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Décisions

TUE, 7e ch., 2 avril 2025, n° T-398/21

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Ryanair DAC, Ryanair Sun S.A.

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kowalik Bańczyk

Juges :

M. Hesse, Mme Ricziová (rapporteure)

Avocats :

Me Laprévote, Me Vahida, Me Rating, Me Pérez de Lamo, Me Cozzani

TUE n° T-398/21

1 avril 2025

LE TRIBUNAL (septième chambre),

1 Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Ryanair DAC et Ryanair Sun S.A., demandent l’annulation de la décision C(2020) 9606 final de la Commission, du 22 décembre 2020, relative à l’aide d’État SA.59158 (2020/N) – Pologne – COVID-19 : Aide en faveur de LOT (JO 2021, C 260, p. 1, ci-après la « décision attaquée ») .

I. Antécédents du litige

2 Le 11 décembre 2020, la République de Pologne a notifié à la Commission européenne, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et au regard de la communication de la Commission du 19 mars 2020 intitulée « Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de COVID-19 » [(JO 2020, C 91 I, p. 1), telle que modifiée le 3 avril 2020 (JO 2020, C 112 I, p. 1), le 8 mai 2020 (JO 2020, C 164, p. 3), le 29 juin 2020 (JO 2020, C 218, p. 3) et le 13 octobre 2020 (JO 2020, C 340 I, p. 1), ci-après l’« encadrement temporaire »], le programme d’aide prévoyant deux aides individuelles en faveur de la compagnie aérienne Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A. (ci-après « LOT ») pour un montant total d’environ 2,9 milliards de zlotys polonais (PLN) (environ 650 millions d’euros).

3 LOT est la société mère de LOT Crew Sp. z o.o., Lot Team Sp. z o.o., LOT Travel Sp. z o.o., LOT Cabin Crew Sp. z o.o. et Central Europe Engine Services Sp. z o.o. Elle est contrôlée à 100 % par Polska Grupa Lotnicza S.A. (ci-après « PGL »), qui est entièrement détenue par le Trésor public polonais.

4 Les mesures en cause visent à rétablir la position bilantaire et les liquidités de LOT dans la situation exceptionnelle causée par la pandémie de COVID-19, et sont financées par des ressources publiques provenant du Fonds de Contre-Action COVID-19 et du Fonds de développement polonais et gérées par le ministre des Biens de l’État polonais.

5 Les mesures en cause comprennent les deux aides suivantes :

– un prêt subventionné de 1,8 milliard de PLN (environ 400 millions d’euros) (ci-après le « prêt subventionné ») ;

– une augmentation de capital de 250 millions d’euros (ci-après la « mesure de recapitalisation »).

6 Le 22 décembre 2020, la Commission a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’encontre de l’aide en cause au motif que cette dernière était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

II. Conclusions des parties

7 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

8 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme non fondé ;

– condamner les requérantes aux dépens.

9 La République de Pologne et LOT, parties intervenantes, concluent au rejet du recours.

III. En droit

10 À l’appui du recours, les requérantes soulèvent cinq moyens, tirés, respectivement, le premier, d’une application erronée de l’encadrement temporaire, le deuxième, d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, le troisième, d’une violation des dispositions spécifiques du TFUE, des principes généraux du droit de l’Union européenne, tels que les principes de non-discrimination, de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement, ainsi que du règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), le quatrième, de ce que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen et de la violation de leurs droits procéduraux et, le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation.

A. Sur l’intensité du contrôle juridictionnel

11 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide avec le marché intérieur, au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE, relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle des juridictions de l’Union (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 37).

12 À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social (voir arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, point 38 et jurisprudence citée). En effet, l’article 107, paragraphe 3, TFUE accorde à la Commission un large pouvoir d’appréciation en vue d’admettre des aides par dérogation à l’interdiction générale de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, dans la mesure où l’appréciation, dans ces cas, de la compatibilité ou de l’incompatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l’appréciation de faits et de circonstances économiques complexes (arrêts du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T‑422/07, non publié, EU:T:2012:11, point 107, et du 1er mars 2016, Secop/Commission, T‑79/14, EU:T:2016:118, point 29). Dans ce cadre, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 59 et jurisprudence citée).

13 Toutefois, dans l’exercice de ce pouvoir d’appréciation, la Commission peut adopter des lignes directrices afin d’établir les critères sur la base desquels elle entend évaluer la compatibilité, avec le marché intérieur, de mesures d’aide envisagées par les États membres. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt du 19 juillet 2016, Kotnik e.a., C‑526/14, EU:C:2016:570, points 39 et 40).

14 Ainsi, dans le domaine spécifique des aides d’État, la Commission est tenue par les encadrements et les communications qu’elle adopte, dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité (voir arrêt du 2 décembre 2010, Holland Malt/Commission, C‑464/09 P, EU:C:2010:733, point 47 et jurisprudence citée). Il revient donc au juge de l’Union de vérifier que la Commission a respecté les règles dont elle s’est dotée (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 29 et jurisprudence citée).

