurait donc être retenue pour démontrer l'application de taux de remise supérieurs à ceux de l'échelle ACTN.
315.En tout état de cause, la Cour souligne qu'il n'est pas reproché aux distributeurs d'avoir appliqué strictement l'échelle ACTN, mais d'avoir accepté de voir leur liberté tarifaire, et partant celle de leurs clients, restreinte par MOBOTIX.
316.Or, s'il ne peut être exclu que BE IP et ACTN aient parfois pratiqué des prix de revente tenant compte de remises supérieures à celles décidées par MOBOTIX pour leurs clients, il ne saurait être sérieusement soutenu, au vu de ce qui précède, qu'elles étaient libres de fixer leurs prix et qu'elles ont appliqué, sans considération du statut de leurs clients, des niveaux de remise éloignés de ceux définis par MOBOTIX.
317.Au contraire, les éléments produits confirment que BE IP et ACTN ont, conformément aux indications données par MOBOTIX, accordé à leurs clients AMP des remises supérieures à celles octroyées aux CMP, lesquelles étaient supérieures à celles dont bénéficiaient les RMP (voir paragraphe 307 ci-dessus).
318.Il n'importe, au demeurant, que d'autres critères que le statut des clients, tels que la nature et l'ancienneté des produits, puissent également entrer en ligne de compte dans la détermination des remises accordées aux revendeurs-installateurs, dès lors qu'il n'est pas contesté que MOBOTIX accorde ponctuellement aux distributeurs l'autorisation d'organiser des opérations promotionnelles sur certains produits (voir les déclarations de CONFIG au paragraphe 325).
319.Concernant les remises de fin d'année, la Cour observe que les déclarations de plusieurs des revendeurs-installateurs entendus excluent l'octroi par MOBOTIX de remises de fin d'année. Ainsi, SECURICOM déclare : « MOBOTIX n'accorde pas de remises de fin d'année, quels que soient les volumes traités » (cote 886), et SES explique : « Nous avons des remises de fin d'année avec ACTN mais pas sur les produits MOBOTIX » (cote 1050).
320.Quant aux trois documents, intitulés « Remise de fin d'année » (RFA), adressés par BE IP au revendeur SPIE ICS, il y a lieu de relever que les deux premiers mentionnent des remises de 2,5 % du chiffre d'affaires jusqu'à 1 500 000 ' et de 2,75 % au-delà de ce montant, étant précisé que le troisième document ne détaille pas le taux de la remise octroyée au revendeur (cotes 6332 à 6337, annexe 119).
321.Force est de constater que BE IP n'a pas précisé les conditions applicables à ses échanges commerciaux avec le revendeur SPIE ICS, telles que le taux de remise habituellement octroyé par BE IP, et n'a pas fourni d'exemples de factures illustrant la nature de sa relation commerciale avec ce revendeur, en sorte qu'il ne saurait être inféré de ces trois documents isolés que BE IP fixait les remises octroyées à ses revendeurs-installateurs selon les modalités de son choix, contrairement à ce qu'elle prétend.
322.Concernant les promotions, il ressort clairement des termes de la clause 10 du contrat conclu par MOBOTIX avec les distributeurs ACTN et BE IP en 2012, intitulée « Promotion des ventes » (reproduite aux paragraphes 58 et 59 du présent arrêt auquel la Cour renvoie), que cette clause impose uniquement à ces derniers de mettre en 'uvre des actions de promotion, telles que des « activités de marketing » (clause 10.1) ou des « événements commerciaux trimestriels pour promouvoir les produits » (clause 10.6), et non d'organiser des promotions sur les produits, comme les requérantes le font valoir.
323.De surcroît, les avenants aux contrats de BE IP et d'ACTN, pris respectivement en 2014 et en 2016, ont précisé que les distributeurs devaient, au titre de la « promotion des ventes » prévue par la clause 10, organiser notamment « des évènements ['] pour augmenter le nombre de revendeurs-installateurs », et « des publicités, des activités de relations publiques et de marketing », afin d'améliorer la notoriété de la marque MOBOTIX.
324.C'est donc à juste titre que l'Autorité a retenu, au paragraphe 210 de la décision attaquée, que la clause 10 concernait l'action promotionnelle des distributeurs AMD et ne les soumettait aucunement à l'obligation d'effectuer des ventes promotionnelles.
325.Il a néanmoins été précisé par le distributeur CONFIG lors de son audition : « il arrive que MOBOTIX organise des opérations promotionnelles sur certains modèles en consentant une remise supplémentaire avant une date déterminée » (cote 398), ce qui rend vraisemblable l'organisation ponctuelle de ventes promotionnelles par les distributeurs AMD, avec l'autorisation du fabricant.
326.Si le rapport administratif a pu relever qu'en octobre 2015, BE IP avait réalisé une opération de déstockage pour laquelle elle avait, selon les déclarations de son représentant, directement fixé les niveaux de remise, il souligne, par ailleurs, que cette opération concernait seulement 27 références sur plus de 1 000 correspondant à « de vieux modèles » et visait « uniquement les revendeurs-installateurs du réseau » et relève que BE IP ne réalisait « pas plus d'une opération de déstockage par an » (Rapport d'enquête administrative, cote 35).
327.BE IP, qui conteste dans ses écritures les déclarations de son représentant de l'époque, en ce qu'elles évoquent une opération limitée à l'écoulement « de vieux modèles » (cote 2984), manque toutefois à établir qu'elle pratiquait régulièrement et librement, sans incitation ou validation de MOBOTIX, des opérations promotionnelles et qu'elle proposait, à ces occasions, des remises importantes sur les produits MOBOTIX.
328.Les différents supports de communication reproduits par BE IP dans ses écritures se résument ainsi :
Tableau des promotions invoquées par BE IP
Dates des promotions
Type de remise
« jusqu'au 28 février 2015 » (pièce 5.2)
« MOBOTIX Mono-Domes » « - 10 % sur tous les modèles »
« MOBOTIX Dual 6MP » « - 10 % sur tous les modèles »
« jusqu'au 31 décembre 2017 » (pièce 5.4)
« Pour l'achat d'une caméra [MOBOTIX] M15 ou S15, BE IP vous offre les capteurs 5MP » « 5 Mégapixels offerts »
« 2018 » (pièce 5.5)
« Votre nouvel espace déstockage constamment disponible sur notre site web »
« Mobotix, Cambium et autres marques : Cliquez ici »
« jusqu'au 31 décembre 2019 » (pièce 5.9)
« Promotions de 40 à 70 % de remise sur les produits MOBOTIX »
Pas de date (pièce 5.3)
« jusqu'à 80 % de remise » «cliquez ici pour obtenir la liste » : les produits MOBOTIX ne sont pas directement visés
Pas de date (pièce 5.6)
« Promotion MOBOTIX » « - 40 % sur les modèles x15/x25 »
Pas de date (pièce 5.7)
« MOBOTIX Mx5 à -50 % »
Pas de date (pièce 5.8)
« Jusqu'à -37 % sur MOBOTIX »
Source : supports de communication reproduits au § 161 du mémoire de BE IP du 22 mai 2023 et pièces BE IP
329.Il en ressort que 1) seuls trois des huit exemples donnés mentionnent une date, avec un écart temporel de presque trois ans entre les deux premières opérations et de deux ans entre la deuxième et la troisième opération (28 février 2015, 31 décembre 2017 et 31 décembre 2019), 2) ces promotions portaient sur des modèles précis et limités et 3) l'un des supports ne fait pas mention du niveau de remise qui s'appliquerait aux produits MOBOTIX.
330.Au vu des considérations qui précèdent, la Cour considère qu'aucun des éléments produits par les requérantes ne vient établir la liberté tarifaire dont ACTN et BE IP se prévalent, qu'il s'agisse des ventes promotionnelles ou des remises alléguées, ni contredire l'existence d'une procédure d'enregistrement des revendeurs-installateurs souhaitant faire partie de son réseau de partenaires, au cours de laquelle le fabricant communiquait à BE IP et ACTN le niveau de remise applicable aux échanges commerciaux avec leurs clients, et l'application significative, par ces distributeurs des conditions tarifaires définies par MOBOTIX, corrélées aux statuts d'AMP, de CMP et de RMP.
331.De même, les éléments comportementaux confirment l'existence du second pilier du système MOBOTIX, à savoir l'uniformisation de l'affichage des prix de détail conseillés, complétant ainsi le premier pilier constitué par l'organisation de la « cohérence des informations communiquées sur les produits », en ce compris celles relatives aux « prix public minimum » sur le marché de détail (paragraphe 248 du présent arrêt).
Sur les éléments afférents à la perception des prix de détail conseillés par revendeurs-installateurs
332.Aux termes de leurs écritures, les requérantes font valoir, en se référant notamment à l'arrêt Apple précité, que les prix publics, assimilés à des prix conseillés, ne sont pas restrictifs de concurrence dès lors qu'ils induisent l'imposition d'un prix maximal et que les prix diffusés n'ont pas été perçus comme des prix imposés.
333.Concernant les prix de détail déterminés par les revendeurs-installateurs AMP, force est de constater que tous les revendeurs-installateurs AMP entendus avaient connaissance des prix conseillés par MOBOTIX (audition de BE IP, cote 2984 ; audition d'ACTN, cote 112 ; auditions des revendeurs-installateurs précitées), qu'ils n'affichaient pas d'autres prix que ceux-ci et, surtout, qu'ils les appliquaient aux consommateurs finals (cote 1135, audition de TECHNOSTORAGE : « Nous fixons les prix de nos produits en fonction des prix publics conseillés affichés sur le net par MOBOTIX auxquels tout le monde a accès. ['] Dans la mesure où MOBOTIX n'a pas de vrai concurrent, nous ne nous interrogeons pas beaucoup sur l'application de leurs tarifs. Nous les appliquons tels qu'ils les publient »; cote 815, audition de MAIANO : « Nous revendons les produits MOBOTIX au prix public conseillé par la marque » ; cote 886, audition de SECURICOM : « Nos prix de vente pour les produits MOBOTIX sont fixés par rapport aux tarifs publics diffusés par MOBOTIX »).
334.Si les AMP revendaient les produits MOBOTIX aux prix de détail conseillés, les revendeurs-installateurs qui se voyaient attribuer un statut inférieur à celui d'AMP, et donc des taux de remise en conséquence, étaient conduits à pratiquer parfois des prix supérieurs aux prix de détail conseillés. Ainsi, la société Espace Sécurité GDJ, qui en tant que RMP puis CMP n'a bénéficié successivement que de 15 % et 20 % de remise, indique vendre les produits MOBOTIX au-dessus des prix de détail conseillés : « En fait, il est difficile de respecter le prix public conseillé. Je vends souvent au-dessus de ce prix. Je ne sais pas si j'ai le droit de vendre en-dessous de ce prix » (cote 1029).
335.BE IP confirme que le niveau des remises consenties aux revendeurs-installateurs rendait difficile la détermination par les revendeurs-installateurs d'un prix de détail inférieur aux prix de détail conseillés : « les niveaux de remises consentis aux revendeurs-installateurs à l'achat ne sont pas suffisants pour leur permettre de pratiquer des remises importantes par rapport aux prix publics » (cote 2984).
336.Il ressort donc de ces éléments testimoniaux que le niveau du prix auquel les revendeurs-installateurs achetaient les produits MOBOTIX, défini par l'application du taux de remise fixé par MOBOTIX aux prix de détail conseillés, était tel qu'ils n'étaient pas incités à revendre ces produits à un prix inférieur au prix de détail affiché.
337.En outre, il a été indiqué au cours de l'enquête administrative que, les prix étant connus, les revendeurs-installateurs pouvaient difficilement pratiquer des prix supérieurs aux prix conseillés par MOBOTIX (auditions ACTN, cote 112 ; SECURICOM, cote 886). Ces déclarations ne font que mettre en exergue le mécanisme anti-concurrentiel inhérent aux pratiques d'uniformisation de l'affichage des prix de détail, sans qu'il puisse en être déduit, comme le font les requérantes, que ces prix ont été considérés par les différents opérateurs comme des prix maximaux.
338.Les revendeurs-installateurs étaient donc soumis à la double contrainte d'un prix d'achat restreignant la possibilité de revendre les produits à un prix inférieur au prix de détail conseillé, et de l'uniformisation des prix de détail affichés, qui restreignait la possibilité de vendre les produits MOBOTIX très au-dessus des prix de détail conseillés, de sorte que les taux de remise définies par MOBOTIX constituaient, pour certains revendeurs-installateurs, la marge à laquelle ils pouvaient prétendre, ce que confirme les déclarations de SECURICOM : le « caractère public des tarifs empêche de faire varier les prix des matériels à la hausse. Nous n'accordons pas non plus de remise sur le prix des matériels, car elle serait prise sur notre marge de 30 % en dessous de laquelle nous ne pouvons pas descendre pour garantir notre équilibre financier. Cette marge accordée par MOBOTIX ne nous laisse pas de marge de man'uvre sur le niveau de fixation des prix » (souligné par la Cour, cote 886).
339.Il s'infère de ce qui précède que, loin d'être perçus comme des prix maximums, comme le soutiennent les requérantes, les prix conseillés par MOBOTIX étaient considérés comme des prix minimaux par les revendeurs-installateurs.
340.C'est donc à juste titre que la décision attaquée a retenu, en son paragraphe 219, que « cette entente a eu pour finalité de permettre à MOBOTIX, par le biais des obligations imposées à ses grossistes, d'inciter les revendeurs-installateurs à appliquer les prix de revente au détail communiqués par MOBOTIX ».
341.En conclusion, la Cour rappelle que, si le mode de preuve le plus généralement utilisé du concours de volontés en matière d'entente verticale sur les prix, en l'absence de preuves directes, s'articule autour d'un faisceau à trois branches, la preuve du concours de volontés peut également résulter d'autres indices, documentaires ou comportementaux, permettant d'établir l'invitation du fabricant à de telles pratiques et l'acquiescement des distributeurs à ces dernières.
342.En l'espèce, la preuve de l'existence d'un accord restreignant la liberté tarifaire des partenaires MOBOTIX est établie au moyen d'éléments documentaires, et par des éléments comportementaux précis, concordants et significatifs, que la Cour a exposés à titre surabondant.
343.Les éléments probatoires de l'espèce caractérisent à suffisance cet accord de volontés, sans qu'il soit besoin, au cas particulier, de rechercher l'existence d'une police ou d'une surveillance des prix par MOBOTIX.
344.En outre, c'est en vain que MOBOTIX reproche à l'Autorité de ne pas avoir effectué de relevés de prix, dès lors que la preuve d'une entente anticoncurrentielle est libre et qu'en l'espèce l'acquiescement des distributeurs a été établi par des moyens significatifs.
345.Le moyen sera donc rejeté.
B. Sur l'existence d'une restriction de concurrence par objet
346.La décision attaquée retient que MOBOTIX s'est entendue avec ses distributeurs AMD sur l'harmonisation de l'affichage des prix de revente de ses produits et que cette entente a eu pour finalité de permettre à MOBOTIX, par le biais des obligations imposées à ses grossistes, d'inciter les revendeurs-installateurs à appliquer les prix de revente de détail communiqués par MOBOTIX.
347.En exigeant une harmonisation des prix publiés par la quasi-totalité de ses distributeurs au stade de la vente en gros et par leurs clients revendeurs-installateurs au stade de la vente au détail, MOBOTIX a cherché à obtenir une uniformité des communications relatives aux prix de ses produits sur toute la chaîne de valeur et sur la totalité du territoire français, impliquant ainsi une diminution de la concurrence intra-marque entre grossistes et entre revendeurs-installateurs. Dans cette décision, l'Autorité a considéré que de telles pratiques étaient anticoncurrentielles par leur objet même.
348.Par ailleurs, les pratiques de prix imposés étant considérées comme des « restrictions caractérisées » au sens du règlement n° 330/2010, elles échappent à la règle de minimis prévue par la Communication concernant les accords d'importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence.
349.Les requérantes, quant à elles, contestent que les pratiques en cause puissent être qualifiées de restrictions par objet.
350.MOBOTIX reproche à l'Autorité d'avoir fait une interprétation extensive de la pratique décisionnelle et jurisprudentielle en affirmant que les clauses relatives à l'affichage et à la publicité des prix conduisent à fixer les prix de manière indirecte et soutient que la clause 12.5 ne constitue pas une clause interdite par objet. Elle considère que l'Autorité a déformé le sens de la clause 12.5, qui porte sur des prix de communication (« minimum advertised prices ») mais n'interdit pas de « pratiquer » d'autres prix que ceux-ci.
351.BE IP fait valoir que la décision Yamaha du 16 juillet 2003 de la Commission européenne et la décision de l'Autorité n° 07-D-06 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur des consoles de jeux et des jeux vidéo du 28 février 2007, visées par la décision attaquée, portent sur des pratiques de prix de revente imposés concernant des prix minimaux affichés en magasin et que, si ces pratiques sont restrictives de concurrence par objet, il en va différemment en l'espèce, s'agissant de prix minimaux affichés dans une relation entre un grossiste et ses revendeurs-installateurs, qui sont des professionnels bénéficiant de remises sur le prix affiché.
352.De même, ACTN considère que l'Autorité a fondé sa décision sur des références qui ne sont pas pertinentes, à savoir, d'une part, les deux décisions précitées qui concernent des faits différents de ceux de l'espèce et n'ont pas fait l'objet d'un recours, et, d'autre part, les lignes directrices sur les restrictions verticales, en particulier celles du 19 mai 2010 qui reconnaissent qu'une politique de prix imposés peut résulter d'une clause contractuelle fixant directement les prix de vente ' ce qui n'est pas le cas en l'espèce ' ou de moyens indirects figurant au § 48 de ces lignes directrices, qui ne correspondent pas aux faits de l'espèce.
353.Si les accords verticaux, passés entre plusieurs entreprises opérant à un niveau différent de la chaîne de distribution, sont, par leur nature, souvent moins nuisibles pour la concurrence que les accords horizontaux, ils peuvent, dans certaines circonstances, comporter un potentiel restrictif particulièrement élevé (voir, en ce sens, les arrêts de la CJUE du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429 ; du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C-32/11, point 43 ; du 18 novembre 2021, Visma Enterprise, C-306/20, point 61 ; CJUE Super Bock, précité, point 33).
354.Le critère juridique essentiel pour déterminer si un accord, qu'il soit horizontal ou vertical, comporte une restriction de concurrence par objet réside dans la constatation qu'un tel accord présente, en lui-même, un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence (voir, en ce sens, CJUE Super Bock, point 34, et la jurisprudence citée : les arrêts du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires, C-67/13, point 57 ; du 18 novembre 2021, Visma Enterprise, C-306/20, point 59).
355.Ainsi, afin d'apprécier si l'accord litigieux peut être considéré, par sa nature même, comme nuisible au bon fonctionnement du jeu de la concurrence et, de ce fait, comporter une restriction de concurrence par objet, il convient de s'attacher à la teneur de ses stipulations, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère (voir, en ce sens, les arrêts CJUE du 16 septembre 2008, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C-468/06 à C-478-06., point 58 ; du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C-333/21, point 165 ; du 29 juill. 2024, C-298/2, Banco BPN/BIC Português SA e.a., point 44).
356.Dans le cadre de l'appréciation dudit contexte, il y a également lieu de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question, sans qu'il importe qu'un tel élément relève ou non du marché pertinent (arrêts de la CJUE du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires, C-67/13, point 53 et 78, et du 2 avril 2020, arrêt du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C 228/18, points 51 et suivants).
357.Il convient également de prendre en compte, en tant qu'élément de contexte, la circonstance qu'un accord vertical de fixation de prix minimaux de revente est susceptible de relever de la catégorie des « restrictions caractérisées » au sens de 4 du règlement n° 330/2010 (CJUE, Super Bock, précité, point 38). La Cour rappelle, à cet égard, que l'article 4 du règlement n°330/2010 énonce que l'exemption par catégorie « ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet de restreindre la capacité de l'acheteur de déterminer son prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour le fournisseur d'imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n'équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l'effet de pressions exercées ou d'incitations par l'une des parties ».
358.Néanmoins, cette circonstance n'est pas de nature à exempter la Cour de procéder à l'appréciation du degré de nocivité de l'accord à l'égard de la concurrence, dès lors que les notions de « restriction caractérisée » et de « restriction par objet » ne sont pas conceptuellement interchangeables et ne coïncident pas nécessairement (CJUE Super Bock, précité, points 37 et suivants).
359.Il convient donc de procéder à un examen, au cas par cas, des restrictions exclues de l'exemption au regard de l'article 101§ 1 du TFUE (CJUE Super Bock précité, point 40).