15 En outre, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission. Toutefois, il doit en particulier non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, points 75 et 76 ; voir, également, arrêt du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, point 79 et jurisprudence citée). De même, il appartient au juge de l’Union de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 56).

16 Partant, si le contrôle du juge de l’Union est restreint en ce qui concerne les évaluations complexes d’ordre économique et social effectuées par la Commission, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 12 ci-dessus, il est, en revanche, entier en ce qui concerne les appréciations portées par la Commission n’impliquant pas de telles évaluations ou encore en ce qui concerne les questions revêtant un caractère strictement juridique.

B. Sur le premier moyen, tiré d’une application erronée de l’encadrement temporaire

17 Le premier moyen comporte cinq branches concernant, la première, l’éligibilité à l’aide à la recapitalisation de LOT au titre de l’encadrement temporaire, la deuxième, l’existence d’autres mesures plus appropriées et entraînant moins de distorsions de concurrence que la recapitalisation, la troisième, la proportionnalité du montant de la recapitalisation, la quatrième, la valorisation des fonds propres de LOT et, la cinquième, la gouvernance et la prévention des distorsions indues de concurrence.

1. Sur la première branche, tirée de l’absence de démonstration que LOT est éligible à l’aide à la recapitalisation

18 Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a méconnu le paragraphe 49 de l’encadrement temporaire. Leur argumentation à cet égard comporte cinq griefs, tirés respectivement de l’absence d’examen du rôle de PGL et des sociétés appartenant à son groupe (ci-après le « groupe PGL ») autres que LOT et d’identification correcte du bénéficiaire de l’aide à la recapitalisation au terme dudit encadrement ainsi que d’une méconnaissance des conditions d’éligibilité prévues au paragraphe 49, sous a) à d), de l’encadrement temporaire.

a) Sur le premier grief, tiré de l’absence d’examen du rôle de PGL et des autres sociétés du groupe PGL que LOT et d’identification correcte du bénéficiaire de l’aide

19 Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas correctement identifié le bénéficiaire de l’aide et n’a pas suffisamment motivé sa décision. Selon elles, dans la mesure où LOT est détenue à 100 % par PGL qui détient elle-même d’autres sociétés telles que LOT Aircraft Maintenance Services, LS Airport Services et LS Technics, la Commission devait examiner dans quelle mesure l’aide en cause pouvait également bénéficier au groupe PGL dans son ensemble ou aux entreprises faisant partie de ce groupe qui ont également reçu une aide du gouvernement polonais, ces mesures de soutien public illustrant à tout le moins l’existence d’un risque de retombées de l’aide sur d’autres filiales de PGL. En outre, la Commission aurait également omis d’examiner si le groupe PGL ou ses filiales étaient éligibles à l’aide en vertu de l’encadrement temporaire, par exemple si ledit groupe était en difficulté avant la pandémie de COVID-19 ou si son sauvetage était dans l’intérêt commun. Les requérantes ajoutent que la Commission n’a pas objectivement distingué la présente affaire de l’arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; Covid-19) (T‑643/20, EU:T:2021:286), dans la mesure où celle-ci a présenté une structure de l’actionnariat qui n’incluait pas les autres filiales de PGL et n’a pas vérifié l’existence de mécanismes concrets qui empêcheraient que l’aide bénéficie également à ces filiales. De plus, la Commission n’aurait pas examiné si PGL avait joué un rôle dans la gestion de la mesure en cause.

20 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

21 Aux paragraphes 28 à 30 de la décision attaquée, la Commission a expressément identifié LOT comme bénéficiaire unique, tout en donnant des indications sur sa société mère et sur ses filiales. Ainsi, il est indiqué, d’une part, que LOT était contrôlée à 100 % par PGL, qui était elle-même entièrement détenue par le Trésor public polonais et, d’autre part, que LOT était la société mère de LOT Crew, LOT Team, LOT Travel, LOT Cabin Crew et Central Europe Engine Services. En outre, il ressort de cette partie de ladite décision que LOT détenait également 50 % du capital de WRO-LOT – USŁUGI LOTNISKOWE Sp. z o.o., mais sans pouvoir de contrôle dans cette dernière, et 49 % du capital de Regional JET OÜ, laquelle participation avait toutefois été vendue le 22 décembre 2020.

22 Par ailleurs, la Commission a indiqué, au paragraphe 59 de la décision attaquée, que la République de Pologne avait confirmé que LOT n’allait pas utiliser l’aide pour le soutien d’aucune de ses filiales.

23 À cet égard, en premier lieu, il ressort clairement des parties pertinentes de la décision attaquée que le seul bénéficiaire des mesures en cause était LOT, et ce quand bien même certains des engagements fournis par la République de Pologne au titre de la gouvernance et de la prévention des distorsions de concurrence indues s’appliquaient également, dans le cadre d’une approche plus conservatrice, aux sociétés contrôlées par LOT, ainsi qu’il ressort des paragraphes 56, 57, 150, 151 et 154 de ladite décision. Il convient d’observer en outre que, dans son mémoire en intervention, LOT a ajouté que la République de Pologne avait fourni des déclarations à la Commission selon lesquelles l’aide envisagée était destinée uniquement à LOT et à ses besoins, ce qui n’est pas contesté par les requérantes.