360.Lorsque l'objet anticoncurrentiel d'un accord est établi à l'aune des critères précités, il n'y a pas lieu de rechercher ses effets sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêts CJUE du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C-345/14, EU:C:2015:784, point 20 ; du 21 décembre 2023, European Superleague Company, C 333/21, points 161 et 162 ; CJUE Super Bock, point 31).
361.Au cas particulier, il convient donc d'examiner la teneur des accords de distribution en cause, les objectifs qu'ils poursuivaient, puis le contexte juridique dans lequel ils s'inséraient, pour déterminer si, au regard de l'expérience acquise, ces accords présentaient un degré de nocivité suffisant à l'égard de la concurrence.
362.Concernant, en premier lieu, la teneur des stipulations contractuelles litigieuses et leurs objectifs, il ressort de l'examen des stipulations des accords en cause et des termes du document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX » que le fonctionnement du réseau MOBOTIX ne découle pas seulement de la clause 12.5 de ces contrats mais de la combinaison des différentes stipulations, qui prévoient, à la fois :
' la participation obligatoire des distributeurs AMD au « Programme Partenaire MOBOTIX » (clause 12.1 et annexe D3 des contrats) ;
' la participation « par tous les moyens possibles » des clients revendeurs-installateurs des distributeurs, selon une procédure et des conditions déterminées par MOBOTIX, prévoyant notamment l'octroi par les distributeurs de remises fixées en fonction du niveau de partenariat auquel le revendeur peut s'engager (clause 12.2, 12.3 et annexe D3) ;
' une obligation pour les distributeurs de promouvoir et développer le « Programme Partenaire MOBOTIX » sur tout le territoire (clause 12.4) ;
' une contrepartie aux obligations des distributeurs relatives au « Programme Partenaire MOBOTIX » constituée par les remises prévues à la clause 6 (clause 12.4) ;
' l'uniformisation de l'affichage des prix de détail conseillés par MOBOTIX, à travers l'obligation faite aux distributeurs de « respecter les instructions de MOBOTIX concernant les prix minimums affichés » (clause 12.5) ;
' un « programme de prix public minimum » dont l'objectif est de préserver l'intégrité du programme des partenaires du réseau MOBOTIX en veillant à la cohérence des informations communiquées sur les produits MOBOTIX (document relatif au « Réseau international des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires MOBOTIX », cote 100).
363.Ainsi, les distributeurs devaient à la fois, s'abstenir d'afficher des prix de détail inférieurs aux prix conseillés par MOBOTIX, veiller à l'exécution de cette même obligation par leurs clients revendeurs-installateurs et laisser MOBOTIX déterminer le statut de leurs clients, dont dépendait le niveau de remise qu'ils devaient leur attribuer.
364.Les obligations contractuelles pesant sur les distributeurs, relatives à l'uniformisation de l'affichage des prix conseillés et à l'octroi de remises aux revendeurs-installateurs selon leur niveau de partenariat, associées aux stipulations du « Programme Partenaire MOBOTIX » sur les niveaux de marges constants et définis garantis à tous les partenaires du réseau de distribution MOBOTIX, permettent de caractériser un système tendant à altérer la capacité des distributeurs à fixer le prix de revente des produits MOBOTIX et à limiter l'incitation des revendeurs-installateurs à se livrer une concurrence par les prix.
365.Au surplus, les éléments comportementaux exposés à titre surabondant démontrent que MOBOTIX déterminait non seulement le statut des clients de ses revendeurs-installateurs mais aussi le niveau de remise à leur appliquer, qui s'exprimait comme un pourcentage à déduire par les distributeurs du prix au détail de référence, pour déterminer leur prix de revente.
366.Il ressort de ces considérations que les contrats de distribution litigieux ont organisé de façon indirecte, à travers la combinaison de plusieurs clauses contractuelles en apparence indépendantes les unes des autres, mais en réalité interdépendantes, un système visant à restreindre la liberté tarifaire des partenaires MOBOTIX ' en particulier sur le marché de détail, contrairement à ce que soutiennent les requérantes ' tout en leur garantissant la consolidation d'une marge stable.
367.Il s'ensuit que les concertations en cause présentent des caractéristiques permettant de les rattacher à une pratique de prix imposés par des moyens indirects. C'est donc à juste titre que l'Autorité a retenu que MOBOTIX avait conféré aux prix de revente au détail minimums communiqués aux distributeurs le caractère de prix imposés (paragraphe 196 de la décision).
368.À cet égard, il résulte d'une jurisprudence constante que des accords qui visent à fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente, supprimant ou restreignant la liberté des revendeurs de déterminer effectivement ces prix, constituent des violations de la concurrence au regard de l'article 101, paragraphe 1, du TFUE et de l'article L. 420-1 du code de commerce (voir, en ce sens, CJCE, 25 oct. 1983, AEG Telefunken, aff. 107/82 CJCE, points 135 à 138 ; CJUE, 2 avril 2009, Pedro IV Servicios, aff C-260/07, point 78 ; Com. 7 oct. 2014, Kontiki, n° 13-19.476).
369.Ainsi, au regard de l'expérience acquise, les accords litigieux doivent être considérés, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence, nonobstant les singularités et la sophistication du dispositif en cause.
370.La circonstance, invoquée par certaines requérantes, selon laquelle les accords en cause auraient eu pour seul objectif de veiller à la cohérence de l'information relative aux produits MOBOTIX, est inopérante, dès lors qu'un tel objectif ne saurait constituer un objectif légitime pour restreindre la concurrence, ni justifier que ces accords ne relèvent pas de l'article 101, paragraphe 1.
371.Concernant, en deuxième lieu, le contexte économique et juridique, force est de constater, en l'espèce, qu'il ressort des considérations qui précèdent que les accords en cause ont pour objet de restreindre la capacité des acheteurs de déterminer leurs prix de vente et que, partant, ces accords relèvent de la catégorie des « restrictions caractérisées », au sens de l'article 4, sous a), du règlement n° 330/2010.
372.Cette constatation ne dispense pas néanmoins la Cour de procéder à un examen de la restriction exclue de l'exemption énoncée à l'article 2 du règlement n ° 330/2010, au regard de l'article 101, paragraphe 1, TFUE (CJUE Super Bock, point 40).
373.S'agissant du contexte économique, il y a lieu de prendre en considération la nature des produits concernés ainsi que les conditions réelles qui caractérisent la structure et le fonctionnement du marché dans lequel la pratique incriminée s'insère, ce qui n'implique en aucune manière d'examiner, et à plus forte raison de démontrer, les effets de cet accord (CJUE, 29 juill. 2024, C-298/2, Banco BPN/BIC Português SA e.a., point 46).
374.Les accords en cause portent sur la distribution d'équipements de vidéosurveillance d'une « technologie particulière, plus avancée que celle des concurrents » (cote 1135, audition TECHNOSTORAGE). La technologie développée par MOBOTIX en fait, dans le secteur en cause, un fabricant « incontournable sur les produits de vidéosurveillance haut de gamme » (cote 886, audition de SECURICOM).
375.La haute technologie de ses produits permet à MOBOTIX de se démarquer de ses concurrents (cote 1129, ESPACE SECURITE GDJ : « L'avantage des produits MOBOTIX est qu'ils sont assez complexes et qu'ils permettent ainsi de se démarquer de la concurrence » ; cote 189, BE IP « MOBOTIX se positionne plutôt sur un marché de niche (applications spécifiques, haute- résolution, fonctionnalités logicielles spécifiques) »), de sorte qu'il est vain de soutenir, comme le fait MOBOTIX, que sa part de marché, qu'elle évalue à 0,2 % sur le marché français de la vidéosurveillance et à 2,6 % sur le marché européen, ne lui permettait pas d'avoir la moindre influence sur le fonctionnement concurrentiel du marché interne.
376.Au niveau du marché de détail, le prix facturé par les revendeurs-installateurs aux clients finals portait, comme le soulignent les requérantes, à la fois sur le prix du produit et sur celui d'une prestation d'installation.
377.Il ressort des éléments versés au dossier de la Cour qu'en 2012, la part du service dans les prestations des revendeurs-installateurs de vidéosurveillance ' recouvrant la conception, l'installation et la maintenance d'un système de vidéosurveillance ' représentait environ 60 % du prix total facturé (cote 72, article « Un marché en croissance soutenue », extrait du journal « En toute sécurité »).
378.S'il peut en être déduit qu'à cette période, la part des produits de vidéosurveillance dans une transaction comprenant également une prestation de service représentait généralement 40 % du prix facturé, il convient de relever que, s'agissant spécialement des produits MOBOTIX considérés comme des produits haut de gamme, elle ne pouvait être que supérieure à 40 %.
379.De surcroît, il a été indiqué dans le cadre des auditions réalisées par la DGCCRF que, « d'une manière générale, MOBOTIX estime que ces produits sont très performants et consent assez peu de remise sur ces produits » (audition de CONFIG, cote 397), ce qui explique notamment que la marge brute moyenne des revendeurs-installateurs AMP, qui bénéficiaient pourtant des taux de remise les plus élevés, était d'environ 30 %, contre 50 % pour les « autres produits de vidéosurveillance, hors MOBOTIX » (audition de SECURICOM, cote 886).
380.Il s'ensuit que les prix des équipements représentaient une part substantielle du coût total supporté par le client final.
381.L'Autorité a donc exactement retenu que « la circonstance que les produits MOBOTIX soient intégrés dans un projet d'installation n'exclut pas qu'ils soient choisis en fonction de leur prix et, partant, ne remet pas en cause l'intérêt d'une liberté dans l'affichage des prix » (paragraphe 215 de la décision attaquée).
382.Il résulte de ces considérations que les marchés concernés et les accords en cause ne comportent pas de caractéristiques particulières susceptibles de démentir l'expérience acquise en matière de prix imposés.
383.Eu égard à leur teneur, à leur objectif et au contexte économique et juridique dans lequel ils s'insèrent, les accords en cause présentent donc un degré de nocivité pour la concurrence de nature à leur conférer, comme l'a retenu, à juste titre, l'Autorité au paragraphe 213 de la décision attaquée, le caractère d'une restriction de concurrence par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les effets que la pratique incriminée a réellement produits.
384.En conclusion de l'ensemble de ces développements, le moyen est rejeté.
V. SUR LA PRATIQUE DE RESTRICTION DE LA LIBERTÉ DE REVENDRE EN LIGNE (GRIEF N° 2)
A. Sur l'existence d'un accord de volontés entre les requérantes et la matérialité des pratiques alléguées
385.Dans la décision attaquée, l'Autorité a considéré que les contrats conclus par MOBOTIX avec les distributeurs ACTN, BE IP et EDOX comportaient des stipulations imposant aux distributeurs de ne sélectionner, dans le cadre de l'application du « Programme Partenaire MOBOTIX », que les revendeurs qui ne commercialisent pas la majorité de leurs produits en ligne. Par suite, elle a retenu que MOBOTIX avait invité ses distributeurs à sélectionner des clients qui ne vendaient pas les produits MOBOTIX principalement en ligne et, qu'en signant les contrats en cause, les distributeurs ACTN, BE IP et EDOX avaient acquiescé à l'invitation de MOBOTIX.
386.Sur le standard de preuve de l'accord de volontés, MOBOTIX considère que la décision ne répond pas au standard de preuve jusqu'à présent établi en matière de restriction de ventes en ligne, puisqu'en l'espèce, les documents de nature contractuelle ne permettent pas de conclure à l'existence d'un accord de volontés et qu'en l'absence d'interdiction explicite dans les clauses contractuelles, l'Autorité aurait dû démontrer une interdiction de facto des ventes sur Internet, ce qu'elle a fait par le passé en se prononçant systématiquement sur des éléments complémentaires de nature comportementale.
387.MOBOTIX indique, par ailleurs, avoir conclu un nouvel accord avec l'ensemble de ses distributeurs AMD, applicable au 1er janvier 2019, ne prévoyant aucune clause particulière sur la vente sur Internet, de sorte que la restriction retenue par la décision ne peut être étendue au-delà du 31 décembre 2018.
388.Sur la traduction de la mention litigieuse et sa portée, BE IP et MOBOTIX font valoir que la mention « no webshop as prime business model » doit être traduite par « pas de boutique en ligne comme modèle commercial principal ». BE IP soutient que cela ne fait référence à aucune notion de seuil maximum des ventes en ligne, de sorte que l'Autorité ne peut affirmer que les revendeurs-installateurs ne pouvaient être sélectionnés s'ils revendaient en ligne.
389.ACTN et MOBOTIX reprochent à l'Autorité d'avoir traduit cette mention comme obligeant les revendeurs-installateurs à ne pas avoir de boutique en ligne comme activité principale alors que le texte ne fait que viser un modèle commercial. BE IP soutient qu'il n'est en l'occurrence pas question d'une restriction de vente sur Internet mais d'un modèle cohérent avec la vente de produits de haute technicité par les revendeurs-installateurs. L'objectif est d'éviter que le point de vente occupe une place totalement marginale chez les revendeurs et d'interdire le modèle des « pure players » qui ne disposeraient pas des moyens humains et matériels permettant d'assurer le niveau de services requis pour obtenir un statut de partenaire AMP, CMP, ou RMP.
390.ACTN conteste l'analyse de l'Autorité en ce qu'elle déduit de la clause litigieuse que les partenaires ne pouvaient réaliser plus de 50 % de vente en ligne ou exercer « en majorité leur activité sur Internet » et soutient, au contraire, qu'un modèle commercial basé sur un canal plutôt qu'un autre ne saurait s'assimiler à une « proportion du chiffre d'affaires ».
391.Elle observe que la demande de MOBOTIX ne vise pas spécifiquement les ventes de ses produits, ce qui démontrerait que l'objectif du fabricant n'était pas de réduire les possibilités de vente des installateurs en termes géographiques ou de clientèle, ni de réduire la possibilité de leurs clients de comparer les prix. Elle relève également que MOBOTIX n'a pas posé de restriction en volume ou en valeur des ventes que ses partenaires pouvaient réaliser sur Internet.
392.Elle en conclut que cette demande ne vise qu'à faire correspondre le statut de partenariat à un profil de revendeur dont le modèle commercial est basé sur le service et l'accompagnement de ses clients, sans que ne soit interdite ou limitée la vente par Internet.
393.MOBOTIX relève que cette mention s'applique aux revendeurs-installateurs et non aux distributeurs AMD et constitue une validation expresse de la vente par Internet, dès lors qu'elle complète un point de vente physique.
394.Selon BE IP, l'Autorité s'est prévalue de documents extracontractuels pour interpréter la mention litigieuse parce que l'annexe D3 du contrat ne permettait pas à elle seule d'apporter la preuve d'un acquiescement des distributeurs à la pratique en cause. Or, BE IP considère que ces documents ne peuvent pas entrer en compte dans l'analyse des comportements de BE IP, puisqu'il n'est pas démontré qu'elle en ait eu connaissance. Seul le contrat signé avec MOBOTIX pourrait lui être opposé.
395.De la même manière, ACTN reproche à l'Autorité de se référer à des documents non contractuels pour éclairer la pratique, sans établir qu'elle en avait connaissance et en reconnaissant qu'ils ne permettent pas de connaître le champ précis de l'interdiction.
396.Sur l'absence d'acquiescement, BE IP et ACTN reprochent à l'Autorité d'avoir, en l'absence de preuve de nature comportementale démontrant la mise en 'uvre de cette pratique par les AMD, fondé sa décision exclusivement sur des preuves contractuelles, limitées à une ligne de l'annexe D3, ainsi que documentaires. Elles considèrent qu'il n'est pas possible de déduire un acquiescement de leur part à une telle pratique sur ces fondements.
397.BE IP relève que seul l'article 12.3 du contrat, qui indique les différentes catégories de partenaires et les conditions pour en faire partie, se réfère à l'annexe D3. Cet article ne fait cependant peser aucune obligation sur la société BE IP s'agissant de la politique de revente sur Internet par ses clients. Elle estime que cette stratégie ne concerne que le fournisseur et les revendeurs, puisqu'ils entretiennent des relations directes et qu'aucun contrat n'est conclu entre les revendeurs et les distributeurs. N'ayant pas connaissance de la répartition des ventes de produits MOBOTIX par client en fonction des canaux choisis par eux, il n'aurait pas été possible pour BE IP de limiter les ventes en ligne de ses clients.
398.BE IP note, par ailleurs, que la mention litigieuse n'existe pas dans le contrat signé entre MOBOTIX et la société TECHNOSTORAGE. Selon elle, ce document démontre que MOBOTIX ne semblait pas imposer d'obligation aux revendeurs-installateurs s'agissant de leur circuit de distribution, mais aussi que la manière dont ces derniers organisent la vente de leurs produits est étrangère à la société BE IP.
399.Enfin, BE IP soutient qu'il y a lieu d'imputer la pratique à la seule société MOBOTIX puisqu'il n'est pas établi qu'en l'absence de limitation posée par le fournisseur, les distributeurs auraient utilisé le canal de distribution constitué par Internet.
400.ACTN ajoute qu'il ne résulte pas du document « Programme Partenaire MOBOTIX » que les distributeurs AMD devaient sélectionner les revendeurs-installateurs. Elle affirme n'avoir joué aucun rôle dans la sélection de ces derniers, puisque MOBOTIX mettait en 'uvre son programme de partenariat et sélectionnait les partenaires unilatéralement. Elle affirme que le contrat ne contient pas non plus d'obligation de sélection des partenaires.
401.MOBOTIX, quant à elle, considère que la seule présence d'un tableau en annexe du contrat est insuffisante pour démontrer l'accord de volontés de MOBOTIX et ses distributeurs AMD pour limiter les ventes sur Internet des revendeurs-installateurs et qu'aucun élément factuel ou comportemental ne vient corroborer une interdiction de vente sur Internet.
402.Elle explique que les distributeurs ont une activité en ligne qui est uniquement destinée aux revendeurs-installateurs assurant des prestations d'installation. Des sites Internet seraient à cet égard exploités ou en cours de mise à niveau par quatre distributeurs sur les cinq agréés.
403.Elle ajoute qu'il ressort des déclarations des distributeurs que ces derniers n'ont pas connaissance d'une limitation des ventes sur Internet, à l'exception de BE IP dont la déclaration aurait permis à l'Autorité d'affirmer que l'absence de vente en ligne résulterait d'une restriction posée par MOBOTIX. Cependant, le fait que les distributeurs n'aient pas perçu la mention de l'annexe D3 comme une interdiction de vente sur Internet doit être prise en compte par la Cour dans son appréciation de l'existence d'une pratique anticoncurrentielle, comme elle l'a fait dans l'affaire Apple.
404.MOBOTIX reproche par ailleurs à l'Autorité de ne pas s'être prononcée sur la manière dont les distributeurs auraient pu mettre en 'uvre une pratique dont ils n'avaient pas connaissance.
405.Elle ajoute que la seule déclaration du revendeur-installateur MAIANO, parmi les 300 partenaires que compte le réseau MOBOTIX, selon laquelle il ne lui était pas possible d'avoir une activité commerciale sur Internet, n'est pas suffisante, pour démontrer la pratique, d'autant qu'elle est contredite par les autres déclarations.
406.L'Autorité répond qu'aux termes de la clause 12.2 de ces contrats, les distributeurs avaient pour obligation de faire en sorte que tous leurs clients participent au réseau international de partenaires MOBOTIX. Parmi les conditions de l'appartenance à ce réseau mentionnées à l'annexe D3, à laquelle renvoyait la clause 12.3, figurait l'obligation pour les distributeurs de s'assurer que les revendeurs-installateurs n'avaient pas de boutique en ligne comme activité principale. L'existence d'un accord de volontés entre MOBOTIX et ses distributeurs visant à restreindre les ventes en ligne se déduit donc directement des stipulations contractuelles.
407.De surcroît, les documents extracontractuels versés au dossier éclairent la portée de ces stipulations et attestent de l'existence d'un accord de volontés.
408.L'Autorité affirme, en outre, que les allégations de BE IP et d'ACTN selon lesquelles la question des ventes en ligne n'intervenait pas dans la relation entre les distributeurs AMD et les revendeurs-installateurs est directement contredite par les documents précités.
409.Elle soutient, par ailleurs, que MOBOTIX n'est pas fondée à faire valoir que l'absence d'une interdiction explicite des ventes en ligne dans les documents contractuels contraindrait l'Autorité à démontrer une interdiction de facto de ces ventes, dès lors que c'est la seule restriction des ventes en ligne et non leur interdiction, qui fait l'objet du grief n° 2.
410.L'Autorité considère que les divergences de traduction sont sans importance, dès lors que le critère posé par MOBOTIX doit être apprécié au regard de l'ensemble des éléments du dossier, notamment du document de présentation du « Programme Partenaire MOBOTIX » indiquant expressément que le rôle de partenaire implique de ne pas avoir d'activités de ventes en ligne, et du contexte dans lequel cette stipulation s'inscrit.
411.Elle relève que la restriction de la vente en ligne a été confirmée par les déclarations des distributeurs et partenaires revendeurs-installateurs interrogés, et notamment par la société BE IP.
412.S'agissant de la durée des pratiques, l'Autorité affirme avoir pris en compte la suppression de la clause litigieuse à compter du 1er janvier 2019 dans les accords conclus entre BE IP et EDOX, de sorte que la décision ne sanctionne aucun contrat conclu après cette date. Elle considère cependant que dans la mesure où l'accord conclu entre ACTN et MOBOTIX n'a été modifié que le 1er janvier 2020, il ne peut être contesté que leur participation à la pratique sanctionnée a perduré jusqu'au 31 décembre 2019.
413.L'Autorité rappelle qu'il ressort d'une pratique décisionnelle et d'une jurisprudence constante qu'en présence d'un contrat conclu par les parties incluant un accord anticoncurrentiel, l'absence de mise en 'uvre partielle ou totale dudit accord n'est pas de nature à remettre en cause l'existence d'un accord de volontés et son caractère restrictif de concurrence.
414.S'agissant de l'argument selon lequel l'annexe D3 ne viserait qu'à imposer un modèle commercial qui ne repose pas sur la vente en ligne, l'Autorité relève que cette annexe doit être lue à la lumière de l'ensemble du dossier, y compris des documents extracontractuels entre MOBOTIX et ses partenaires. Elle considère donc que les affirmations selon lesquelles cette clause ne viserait pas spécifiquement les produits MOBOTIX mais le modèle commercial du partenaire, et qu'un revendeur-installateur aurait pu vendre la totalité de ses produits MOBOTIX en ligne sont contredites par les éléments du dossier.
415.Le ministre chargé de l'économie considère que le fait que les contrats en cause ne lient pas le fournisseur avec les revendeurs-installateurs est indifférent à la caractérisation des pratiques, de même que la circonstance que l'accord ait été imparfaitement appliqué n'en remet pas en cause l'illicéité.
416.Le ministre chargé de l'économie affirme que l'existence de sites Internet appartenant aux distributeurs AMD sur lesquels il serait possible d'acheter des produits MOBOTIX, n'implique pas la possibilité pour les revendeurs-installateurs d'en faire de même et n'écarte donc pas l'existence de restrictions aux ventes en ligne.
417.Le ministère public indique dans son avis que la preuve de la pratique en cause est contractuelle et qu'il n'est donc pas nécessaire d'analyser le comportement des partenaires de MOBOTIX au regard de la vente en ligne pour établir l'accord de volontés.
Sur ce, la Cour :
418.La Cour rappelle que la qualification d'un grief tel que le grief n° 2, qui vise la mise en 'uvre, depuis le 1er octobre 2012 jusqu'au 31 décembre 2018 concernant BE IP, et jusqu'au 31 décembre 2019 concernant ACTN, d'une pratique d'entente visant à restreindre les ventes en ligne des produits de la marque MOBOTIX sur le marché de la vidéosurveillance, requiert la preuve d'un accord de volontés entre les parties à l'entente, caractérisé par une invitation du fabricant à la réaliser et un acquiescement, exprès ou tacite, de la part des distributeurs, la preuve de cet accord pouvant être rapportée par tous moyens.
1. Sur l'invitation à l'entente
419.Il ressort de l'annexe D3 des contrats en cause que les revendeurs-installateurs membres du « Programme Partenaire MOBOTIX », les AMP, CMP et RMP, devaient prendre l'engagement suivant : « No Webshop as prime business model (MAP) », rédigé en langue anglaise dans les contrats et traduit dans la décision attaquée par la locution « Pas de boutique en ligne comme activité principale ».
420.C'est à tort que MOBOTIX allègue la disparition de cette énonciation de tous ses contrats de distribution à partir de janvier 2019, dès lors que, si cette mention a bien été supprimée du contrat BE IP à la date indiquée, elle n'a disparu du contrat ACTN qu'à l'occasion du nouveau contrat entré en vigueur le 1er janvier 2020.
421.Concernant, en premier lieu, la traduction de la mention litigieuse et sa portée, l'Autorité a fait le choix de retenir les termes « activité principale » pour traduire les mots « prime business model » (paragraphes 95 et suivants de la décision attaquée), alors que les requérantes utilisent ceux de « modèle commercial ».
422.La Cour relève que les documents MOBOTIX évoquant la vente en ligne et rédigés en langue française utilisent les deux formulations :
' cote 98, document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », souligné par la Cour : « Pas d'activité commerciale basée sur les boutiques en ligne » ;
' cote 1262, tableau issu du document intitulé « MOBOTIX Programme de Partenaires », souligné par la Cour : « Pas de modèle commercial basé sur une boutique en ligne » ;
' cote 878, le « listing avantages et obligations partenaire AMP » remis au revendeur MAIANO, souligné par la Cour, énonce que les partenaires souhaitant disposer du statut AMP ne doivent pas avoir « d'activité commerciale basée sur les 'boutiques en ligne' ».
423.La Cour considère que la traduction défendue par MOBOTIX et BE IP, à savoir « Pas de boutique en ligne comme modèle commercial principal », peut être retenue dans la mesure où elle correspond aux traductions proposées par plusieurs outils de traduction versées aux débats.
424.Il ne saurait toutefois être déduit de cette traduction que la mention litigieuse obligeait uniquement les revendeurs-installateurs à avoir un modèle commercial cohérent avec la vente de produits de haute technicité, sans imposer de restriction de vente sur Internet.
425.En effet, une telle interprétation fait fi du mot « prime », traduit par « principal » dans les deux versions proposées, qui ne permet pas de résumer la mention litigieuse à la simple interdiction d'un modèle commercial particulier au prétexte qu'il serait insuffisamment basé sur le service et l'accompagnement des clients, comme le soutiennent les requérantes.
426.Quelle que soit la traduction retenue, force est de constater que les stipulations en cause imposaient aux distributeurs de veiller à ce que leurs clients n'optent pas pour un modèle commercial de vente en ligne à titre principal, ce qui imposait indirectement aux revendeurs-installateurs adhérant au « Programme Partenaire MOBOTIX » de développer principalement un autre ou d'autres modèle(s) commercial(aux), et donc nécessairement une autre « activité commerciale », comme l'indique l'Autorité.
427.Ainsi, le dispositif mis en place par MOBOTIX et ses distributeurs conduisaient les revendeurs-installateurs à organiser la revente des produits MOBOTIX par d'autres modes de distribution que celui du commerce en ligne, et ce, à titre principal.
428.Si l'usage du terme « principal » engendre une certaine ambiguïté sur le critère à retenir ' de la valeur des ventes et/ou de leur volume ' pour mesurer le niveau d'activité généré par le « modèle commercial principal », il limite considérablement la part des ventes réalisées par les revendeurs-installateurs via Internet, dans toutes les hypothèses.
429.La Cour relève que, si la mention litigieuse ne vise pas spécifiquement les produits MOBOTIX ' ce qui conduit ACTN à soutenir qu'un revendeur-installateur proposant des produits de plusieurs marques aurait pu vendre la totalité de ses produits MOBOTIX en ligne tout en respectant cette obligation ', cette mention figure dans un tableau portant notamment sur les engagements auxquels les revendeurs-installateurs, partenaires MOBOTIX, devaient souscrire dans le cadre de la revente des produits MOBOTIX.
430.Sans qu'il soit précisé à chacune de ses lignes que l'engagement considéré porte sur les produits MOBOTIX, l'examen de ce tableau, traduit au paragraphe 34 du présent arrêt, montre que la référence aux produits MOBOTIX est à chaque fois sous-entendue : « niveau de chiffre d'affaires » (réalisé avec les produits MOBOTIX), « séminaire » (sur les produits MOBOTIX), « formation à la vente » (des produits MOBOTIX), « Enquête de satisfaction clientèle » (concernant les produits MOBOTIX) etc., de sorte que la mention litigieuse doit être entendue ainsi : pas de boutique en ligne comme modèle commercial principal, pour la revente des produits MOBOTIX.
431.Au demeurant, MOBOTIX ne conteste pas que la mention litigieuse portait sur la revente de ses produits, et explique plutôt l'insertion de la mention litigieuse dans ses contrats par la circonstance que la haute technicité de ses produits rendait nécessaire une prestation d'installation.
432.Par ailleurs, il ne saurait être valablement soutenu que la mention litigieuse devrait être interprétée comme une simple interdiction du modèle des « pure players » qui ne disposeraient pas des moyens humains et matériels permettant d'assurer le niveau de services requis pour obtenir un statut de partenaire AMP, CMP, ou RMP, étant précisé que les « pure players » s'entendent comme des entreprises exerçant leur activité exclusivement en ligne sans posséder aucun lieu dédié à l'accueil de la clientèle.
433.En effet, les termes de la mention litigieuse n'excluent pas seulement les revendeurs dont l'activité commerciale s'exerce exclusivement par voie dématérialisée sur un site Internet de commerce électronique, mais également les revendeurs qui, sans intervenir uniquement sur Internet, réaliseraient leurs ventes principalement via la vente en ligne.
434.Il s'ensuit que la mention de l'annexe D3, sans constituer une interdiction complète du canal de la vente en ligne, met en 'uvre une restriction bien plus large qu'une seule exclusion des « pure players ».
435.Concernant, en deuxième lieu, les trois documents établis par MOBOTIX en français et cités par l'Autorité aux paragraphes 275 à 277 de la décision attaquée, la Cour observe que les énonciations de ces documents, qui ne sont pas identiques à la mention litigieuse, expriment la volonté de MOBOTIX d'interdire aux revendeurs-installateurs d'utiliser le canal de la vente en ligne.
436.Il ressort des éléments examinés par la Cour que les distributeurs ont eu connaissance, à tout le moins, de deux de ces documents qui figuraient sur le site Internet de MOBOTIX.
437.L'un mentionnait « Pas de modèle commercial basé sur une boutique en ligne » (« MOBOTIX Programme de Partenaires », cotes 1262 à 1264).
438.L'autre, intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », comportait, par deux fois, l'énonciation « Pas d'activités de 'ventes en ligne' » (cotes 95 et 96), cette interdiction figurant à nouveau dans le tableau synthétisant l'ensemble du document, sous le vocable « Pas d'activité commerciale basée sur les boutiques en ligne » (cote 98).
439.Ainsi, ce dernier document précise que les AMP, CMP et RMP, qui bénéficiaient d'avantages auxquels les UMP ne pouvaient prétendre, ne devaient avoir aucune activité de ventes en ligne.
440.La Cour rappelle qu'en plus de figurer sur le site Internet de MOBOTIX, ce document était communiqué par le fabricant aux revendeurs-installateurs à l'occasion de ses premiers contacts avec eux, MOBOTIX les invitant à en prendre connaissance avant leur enregistrement pour « découvrir en détail [le] Programme des Partenaires Internationaux MOBOTIX » et pour « bien le comprendre » (extraits de la pièce 10 communiquée par ACTN).
441.La Cour rappelle également qu'il a été démontré aux paragraphes 260 et suivants du présent arrêt que BE IP et ACTN avaient eu connaissance de ce document, qui s'apparentait à une circulaire venant compléter la clause 12 relative au fonctionnement du « Programme Partenaire MOBOTIX », auquel les distributeurs AMD et les AMP, CMP et RMP participaient.
442.Il s'ensuit qu'à travers le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », MOBOTIX conditionnait la participation des AMP, CMP et RMP audit programme à l'absence de toute activité de ventes en ligne, et que les distributeurs AMD en étaient informés.
443.Concernant, en troisième et dernier lieu, le fonctionnement du « Programme Partenaire MOBOTIX », la Cour rappelle que le système de distribution de MOBOTIX est organisé à travers la combinaison de plusieurs clauses contractuelles.
444.Il en va pour le second grief comme pour le premier. La clause 12 des contrats en cause prévoyait, en effet, que les distributeurs AMD, tenus de participer au « Programme Partenaire MOBOTIX », devaient utiliser tous les moyens possibles pour que leurs clients participent à ce programme et, partant, s'engagent, au terme d'une procédure d'enregistrement mise en 'uvre par MOBOTIX, à respecter la liste des « Engagements de base des partenaires à l'égard de MOBOTIX » fixés par MOBOTIX et modifiables à sa libre appréciation.
445.La clause 12 prévoyait également, en sa quatrième section, que les remises qui étaient accordées aux distributeurs par MOBOTIX en vertu de la clause 6.4 des contrats, représentaient une « contrepartie suffisante » pour les obligations des distributeurs à l'égard du « Programme Partenaire MOBOTIX », ce qui constituait une incitation pour les distributeurs de se conformer aux obligations de ce programme.
446.S'agissant de la mention litigieuse, la Cour relève qu'elle figurait au 3ème rang des 18 engagements énoncés à l'annexe D3.
447.La Cour relève également que cet engagement était le seul, outre l'engagement de s'approvisionner auprès d'un distributeur AMD, à s'imposer de façon obligatoire (« mandatory ») à l'ensemble des AMP, CMP et RMP.
448.Au regard de la portée juridique de cette simple énonciation, il n'importe que cette mention ait correspondu à une seule des 18 lignes du tableau figurant à ladite annexe.
449.Ainsi, à travers la combinaison des différentes stipulations contractuelles, dont celle de l'annexe D3 des contrats qui fixait notamment la liste des engagements que devaient prendre les revendeurs-installateurs pour pouvoir intégrer le « Programme Partenaire MOBOTIX », MOBOTIX a invité BE IP et ACTN à sélectionner des revendeurs-installateurs pouvant bénéficier de statuts avantageux à condition de ne pas avoir de boutique en ligne comme modèle commercial principal.
450.C'est donc très justement que l'Autorité a retenu au paragraphe 250 de la décision attaquée, que MOBOTIX avait invité ACTN et BE IP à sélectionner des clients revendeurs partenaires qui ne vendaient pas les produits MOBOTIX principalement en ligne.
451.La Cour observe, en outre, que les stipulations de la clause 12.2 des contrats, combinées à celles du document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », qui comportait une interdiction de toute activité de ventes en ligne, tend à inviter les distributeurs en cause à utiliser tous les moyens possibles pour que leurs clients participent au « Programme Partenaire MOBOTIX », et donc respectent cette interdiction de la vente en ligne.
2. Sur l'acquiescement des distributeurs
a. Sur les preuves documentaires
452.La Cour rappelle que la démonstration de l'accord de volontés des parties à une entente peut résulter de la signature de clauses contractuelles claires (Cass. Com., 7 avril 2010, n° 09-11.853).
453.En l'espèce, la Cour a retenu que, par le jeu de différentes stipulations, en particulier à travers la mention « pas de boutique en ligne comme modèle commercial principal », MOBOTIX avait invité ses distributeurs à sélectionner et à revendre ses produits à des revendeurs-installateurs pouvant bénéficier de statuts avantageux dès lors qu'ils n'avaient pas de boutique en ligne comme modèle commercial principal (paragraphe 449 du présent arrêt).
454.Le caractère délibérément complexe de ladite mention n'enlevant rien à la clarté de l'obligation qui en découle, l'acquiescement de BE IP et d'ACTN aux pratiques litigieuses se déduit directement de la circonstance qu'elles ont apposé leur signature sur le contrat les liant à MOBOTIX, et paraphé chacune de ses pages, en ce compris l'annexe D3 comportant la mention litigieuse.
455.Aux termes de ces contrats, ACTN et BE IP devaient d'abord accepter de laisser MOBOTIX établir et modifier à sa libre discrétion les « conditions préalables qui donnent droit aux clients du distributeur de participer au ['Programme Partenaire MOBOTIX'] » et les « autres conditions » de leurs accords avec les revendeurs-installateurs (clause 12.3), ces « autres conditions » comprenant celle de n'entrer en relation commerciale qu'avec des clients qui n'avaient pas de boutique en ligne comme modèle commercial principal. ACTN et BE IP devaient également utiliser « tous les moyens possibles pour que tous [leurs] clients participent au ['Programme Partenaire MOBOTIX'] » (clause 12.2) et, partant, soient soumis à cette obligation de ne pas avoir de boutique en ligne comme modèle commercial principal, voire même à celle de ne pas avoir d'activités de ventes en ligne, comme indiqué dans la circulaire précitée.
456.Il suit de là qu'il ne saurait être sérieusement soutenu par les parties requérantes que les contrats en cause ne faisaient peser aucune obligation sur BE IP et ACTN s'agissant de la politique de revente sur Internet par leurs clients, ni que cette politique ne concernait que les relations entretenues par le fournisseur avec les revendeurs-installateurs. Il n'importe que les distributeurs n'aient pas eu connaissance du volume des ventes réalisées, le cas échéant, par chacun de leurs clients via la vente en ligne.
457.Il s'ensuit également que la circonstance que la mention litigieuse n'existait pas dans le contrat signé directement entre MOBOTIX et TECHNOSTORAGE ne modifiait en rien l'obligation qu'avaient BE IP et ACTN de respecter les termes des contrats qui les liaient chacun à MOBOTIX et qui leur imposait de veiller à ce que TECHNOSTORAGE, comme tout autre revendeur-installateur AMP, respecte les conditions figurant à l'annexe D3 de ces contrats.
458.ACTN ne saurait, pour contester sa participation à la pratique en cause, tirer argument de ce que MOBOTIX décidait unilatéralement des critères et conditions de sélection au programme de partenariat de ses clients, recevait directement les demandes d'inscription à ce programme, décidait du statut d'un candidat, en informait les partenaires et leur écrivait pour leur décrire le partenariat etc., dans la mesure où elle a accepté, en signant le contrat proposé par MOBOTIX, de laisser le fabricant déterminer lui-même les « conditions préalables » et les « autres conditions » des accords qu'elle passait avec les revendeurs-installateurs.
459.En outre, il résulte de ce qui précède que l'argument selon lequel les distributeurs AMD ne jouaient aucun rôle dans la sélection des revendeurs-installateurs est fondé sur une confusion sur le sens du terme « sélection ». En effet, Si MOBOTIX procédait effectivement à l'enregistrement des partenaires, avec l'accord des distributeurs AMD, ces derniers sélectionnaient ensuite les clients avec lesquels ils acceptaient d'entrer en relation commerciale, que ces clients se soient adressés directement à eux, ou qu'ils lui aient été proposés par MOBOTIX après un enregistrement réalisé par ses soins.
460.Au vu de l'ensemble de ces considérations, c'est à juste titre que l'Autorité a retenu que MOBOTIX avait invité ACTN et BE IP à sélectionner des clients revendeurs partenaires qui ne vendaient pas les produits MOBOTIX principalement en ligne et qu'en signant les contrats en cause, ces derniers avaient acquiescé à cette invitation (paragraphe 250 de la décision attaquée).
461.La Cour observe, en outre, que les stipulations de la clause 12.2 des contrats, combinées à celles du document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », qui comportait une interdiction de toute activité de ventes en ligne, tendaient à ce que les distributeurs en cause acceptent d'utiliser tous les moyens possibles pour que leurs clients participent au « Programme Partenaire MOBOTIX », et donc respectent cette interdiction de la vente en ligne.
462.Compte tenu, néanmoins, de l'écart entre les termes de l'annexe D3 et ceux du document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », la Cour ne se référera à ce dernier qu'en tant qu'élément de contexte.
b. Sur les éléments comportementaux
463.La Cour a déjà rappelé qu'en présence de preuves documentaires directes, il n'est nul besoin de considérer les preuves comportementales.
464.L'argument selon lequel l'Autorité, dans sa pratique décisionnelle, se serait systématiquement prononcée en matière de restriction des ventes en ligne sur des éléments complémentaires de preuves de nature comportementale, est donc inopérant.
465.La Cour observe, qu'en l'espèce, la mention litigieuse restreignait de façon explicite la possibilité des revendeurs-installateurs de recourir au commerce en ligne.
466.En présence de preuves documentaires directes, il n'y a donc pas lieu de considérer les preuves comportementales versées au dossier, qui confirment, au surplus, qu'aucun des revendeurs-installateurs entendus n'avait mis en place un système de revente en ligne des produits MOBOTIX (voir paragraphe 102 de la décision attaquée qui reproduit les déclarations de BE IP et des revendeurs-installateurs).
467.Il se déduit de ces éléments que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, aucune démonstration d'une restriction ou d'une interdiction de facto des ventes en ligne ne s'imposait à l'Autorité.
468.Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, le moyen sera rejeté.