24 En deuxième lieu, il n’existait pas d’indices que les mesures en cause pouvaient également bénéficier à PGL et aux autres sociétés du groupe PGL que LOT, de sorte que la Commission aurait dû étendre son examen à PGL ainsi qu’à ces autres sociétés, citées au point 19 ci-dessus. S’il est vrai qu’il incombe à la Commission d’examiner avec une vigilance particulière les liens entre les sociétés appartenant au même groupe lorsqu’il y a lieu de craindre les effets sur la concurrence d’un cumul d’aides d’État au sein du même groupe et que la société mère de celles-ci jouait un certain rôle dans l’octroi et l’administration de ces aides [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; Covid-19), T‑643/20, EU:T:2021:286, point 48], une telle crainte n’était pas présente en l’espèce. En effet, en l’espèce, il ressort, d’une part, des points 21 et 22 ci-dessus que LOT a été identifiée comme l’unique bénéficiaire de l’aide et, d’autre part, du paragraphe 24 de la décision attaquée que la gestion de l’aide sera effectuée directement par le ministre des Biens publics polonais et non par PGL. Or, les requérantes n’ont produit aucun élément de preuve susceptible de remettre en cause ces constats.

25 En troisième lieu, s’agissant de l’allégation des requérantes selon laquelle la République Pologne avait accordé au groupe PGL et aux sociétés appartenant à ce groupe, y compris LOT et les sociétés détenues par LOT, un grand nombre de mesures de soutien public, il y a lieu de constater que les requérantes se bornent à mentionner deux mesures que des filiales du groupe PGL auraient reçues, sans toutefois apporter de preuves quant au fait que celles-ci constituaient des aides d’État, ainsi qu’à renvoyer globalement à des annexes qui énumèrent certaines mesures d’aide que les sociétés appartenant au groupe PGL, y compris LOT et les sociétés détenues par LOT, auraient reçues. Elles n’apportent toutefois aucune argumentation développée et étayée concernant un lien entre, d’une part, ces mesures et, d’autre part, la possibilité qu’il puisse s’agir d’un cumul d’aides d’État au bénéfice de LOT ou qu’il puisse s’agir, en ce qui concerne l’aide en cause, d’une aide d’État également au bénéfice du groupe PGL dans son ensemble ou des autres entreprises que LOT faisant partie de ce groupe, ce que la Commission aurait dû examiner dans la décision attaquée.

26 Eu égard à ce qui précède, le présent grief doit être écarté.

b) Sur le deuxième grief, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire

27 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré que, en l’absence de l’aide, le bénéficiaire ferait nécessairement faillite ou éprouverait de graves difficultés à poursuivre ses activités au sens du paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire. Elles ajoutent que la Commission a présumé qu’il n’existait aucune autre solution entre l’insolvabilité et l’aide, comme les solutions alternatives fondées sur le marché.

28 La Commission, soutenue par la République de Pologne, conteste les arguments des requérantes.

29 Le paragraphe 49 de l’encadrement temporaire, figurant dans le point 3.11.2, intitulé « Admissibilité et conditions d’entrée », énumère les conditions qu’une mesure de recapitalisation accordée dans le contexte de la pandémie de COVID-19 doit remplir afin que le bénéficiaire éventuel soit considéré comme éligible au bénéfice de celle-ci.

30 La première de ces conditions, prévue au paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire, est qu’il soit établi que, en l’absence d’intervention de l’État, le bénéficiaire cesserait ses activités ou éprouverait de graves difficultés à les poursuivre. Conformément au même paragraphe, de telles difficultés peuvent être démontrées par la détérioration, en particulier, du ratio dette/fonds propres du bénéficiaire de l’intervention de l’État ou d’indicateurs similaires.

31 Aux paragraphes 102 et 103 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la détérioration des fonds propres de LOT affectait gravement la liquidité de celle-ci et menaçait sa solvabilité à court terme. Cette constatation était basée sur des projections financières pour la période 2020 à 2025 que les autorités polonaises avaient fournies et dont il ressortait que, en l’absence de la mesure de recapitalisation, le capital de LOT diminuerait significativement et deviendrait négatif. En outre, la Commission a ajouté que, selon la République de Pologne, LOT se trouverait, en dépit des mesures prises au cours de l’année 2020 afin d’obtenir des liquidités, dans une situation d’« illiquidité technique ». Il ressort également du paragraphe 14 de la décision attaquée, auquel le paragraphe 102 fait référence, que, en novembre 2020, le niveau des fonds propres de LOT était négatif, ce qui a été confirmé à l’audience, que, en l’absence d’aide, la valeur continuerait de diminuer et que le déficit de trésorerie se serait détérioré entre 2020 et la fin 2021. La Commission en a conclu que la mesure en cause permettrait de prévenir l’insolvabilité de LOT et que, dès lors, en l’absence d’une augmentation du capital, celle-ci éprouverait de graves difficultés à poursuivre ses opérations.

32 Il convient de noter, en outre, que la Commission a relevé, dans la décision attaquée, une détérioration du ratio dette/fonds propres de LOT, comme le prévoit le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire (voir le tableau 3 figurant au paragraphe 120 de ladite décision).

33 Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas méconnu le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire.

34 Quant à l’argument des requérantes tiré de la distinction entre les notions d’« illiquidité » et d’« insolvabilité », celui-ci doit être écarté comme étant inopérant. En effet, le paragraphe 49, sous a), de l’encadrement temporaire ne fait pas dépendre l’éligibilité à l’aide de ces notions, mais notamment de l’existence de graves difficultés pour l’entreprise en cause à poursuivre ses activités.

35 En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission a présumé qu’il n’existait aucune autre solution entre l’insolvabilité et l’aide, comme les solutions alternatives fondées sur le marché, il se recoupe avec la problématique soulevée dans le cadre du quatrième grief de la première branche du premier moyen, lequel sera examiné ci-après.

36 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief, sous réserve de l’argument mentionné au point 35 ci-dessus, dont il sera tenu compte dans le cadre du quatrième grief de la première branche du premier moyen.

c) Sur le troisième grief, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire

37 Les requérantes estiment que la Commission a conclu à tort que la mesure en cause était dans l’intérêt commun au sens du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire.

38 Premièrement, les requérantes soutiennent que la Commission se réfère simplement aux affirmations du gouvernement polonais et n’a pas procédé à une évaluation autonome du caractère systémique de LOT.

39 Deuxièmement, la Commission n’aurait pas démontré que LOT était une entreprise systémique pour l’économie polonaise. Selon les requérantes, une entreprise systémique est celle dont la défaillance entraînerait l’effondrement potentiel d’un secteur entier de l’économie, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. La Commission n’aurait pas non plus démontré que les activités de LOT ne pourraient pas être remplacées par ses concurrents.

40 Troisièmement, les requérantes considèrent que, même si certaines activités de LOT avaient un caractère véritablement systémique, la Commission n’a pas déterminé si ces activités systémiques pouvaient être préservées en réduisant l’ampleur des activités du groupe et en diminuant ou en supprimant les activités non systémiques.

41 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

42 Le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire prévoit que la mesure de recapitalisation envisagée doit être dans l’intérêt commun. L’existence d’un tel intérêt commun peut être démontrée si la mesure en cause vise à éviter des difficultés sociales et une défaillance de marché découlant de pertes d’emplois significatives, la sortie du marché d’une entreprise innovante ou d’une entreprise qui revêt une importance systémique, le risque de perturbation d’un service important, ou des situations similaires dûment étayées par l’État membre concerné [arrêt du 10 mai 2023, Ryanair et Condor Flugdienst/Commission (Lufthansa ; COVID-19), T‑34/21 et T‑87/21, sous pourvoi, EU:T:2023:248, point 101].

43 Au paragraphe 104 de la décision attaquée, la Commission a relevé que LOT revêtait une importance systémique pour l’économie polonaise à plusieurs égards, à savoir, notamment, pour l’emploi et la connectivité, et que, dès lors, il était dans l’intérêt commun d’intervenir afin d’éviter les effets négatifs que causerait une faillite éventuelle de LOT.

44 Cette conclusion était fondée sur les informations figurant aux paragraphes 37 à 44 de la décision attaquée.

45 À cet égard, premièrement, il est indiqué dans la décision attaquée que LOT jouait un rôle important pour assurer la connectivité de la République de Pologne. En effet, en 2019, cette compagnie aérienne aurait transporté environ 10 millions de passagers et aurait exploité 110 liaisons régulières, dont 17 long-courriers. Cette même année, elle aurait également transporté 27,05 % du fret aérien au départ et à destination de la Pologne. Elle aurait constitué le plus grand « fournisseur de connectivité » dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) du point de vue du nombre de liaisons quotidiennes moyennes et de paires de villes dans cette région. Elle aurait fourni, par ailleurs, le troisième plus grand nombre de connexions au départ des PECO, après Lufthansa et Turkish Airlines, du point de vue du nombre de liaisons quotidiennes moyennes au départ de ces pays. De plus, LOT serait la seule compagnie aérienne exploitant une plateforme aéroportuaire en Pologne, ce modèle de réseau en étoile lui permettant de multiplier les connexions avec diverses parties du monde. Elle disposerait du réseau de transport aérien le plus diversifié de Pologne, couvrant à la fois les lignes nationales, européennes et intercontinentales. Ainsi, son réseau serait d’une importance significative pour maintenir la connectivité des entreprises et des citoyens polonais.