B. Sur l'existence d'une restriction de concurrence par objet
469.La décision attaquée a retenu qu'un accord de volontés était intervenu entre MOBOTIX et ses distributeurs, à l'origine d'une restriction de concurrence par objet résultant de la sélection de revendeurs-installateurs qui limitaient leur activité de vente en ligne.
470.Sur le standard de preuve de la pratique, MOBOTIX rappelle que, si l'interdiction de vendre sur Internet est susceptible de constituer une restriction de concurrence par objet, un fournisseur peut toutefois imposer des normes de qualité pour l'utilisation d'un site Internet aux fins de la vente de ses produits ou encore exiger que ses distributeurs disposent d'un point de vente physique comme condition d'entrée dans son système de distribution, l'exclusion des « pure players » étant admise.
471.MOBOTIX reproche à l'Autorité de citer des décisions ne portant pas sur une exclusion des « pure players » du réseau de distribution mais uniquement sur des interdictions pures et simples de vente sur Internet, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte qu'elles ne sont pas transposables aux faits soumis à la Cour.
472.Par ailleurs, elle relève que dans les lignes directrices de 2022, la Commission considère que le fournisseur peut imposer à l'acheteur des exigences relatives à la manière dont les produits doivent être vendus en ligne, tant que ce dernier n'est pas empêché de faire un usage effectif d'Internet pour réaliser ces ventes.
473.ACTN souligne, quant à elle, que l'article 54 des lignes directrices de 2010 autorisent le fournisseur à exiger que l'activité sur Internet de son distributeur reste cohérente avec son modèle de distribution, de sorte qu'il n'est pas possible d'assimiler l'interdiction de disposer d'une boutique en ligne comme « modèle commercial principal » à une interdiction de facto de vendre en ligne. Cette interdiction n'est pas visée au titre des restrictions caractérisées dès lors qu'elle n'empêche pas l'utilisation effective d'Internet par le distributeur. ACTN rappelle qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'interdire à un revendeur au détail de limiter la part de ses ventes sur Internet mais de réserver le programme de partenariat à des installateurs dont le modèle commercial permet d'accompagner les clients sur des projets complexes. En tout état de cause, elle indique que l'Autorité ne peut se contenter de qualifier une restriction caractérisée au sens de l'article 4, sous c), du règlement n° 330/2010, pour en déduire qu'elle serait anticoncurrentielle par objet car les deux notions sont distinctes sur le plan juridique.
474.Sur l'absence de restriction par objet, ACTN et BE IP se fondent sur l'arrêt Pierre Fabre de la CJUE, selon lequel une clause contractuelle interdisant totalement aux distributeurs agréés la vente sur Internet ne constitue pas automatiquement une restriction par objet, pour faire valoir que la mention litigieuse était objectivement justifiée eu égard aux produits en cause.
475.MOBOTIX soutient qu'il ne s'agit pas d'apprécier le degré de nocivité d'une pratique, mais uniquement d'établir la réalité de son existence. Selon elle, les revendeurs-installateurs ne sont pas des commerces de détail mais des prestataires de services. La technicité des installations ainsi que l'exigence d'un partenaire spécialisé sont incompatibles avec un modèle de vente basé sur une boutique en ligne seule, de sorte que la mention n'est pas constitutive d'une limitation de ventes sur Internet, ni par conséquent d'une pratique anticoncurrentielle. MOBOTIX rappelle que son réseau organise la vente de ses produits à des grossistes vendant eux-mêmes à des professionnels qui les livrent et les installent. MOBOTIX assure qu'il s'agit de ventes non réalisables à distance, l'objectif étant que les prestations soient assurées par des professionnels. MOBOTIX fait valoir que les distributeurs AMD, comme les revendeurs-installateurs, sont toutefois libres de vendre ses produits sur Internet. Elle assure ne pas intervenir auprès des revendeurs-installateurs qui choisissent de commercialiser ses produits sur Internet et en être de toute façon incapable, du fait de leur grand nombre.
476.ACTN soutient qu'il n'existerait pas, à proprement parler, de marché de la revente au détail des produits MOBOTIX. Les partenaires de MOBOTIX, minoritaires parmi ses revendeurs, ne sont pas revendeurs détaillants mais prestataires de service, et leur chiffre d'affaires est constitué majoritairement de prestations et accessoirement de la vente de produits.
477.Contrairement à ce que soutient l'Autorité, BE IP affirme qu'il n'existe pas de revendeur-installateur qui, tout en étant exclusivement présent en ligne, réaliserait des prestations d'installation.
478.ACTN et BE IP rappellent, en outre, que les ventes en ligne dans le secteur en cause sont structurellement très limitées. ACTN affirme que la technicité des produits est telle, que les consommateurs, voire les professionnels, les achetant sans prestation d'installation rencontrent de grandes difficultés à les installer et relève que l'Autorité a admis le niveau limité des ventes en ligne propre à ce secteur. BE IP reproche à l'Autorité de ne pas avoir réalisé d'analyse lui permettant de comprendre que la haute technicité des produits MOBOTIX suppose un travail d'installation incompatible avec une vente en ligne, alors même qu'elle avait produit un rapport démontrant la nécessité de l'intervention de revendeurs-installateurs professionnels.
479.Les requérantes rappellent que les revendeurs interrogés ont indiqué que le fait qu'ils ne pratiquaient pas de vente sur Internet s'expliquait, non pas par une interdiction découlant du contrat MOBOTIX, mais par leur décision propre. BE IP et MOBOTIX soulignent que les revendeurs n'ont jamais développé d'activité sur Internet alors même que la mention litigieuse a été supprimée des contrats à partir de 2019, et que les revendeurs UMP, qui n'ont jamais été concernés par la mention de l'annexe D3, ne vendaient pas non plus les produits MOBOTIX sur Internet pendant la période en cause. BE IP ajoute que, dès lors que ces distributeurs UMP constituaient la grande majorité (90 %) des revendeurs de produits MOBOTIX, la pratique en cause ne pouvait avoir une nocivité telle sur la concurrence que ses effets concrets pourraient être présumés. MOBOTIX soutient qu'il ne lui aurait pas été possible de mettre en 'uvre une pratique d'interdiction de ventes sur Internet en ne l'appliquant qu'à 10 % des revendeurs.
480.MOBOTIX et ACTN soutiennent que les spécificités du réseau ne peuvent être contredites par quelques mises en ligne de produits MOBOTIX sur des places de marché. BE IP fait valoir que les produits mis en ligne sur des places de marché sont des exemples marginaux de produits déstockés et anciens visant probablement le remplacement de produits en panne. Elle reproche à l'Autorité de ne pas avoir démontré que ces mises en ligne se transformaient en véritables ventes et, le cas échéant, à quelle hauteur, à quelle fréquence et pour quelle gamme de produits. MOBOTIX souligne que ces mises en ligne portent sur un nombre limité de produits, datent de plus d'une dizaine d'années, ne concernent que des places de marché et ne permettent pas d'identifier le vendeur, de contrôler l'origine des produits ou de connaître les circonstances dans lesquelles ils ont été installés. Elles ne permettent donc pas, selon elle, de démontrer l'utilité des ventes en ligne ou l'inutilité d'un accompagnement pour l'installation.
481.Sur l'absence de restriction par effet, ACTN fait valoir que la pratique reprochée n'a pas non plus d'effet anticoncurrentiel. Elle rappelle que les clients des installateurs partenaires achètent une prestation dont le prix est composé majoritairement de la main d''uvre associée à l'installation et au service après-vente. Elle en conclut que les ventes par Internet n'auraient pas été plus importantes sans l'engagement de ne pas développer de modèle commercial basé sur Internet.
482.L'Autorité affirme que le fait que la restriction de la vente en ligne ne s'étende pas à la totalité des revendeurs-installateurs ne saurait ôter aux pratiques leur caractère de restriction de concurrence par objet puisque le critère pour caractériser une telle restriction réside dans la constatation d'un degré suffisant de nocivité de la pratique à l'égard de la concurrence, qui s'apprécie au regard de la nocivité intrinsèque. La considération de l'ampleur d'un accord restrictif ressort de l'examen des effets de la pratique, qu'il n'est pas nécessaire de réaliser en l'espèce.
483.L'Autorité rappelle que la vente en ligne permet à l'acheteur final de comparer avec plus de facilité le prix des produits MOBOTIX qu'il souhaite acquérir et faire installer, et que la présence de certains produits MOBOTIX sur des sites Internet marchands non spécialisés (Amazon, eBay ou encore Cdiscount) atteste de la possibilité de vendre en ligne des produits MOBOTIX pour lesquels l'intervention d'un installateur professionnel n'est pas indispensable.
484.Le ministre chargé de l'économie relève que des produits MOBOTIX sont commercialisés sur Internet, ce qui conduit à écarter l'existence de contraintes justifiant la limitation de revente via ce canal et à considérer que la restriction par objet est caractérisée, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de rechercher les effets anticoncurrentiels de la pratique.
485.Le ministère public estime que les requérantes n'apportent pas d'éléments justifiant objectivement l'existence des limitations retenues par l'Autorité.
Sur ce, la Cour :
486.À titre préliminaire, la Cour rappelle, comme indiqué au paragraphe 353 du présent arrêt, que si les accords verticaux passés entre plusieurs entreprises opérant à un niveau différent de la chaîne de distribution sont, par leur nature, souvent moins nuisibles pour la concurrence que les accords horizontaux, ils peuvent, dans certaines circonstances, comporter un potentiel restrictif particulièrement élevé.
487.Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, un réseau de distribution sélectif fondé sur des critères qualitatifs est conforme au droit des ententes, dès lors que 1) sa mise en place est justifiée par les caractéristiques des produits concernés, 2) le fournisseur choisit ses distributeurs sur la base de critères qualitatifs objectifs, fixés de manière uniforme et appliqués de façon non discriminatoire et 3) les restrictions imposées sont proportionnées au regard de l'objectif poursuivi (CJUE, 25 octobre 1977, Metro SB, C-26/76).
488.Concernant le standard de preuve de l'existence d'une restriction par objet, il ressort de la jurisprudence de l'Union rappelée aux paragraphes 354 et suivants du présent arrêt que, d'une part, peut être considérée comme une restriction de concurrence par objet toute pratique anticoncurrentielle présentant en elle-même, c'est-à-dire de par sa nature propre, et sans qu'il soit utile d'en examiner les effets, un degré suffisant de nocivité pour le bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence sur le marché concerné et que, d'autre part, une telle considération ne peut être formulée qu'à l'issue de l'examen des dispositions et des objectifs de cette pratique, ainsi que du contexte économique et juridique dans lequel celle-ci s'insère, une fois prise en compte la nature des biens ou des services affectés, ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché en question.
489.S'agissant plus spécifiquement d'une clause contractuelle applicable dans un réseau de distribution excluant de facto la vente par Internet des produits, la CJUE a fixé une méthode de qualification d'une telle prohibition, en disant pour droit, dans l'arrêt du 13 octobre 2011, Pierre Fabre Dermo-cosmétique (C-439/09), que la clause contractuelle en cause était restrictive de concurrence par objet « si, à la suite d'un examen individuel et concret de la teneur et de l'objectif de cette clause [...] et du contexte juridique et économique dans lequel elle s'inscrit, il apparaît que, eu égard aux propriétés des produits en cause, cette clause n'est pas objectivement justifiée » (point 47).
490.Interrogée sur une clause interdisant de recourir de façon visible à des places de marché, présente dans un contrat de distribution sélective de produits de luxe, la CJUE a dit pour droit notamment que : « L'article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à une clause contractuelle, telle que celle en cause au principal, qui interdit aux distributeurs agréés d'un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l'image de luxe de ces produits de recourir de manière visible à des plateformes tierces pour la vente sur Internet des produits contractuels, dès lors que cette clause vise à préserver l'image de luxe desdits produits, qu'elle est fixée d'une manière uniforme et appliquée d'une façon non discriminatoire, et qu'elle est proportionnée au regard de l'objectif poursuivi, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. » (CJUE, 6 décembre 2017, Coty Germany c/Parfumery Alzente, C.130/16, point 58)
491.Il convient donc de rechercher, à la lumière de ces considérations, si les stipulations litigieuses présentent un caractère particulièrement nocif pour le jeu de la concurrence.
492.Concernant la teneur des stipulations des accords en cause, la Cour rappelle que la mention litigieuse, qui soumettait les clients des distributeurs à l'obligation de pas avoir de « boutique en ligne comme modèle commercial principal », était l'une des seules obligations imposées par l'annexe D3 des contrats en cause à l'ensemble des revendeurs-installateurs inscrits au « Programme Partenaire MOBOTIX », ce qui révèle son caractère stratégique pour le fonctionnement du réseau MOBOTIX.
493.Si la mention litigieuse ne prohibait pas de manière absolue la revente en ligne des produits MOBOTIX, elle interdisait aux AMP, CMP et RMP non seulement de vendre ces produits selon ce seul modèle commercial mais aussi d'utiliser ce modèle commercial à titre principal.
494.Il s'en déduit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette exigence est bien plus large que l'exigence faite à un acheteur d'exploiter un ou plusieurs points de vente physiques ou surfaces d'exposition.
495.Au-delà de la seule mention litigieuse, le fonctionnement du réseau MOBOTIX doit s'appréhender à travers la combinaison de différentes stipulations, qui prévoient à la fois :
' la participation obligatoire des distributeurs AMD au « Programme Partenaire MOBOTIX » et le fait que ces distributeurs sont tenus d'utiliser tous les moyens possibles pour que tous leurs clients participent à ce programme (clauses 12.1 et 12.2 des contrats),
' l'octroi par MOBOTIX aux revendeurs-installateurs de l'un des statuts de partenariat définis par le fabricant (clause 12.3),
' la détermination par MOBOTIX des « conditions initiales et autres conditions des accords » passés par les distributeurs AMD avec leurs clients, comprenant notamment l'obligation pour les revendeurs-installateurs de pas avoir de « boutique en ligne comme modèle commercial principal » (clause 12.3 et annexe D3),
' une contrepartie aux obligations des distributeurs relatives au « Programme Partenaire MOBOTIX » constituée par les remises prévues à la clause 6 des contrats (clause 12.4),
auxquelles s'ajoutaient les stipulations d'un document, s'apparentant à une circulaire, interdisant aux revendeurs-installateurs d'avoir des activités de ventes en ligne (document intitulé « Réseau international des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires MOBOTIX », cotes 95 et 96).
496.Il ressort clairement de l'examen de l'ensemble de ces stipulations que les distributeurs devaient s'efforcer de faire en sorte que tous leurs clients participent au « Programme Partenaire MOBOTIX » et, par suite, n'aient pas de « boutique en ligne comme modèle commercial principal », dans un contexte où d'une part, les revendeurs-installateurs étaient dissuadés, notamment par le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », de recourir au commerce en ligne pour la revente des produits MOBOTIX et, d'autre part, les distributeurs en étaient informés.
497.Par conséquent, il ne saurait être contesté que le mécanisme mis en place par les contrats en cause était intrinsèquement de nature à restreindre la vente par Internet, nonobstant les singularités et la sophistication du dispositif en cause.
498.Dans le cadre de l'examen des objectifs poursuivis par les accords en cause, il appartiendra à la Cour de déterminer notamment si ladite restriction poursuit d'une manière proportionnée les objectifs légitimes de préservation de la qualité des produits MOBOTIX et de sécurisation de leur bon usage. Pour répondre aux éléments de contexte invoqués par les revendeurs-installateurs, il convient d'analyser, à ce stade de l'arrêt, le contexte économique dans lequel s'inscrit la pratique en cause.
499.Il ressort des éléments examinés par la Cour que les possibilités d'achat en ligne des produits MOBOTIX existantes durant la période des pratiques en cause étaient limitées.
500.En effet, le site web du fabricant comportait un espace « shop » qui, selon les déclarations de BE IP, ne permettait pas de finaliser une commande de produits (cote 2984).
501.S'agissant des distributeurs, quatre des cinq distributeurs AMD agréés par MOBOTIX disposaient d'un site Internet de vente en ligne. Bien que ces distributeurs n'aient été assujettis à aucune limitation de revente en ligne, les ventes réalisées via Internet étaient toutefois exclusivement dédiées à leurs revendeurs-installateurs. À cet égard, BE IP, qui ne disposait pas d'un site de vente en ligne opérationnel au moment de l'audition de son représentant du 1er mars 2016, envisageait-elle aussi, à cette date, de ne créer qu'un espace d'achat en ligne « accessible uniquement aux revendeurs du réseau déjà client de BE IP et possédant des identifiants de connexion » (cote 2984).
502.S'agissant des revendeurs-installateurs, le nombre des AMP, CMP et RMP inscrits au « Programme Partenaire MOBOTIX » et soumis à l'obligation ne pas disposer de boutique en ligne comme modèle commercial était de 35. Si ces revendeurs-installateurs étaient sensiblement moins nombreux que les 300 UMP, qui n'étaient, quant à eux, soumis à aucune limitation de revente en ligne, ils représentaient les revendeurs-installateurs les plus importants du réseau MOBOTIX en termes de chiffre d'affaires.
503.En effet, les revendeurs-installateurs ne pouvaient prétendre au bénéfice d'un statut AMP, CMP ou RMP qu'à la condition de pouvoir exciper d'un chiffre d'affaires significatif. Aux termes du document « Plan de développement commercial partenaires » (pièce 14 versée par ACTN), les objectifs de chiffre d'affaires correspondant au statut AMP étaient de 50 000 euros pour la première année et de 100 000 euros pour la deuxième année, et ceux correspondant au statut CMP étaient de 25 000 euros pour la première année et de 50 000 euros pour la deuxième année.
504.S'agissant plus spécialement de l'usage du canal de la vente en ligne par les UMP, pour lesquels aucune restriction du commerce en ligne n'était prévue, les requérantes indiquent que ces revendeurs ne vendaient pas non plus les produits MOBOTIX sur Internet pendant la période en cause.
505.Dans ses écritures récapitulatives, MOBOTIX donne l'exemple de l'UMP DR Distribution, exploitant le site Internet de ventes « reseaux-discount.com » sur lequel des produits MOBOTIX étaient revendus, parmi d'autres (Pièce n° 20). Cependant, la Cour observe que la copie d'écran correspondant à la pièce 20 est datée du 25 janvier 2021, et donc postérieure à la fin des pratiques en cause.
506.Par ailleurs, parallèlement à une distribution limitée des produits MOBOTIX sur Internet par les revendeurs officiels, ces produits pouvaient être achetés sur des places de marché telles qu'Amazon, Cdiscount, Priceminister et eBay (pour le vendeur professionnel Zoomici).
507.C'est en vain que MOBOTIX et BE IP soutiennent que les produits vendus sur les places de marché seraient peu nombreux, anciens et déstockés et qu'ils concerneraient notamment des caméras D22 et M15 qui ne sont plus commercialisées par MOBOTIX.
508.La Cour observe, en effet, que, s'il n'a pas été établi que la totalité des produits MOBOTIX étaient vendus sur des places de marché ' les enquêteurs de la DGCCRF ayant procédé par échantillonnage en effectuant dans la plupart des cas des recherches à partir de la référence précise d'un produit ', un nombre significatif de différents produits MOBOTIX était vendu sur ces places de marchés.
509.Elle observe également qu'aucun « déstockage » n'y était mentionné, y compris sur les sites se présentant comme des discounters.
510.En outre, contrairement à ce qu'indique ACTN, les copies d'écran réalisées par les enquêteurs de la DGCCRF comportent chacune la date à laquelle il y a été procédé, ces dates s'échelonnant du 15 octobre 2015 au 14 janvier 2016.
511.Les produits en vente sur ces places de marché étaient des caméras MOBOTIX de différents modèles, fixes et motorisées (cotes 1265 à 1308), dont l'ancienneté n'est pas établie par les requérantes qui l'invoquent.
512.À cet égard, les éléments du dossier montrent, au contraire, que sur le site Amazon la caméra M12D-SEC-D22N22, mise en ligne dès le 29 avril 2011 et vendue le 15 octobre 2015 à 1537 euros par le vendeur Doll computer (cote 1268), a également été vendue par ACTN à la même période, le 29 octobre 2014, au revendeur RMP Volcan distribution au prix remisé de 698 euros. Le prix de vente proposé sur Amazon n'était en aucun cas un prix « discount », puisqu'il était près de 55 % plus élevé que le prix de 998 euros conseillé par MOBOTIX (cote 6492).
513.De surcroît, il n'importe qu'il n'ait pas été établi que les produits trouvaient réellement preneurs via ces places de marché, ce dont ACTN fait reproche à l'Autorité. Les exemples de produits MOBOTIX vendus en ligne sont suffisamment divers, et le nombre de places de marché revendant des produits MOBOTIX suffisamment significatif, pour qu'il puisse en être déduit qu'ils répondaient à une demande véritable.