46 Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée que LOT et ses filiales étaient un employeur important, avec plus de 4 600 salariés, et qu’au moins 10 000 personnes perdraient leur emploi dans des entreprises liées au secteur de l’aviation en cas de faillite de LOT.

47 Troisièmement, il est relevé dans la décision attaquée que l’activité de LOT apporte une contribution importante au budget de l’État, sous la forme de cotisations de sécurité sociale et de taxes sur le transport aérien.

48 À cet égard, en premier lieu, il convient de constater que, quand bien même les requérantes ne contestent pas directement et spécifiquement ces données, elles estiment, en substance, que l’importance systémique de LOT pour l’économie polonaise au sens du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire n’a pas été démontrée au regard du fait que cette disposition viserait les entreprises dont la défaillance entraînerait l’effondrement du secteur entier dans lequel elles opèrent.

49 Cette interprétation ne saurait prospérer. En effet, rien dans le libellé du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire ne suggère que seules les entreprises dont la sortie du marché entraînerait l’effondrement d’un secteur tout entier sont éligibles à l’aide. En outre, une lecture d’ensemble de ladite disposition et notamment des exemples de cas dans lesquels il est dans l’intérêt commun d’intervenir, tels que le risque de difficultés sociales ou de pertes d’emplois significatives ou encore de perturbation d’un service important, démontrent que l’interprétation avancée par les requérantes est trop restrictive.

50 Concernant la référence faite par les requérantes aux règles en matière d’aides d’État applicables au secteur financier, notamment la communication de la Commission du 30 juillet 2013 concernant l’application, à partir du 1er août 2013, des règles en matière d’aides d’État aux aides accordées aux banques dans le contexte de la crise financière (JO 2013, C 216, p. 1) et la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), il suffit de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE et de l’encadrement temporaire que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T‑387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 126 et jurisprudence citée), et non à l’aune de la communication concernant le secteur bancaire ou de la directive 2013/36, citées par les requérantes, celles-ci n’étant pas applicables en l’espèce.

51 En second lieu, les autres arguments des requérantes doivent également être rejetés.

52 Premièrement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’avait pas l’obligation d’examiner si LOT pouvait être facilement remplacée par d’autres compagnies aériennes, le cas échéant même par des liaisons alternatives. Une telle exigence n’est pas prévue par le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire. En tout état de cause, concernant les arguments des requérantes selon lesquels la Commission a considéré à tort, d’une part, que, en raison de la plateforme aéroportuaire de LOT au sein de l’aéroport de Varsovie-Chopin (Pologne), cette dernière était plus importante pour l’économie polonaise que les autres compagnie aériennes qui n’en disposaient pas et, d’autre part, qu’un modèle de réseau en étoile assurait une meilleure connectivité qu’un réseau point à point, il suffit de relever que les requérantes n’apportent aucun élément susceptible d’étayer ces arguments. En outre, quant à l’allégation des requérantes selon laquelle les lignes secondaires nécessaires pour un réseau en étoile nuisent davantage à l’environnement que les vols d’un réseau point à point, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que les requérantes n’expliquent pas en quoi cette allégation est pertinente et n’apportent aucun élément permettant de démontrer sa plausibilité.

53 Deuxièmement, le fait que la Commission n’ait pas indiqué dans la décision attaquée la part de marché de LOT afin de démontrer l’importance systémique de cette dernière pour l’économie polonaise n’est pas susceptible d’invalider l’analyse figurant dans ladite décision sur ce point. En effet, l’importance systémique d’une entreprise peut être démontrée sur la base d’une multitude d’autres indices, tels que ceux résumés au point 43 ci-dessus, lesquels établissent à suffisance de droit que la condition prévue au paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire est remplie. En outre, selon les chiffres fournis par les requérantes elles-mêmes et sur lesquels elles appuient leur argument, force est de constater que la part de LOT en 2019 sur le marché polonais était conséquente, avec un nombre de passagers, en terme de sièges de provenance, équivalent à celui de la première compagnie aérienne, à savoir 6,5 millions.

54 Troisièmement, l’argument des requérantes selon lequel la Commission s’est fiée aux informations fournies par la République de Pologne sans effectuer sa propre analyse « autonome » manque en fait. En effet, il découle nécessairement du paragraphe 104 de la décision attaquée que la Commission a évalué les éléments de preuve produits par la République de Pologne et les a considérés comme fiables. En outre, il ressort des notes en bas de page nos 15 à 17 de ladite décision, mentionnées sous le titre « Importance de LOT pour l’économie polonaise », que la Commission a également vérifié certaines informations sur le poids du secteur aérien en Pologne par référence à des sources indépendantes, telles que l’International Air Transport Association (IATA).

55 Quatrièmement, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir déterminé si les activités systémiques de LOT pouvaient être préservées en réduisant l’ampleur des activités du groupe et en diminuant ou en supprimant les activités non systémiques. Toutefois, il convient de relever que le paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire ne prévoit pas une telle condition d’éligibilité.