514.Il y a lieu de relever, en outre, que la caméra M12D-EC-D22N22 figure en position n° 1688 au classement des meilleures ventes d'Amazon, ce qui atteste de la réalité de ses ventes sur cette place de marché.
515.Il s'infère de ces considérations que, malgré leur technologie particulière, certains produits MOBOTIX étaient vendus sur des sites Internet grand public et que, dans ce cas, le consommateur final devait procéder lui-même à l'installation de ces produits ou faire appel à un installateur qualifié en la matière, membre du réseau de distribution MOBOTIX ou non.
516.À cet égard, la Cour rappelle que les installateurs de systèmes de vidéosurveillance, qui étaient à l'origine, pour l'essentiel, des opérateurs spécialisés dans la vente et l'installation de réseaux informatiques tels que Thales, Ineo, Spie, Cegelec, Forclum et NextiraOne, ont vu leurs rangs s'étendre à des opérateurs issus du secteur du « courant faible », tels que les électriciens ou les sociétés de sécurité (paragraphe 8 de la décision attaquée), ce qui offre aux consommateurs finals un plus grand choix d'installateurs.
517.S'agissant du contexte juridique, la Cour relève que, dès lors que les accords en cause ont pour objet de restreindre les ventes passives aux utilisateurs finals, il y a lieu de retenir que ces accords relèvent de la catégorie des « restrictions caractérisées », au sens de l'article 4, sous c), du règlement n° 330/2010 (voir les paragraphes 556 et suivants du présent arrêt).
518.Cette constatation ne dispense pas la Cour, néanmoins, de procéder à un examen de la restriction exclue de l'exemption énoncée à l'article 2 du règlement n ° 330/2010, au regard de l'article 101, paragraphe 1, TFUE (CJUE Super Bock, précité, point 40).
519.C'est à l'aune de ces éléments de contexte qu'il convient d'apprécier, en premier lieu, la proportionnalité des stipulations contractuelles litigieuses au regard des objectifs que les accords en cause visent à atteindre.
520.Concernant les objectifs poursuivis par ces accords, les requérantes soutiennent que la haute technicité des produits MOBOTIX imposait qu'ils soient installés par un partenaire professionnel formé et spécialisé, disposant d'un point de vente physique, notamment pour l'assistance aux clients et le suivi par le personnel technico-commercial des projets, ce qui était incompatible avec un modèle de vente fondé sur une boutique en ligne seule.
521.Il convient donc de vérifier, d'une part, si les stipulations contractuelles en cause étaient appropriées, c'est-à-dire aptes à atteindre l'objectif de sécurisation du bon usage des produits, et, d'autre part, si elles étaient nécessaires, c'est-à-dire si d'éventuels moyens moins attentatoires au jeu de la concurrence ne pouvaient pas être mis en 'uvre pour y parvenir.
522.La Cour observe, d'abord, que la mention de l'annexe D3 était rédigée en des termes généraux et qu'elle ne donnait pas d'indication sur les circonstances qui devaient favoriser le recours au commerce en ligne ou, inversement, conduire le revendeur-installateur à lui préférer un autre modèle commercial.
523.Quant au rapport produit par BE IP (pièce 8), présentant l'analyse et les conclusions d'une mission menée par un installateur chez l'un de ses clients et illustrant les différentes phases d'un projet d'installation, il décline la démarche méthodologique, comprenant plusieurs phases (analyse des besoins et des risques, conception et réalisation de l'installation, et maintenance), nécessitée par certains projets d'installation.
524.Il ressort de ce rapport que, si un projet d'installation impose aux installateurs de maîtriser notamment les caractéristiques techniques des caméras pour répondre aux besoins du client (caméras fixes à champ étroit, large ou extra-large, ou encore motorisées) et les modalités d'installation des moniteurs du poste de contrôle, le niveau de complexité d'un tel projet est moins lié à la technicité intrinsèque des produits MOBOTIX, qu'à celle, dans les projets d'envergure, du déploiement de l'installation électrique et informatique du système de vidéo-surveillance dans son ensemble.
525.Il s'en déduit que rien ne s'oppose à ce que la prestation de vente des produits MOBOTIX et celle de l'installation de ces mêmes produits puissent être considérées distinctement, de sorte que le modèle commercial de l'une ne saurait dépendre du mode de commercialisation de l'autre.
526.Il a déjà été établi, au paragraphe 511 du présent arrêt, que certains produits MOBOTIX, comprenant des caméras fixes et des caméras motorisées, sont vendus sur des places de marchés telles qu'Amazon, Cdiscount et Priceminister, sans prestation d'installation, ce qui confirme que les prestations de vente et d'installation peuvent être envisagées séparément.
527.De surcroît, il ressort des copies d'écran réalisées par les enquêteurs de la DGCCRF que, si ces deux types de prestation peuvent être vendus séparément via des canaux de distribution distincts, les prestations de vente et d'installation peuvent aussi être proposées en ligne concomitamment.
528.En effet, les cotes 1278 et 1286 à 1295 font apparaître que le site Inmac Wstore proposait la vente en ligne de matériel de vidéosurveillance MOBOTIX au « public », aux « grands comptes et moyennes entreprises » et aux « TPE et entreprises individuelles ».
529.Or, l'analyse des factures produites par ACTN révèle que ce revendeur faisait partie du « Programme Partenaire MOBOTIX » et s'était vu attribuer la qualité de RMP (voir lignes 12 à 15 du tableau cote 6560, et la facture n° 707785 du 11 février 2019, cote 6578, attestant de la vente de quatre produits MOBOTIX différents pour un montant total de 18 306,72 euros hors taxe).
530.L'examen des copies d'écran de son site Internet révèle qu'en plus de la vente en ligne de produits MOBOTIX, Inmac Wstore proposait en ligne ses « solution et expertise » et « solution extranet ».
531.Le nom de ce revendeur-installateur apparaît également dans le tableau d'analyse des rapports de vente d'ACTN figurant dans le rapport d'enquête administrative (page 30 du rapport, cote 40), au titre des achats qu'il a effectués auprès de ce distributeur de décembre 2015 à février 2016. Il s'en déduit qu'Inmac Wstore s'approvisionnait déjà auprès d'ACTN à la date du 8 janvier 2016, laquelle apparaît sur les copies d'écran de son site Internet.
532.Ainsi, les produits MOBOTIX ont été vendus, pendant la période des pratiques, sans prestation d'installation sur plusieurs places de marché, mais aussi sur le site d'un revendeur-installateur RMP, qui proposait en ligne la vente de produits MOBOTIX, d'une part, et des solutions d'installation, d'autre part.
533.Il suit de là que c'est à tort que les requérantes arguent que la prestation d'installation était incompatible avec le canal de la vente en ligne, sans distinguer la commercialisation de cette prestation, sa réalisation sur site et son suivi.
534.Il résulte de ce qui précède que l'Autorité a retenu, à juste titre, que le fait, quod non, que les produits MOBOTIX doivent faire l'objet d'une installation n'impliquait pas que ces produits dussent nécessairement être achetés dans un point de vente physique, et ce même dans l'hypothèse d'un achat groupé avec celui d'une prestation d'installation (paragraphe 286 de la décision attaquée).
535.En second lieu, la Cour relève que l'interdiction de ne pas avoir de boutique en ligne comme modèle commercial principal ne s'applique pas de façon uniforme aux différents partenaires MOBOTIX, en ce qu'elle s'impose aux AMP, CMP et RMP et non aux 300 « partenaires MOBOTIX non-inscrits » (UMP), qui ne participent pas au « Programme Partenaire MOBOTIX ».
536.En effet, MOBOTIX a autorisé les UMP à revendre librement les produits de la marque sur Internet sans leur imposer aucune condition spécifique, alors même que ces revendeurs-installateurs ne bénéficient aucunement des facilités accordées aux AMP, CMP et RMP en termes de formation et d'assistance (pas de formation en ligne, pas de lettre d'information MOBOTIX, pas de documentation gratuite sur les produits MOBOTIX, pas d'assistance et prise de main à distance etc.).
537.Il s'en déduit que l'objectif des stipulations litigieuses ne pouvait donc pas être le maintien de la qualité et du bon fonctionnement du service.
538.Ainsi, l'application du critère régissant le choix des AMP, CMP et RMP et imposant qu'ils ne disposent pas d'une boutique en ligne comme « modèle commercial principal », n'était pas adapté à l'objectif affiché par les requérantes et allait au-delà de ce qui était nécessaire pour préserver la qualité des produits et la sécurisation de leur bon usage.
539.Eu égard à la nature de la pratique en cause, qui a empêché les revendeurs-installateurs de recourir librement au commerce en ligne pour faire jouer la concurrence intra-marque par les prix, et les consommateurs finals de comparer avec plus de facilité le prix des produits MOBOTIX, il n'importe que certains des AMP, CMP et RMP entendus au cours de l'enquête administrative aient pu déclarer que le choix de ne pas recourir au canal de la vente en ligne avait été le leur et non un choix dicté par les exigences de MOBOTIX.
540.Une telle pratique présente un degré de gravité certain au regard des enjeux liés à l'usage du commerce en ligne, mis en exergue notamment dans les lignes directrices n° 2010/C130/01 (notamment, point 54), peu important que lesdits revendeurs choisissent in fine de ne pas faire usage de ce canal de distribution pour la revente des produits MOBOTIX.
541.En outre, la circonstance que la vente en ligne est peu développée dans le secteur de la vidéosurveillance ne saurait justifier la mise en 'uvre d'une pratique restrictive en la matière, qui a contribué à freiner le développement de solutions novatrices basées sur le commerce en ligne dans ce secteur.
542.Il résulte de l'ensemble de ces considérations qu'au cas particulier, les stipulations litigieuses n'étaient pas proportionnées au regard de l'objectif poursuivi par les accords en cause, de sorte qu'il doit être retenu, sans qu'il soit besoin d'examiner si les critères choisis ont été appliqués de façon discriminatoire ou non, que ces accords ont eu pour objet de restreindre les ventes passives aux utilisateurs finals désireux d'acheter par Internet et, partant, le libre jeu de la concurrence dans le secteur de la vidéosurveillance.
543.Eu égard à leur teneur, à leur objectif et au contexte économique et juridique dans lequel ils s'insèrent, les accords en cause présentent donc un degré de nocivité pour la concurrence de nature à leur conférer, comme l'a retenu, à juste titre, l'Autorité au paragraphe 288 de la décision attaquée, le caractère d'une restriction de concurrence par objet au sens des articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les effets que la pratique incriminée a réellement produits.
544.Le moyen sera donc rejeté.
C. Sur l'exemption par catégorie
545.Dans la décision attaquée, l'Autorité a retenu que l'exemption prévue par l'article 2 du règlement n° 330/2010 ne s'appliquait pas en l'espèce.
546.MOBOTIX et BE IP soutiennent que, dans le cas où la Cour retiendrait l'existence d'une entente concernant une restriction de vente en ligne, cet accord devrait bénéficier de l'exemption par catégorie du règlement n° 330/2010, au regard des exceptions prévues aux points 52 c) et 54 des lignes directrices de 2010.
547.En premier lieu, BE IP fait valoir, sur le fondement du point 54 des lignes directrices de 2010, que l'exemption par catégorie permet au fournisseur d'exclure de son système de distribution les « pure players » et les revendeurs dont le point de vente occupe une place totalement marginale dans le modèle commercial, ce qui correspond aux stipulations des contrats en cause.
548.En second lieu, BE IP soutient que les stipulations de l'annexe D3 permettent aux revendeurs-installateurs de savoir que le chiffre d'affaires qu'ils réalisent hors-ligne doit équivaloir à au moins 50 % de leurs produits contractuels et que, partant, elles entrent dans l'exception prévue par le point 52 c) desdites lignes directrices.
549.MOBOTIX considère que l'application par l'Autorité du point 52 c) à la pratique litigieuse est contraire aux nouvelles lignes directrices de 2022 et que l'Autorité aurait dû établir que les distributeurs et revendeurs étaient empêchés de faire un usage effectif d'Internet, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
550.L'Autorité estime que les restrictions en cause ne présentent pas les caractéristiques des pratiques que les lignes directrices de 2010 considèrent comme pouvant bénéficier d'une exemption sur le fondement de l'article 2 du règlement n° 330/2010.
551.S'agissant du point 54 précité, elle soutient qu'il a été établi que les stipulations des contrats de MOBOTIX, comme les différents documents recueillis au cours de l'enquête, ne visent pas exclusivement les installateurs qui ne disposent pas de point de vente physique mais, plus largement, ceux ayant une boutique en ligne comme activité principale.
552.De même, il a été établi que la restriction figurant dans les contrats de MOBOTIX et les divers documents recueillis ne consistait pas en une limitation exprimée en termes absolus, de sorte que MOBOTIX ne peut bénéficier d'une exemption sur la base du point 52 c).
553.Le ministre chargé de l'économie relève que les termes « à titre principal » ne permettent pas aux revendeurs-installateurs de connaître avec précision la quantité de produits qu'ils devaient vendre hors ligne. L'application d'un plancher de vente soumise à la seule interprétation des parties contrevient donc à la lettre des lignes directrices de 2010.
554.Le ministère public partage l'avis de l'Autorité.
Sur ce, la Cour :
555.À titre liminaire, la Cour rappelle que seul le règlement n° 330/2010 est applicable ratione temporis aux faits de l'espèce, de sorte que MOBOTIX invoque en vain les dispositions du règlement 2022 et des lignes directrices y afférentes.
556.L'article 4 de ce règlement n° 330/2010 énonce que « [l]'exemption prévue à l'article 2 ne s'applique pas aux accords verticaux qui, directement ou indirectement, isolément ou cumulés avec d'autres facteurs sur lesquels les parties peuvent influer, ont pour objet :
['] c) de restreindre les ventes actives ou les ventes passives aux utilisateurs finals par les membres d'un système de distribution sélective qui agissent en tant que détaillants sur le marché, sans préjudice de la possibilité d'interdire à un membre du système d'exercer ses activités à partir d'un lieu d'établissement non autorisé » (souligné par la Cour).
557.En outre, le point 52 des lignes directrices de 2010 explicite les considérations qui sous-tendent l'édiction de restrictions caractérisées portant sur le commerce en ligne : « Internet est un instrument puissant qui permet d'atteindre un plus grand nombre et une plus grande variété de clients que par les seules méthodes de vente plus traditionnelles, ce qui explique pourquoi certaines restrictions à son utilisation sont considérées comme une restriction des (re)ventes. En principe, tout distributeur doit être autorisé à utiliser Internet pour vendre ses produits. En règle générale, l'utilisation par un distributeur d'un site Internet pour vendre des produits est considérée comme une forme de vente passive, car c'est un moyen raisonnable de permettre aux consommateurs d'atteindre le distributeur ».
558.La Cour rappelle, toutefois, que les points 52 c) et 54 des lignes directrices 2010 prévoient que l'utilisation d'Internet peut être subordonnée à certaines exigences.
559.D'une part, le fournisseur, sans limiter les ventes en ligne, peut exiger de l'acheteur qu'il vende « au moins une certaine quantité absolue (en valeur ou en volume) des produits hors ligne », pour assurer le bon fonctionnement de son point de vente physique, ou qu'il s'assure que l'activité sur Internet du distributeur reste cohérente avec son modèle de distribution (point 52 c) précité).
560.D'autre part, le fournisseur peut imposer des normes de qualité pour l'utilisation du site Internet aux fins de la vente de ses produits, telle que l'exigence faite à ses distributeurs qu'ils disposent d'un ou de plusieurs points de vente physiques comme condition pour pouvoir devenir membres de son système de distribution (point 54 précité).
561.Il se déduit des textes européens précités, qui mettent en exergue la puissance d'Internet et les avantages que présente son utilisation pour les consommateurs, que toute limitation de son usage pour la revente des produits doit être circonscrite de façon précise.
562.Au cas particulier, la Cour a retenu au paragraphe 542 du présent arrêt, que les accords en cause avaient pour objet de restreindre les ventes passives aux utilisateurs finals désireux d'acheter par Internet.
563.Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Cour relève qu'aucune des exigences admises par les lignes directrices 2010 et susceptibles d'offrir aux entreprises le bénéfice d'une exemption sur le fondement de l'article 2 du règlement n° 330/2010, ne correspond aux faits de l'espèce.
564.S'agissant, en premier lieu, de l'hypothèse prévue par le point 54 précité, la Cour rappelle que les conditions imposées par la mention litigieuse constituent une exigence allant bien au-delà de la seule obligation de disposer d'un point de vente physique (voir le paragraphe 494 du présent arrêt).
565.S'agissant, en second lieu, de l'hypothèse prévue par le point 52 c) précité, il y a lieu de relever que les contrats en cause imposaient aux distributeurs de n'entrer en relation qu'avec des AMP, CMP et RMP qui ne disposaient pas d'une boutique en ligne comme « modèle commercial principal », sans qu'aucune quantité absolue minimale ' en valeur ou en volume ' de produits à vendre hors ligne, ne soit précisée.
566.Or, le terme « principal », attaché à la locution « modèle principal », ne saurait désigner à lui seul avec précision une quantité absolue ' en valeur ou en volume ' de ventes à réaliser hors ligne.
567.À cet égard, BEIP ne saurait sérieusement soutenir, pour se prévaloir du bénéfice de l'exemption par catégorie, que la mention litigieuse permettait aux revendeurs-installateurs de savoir que leur chiffre d'affaires devait équivaloir à au moins 50 % de leurs produits contractuels, après avoir soutenu inversement, pour contester tout acquiescement à une pratique anticoncurrentielle, que la limitation prescrite par cette mention ne concernait pas la proportion de l'activité ou des ventes réalisées en ligne et ne faisait que prohiber le modèle des « pure players », sans fixer aucune limite quantitative de revente sur Internet (paragraphes 269 à 274 du mémoire de BE IP du 22 mai 2023).
568.Il résulte de ces considérations que la pratique en cause ne peut pas bénéficier de l'exemption prévue par l'article 2 du règlement n° 330/2010.
569.Le moyen sera donc rejeté.
VI. SUR L'IMPUTABILITÉ
570.Dans la décision attaquée, l'Autorité a considéré qu'il y avait lieu d'imputer les pratiques constatées au titre des griefs n° 1 et n° 2, d'une part, à MOBOTIX, en sa qualité de fournisseur et aux sociétés ACTN, BE IP et EDOX, en leur qualité de grossistes, en tant qu'auteures des pratiques et, d'autre part, à la société PENA SCH en tant que société mère de la société ACTN, en raison de l'absence d'éléments de nature à renverser la présomption d'influence déterminante exercée sur cette dernière.
571.ACTN soutient, quant à elle, que les pratiques condamnées sont unilatérales.
572.S'appuyant sur plusieurs précédents jurisprudentiels et décisionnels, ACTN fait valoir que les distributeurs ne sont en principe poursuivis que s'ils ont eux-mêmes respecté la politique tarifaire ou activement contribué à la faire respecter par les autres distributeurs. Elle soutient que, lorsqu'à l'inverse, les distributeurs ont signé un contrat contenant une clause explicitement restrictive de concurrence mais qu'il n'est pas établi qu'ils l'ont mise en 'uvre, l'Autorité ne condamne que le fournisseur.
573.Elle affirme qu'aucune participation active d'ACTN à la mise en 'uvre des objectifs anticoncurrentiels n'a été établie, tant s'agissant du grief n° 1 que du grief n° 2. Elle relève, par ailleurs, que le rapport administratif d'enquête avait considéré que les distributeurs ne pouvaient se voir imputer la limitation de ventes sur Internet en tant qu'ils n'étaient pas concernés par la pratique.
574.S'agissant des pratiques d'interdiction de vente sur Internet, elle relève qu'il n'existe pas d'exemple de condamnation d'un distributeur mais seulement du fournisseur.
575.L'Autorité estime qu'au prétexte de contester l'imputabilité des pratiques, ACTN remet en cause sa participation à ces dernières et leur caractère multilatéral, alors que ces éléments ont été établis dans la décision attaquée.
576.Elle rappelle que selon la décision n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en 'uvre dans le secteur de la distribution de jouets, l'opportunité de mettre en cause les distributeurs ayant pris part à une entente verticale relève du pouvoir souverain d'appréciation des autorités de concurrence. En l'espèce, la mise en cause des distributeurs apparaît d'autant plus justifiée, selon elle, qu'en signant des contrats contenant des stipulations restrictives de concurrence, ils ont, de manière non équivoque, manifesté leur volonté de prendre part à l'entente sanctionnée.
577.Le ministre chargé de l'économie estime que l'argument tend en réalité à contester la qualification des pratiques et leur imputation aux distributeurs. Il souligne par ailleurs que l'Autorité a déjà sanctionné des distributeurs qui n'avaient pas nécessairement pris une part déterminante dans la commission de l'entente verticale.
578.Le ministère public considère que la pratique décisionnelle de l'Autorité relative aux restrictions verticales lui confère un pouvoir souverain d'appréciation s'agissant de la mise en cause des distributeurs. En l'espèce, il a été démontré que les pratiques n'étaient pas unilatérales et que les distributeurs, par la signature des contrats, avaient acquiescé à l'invitation de limiter les ventes en ligne.
Sur ce, la Cour :
579.Il convient de rappeler que les règles d'imputabilité des infractions au droit de la concurrence, qui découlent de la définition de l'entreprise visée par l'article 101 du TFUE, relèvent du droit matériel européen de la concurrence et doivent être appliquées par le juge national selon l'interprétation qui en est donnée par la CJUE.
580.Or, il est de jurisprudence constante que « la notion d'entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique et que, lorsqu'une telle entité économique enfreint les règles de la concurrence, il lui incombe, selon le principe de la responsabilité personnelle, de répondre de cette infraction » (CJUE du 29 septembre 2009, Elf Aquitaine/Commission, C-521/09, point 53 et jurisprudence citée).
581.Il s'ensuit qu'eu égard aux motifs exposés dans les sous-parties A. 2. des parties IV. et V., relatives à l'acquiescement de BE IP et ACTN aux deux pratiques en cause, ACTN ne saurait sérieusement soutenir que les pratiques étaient unilatérales, qu'elle n'y a pas pris part et qu'elle n'a pas enfreint les règles de la concurrence.
582.C'est donc à juste titre que la décision attaquée a retenu qu'au prétexte de contester l'imputabilité des pratiques, les distributeurs remettaient en réalité en cause leur participation aux pratiques, établies par ladite décision, et qu'il y avait lieu d'imputer à MOBOTIX, en sa qualité de fournisseur et à ACTN et BE IP, en leur qualité de grossistes, les pratiques constatées au titre des griefs n° 1 et n° 2, en tant qu'auteures des pratiques.
583.Dès lors, le moyen sera rejeté.
VII. SUR LES SANCTIONS
584.Aux termes de l'article L. 464-2, I, du code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise sanctionnée et de façon motivée pour chaque sanction.
585.Les requérantes considèrent que le montant des sanctions qui leur ont été infligées est disproportionné et reprochent à l'Autorité d'avoir fait une appréciation erronée de la gravité des pratiques et du dommage à l'économie, au regard du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après « le communiqué sanctions »), applicable au cas particulier.
586.S'il est constant que la Cour n'est pas liée par ce communiqué, il lui appartient néanmoins de vérifier que l'Autorité a respecté les règles qu'elle s'est elle-même fixée dans ce dernier, sauf à ce qu'elle explique les raisons particulières pour lesquelles elle s'en est écartée, conformément au point 7 de ce communiqué.
A. Sur le choix de prononcer à l'encontre de chaque société deux sanctions distinctes
587.Dans la décision attaquée, l'Autorité a prononcé au titre du grief n° 1 relatif à une pratique de restriction de la liberté tarifaire, une sanction pécuniaire de 386 854 euros à l'encontre de la société MOBOTIX, de 293 080 euros à l'encontre de la société ACTN, de 100 998 euros à l'encontre de la société BE IP et de 58 601 euros à l'encontre de la société EDOX.
588.Au titre du grief n° 2 relatif à une pratique de restriction de vente sur Internet, l'Autorité a prononcé une sanction pécuniaire de 257 903 euros à l'encontre de la société MOBOTIX, de 195 387 euros à l'encontre de la société ACTN, de 67 332 euros à l'encontre de la société BE IP et de 39 067 euros à l'encontre de la société EDOX.
589.Les sociétés ACTN et BE IP considèrent que le choix de prononcer deux sanctions distinctes à leur encontre revient à accroître de façon artificielle et disproportionnée le montant des sanctions. La société ACTN soutient que ce choix ne résulte ni de la jurisprudence européenne, ni du communiqué sanctions. La société BE IP affirme que le cumul des deux sanctions revient à lui infliger une sanction globale établie sur la base d'une proportion de valeur des ventes de 10 %, disproportionnée au regard des critères de gravité, de dommage à l'économie et de durée évalués ci-après.
590.L'Autorité justifie sa décision par le fait que les pratiques visées par chacun des deux griefs ont affecté des paramètres de concurrence distincts tout en poursuivant le même objectif anticoncurrentiel.
Sur ce, la Cour :
591.À titre liminaire, il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante, plusieurs sanctions peuvent être infligées à une entreprise ayant commis plusieurs infractions, en déterminant chacune d'elles en fonction des critères prévus par le code de commerce dans le respect du maximum légal applicable (Cass. Com., 22 novembre 2016, pourvois n° 14-28.862 et 14-28.224).
592.S'il est loisible à l'Autorité d'infliger une seule sanction au titre de plusieurs infractions, nonobstant les différences relatives à leur durée, leur gravité ou les dommages qui en résultent, eu égard à l'identité ou à la connexité des secteurs ou des marchés en cause et à l'objet général des pratiques, aucun texte ne l'y oblige pour autant.
593.En outre, la Cour relève que, nonobstant les liens qui existent entre certains faits en cause, les sanctions prononcées concernent deux pratiques de nature différente.
594.En effet, si les griefs n° 1 et n° 2 visent tous les deux une entente verticale contraire aux articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, l'objet des pratiques reprochées diffère substantiellement entre ces deux griefs, dès lors que le grief n° 1 concerne une entente verticale visant à restreindre la liberté tarifaire des partenaires MOBOTIX, tandis que le grief n° 2 concerne une entente verticale visant à restreindre la vente en ligne des produits de la marque.
595.Dès lors, le moyen doit être rejeté.
B. Sur la détermination du montant de base
596.Le paragraphe 21 du communiqué sanctions prévoit que l'Autorité, pour mettre en 'uvre les critères permettant de déterminer le montant des sanctions qu'elle inflige, doit d'abord déterminer le montant de base de la sanction pécuniaire pour chaque entreprise ou organisme en cause, en considération de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie.
1. Sur la valeur des ventes
597.La Cour rappelle que la valeur des ventes réalisées par chacune des requérantes, retenue par l'Autorité dans la décision attaquée et non contestée par les sociétés requérantes, correspond, pour les distributeurs ACTN et BE IP, au chiffre d'affaires réalisé en France pour les produits MOBOTIX sur le dernier exercice complet de leur participation à l'infraction, soit 2019 pour ACTN et 2018 pour BE IP (§ 319 de la décision attaquée) et, pour MOBOTIX, au chiffre d'affaires réalisé en France avec ses grossistes sur le dernier exercice complet de sa participation à l'infraction, soit 2019 (§ 320 de la décision attaquée).
2. Sur la gravité des pratiques
598.Dans la décision attaquée, l'Autorité a retenu que la pratique visée par le grief n° 1 était d'une indéniable gravité, tout en tempérant celle-ci au regard de la circonstance qu'il n'était pas établi que cette pratique ait été accompagnée de mesures de surveillance ou de coercition destinées à en garantir le respect par les grossistes et les revendeurs concernés.
599.Concernant le grief n° 2, l'Autorité a retenu que la gravité certaine de la pratique était accrue, d'une part, par la mise en 'uvre combinée d'une restriction de la liberté de fixer les prix de vente et d'une restriction de vente sur Internet et, d'autre part, par le fait que les pratiques ont été mises en 'uvre au moyen de documents contractuels, mais aussi atténuée par le fait que les distributeurs avaient choisi de vendre leurs produits auprès d'un nombre significatif de revendeurs UMP.
a. Concernant les moyens communs aux deux griefs
600.ACTN invoque la qualité de professionnels des revendeurs-installateurs impactés et souligne que leurs clients représentent une clientèle exigeante, qui ne correspond pas à des consommateurs fragiles et captifs. Elle critique également l'appréhension des paramètres de concurrence effectuée par l'Autorité et fait valoir que le marché des caméras de vidéosurveillance est marqué par une véritable concurrence au niveau inter-marque et intra-marque. Selon ACTN, l'Autorité a considéré à tort que les pratiques revêtaient un degré de gravité certain, en s'appuyant notamment sur la considération erronée de ce qu'elles auraient été généralisées à l'ensemble des revendeurs partenaires de grossistes condamnés en raison de leur caractère contractuel, alors que les stipulations litigieuses ne figuraient que dans les contrats de trois grossistes.
601.BE IP et ACTN critiquent la décision attaquée en ce qu'elle retient que la pratique du grief n° 1 est d'autant plus grave qu'elle s'ajoute à celle du grief n° 2.
602.L'Autorité considère qu'elle était fondée à prendre en compte les éléments retenus dans la décision attaquée et conteste les arguments des requérantes.
Sur ce, la Cour :
603.Comme le prévoit le troisième alinéa de l'article L. 464-2, I, du code de commerce, les sanctions pécuniaires doivent être proportionnées à la gravité des faits reprochés.
604.Les points 25 et 26 du communiqué sanctions prévoient que l'Autorité apprécie la gravité des faits de façon objective et concrète, au vu de l'ensemble des éléments pertinents du cas d'espèce et qu'elle tient notamment compte de la nature de l'infraction en cause et des faits retenus pour la caractériser, de la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause, de la nature des personnes susceptibles d'être affectées et des caractéristiques objectives de l'infraction.
605.En l'espèce, l'argument selon lequel le marché amont de la fourniture de caméras de surveillance se caractérise par la concurrence inter-marque de produits asiatiques susceptibles d'être proposés par les distributeurs de MOBOTIX est inopérant, dès lors qu'il a déjà été établi, aux paragraphes 374 et 375 du présent arrêt, que MOBOTIX était un acteur incontournable sur les produits de vidéosurveillance haut de gamme, nonobstant une part de marché limitée.
606.La Cour relève que, contrairement à ce qu'indique ACTN, BE IP a choisi de distribuer uniquement des produits MOBOTIX pendant la presque totalité de la période des pratiques, et non de distribuer les produits d'un grand nombre de marques (cote 2983).
607.Concernant l'absence de concurrence intra-marque alléguée, la Cour considère que l'Autorité a valablement retenu, à plusieurs endroits de la décision, que les pratiques en cause avaient engendré une diminution de la concurrence intra-marque entre les revendeurs des produits MOBOTIX, s'agissant de pratiques ayant harmonisé les informations de prix publiées par les partenaires du réseau (paragraphe 219 de la décision attaquée) et limité la distribution de ces produits par un nouveau canal de distribution (paragraphe 407 de la décision attaquée).
608.En outre, la Cour considère qu'ont été affectés par les pratiques en cause, non seulement les revendeurs-installateurs, qui sont des professionnels ayant librement décidé de faire partie du « Programme Partenaire MOBOTIX », mais aussi les consommateurs finals des produits MOBOTIX.
609.Il n'importe que ces derniers aient pu être des professionnels, dès lors que d'une part, ils se sont vu proposer d'acheter des produits MOBOTIX à des prix supérieurs du fait de l'harmonisation des prix au détail et, d'autre part, ils ont été empêchés de comparer les meilleurs tarifs en ligne, du fait de la pratique restreignant les ventes passives aux utilisateurs finals désireux d'acheter par Internet.
610.La Cour considère, par ailleurs, que l'Autorité était fondée à retenir que la gravité des pratiques relevant du grief n° 1 et du grief n° 2 était accrue par le fait que ces pratiques affectaient des paramètres de concurrence distincts, tout en poursuivant le même objectif, dès lors que la combinaison de l'harmonisation des prix de détail et de la limitation du canal de la vente ligne imposées par les accords en cause, a restreint d'autant plus la possibilité des consommateurs finals de bénéficier d'un prix plus compétitif.
611.C'est aussi à juste titre que l'Autorité a relevé, aux paragraphes 327 et 392 de la décision attaquée, que le caractère contractuel des pratiques en cause était un élément de nature à en accroître la gravité.
612.Enfin, la mise en 'uvre de pratiques au moyen de documents contractuels, qui constituent le socle de la relation entre MOBOTIX et des distributeurs réalisant plus des deux tiers des ventes de produits MOBOTIX en France, a effectivement permis la généralisation de ces pratiques aux clients de ces distributeurs et garanti leur application.
b. Concernant le grief n° 1
613.MOBOTIX, ACTN et BE IP soutiennent que l'Autorité, qui n'a retenu comme élément de tempérament de la pratique que le fait qu'il n'était pas établi que la pratique était accompagnée de mesures de surveillance ou de coercition, aurait dû relativiser plus encore la gravité de la pratique de restriction de la liberté tarifaire, en retenant d'autres éléments.
614.BE IP reproche à l'Autorité de ne pas avoir tiré de l'absence de mesures de surveillance ou de coercition en l'espèce, notamment, la conclusion que la gravité était, non pas d'une indéniable gravité mais d'une gravité très faible.
615.ACTN et BE IP reprochent à la décision de ne pas démontrer que la pratique litigieuse a harmonisé les prix de vente et de ne contenir aucune démonstration sur les prix effectivement appliqués. Elles arguent de l'importance représentée par l'installation dans le prix final d'une prestation globale de vente et d'installation de systèmes de vidéosurveillance et l'absence d'impact des pratiques sur les clients finals du fait de la modulation du coût de l'installation par les revendeurs-installateurs.
616.ACTN reproche, par ailleurs, à l'Autorité d'avoir généralisé la pratique d'harmonisation des prix de vente à l'ensemble des revendeurs-installateurs des distributeurs condamnés, alors que la clause relative à l'affichage des prix n'a été identifiée que dans les contrats de trois grossistes, qui, du reste, ne l'auraient pas appliquée. Elle lui reproche également de ne pas avoir tenu compte des spécificités du marché et des produits (produits complexes nécessitant une installation, haut niveau de conseil, longues négociations sur les prix) et de ne pas avoir pris en considération le fait que le client final détermine son achat en fonction du professionnalisme du revendeur-installateur, et non en fonction du prix des produits MOBOTIX. Elle demande, enfin, qu'il soit tenu compte du caractère inédit des pratiques pour tempérer la gravité.
617.MOBOTIX, quant à elle, considère avoir démontré la possibilité pour les distributeurs AMD et les revendeurs-installateurs, de déterminer leurs prix de vente et l'application effective de prix de vente différents des prix conseillés.
618.L'Autorité leur oppose notamment que les ententes reposant sur des mesures relatives à l'affichage des prix présentent un degré certain de gravité.
619.Le ministre de l'économie considère que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'absence de mécanisme de police devrait être prise en compte afin d'atténuer la gravité des pratiques.
620.Le ministère public invite la Cour à rejeter le moyen.
Sur ce, la Cour :
621.Concernant, en premier lieu, les éléments se rapportant aux caractéristiques objectives de l'infraction, il y a lieu de rappeler que le paragraphe 26 du communiqué sanctions est ainsi libellé :
« Pour apprécier la gravité des faits, l'Autorité tient notamment compte des éléments suivants, en fonction de leur pertinence :
' la nature de l'infraction ou des infractions en cause et des faits retenus pour la ou les caractériser (entente entre concurrents, qui peut elle-même revêtir un degré de gravité différent selon qu'il s'agit, par exemple, d'un cartel de prix ou d'un simple échange d'informations ; entente entre deux acteurs d'une même chaîne verticale, comme une pratique de prix de revente imposés par un fournisseur à des distributeurs ; abus de position dominante, qu'il s'agisse d'abus d'éviction ou d'exploitation), ainsi que la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés (prix, clientèle, production, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison ; ces éléments revêtent une importance centrale dans le cas des pratiques anticoncurrentielles expressément visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et 101 et 102 TFUE, en considération de leur gravité intrinsèque ;
' la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause (activité de service public, marché public, secteur ouvert depuis peu à la concurrence, etc.) et, le cas échéant, leur combinaison ;
' la nature des personnes susceptibles d'être affectées (petites et moyennes entreprises [PME], consommateurs vulnérables, etc.), et
' les caractéristiques objectives de l'infraction ou des infractions (caractère secret ou non, degré de sophistication, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, détournement d'une législation, etc.). » (souligné par la Cour).
622.Pour apprécier le degré de gravité de l'infraction, l'Autorité n'est pas tenue de mettre en 'uvre de manière cumulative l'ensemble des critères énumérés au paragraphe 26 précité, dont la liste n'est pas limitative, mais uniquement ceux qui lui apparaissent pertinents au regard de la nature des faits et des circonstances de l'espèce et qui sont susceptibles, soit d'aggraver les faits, soit de les minorer.
623.En l'espèce, il n'est pas contesté que les éléments du dossier ne font pas ressortir l'existence d'un mécanisme organisé de surveillance, de police, ou encore de représailles.
624.En effet, ni la clause 4.4 des contrats, qui se limitait à prévoir le droit pour MOBOTIX de réduire les remises accordées aux distributeurs s'ils ne fournissaient pas les prévisions de ventes ou s'ils ne déclaraient pas leurs ventes conformément à l'article 4.2, ni les éléments comportementaux versés au dossier, n'ont permis d'établir un tel mécanisme.
625.Or, au stade de l'appréciation de la gravité des pratiques, et en application du paragraphe 26 du communiqué sanctions, c'est l'existence éventuelle de mesures de police ou de représailles qui doit être prise en compte. Cette lecture est confirmée par l'article 46 du même communiqué, qui précise que l'exercice de mesures mises en 'uvre pour contraindre d'autres entreprises à participer à l'infraction et de mesures de rétorsion, constitue une circonstance aggravante imputable à une entreprise précise dans le cadre de l'individualisation de la sanction.
626.Il en résulte que, contrairement à ce qu'a retenu l'Autorité au paragraphe 331 de la décision attaquée, l'absence de mesures de police ou de surveillance ne sera pas retenue comme élément de tempérament de la pratique en cause.
627.Par ailleurs, la Cour relève que la pratique en cause a été organisée de façon très indirecte, à travers la combinaison de plusieurs clauses contractuelles en apparence indépendantes les unes des autres, mais en réalité interdépendantes, mais aussi de l'articulation de ces stipulations contractuelles avec le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », figurant sur le site Internet de MOBOTIX et communiqué aux revendeurs-installateurs avant leur enregistrement à ce « programme », qui contenait des précisions sur la pratique litigieuse (paragraphes 241 et suivants et 366 du présent arrêt).
628.Il s'en infère que la pratique en cause revêt une particulière sophistication dont il y a lieu de tenir compte au stade de l'évaluation de la gravité des pratiques.
629.Concernant, en deuxième lieu, la nature de l'infraction, il résulte des motifs exposés dans la partie IV. B. du présent arrêt que les requérantes ont mis en 'uvre une pratique ayant pour objet de restreindre la liberté tarifaire des partenaires MOBOTIX, tout en leur garantissant la consolidation d'une marge stable (paragraphe 366 du présent arrêt).
630.Il ne saurait sérieusement être soutenu que cette pratique présente un caractère inédit, nonobstant le fait que le dispositif en cause présente ses propres singularités (paragraphe 369 du présent arrêt).
631.Il ressort, au contraire, d'une jurisprudence constante que cette pratique portant sur la fixation du prix de revente, expressément visée par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE, revêt un degré de gravité certain.
632.La Cour ajoute que l'effectivité de ces pratiques a été exposée à titre surabondant dans la sous-partie 2.b. de la partie IV. A. du présent arrêt.
633.Concernant, en troisième lieu, la nature des activités et du marché en cause, la circonstance que les revendeurs-installateurs pouvaient, à l'occasion de leurs prestations globales de vente et d'installation d'un système de vidéosurveillance, moduler le poste du coût tenant au prix de l'installation des produits MOBOTIX, ne saurait être prise en compte pour tempérer la gravité de la pratique examinée, dès lors qu'il a été retenu, au paragraphe 380 du présent arrêt, que les prix des équipements représentaient une part substantielle du coût total supporté par le client final, et qu'en tout état de cause, l'harmonisation des prix de détail des produits MOBOTIX résultant de la pratique litigieuse était de nature à augmenter le prix de cette prestation.
c. Concernant le grief n° 2
634.Les requérantes font valoir que les pratiques n'ont pas la gravité qui leur est prêtée par la décision attaquée.
635.ACTN et BE IP continuent à soutenir que la mention litigieuse tenant en six mots ne saurait fonder le constat d'une pratique anti-concurrentielle, que l'Autorité a fait une appréciation erronée des obligations contractuelles des distributeurs, que les éléments sur lesquels la décision attaquée est fondée ne sont pas suffisamment étayés, que la pratique en litige concerne seulement l'interdiction d'un modèle de vente sur Internet et non une quelconque interdiction de vendre en ligne.