56 Par conséquent, le présent grief doit être écarté.

d) Sur le quatrième grief, tiré d’une méconnaissance du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire

57 Les requérantes font valoir que la Commission a méconnu le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, en n’établissant pas que LOT était dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables. La Commission aurait ignoré plusieurs éléments pertinents à cet égard.

58 Premièrement, la Commission n’aurait pas réalisé une évaluation autonome, ce qui constituerait un défaut de motivation similaire à celui qui a conduit à l’annulation de la décision de la Commission autorisant une aide en faveur de la compagnie aérienne KLM [arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (KLM ; Covid-19), T‑643/20, EU:T:2021:286]. Selon les requérantes, la Commission ne pouvait pas simplement déduire de la disposition de la loi nationale sur les banques que LOT n’avait pas accès à des solutions alternatives de financement. La Commission n’aurait pas non plus analysé la solvabilité ou l’existence de garantie à disposition de LOT, tels que ses créneaux horaires ou ses aéronefs.

59 Deuxièmement, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que LOT pouvait être financée par des banques internationales ou européennes ou par les autres établissements financiers non polonais. Il n’existait aucune raison objective de limiter les possibilités de financement aux seules banques polonaises. Partant, la Commission aurait ignoré les possibilités de financement à disposition de LOT et n’aurait donc pas examiné le respect de cette exigence de l’encadrement temporaire.

60 Troisièmement, la Commission n’aurait pas tenu compte de la possibilité de lever des fonds de manière innovante, telle que celles appliquées par un certain nombre d’autres compagnies aériennes, par exemple en proposant comme garantie un programme de fidélité des voyageurs ou en vendant les aéronefs pour les louer ensuite. La Commission ne mentionnerait pas non plus les alternatives à la dette, comme l’acquisition d’actions par des investisseurs autres que l’État polonais.

61 Quatrièmement, la Commission aurait dû prendre en compte l’effet positif de la détention publique à 100 % de LOT sur la capacité de remboursement de la compagnie aérienne dans la mesure où les marchés considèrent souvent que les entreprises publiques ont le soutien tacite de l’État. À cet égard, les requérantes mentionnent les exemples de la compagnie ferroviaire Polskie Koleje Panstwowe Spólka Akcyjna (PKP) et du gestionnaire du réseau polonais de transport de gaz Gaz-System S.A., deux sociétés entièrement détenues par l’État polonais qui, selon elles, ont obtenu des financements par des émissions obligataires. Elles citent également le cas de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), une entreprise publique française qui aurait émis des obligations pour une valeur de 2 milliards d’euros en octobre 2020.

62 Cinquièmement, la Commission aurait dû examiner, aux termes de l’encadrement temporaire, si LOT pouvait avoir accès à une solution de financement abordable, quelle qu’elle soit, et non si LOT pouvait ou non avoir « facilement accès », selon les termes employés dans la décision attaquée, à des solutions de financement alternatives.

63 Sixièmement, la Commission n’aurait pas pris en compte le fait que les états financiers de 2019 de PGL indiquaient que LOT avait à sa disposition 1,2 milliard de PLN pour faire face à ses besoins de liquidités et, par conséquent, n’aurait pas non plus correctement motivé la décision attaquée.

64 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

65 Aux termes du paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, pour être éligible à une mesure de recapitalisation, le bénéficiaire doit être dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables et les mesures horizontales existantes dans l’État membre concerné pour couvrir les besoins de liquidités doivent être insuffisantes pour garantir sa viabilité.

66 Il ressort des paragraphes 15, 16, 105 et 106 de la décision attaquée que la Commission a conclu que cette condition était remplie au motif, notamment, que LOT, n’étant pas une société cotée en bourse et connaissant actuellement des pertes d’exploitation élevées qui affaiblissaient ses fonds propres et sa situation de liquidité, n’aurait probablement pas d’accès aisé aux marchés des dettes ou des capitaux propres à des conditions abordables et dans le cadre temporel nécessaire pour éviter une situation d’insolvabilité probable. En outre, la Commission a tenu compte du fait que la République de Pologne avait expliqué, d’une part, que LOT n’était pas en mesure de trouver un financement auprès de banques polonaises en l’absence d’intervention de l’État et, d’autre part, qu’elle avait adopté un programme horizontal d’aides d’État visant à contrecarrer les conséquences négatives de la flambée de COVID-19 pour les grandes entreprises, mais que le montant de l’aide dont LOT avait besoin dépassait les plafonds maximaux d’aide par bénéficiaire disponibles pour les grandes entreprises dans le cadre de ce programme.

67 À cet égard, à titre liminaire, il y a lieu de constater que la question de savoir si LOT se trouvait dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables implique des évaluations économiques complexes relatives à la situation financière globale du bénéficiaire et au fonctionnement des marchés financiers, de sorte que le contrôle qu’exerce le juge de l’Union sur ce type d’évaluations est restreint. En outre, conformément à la jurisprudence rappelée au point 15 ci-dessus, le juge de l’Union se doit non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

68 Premièrement, il ressort nécessairement du point 66 ci-dessus que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission a effectué sa propre analyse en évaluant les éléments de preuve produits par les autorités polonaises et les avait considérés comme fiables et pertinents pour l’examen de la condition d’éligibilité prévue au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire.