636.Elles soutiennent, par ailleurs, que les produits MOBOTIX qui sont le plus souvent vendus dans le cadre d'une prestation globale d'installation, ne sont pas adaptés à la vente en ligne et que l'activité sur Internet ne pourrait jamais représenter la « majorité » de leur activité.
637.En outre, la restriction de vente en ligne retenue par l'Autorité ne saurait, selon elles, limiter la possibilité des revendeurs de proposer leurs produits hors de leur zone de chalandise puisqu'en tout état de cause, les revendeurs-installateurs ne vendent pas leurs produits hors de leur zone d'intervention où ils pratiquent des installations. BE IP ajoute que la gravité de la pratique devrait être atténuée par le fait que 90 % des revendeurs de produits MOBOTIX en sont exclus.
638.MOBOTIX considère qu'aucun élément au dossier ne permet d'affirmer qu'elle aurait limité la part des ventes sur Internet des partenaires de son réseau de distribution et conteste la décision attaquée notamment en ce qu'elle a retenu que la pratique aurait affecté les consommateurs finals.
639.L'Autorité rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence et d'une pratique décisionnelle constante que les pratiques de restriction des ventes en ligne sont considérées comme présentant un degré certain de gravité. Elle considère néanmoins que le choix des distributeurs AMD de vendre leurs produits à un nombre significatif de revendeurs-installateurs qui n'étaient pas assujettis à la restriction des ventes en ligne, permet d'en atténuer la gravité.
640.Le ministre chargé de l'économie considère qu'en l'espèce, les produits MOBOTIX peuvent être vendus sur Internet, sans devoir être nécessairement associés à une prestation d'installation.
641.Le ministère public est d'avis qu'à cause de la pratique litigieuse, les consommateurs n'ont pas pu faire jouer pleinement la concurrence entre les revendeurs-installateurs.
Sur ce, la Cour :
642.En premier lieu, il résulte des développements précédents sur la matérialité des faits, leur portée et leur qualification (partie V. du présent arrêt), que les requérantes ne sont pas fondées à contester l'appréciation faite de leurs obligations contractuelles par l'Autorité et que c'est à juste titre que l'Autorité a pris en compte, en tant qu'éléments objectifs se rapportant à la nature et aux caractéristiques objectives de la pratique, le fait que l'entente en cause incitait les distributeurs AMD à sélectionner des revendeurs exerçant en majorité leur activité sur Internet, dans un contexte de contrôle de la communication publique des prix au détail, dans le but d'une uniformisation de ces prix répondant à une stratégie de contrôle des marges (paragraphes 390 à 392 et 395 de la décision attaquée).
643.Par ailleurs, la Cour relève, comme elle l'a fait pour la pratique visée par le grief n° 1, que la pratique visée par le grief n° 2 a été organisée de façon indirecte, à travers la combinaison de plusieurs clauses contractuelles en apparence indépendantes les unes des autres, mais en réalité interdépendantes, mais aussi de l'articulation de ces stipulations contractuelles avec le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX », figurant sur le site Internet de MOBOTIX et communiqué aux revendeurs-installateurs avant leur enregistrement à ce « programme » (paragraphes 495 et 496 du présent arrêt).
644.Ce document, qui contenait des précisions sur la pratique litigieuse, a entretenu une ambigüité quant au champ précis de la restriction pesant sur les revendeurs-installateurs, comme l'a indiqué l'Autorité au paragraphe 274 de la décision, en utilisant des formules différentes de celle de l'annexe D3 des contrats en cause, comme d'autres documents destinés aux revendeurs-installateurs, du reste (voir le « MOBOTIX Programme de Partenaires », cotes 1262 à 1264, et le « Listing avantages et obligations AMP », cote 878).
645.Il s'en infère que la pratique en cause revêt une particulière sophistication dont il y a lieu de tenir compte au stade de l'évaluation de la gravité des pratiques.
646.Concernant, en second lieu, la nature du secteur en cause, la Cour considère que, même si la circonstance que le revendeur se déplace sur site à l'occasion des projets d'envergure peut constituer un facteur susceptible de réduire de facto la zone de chalandise de certains revendeurs-installateurs, rien ne justifiait de limiter la possibilité des revendeurs-installateurs de recourir à la vente en ligne des produits MOBOTIX, dont les caractéristiques se prêtaient, comme indiqué précédemment, au commerce en ligne.
647.La décision attaquée a donc retenu à juste titre que la pratique en cause avait privé les revendeurs-installateurs de la possibilité de réaliser des ventes passives à destination de clients situés en dehors de leur zone de chalandise habituelle (paragraphe 328 de la décision attaquée).
648.S'agissant des contraintes inhérentes à l'installation des produits MOBOTIX, il est exact qu'il peut être exigé, dans certaines circonstances, de partenaires commerciaux qu'ils disposent d'un ou de plusieurs points de vente physiques pour devenir membres d'un réseau de distribution.
649.Cependant, alors qu'une telle exigence doit, à tout le moins, être formulée avec clarté, il a été constaté au paragraphe 494 du présent arrêt qu'en l'espèce, la rédaction de l'interdiction formulée à l'annexe D3 des contrats ne permettait pas d'en déduire une simple obligation de disposer d'un point de vente, mais allait au contraire bien au-delà de cette obligation.
650.La pratique en cause présente donc un degré de gravité certain au regard des enjeux liés à l'usage du commerce en ligne, mis en exergue notamment dans les lignes directrices n° 2010/C 130/01 (notamment, points 52 et 54), peu important que lesdits revendeurs choisissent in fine de ne pas faire usage de ce canal de distribution pour la revente des produits MOBOTIX, comme l'a déjà indiqué la Cour au paragraphe 539 du présent arrêt.
651.Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, la Cour partage l'appréciation de l'Autorité selon laquelle les pratiques en cause ont présenté un caractère de gravité certain, mais leur attribue un degré de gravité supérieur à celui retenu par l'Autorité aux paragraphes 324 à 331 et 387 à 395.
3. Sur l'importance du dommage causé à l'économie
652.Dans la décision attaquée, l'Autorité a retenu que la pratique visée par le grief n°1 a causé un dommage certain mais modéré à l'économie et que celle visée par le grief n° 2 a causé un dommage certain mais très limité à l'économie, en raison du niveau limité des ventes en ligne propre à ce secteur.
a. Concernant les moyens communs aux deux griefs
653.MOBOTIX, ACTN et BE IP soutiennent que l'Autorité aurait dû retenir un dommage à l'économie encore plus modéré, voire inexistant. Elles considèrent que les pratiques n'ont concerné qu'une partie totalement marginale du marché et que MOBOTIX n'est en aucun cas une entreprise incontournable du secteur de la vidéosurveillance, puisque sa part de marché représente 2,6 % au niveau européen, moins de 0,2 % du marché français de la vidéosurveillance et 3,6 % sur le segment plus étroit des caméras de vidéosurveillance en France.
654.BE IP et ACTN estiment que les considérations sur la durée des pratiques n'ont pas lieu d'être dans le calcul du pourcentage à appliquer à la valeur des ventes, puisqu'elles sont déjà prises en compte pour appliquer un coefficient au montant de base de la sanction.
655.ACTN fait valoir que les pratiques ne sont pas de nature à engendrer un dommage à l'économie en raison de leur ampleur insignifiante. Elle relève, à cet égard, que les pratiques ne concernent qu'une partie des grossistes de MOBOTIX, dont les ventes ne représentent que 69 % et non 75 % du chiffre d'affaires de MOBOTIX pendant la période considérée. De même, les pratiques ne concernent qu'une faible partie des revendeurs-installateurs.
656.ACTN et MOBOTIX considèrent que la concurrence d'autres fournisseurs, notamment asiatiques, n'a pas été atténuée en raison de la position particulière de MOBOTIX sur les produits haut de gamme, ni de l'existence de barrières technologiques pour développer de tels produits.
657.MOBOTIX rappelle, par ailleurs, que les revendeurs-installateurs sont des professionnels et que les consommateurs finals n'ont subi aucun impact des pratiques et que le fait qu'elle s'adresse avant tout à une clientèle professionnelle empêche de conclure à la notoriété globale de ses produits sur l'ensemble du marché.
658.L'Autorité fait valoir que, si les parts de marché de MOBOTIX sont faibles, le fabricant demeure un acteur de référence dans le segment haut-de-gamme du marché des produits de vidéosurveillance. Elle estime que, dès lors que les pratiques en cause concernent tous les revendeurs-installateurs des distributeurs AMD, elles peuvent être considérées comme ayant eu un impact sur l'ensemble du territoire français. Par ailleurs, l'Autorité affirme avoir pris en considération le fait que les pratiques ne concernaient que trois grossistes de MOBOTIX
659.Le ministre chargé de l'économie suggère que l'ampleur du dommage causé à l'économie soit nuancée, eu égard à la mise hors de cause de certains distributeurs AMD de MOBOTIX.
660.Le ministère public est d'avis que le positionnement sur le segment haut-de-gamme de MOBOTIX confère à ses produits une certaine notoriété.
Sur ce, la Cour :
661.Le paragraphe 32 du communiqué sanctions précise que, pour apprécier l'importance du dommage à l'économie, l'Autorité tient notamment compte de l'ampleur de l'infraction, des caractéristiques économiques des activités, des secteurs ou des marchés en cause, des conséquences conjoncturelles et structurelles de l'infraction et des incidences plus générales sur l'économie, sur les opérateurs économiques en amont, sur les utilisateurs en aval et sur les consommateurs finals.
662.En l'espèce, concernant, en premier lieu, l'ampleur des pratiques, il ne saurait être sérieusement soutenu que les pratiques n'ont pas impacté l'ensemble du territoire français, dès lors qu'elles concernaient tous les clients AMP, CMP et RMP des distributeurs AMD mis en cause et que ces derniers étaient susceptibles de vendre des produits MOBOTIX à ces revendeurs-installateurs sans considération de leur situation géographique ou de leur périmètre de chalandise.
663.La Cour relève, de surcroît, que les pratiques concernaient non seulement tous les revendeurs-installateurs membres du « Programme Partenaire MOBOTIX », mais aussi tous les produits MOBOTIX, quelle que soit leur nature.
664.En outre, la Cour rappelle que, s'il n'y a pas lieu de considérer, eu égard aux parts de marché de MOBOTIX rappelées par les requérantes, que les pratiques en cause ont couvert l'essentiel du marché de la vidéosurveillance, il ressort des éléments examinés par la Cour que MOBOTIX est un acteur de référence s'agissant des produits de vidéosurveillance haut de gamme, ce qui lui confère une certaine notoriété.
665.De surcroît, c'est en vain que les requérantes font valoir que le pourcentage afférent à la part représentée par les ventes de BE IP, ACTN et EDOX dans le chiffre d'affaires réalisé par MOBOTIX en France, retenu par l'Autorité, est erroné (75 % au lieu de 69 %, voir paragraphe 340 de la décision attaquée), dès lors que, pour retenir que les restrictions en cause étaient d'une ampleur certaine, l'Autorité a relevé que les ventes par MOBOTIX à ces distributeurs correspondaient à « plus des deux tiers de ses ventes de matériel de vidéosurveillance en France » (paragraphe 340 de la décision attaquée, souligné par la Cour), ce que le pourcentage de 69 % ne dément pas.
666.Il ressort également du paragraphe 340 de la décision attaquée que le fait que trois distributeurs AMD seulement ont été sanctionnés a déjà été pris en compte dans la décision attaquée (« les pratiques en cause ne concernent qu'une partie des grossistes de Mobotix en France puisqu'elles s'appliquaient à ACTN, BE IP et EDOX (soit trois grossistes sur huit) »).
667.Par ailleurs, il est exact qu'il n'est pas pertinent de tenir compte de la durée des pratiques pour estimer le dommage à l'économie, le paragraphe 42 du communiqué sanctions précisant que la durée des infractions doit être prise en compte à un stade ultérieur du calcul.
668.La Cour relève, néanmoins, que la démonstration de l'ampleur des pratiques ressort essentiellement des paragraphes qui précèdent le paragraphe 342, lequel se borne, du reste, à « rappeler que les pratiques en cause ont été mises en 'uvre pendant une période de plus de sept années ».
669.Concernant, en second lieu, les caractéristiques du secteur en cause, l'Autorité a justement relevé, au paragraphe 347 de la décision attaquée que, si l'entrée sur le segment haut de gamme de ce secteur n'était pas sujette à des barrières à l'entrée insurmontables, elle nécessitait néanmoins des investissements considérables, ce qui contredit l'argument de MOBOTIX tenant à l'inexistence de barrières à l'entrée dans le secteur en cause.
670.Concernant, enfin, les conséquences conjoncturelles des pratiques en cause, il y a lieu de relever, comme le fait l'Autorité aux paragraphe 352 et 408 de la décision attaquée, que la concurrence inter-marque, caractérisée notamment au cas particulier par l'entrée d'entreprises asiatiques, est atténuée par l'écart technologique existant entre les produits MOBOTIX et ceux de ses concurrents, et ce malgré la faible part de marché de MOBOTIX.
b. Concernant le grief n° 1
671.BE IP reproche à la décision de ne pas avoir développé l'absence d'application de remises et les effets sur les prix de détail appliqués par les revendeurs-installateurs, alors même que BE IP apportait des éléments établissant qu'elle réalisait des remises importantes en toute indépendance. Elle considère par ailleurs que l'Autorité aurait dû tenir compte de ce que les pratiques avaient été mises en 'uvre au niveau des prix de gros et non de détail.
672.ACTN rappelle que la pratique doit être analysée comme un prix maximum et relève que la plupart des installateurs a affirmé être libre de fixer son prix au niveau souhaité. Partant, ACTN considère, s'agissant de la concurrence intra-marque, que l'Autorité ne démontre pas le lien de causalité entre la pratique des prix minimums affichés et un dommage à l'économie.
673.MOBOTIX considère qu'il existe une concurrence intra-marque réelle et connue des clients, au niveau des distributeurs AMD comme des revendeurs-installateurs. De même, elle estime qu'aucun effet inflationniste n'a été démontré, d'autant qu'il n'existe au dossier aucun relevé de prix et que des éléments démontrent la liberté tarifaire des membres du réseau.
674.L'Autorité conteste que les remises puissent permettre d'apprécier le dommage causé à l'économie, s'agissant d'une pratique de restriction tarifaire par l'affichage de prix harmonisés.
Sur ce, la Cour :
675.Concernant les conséquences conjoncturelles et structurelles de la pratique en cause, c'est en vain que les requérantes contestent la matérialité et la portée de la pratique en cause, dès lors qu'il a été démontré précédemment que celle-ci consistait en l'imposition de prix minimaux, et non maximaux, et qu'elle a engendré l'harmonisation des prix de détail, et non seulement des prix de gros.
676.À cet égard, la Cour relève qu'il ressort des déclarations des revendeurs-installateurs que ces derniers ont confirmé respecter les prix de vente minimums conseillés, comme le rappelle l'Autorité au paragraphe 351 de la décision attaquée, ce qui atteste d'une certaine harmonisation des prix de revente au détail.
677.Il s'infère donc de ce qui précède que la pratique n'a pu avoir qu'un effet inflationniste sur le marché.
678.En outre, s'agissant de l'application des remises par les distributeurs, la Cour renvoie aux motifs exposés à titre surabondant aux paragraphes 274 à 331, qui démontrent que les distributeurs n'agissaient pas en totale autonomie, contrairement à ce que soutient BE IP.
679.La Cour observe, néanmoins, que les distributeurs ont parfois fait preuve d'une certaine liberté dans leurs relations avec les revendeurs-installateurs, ce que l'Autorité a pris en compte à juste titre dans l'évaluation de l'importance du dommage à l'économie de la pratique en cause (paragraphe 351 de la décision attaquée).
680.Concernant les caractéristiques économiques du secteur en cause, la Cour considère que, si la pratique en cause a effectivement eu pour effet d'atténuer la concurrence en prix entre les revendeurs-installateurs en les empêchant de diminuer les prix de revente des produits MOBOTIX, il y a lieu de prendre en compte dans l'évaluation de l'importance du dommage à l'économie les baisses de prix effectuées par ces derniers sur les services accompagnant la revente de ces produits. Ces baisses de prix, réalisées sur des services qui représentent une part importante de l'offre d'installation, ont, en effet, limité la perte du surplus subie par les opérateurs du marché.
681.En conséquence, la Cour retient que la pratique a causé un dommage certain mais très modéré à l'économie, et non seulement modéré, comme indiqué dans la décision attaquée au paragraphe 353.
c. Concernant le grief n° 2
682.MOBOTIX, ACTN et BE IP estiment que l'Autorité aurait dû retenir un dommage à l'économie extrêmement limité, voire inexistant.
683.Outre les moyens communs aux deux types de pratiques, MOBOTIX soutient que la présence sporadique de produits MOBOTIX sur des places de marché en ligne ne démontre pas l'existence d'une demande pour la commercialisation de ces produits, qui requièrent l'intervention d'un professionnel formé, via ce canal de commercialisation.
684.Après avoir rappelé la position marginale de MOBOTIX sur le marché de la vidéosurveillance en France, BE IP affirme que la preuve n'a pas été rapportée de ce que la mention « no webshop as prime business model » applicable à 10 % des revendeurs-installateurs aurait conduit à une limitation effective de la distribution des produits MOBOTIX sur Internet. Elle relève, par ailleurs, que depuis la suppression au 1er janvier 2019 de cette mention du contrat MOBOTIX, les revendeurs-installateurs n'ont pas fait évoluer leur modèle commercial vers la vente en ligne. Elle en déduit que l'importance du dommage à l'économie causé par la pratique n'est pas établie.
685.ACTN soutient que, s'agissant des caractéristiques économiques du secteur, la pratique de restriction des ventes en ligne n'a pas pu affecter les conditions de concurrence, dès lors que les revendeurs n'ont pas été empêchés de vendre les produits MOBOTIX sur Internet mais ont fait eux-mêmes le choix de ne pas développer la vente par Internet, compte tenu de la nature de leur activité orientée vers le service. S'agissant de la concurrence intra-marque, elle reproche à l'Autorité de considérer que les AMP, CMP et RMP auraient été capables de répondre à une demande plus importante et à des prix moins élevés et rappelle que ces revendeurs, constituant 10 % seulement du réseau, ont seulement choisi d'orienter leurs efforts sur la qualité de l'offre, ignorant pour la plupart qu'ils y étaient contraints dans le cadre de leur partenariat.
686.L'Autorité leur oppose que la décision attaquée a bien pris en compte la circonstance selon laquelle le marché n'avait été affecté que de façon limitée, compte tenu du niveau limité des ventes en ligne dans le secteur concerné.
687.Le ministre chargé de l'économie considère que, si MOBOTIX ne peut soutenir qu'il n'existe aucune demande pour l'achat de ses produits sur Internet, la concurrence inter-marques n'a été affectée que de façon limitée, compte tenu du niveau restreint des ventes en ligne dans ce secteur. Il en déduit que l'ampleur du dommage est forcément limitée. S'agissant de l'absence d'intention des revendeurs-installateurs de vendre en ligne, le ministre chargé de l'économie estime que l'intention est indifférente à la caractérisation de la pratique, mais qu'elle peut s'avérer un élément à prendre en compte sur le terrain des effets concrets de celle-ci sur le marché.
688.Le ministère public est d'avis que l'Autorité a correctement apprécié le dommage à l'économie.
Sur ce, la Cour :
689.En premier lieu, il importe de relever que, par de justes motifs que la Cour adopte, l'Autorité a tenu compte de ce que la pratique visée par le grief n° 2 ne s'appliquait pas aux UMP et a retenu que cette circonstance limitait l'impact des restrictions imposées sur l'économie (paragraphe 402 de la décision attaquée).
690.Il ne saurait pour autant être déduit de la circonstance que les 35 AMP, CMP et RMP ne représentaient que 10 % des revendeurs-installateurs du réseau MOBOTIX, que le dommage à l'économie causé par la pratique est inexistant, comme le soutiennent les requérantes.
691.En effet, les AMP, CMP et RMP représentaient les revendeurs-installateurs les plus importants du réseau MOBOTIX en termes de chiffre d'affaires (cf. paragraphe 503 du présent arrêt, qui précise notamment que les objectifs de chiffre d'affaires correspondant au statut AMP étaient de 50 000 euros pour la première année et de 100 000 euros pour la deuxième année, et ceux correspondant au statut CMP étaient de 25 000 euros pour la première année et de 50 000 euros pour la deuxième année).
692.Inversement, les 300 UMP n'étaient soumis à aucun objectif de chiffre d'affaires. Comme l'a précisé MOBOTIX à l'audience, en réponse à une question posée par la Cour, les UMP étaient des « petits installateurs », réalisant de « petites installations d'équipement », « moins sophistiquées » que celles des revendeurs-installateurs membres du « Programme Partenaire MOBOTIX ».
693.À travers les contrats en cause ' qui prévoyaient notamment que les distributeurs devaient utiliser « tous les moyens possibles pour que tous [leurs] clients participent au [« Programme Partenaire MOBOTIX »] » et s'assurer que ces derniers n'aient pas « de boutique en ligne comme modèle commercial principal » ' complétés par le document intitulé « Réseau International des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX » ' qui indiquait, quant à lui, que l'activité de vente en ligne ou « basée sur les boutiques en ligne » était interdite aux partenaires (cotes 95, 96 et 98) ', MOBOTIX et ses distributeurs ont mis en 'uvre un système tendant à dissuader les revendeurs-installateurs les plus importants du réseau de distribution des produits MOBOTIX, qui bénéficiaient des plus fortes remises, de développer la vente en ligne de ces produits, en même temps que des solutions d'accompagnement à distance, susceptibles de favoriser le développement de la demande d'achat en ligne des produits MOBOTIX.
694.Ainsi, les AMP, CMP et RMP ont été empêchés d'utiliser l'avantage acquis par les remises importantes dont ils bénéficiaient aux fins de concurrencer, via la vente en ligne, les revendeurs qui ne bénéficiaient pas du même niveau de remise et, par suite, de créer une pression à la baisse sur les prix dans ce segment de marché.
695.Contrairement à ce que fait valoir ACTN, c'est donc à juste titre que l'Autorité a retenu que cette pratique a restreint la concurrence intra-marque entre les revendeurs-installateurs et a pu être préjudiciable aux AMP, CMP et RMP les plus efficaces, qui auraient été capables de répondre à une demande plus importante et à des prix moins élevés (paragraphe 407 de la décision attaquée).
696.Il en résulte qu'il ne saurait être soutenu que la pratique en cause n'a engendré aucun dommage à l'économie.
697.Il y a lieu néanmoins de relever, en second lieu, que, si la pratique en cause a pu freiner le développement du marché de la vente en ligne dans le secteur de la vidéosurveillance et empêcher la concurrence par les prix de s'exercer librement, d'autres facteurs liés aux spécificités du secteur de la vidéosurveillance sont également de nature à expliquer ces constats.
698.En effet, il ressort des éléments examinés par la Cour, en particulier des déclarations des revendeurs-installateurs entendus dans le cadre de l'enquête administrative (reproduites au paragraphe 102 de la décision attaquée), que les ventes en ligne étaient peu développées dans le secteur en cause, ce qui a pu effectivement dissuader les UMP de s'emparer de la possibilité qui leur était offerte de revendre les produits MOBOTIX en ligne, et de nombreux AMP, CMP et RMP de recourir au canal de la vente en ligne.
699.Il convient donc de considérer que cette pratique a causé un dommage certain et extrêmement limité à l'économie, et non seulement très limité, comme indiqué dans la décision attaquée au paragraphe 410.
700.Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, la Cour partage l'appréciation de l'Autorité selon laquelle les pratiques ont causé un dommage à l'économie certain, mais considère que l'importance de ce dommage a été plus limitée, dans les deux cas, que celle retenue par l'Autorité.
4. Sur le pourcentage de la valeur des ventes
701.Dans la décision attaquée, l'Autorité a retenu une proportion de :
' 6 % de la valeur retenue comme assiette du montant des sanctions prononcées au titre du grief n° 1 ;
' 4 % de la valeur retenue comme assiette du montant de la sanction prononcée au titre du grief n° 2.
702.Les requérantes, pour les motifs exposés à l'occasion de l'examen de la gravité et du dommage causé à l'économie par les griefs 1 et 2, demandent à la Cour de revoir à la baisse les pourcentages retenus par l'Autorité pour chacun de ces griefs.
Sur ce, la Cour :
703.Il est rappelé que, dans le cas d'ententes verticales réprimées par les articles 101, paragraphe 1, du TFUE, et L. 420-1 du code de commerce, la proportion de la valeur des ventes réalisées durant l'exercice comptable de référence retenue par l'Autorité au cas par cas, en considération de la gravité des faits et de l'importance du dommage causé à l'économie, est comprise entre 0 et 30 % (paragraphe 40 du communiqué sanctions).
704.Au vu de l'ensemble des considérations développées sur la gravité des pratiques en cause et le dommage à l'économie qu'elles ont causé, la Cour considère que les pourcentages retenus par l'Autorité doivent être confirmés.
705.En effet, concernant, en premier lieu, la pratique visée par le grief n° 1, la Cour rappelle qu'il a été constaté précédemment que le degré de gravité de cette pratique était plus élevé que celui retenu par l'Autorité, mais que le dommage à l'économie né de cette pratique était moins important que celui retenu par l'Autorité, en sorte qu'il y a lieu de confirmer in fine le pourcentage de 6 % appliqué par l'Autorité, tout aussi approprié que le précédent.
706.De même, concernant, en second lieu, la pratique visée par le grief n° 2, la Cour rappelle qu'il a été constaté précédemment que le degré de gravité de cette pratique était plus élevé que celui retenu par l'Autorité, mais que le dommage à l'économie né de cette pratique était moins important que celui retenu par l'Autorité, en sorte qu'il y a lieu de confirmer in fine le pourcentage de 4 % appliqué par l'Autorité, approprié aux éléments de l'espèce.
5. Sur le coefficient de durée des pratiques
707.Dans la décision attaquée, l'Autorité a indiqué, au paragraphe 362, avoir retenu la durée d'application des contrats conclus en 2012 entre MOBOTIX et BE IP et ACTN, pour déterminer les coefficients multiplicateurs suivants :
' 4,12 pour les deux ententes de 7 ans et 3 mois entre MOBOTIX et ACTN ;
' 3,62 pour les deux ententes de 6 ans et 3 mois entre MOBOTIX et BE IP.
708.ACTN fait valoir la brièveté de la période sur laquelle se concentrent les éléments de démonstration opposés aux entreprises. Elle déplore, en outre, que la démonstration par l'Autorité du caractère continu des pratiques se fonde sur des stipulations contractuelles ne constituant pas la preuve directe d'un objectif anticoncurrentiel poursuivi par ACTN, l'Autorité ayant eu besoin de s'appuyer sur un document non contractuel pour compléter sa démonstration. Elle relève, à cet égard, qu'aucun document contractuel antérieur à 2016 ne permet de relier les stipulations du contrat au contenu du document publié sur le site Internet de MOBOTIX.
709.ACTN considère, par ailleurs, qu'il existe, compte tenu de la règlementation et de la jurisprudence, une incertitude sur le caractère anticoncurrentiel des deux pratiques en cause, puisque ni l'obligation d'afficher des prix minimums, ni l'interdiction d'adopter un modèle commercial non basé sur Internet, n'ont été condamnées sur le fondement du droit de l'Union européenne.
710.Elle soutient que la lenteur de la procédure a pénalisé les parties en entrainant le maintien des clauses litigieuses du contrat de bonne foi pendant plusieurs années.
711.MOBOTIX reconnaît que les pratiques ont débuté à la date de conclusion des contrats mais reproche à la décision d'avoir fait correspondre la durée des pratiques à la durée d'application des contrats conclus en 2012. S'agissant du grief n° 1, elle fait valoir que la clause contractuelle de l'article 6.4.2 des contrats types de 2012 n'est plus en vigueur depuis 2014, que la clause 12.5 de ces contrats a été supprimée lors de l'adoption du nouveau contrat type en 2019. S'agissant du grief n° 2, MOBOTIX relève que l'interdiction de vente sur Internet apparaît seulement dans une annexe du contrat type de 2012, supprimée lors de l'adoption du contrat type de décembre 2019, et non dans le corps de ce dernier. Elle ajoute que la documentation publiée sur son site Internet n'est plus en ligne.
712.L'Autorité considère qu'au prétexte de contester la durée des pratiques, ACTN remet en cause sa participation aux infractions. Elle fait valoir que le caractère continu des pratiques a été confirmé par la conclusion d'avenants aux contrats conclus en 2012, réitérant les clauses litigieuses. Elle ajoute qu'en l'espèce, ni la suppression de la clause relative aux remises arrière (clause 6.4.2), ni la suppression de la documentation relative au programme partenaire du site Internet de MOBOTIX, ne saurait mettre un terme à la pratique de restriction de la liberté tarifaire. De même, s'agissant du grief n° 2, la suppression de la documentation publiée sur Internet n'équivaut pas à la fin des pratiques. Elle relève enfin que le contrat d'ACTN a continué à inclure les clauses litigieuses jusqu'au 1er octobre 2020, alors même qu'elles étaient supprimées au 1er janvier 2019 pour les autres distributeurs.
713.Le ministre chargé de l'économie soutient que la disparition de certaines clauses ne marque pas la fin des faits, lorsque ces clauses trouvent leur source dans d'autres éléments ayant perduré.
714.Le ministère public est d'avis que le moyen doit être rejeté.
Sur ce, la Cour :
715.La Cour rappelle que le paragraphe 42 du communiqué sanctions précise les modalités selon lesquelles la durée des infractions est prise en considération, dans le cas où elles se sont prolongées plus d'une année. Cette méthode se traduit par un coefficient multiplicateur défini proportionnellement à la durée individuelle de participation de chacune des entreprises aux pratiques et appliqué à la proportion de la valeur des ventes retenue pour chacune d'entre elles.
716.La Cour rappelle, en outre, qu'il ressort d'une jurisprudence constante que la durée de l'infraction est calculée à partir de la date à laquelle les mesures restrictives ont été mises en 'uvre pour la première fois dans leur intégralité et qu'elle perdure, dans le cas d'une entente fondée sur des stipulations contractuelles, jusqu'à la date à laquelle de nouveaux accords entrent en vigueur, mettant fin aux accord litigieux (en ce sens, Déc. Comm., 17 décembre 2018, Guess, AT.40428, C(2018) 8455, point 170).
717.Il suit de là qu'en l'espèce, le point de départ des pratiques correspond à la date d'entrée en vigueur des contrats litigieux, à savoir le 1er octobre 2012, et que la date de la fin des pratiques correspond à celle de l'entrée en vigueur des nouveaux contrats de revente (« Reseller Agreements »), à savoir le 1er janvier 2019 pour BE IP et le 1er janvier 2020 pour ACTN.
718.L'argument selon lequel la suppression des contrats de la clause 6.4.2 marquerait la fin des pratiques en cause est mal fondé, dès lors que cette clause ne constituait que l'un des éléments d'incitation au respect du « Programme Partenaire MOBOTIX » et que sa suppression n'a pas mis fin à ces pratiques.
719.Il ressort des différents avenants aux contrats litigieux, qui réitèrent tous les clauses litigieuses, que les pratiques ont revêtu un caractère continu pendant toute la période en cause, comme le relève à juste titre l'Autorité aux paragraphes 38, 59 et 361 de la décision attaquée.
720.En outre, il ne saurait être valablement soutenu, pour critiquer les coefficients de durée retenus, que cette durée n'était que le résultat de la durée excessive de la procédure, qui aurait entraîné le maintien des clauses litigieuses du contrat de bonne foi pendant plusieurs années, dans la mesure où il appartenait aux requérantes, au regard d'une jurisprudence bien établie, de se mettre en conformité avec le droit de la concurrence par une démarche volontaire.
721.Enfin, il résulte des motifs déjà exposés dans les sous-parties IV. B et V. B du présent arrêt, relatives à la qualification de restriction de concurrence par objet des pratiques, que les requérantes ne sauraient se prévaloir d'une quelconque incertitude quant au caractère anticoncurrentiel des deux pratiques en cause et ce, quelles que soient les singularités desdites pratiques.
722.En conséquence, au vu de l'ensemble des considérations exposées dans la partie VII. B du présent arrêt, tous les moyens relatifs à la détermination du montant de base de la sanction doivent être rejetés.
C. Sur l'individualisation des sanctions
723.Dans la décision attaquée, l'Autorité a considéré qu'aucune circonstance atténuante ou aggravante ne justifiait de revoir le montant des sanctions prononcées à la baisse ou à la hausse.
724.Pour demander à la Cour de revoir à la baisse le montant de la sanction qui lui a été infligée, MOBOTIX allègue plusieurs circonstances atténuantes. Elle fait valoir que, de manière volontaire et antérieurement à la procédure engagée par l'Autorité, elle a modifié son contrat type et son site Internet, sur lesquels la décision attaquée fonde les sanctions prononcées, et qu'elle mène l'essentiel de son activité sur le marché de la vidéosurveillance. MOBOTIX demande également qu'il soit tenu compte de l'absence de réitération d'une infraction similaire de sa part, au stade de l'individualisation des sanctions.
725.BE IP reproche à l'Autorité de lui avoir appliqué la même proportion finale de sa valeur de vente que celle retenue pour le fournisseur MOBOTIX. Elle soutient que, selon la pratique décisionnelle, lorsque le fournisseur détermine les prix de vente, contrôle ou surveille cette mise en 'uvre de prix, sans que les distributeurs n'aient pris part à ces politiques, seul le fournisseur doit être mis en cause.
726.ACTN soutient, de même, que les distributeurs ne sont pas placés dans la même situation que MOBOTIX, qui a joué un rôle décisif en l'espèce, en leur imposant notamment un contrat d'adhésion rédigé en anglais et des critères de sélection des partenaires. ACTN, qui conteste à nouveau sa participation aux pratiques en cause, ajoute que la sanction est disproportionnée au regard de ses chiffres d'affaires et résultats comptables.
727.L'Autorité répond qu'il n'y a pas lieu de minorer les sanctions prononcées à l'encontre des sociétés.
728.Le ministre chargé de l'économie rappelle notamment que rien n'exige que les sanctions prononcées à l'encontre de distributeurs parties à l'entente soient moins sévères que celles du fournisseur.
729.Le ministère public considère que les arguments relatifs au caractère mono-produit et à la proportion des ventes ne sauraient être retenus, puisque le montant de base des sanctions a été déterminé en référence au chiffre d'affaires réalisé en France par les mises en cause sur la totalité des produits MOBOTIX au cours du dernier exercice complet de leur participation à l'infraction.
Sur ce, la Cour :
730.La Cour rappelle, à titre liminaire, que les paragraphes 43 à 49 du communiqué sanctions précisent que le montant de base peut être ajusté pour tenir compte de circonstances atténuantes ou aggravantes, et d'autres éléments d'individualisation objectifs, propres à la situation de l'entreprise, à prendre en considération dans l'adaptation du montant de base, à la hausse (puissance économique, appartenant à un groupe) ou à la baisse (activité mono-produit, difficultés financières).
731.La Cour rappelle également que les paragraphes 50 à 52 du communiqué sanctions prévoient que la réitération est une circonstance aggravante qui, compte tenu de son importance particulière, doit faire l'objet d'une prise en compte autonome et peut donner lieu à une augmentation de 15 à 50 % du montant de base.
732.Concernant, en premier lieu, l'application d'un même pourcentage de la valeur des ventes aux distributeurs et au fabricant, la Cour considère que c'est à juste titre que l'Autorité a retenu qu'aucun principe n'imposait que les sanctions prononcées à l'encontre des distributeurs mis en cause dans le cadre d'une entente verticale soient moins sévères que celles des fournisseurs parties à l'entente et que ces distributeurs devaient être tenus responsables au même titre que leur fournisseur (paragraphes 366 et 417 de la décision attaquée), dès lors qu'ils avaient, par la conclusion de contrats contenant des clauses restrictives de concurrence, adhéré aux pratiques en cause, comme exposé par la Cour dans les sous-parties IV. A et V. A du présent arrêt relatives à l'existence d'un accord de volontés.
733.S'agissant de l'imputabilité des pratiques à BE IP et ACTN, la Cour renvoie au paragraphe 581 du présent arrêt qui énonce que les requérantes ne sauraient sérieusement soutenir que les pratiques étaient unilatérales, qu'elles n'y ont pas pris part de façon active et qu'elles n'ont pas enfreint les règles de la concurrence.
734.En deuxième lieu, l'argument selon lequel MOBOTIX mènerait l'essentiel de son activité sur le marché de la vidéosurveillance, manque en fait. En effet, comme le relève l'Autorité au paragraphe 374 de la décision attaquée, la vente de matériel de vidéosurveillance en France représente 2,2 % du chiffre d'affaires de MOBOTIX et il ne ressort pas du dossier de la Cour que l'activité de commercialisation de produits de vidéosurveillance représente une part majoritaire du chiffre d'affaires de MOBOTIX.
735.Il s'en déduit que MOBOTIX ne saurait bénéficier de la diminution de la sanction prévue au paragraphe 48 du communiqué sanctions au profit des entreprises exerçant une activité mono-produit.
736.En troisième lieu, MOBOTIX ne saurait se prévaloir, au stade de l'individualisation des sanctions, de circonstances atténuantes tenant aux modifications qu'elle a apportées aux contrats en cause. En effet, la conclusion des nouveaux « reseller agreements », en janvier 2019 pour BE IP et janvier 2020 pour ACTN, a été déjà prise en considération pour déterminer la durée des pratiques. Quant aux modifications contractuelles intervenues avant ces dates, elles ne sauraient constituer des circonstances atténuantes, dans la mesure où elles n'ont eu aucun impact sur la poursuite des pratiques.
737.De même, s'agissant de la modification apportée par MOBOTIX à son site Internet, ni la suppression du document intitulé « Réseau international des partenaires MOBOTIX - Programme des partenaires internationaux MOBOTIX » du site de MOBOTIX, ni celle de la liste des prix conseillés, n'ont eu d'impact sur la poursuite des pratiques (paragraphes 196 ; 266, 267 du présent arrêt).
738.Concernant, en quatrième lieu, le caractère disproportionné des sanctions par rapport à certains éléments comptables, il y a lieu de relever que le montant de base de ces sanctions a été déterminé, comme il se doit, en référence au chiffre d'affaires réalisé en France par les sociétés en cause pour les seuls produits MOBOTIX au cours du dernier exercice complet de leur participation à l'infraction (paragraphes 319 et 380 de la décision attaquée).
739.C'est donc en vain qu'ACTN se prévaut du caractère disproportionné de la sanction par rapport, d'une part, à son chiffre d'affaires annuel total et à son chiffre d'affaires annuel moyen réalisé avec les produits MOBOTIX pendant la durée des pratiques et, d'autre part, à son résultat annuel moyen réalisé avec les produits MOBOTIX et son résultat global réalisé avec les produits MOBOTIX pendant la durée des pratiques.
740.En cinquième lieu, la circonstance que les pratiques en cause n'aient pas été reprochées à MOBOTIX par d'autres autorités de concurrence européennes est tout à fait indifférente dans l'appréhension des pratiques en cause, dont l'Autorité a fait une analyse précise au regard d'un ensemble d'éléments de droit et de fait particuliers.
741.Concernant, en sixième et dernier lieu, l'absence de réitération alléguée par MOBOTIX, il ressort des éléments examinés par la Cour que la décision attaquée a valablement retenu qu'aucun élément du dossier ne permettait de considérer que l'une des entreprises sanctionnées devait voir le montant de ses sanctions augmenté au titre de circonstances aggravantes (paragraphes 367 et 418).
742.Il s'en déduit que MOBOTIX ne saurait se prévaloir de l'absence de réitération d'infractions similaires pour solliciter une révision à la baisse du montant de la sanction, la réitération étant considérée comme une circonstance aggravante.
743.Au regard de l'ensemble des développements qui précèdent, considération prise, en particulier, de la gravité des infractions en cause et du dommage à l'économie qui en a résulté, la Cour retient que les sanctions pécuniaires infligées aux sociétés MOBOTIX, BE IP et ACTN et PENA sont justifiées et proportionnées.
744.Le moyen doit donc être rejeté.
745.Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les recours de MOBOTIX, BE IP, ACTN et PENA sont rejetés.
VIII. SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS
746.Les requérantes succombant en leur recours, elles ne peuvent prétendre à l'octroi d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande qu'elles conservent la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement,
DÉCLARE irrecevables les moyens de MOBOTIX AG relatifs à l'insuffisance de l'instruction et des preuves des pratiques en cause et à l'atteinte aux droits de la défense ;
REJETTE les recours formés par les sociétés MOBOTIX AG, BE IP SAS, Agence Commerciale Technologies Nouvelles SAS et PENA SCH SAS, contre la décision n° 21-D-26 du 8 novembre 2021 relative à des pratiques mises en 'uvre au sein du réseau de distribution des produits de marque MOBOTIX ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE aux sociétés MOBOTIX AG, BE IP SAS, ACTN SAS et PENA SCH SAS la charge des dépens ;
DIT que le présent arrêt sera transmis à la Commission européenne en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en 'uvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.