69 Deuxièmement, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission a bien expliqué dans la décision attaquée que LOT avait des problèmes graves de solvabilité causés par les restrictions imposées par différents pays dans le cadre de la pandémie de COVID-19. À cet égard, il y a lieu de renvoyer aux points 31 et 32 ci-dessus et au paragraphe 12 de cette décision, lequel indique que LOT a connu une baisse importante de la demande ayant entraîné les pertes opérationnelles importantes auxquelles la Commission fait référence au paragraphe 105 de ladite décision.

70 Troisièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas analysé l’existence de garantie à disposition de LOT tels que ses créneaux horaires ou ses aéronefs, il y a lieu de constater qu’il n’existait pas d’indices que LOT possédait des actifs qu’elle pouvait utiliser en tant que garantie dans le cadre d’un financement sur les marchés. Il ressort des paragraphes 13 et 125 de la décision attaquée que LOT fonctionnait avec des contrats de crédit-bail opérationnel, qu’elle avait renégociés pour réduire ses sorties de trésorerie et que, par conséquent, comme elle l’a confirmé lors de l’audience, elle ne possédait pas d’avions ni d’éventuelles pièces de rechange pouvant être utilisés afin de se financer. Il ne ressort pas non plus du dossier que l’attention de la Commission a été attirée sur des actifs concrets et adéquats en possession de LOT permettant de servir de garantie pour protéger les créances en cas de défaillance. En outre, force est de constater que l’affirmation selon laquelle les créneaux horaires de LOT pouvaient être mis en gage afin de pouvoir dégager des fonds sur le marché n’est pas suffisamment étayée. L’argument de la requérante à cet égard doit, dès lors, être rejeté.

71 Quatrièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne pouvait pas déduire de la disposition de la loi nationale sur les banques que LOT n’avait pas accès à des solutions alternatives de financement, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort du paragraphe 15 de la décision attaquée, aux termes de l’article 70, paragraphe 1, de l’ustawa prawo bankowe (loi bancaire polonaise) du 29 août 1997 (Dz. U. de 1997, no 140, position 939), une banque doit décider s’il y a lieu d’accorder un prêt sur la base de la solvabilité de l’emprunteur, étant précisé que la solvabilité s’entend comme « la capacité à rembourser le prêt consenti, majoré des intérêts, aux dates prévues par le contrat ». Le paragraphe 2 de ce dernier article autorise néanmoins une banque à octroyer un prêt à une entreprise qui n’est pas considérée comme solvable, à condition qu’une garantie de prêt adéquate soit établie et qu’un programme de redressement soit mis en œuvre afin que l’entreprise redevienne solvable dans un délai donné.

72 Au vu de ces règles, de la mauvaise situation de LOT, de l’absence d’actifs pouvant servir de garantie et du montant de l’aide dont LOT avait besoin (un montant total d’environ 650 millions d’euros, en prenant en compte également le prêt subventionné), la Commission pouvait logiquement considérer, au paragraphe 105 de la décision attaquée, que LOT n’était pas en mesure de trouver un financement auprès de banques polonaises en l’absence d’une intervention de l’État polonais.

73 Il en va de même pour le financement par des banques internationales ou européennes ou par les autres établissements financiers non polonais. Le financement sur les marchés était d’autant plus difficile à obtenir que les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de COVID-19 avaient eu pour conséquence inéluctable la détérioration du climat des investissements dans le secteur aérien.

74 Cinquièmement, les allégations des requérantes selon lesquelles la Commission n’a pas examiné des alternatives à la dette, comme l’acquisition d’actions par des investisseurs autres que l’État polonais, ne sont pas étayées et doivent, dès lors, être rejetées.

75 Sixièmement, le fait que d’autres compagnies aériennes se seraient financées sur le marché ou auraient appliqué la possibilité de lever des fonds de manière innovante, à supposer qu’il soit établi, ne remet pas en cause le raisonnement de la Commission, étant donné que les requérantes n’établissent pas que ces autres compagnies aériennes se trouvaient dans une situation financière comparable à celle du bénéficiaire de la mesure en cause.

76 Septièmement, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas pris en compte le fait que les états financiers de 2019 de PGL indiquaient que LOT avait à sa disposition 1,2 milliard de PLN pour faire face à ses besoins de liquidités, il ressort de la requête que ce chiffre concerne l’année 2018. Par conséquent, il ne prend pas en compte l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les liquidités de LOT et ses possibilités d’accéder à un financement sur les marchés au moment de l’adoption de la décision attaquée en décembre 2020, dans le contexte d’incertitude lié à l’évolution de ladite pandémie et à son impact sur le trafic aérien.

77 Huitièmement, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû prendre en compte l’effet positif de la détention publique à 100 % de LOT sur sa capacité de remboursement, cette détention publique permettant souvent de bénéficier d’une notation financière plus généreuse, il convient de relever que, d’une part, les requérantes ne fournissent aucune information concrète quant à la notation financière de LOT au moment de l’adoption de la décision attaquée. D’autre part, les États membres ne peuvent pas intervenir au soutien d’une entreprise publique si cette intervention ne correspond pas aux conditions du marché, sous peine que celle-ci soit, le cas échéant, considérée comme une aide d’État.

78 En ce qui concerne les exemples, mentionnés par les requérantes, de financements par émissions obligataires en 2011 de la compagnie ferroviaire Polskie Koleje Panstwowe Spólka Akcyjna (PKP) et du gestionnaire du réseau polonais de transport de gaz Gaz-System, force est de constater que les circonstances dans lesquelles celles-ci ont été effectuées ne sont pas comparables à celles de l’espèce dans la mesure où LOT faisait face à des difficultés dues à la pandémie de COVID-19. Dès lors, toute comparaison avec la situation de LOT au moment de l’adoption de la décision attaquée est dénuée de pertinence. Les requérantes citent également le cas de la SNCF, qui aurait émis des obligations pour une valeur de 2 milliards d’euros en octobre 2020. Toutefois, elles n’expliquent pas en quoi ce cas constitue une référence pertinente pour évaluer la capacité d’un transporteur aérien à trouver un financement à des conditions abordables sur les marchés dans la mesure où celui-ci se situe sur un marché géographique et de produits différent.

79 Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste en considérant dans la décision attaquée que LOT était dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables et, partant, que la condition énoncée au paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire était remplie.

80 À la lumière des observations qui précèdent, le présent grief ainsi que l’argument mentionné au point 35 ci-dessus doivent être écartés.

e) Sur le cinquième grief, tiré de la question de savoir si LOT était une entreprise en difficulté

81 Selon les requérantes, LOT était en difficulté avant la crise de la COVID-19 et la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, uniquement sur la base de l’affirmation des autorités polonaises, que LOT n’était pas une entreprise en difficulté financière au 31 décembre 2019. La Commission n’aurait pas examiné cette question et n’aurait pas correctement motivé la décision attaquée.

82 La Commission, soutenue par LOT, conteste les arguments des requérantes.

83 Il importe, tout d’abord, de souligner que les mesures d’aide ne sont octroyées au titre de l’encadrement temporaire qu’aux entreprises qui n’étaient pas en difficulté au 31 décembre 2019, conformément au paragraphe 49, sous d), dudit encadrement. Selon cette disposition, la notion d’« entreprise en difficulté » doit correspondre à l’article 2, point 18, du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (JO 2014, L 187, p. 1, ci-après le « RGEC »).

84 Il ressort des paragraphes 32, 95 et 107 de la décision attaquée que la Commission a bien vérifié, sur le fondement des informations fournies par les autorités polonaises, que LOT et ses filiales n’étaient pas considérées au 31 décembre 2019 comme des « entreprises en difficulté » au sens de l’article 2, point 18, du RGEC.

85 Les requérantes mentionnent des éléments mettant en doute, selon elles, la santé financière de LOT et qui, partant, auraient dû amener la Commission, au lieu de se fier simplement aux informations fournies par la République de Pologne, à enquêter davantage sur les difficultés financières de LOT au regard de l’article 2, point 18, du RGEC.

86 Néanmoins, force est de constater qu’aucun des éléments avancés par les requérantes dans la requête, même s’ils étaient avérés, ne permet d’établir que LOT remplissait l’une des conditions énoncées à l’article 2, point 18, du RGEC.

87 S’agissant, en particulier, de la condition énoncée à l’article 2, point 18, sous d), du RGEC, celle-ci prévoit qu’une entreprise peut être qualifiée d’entreprise en difficulté lorsqu’elle a bénéficié d’une aide au sauvetage et n’a pas encore remboursé le prêt ou mis fin à la garantie, ou a bénéficié d’une aide à la restructuration et est toujours soumise à un plan de restructuration. À cet égard, il y a lieu de relever que, si LOT a en effet bénéficié d’une aide à la restructuration en 2014, il ressort de son mémoire en intervention qu’elle n’était toutefois plus soumise à un plan de restructuration au 31 décembre 2019. Pour ce qui est de l’aide au sauvetage dont elle avait également bénéficié en 2013, il convient d’observer que les requérantes ne démontrent pas que le prêt n’avait pas encore été remboursé au 31 décembre 2019.

88 En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait également dû examiner si des transactions internes au groupe PGL, en particulier avec LOT Aircraft Maintenance Services qui est un prestataire important de services, n’avaient pas eu pour effet de gonfler artificiellement la situation financière de LOT pour éviter qu’elle ne soit considérée en difficulté, il n’est ni développé, ni étayé.

89 Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste que la Commission a considéré, sur la base des informations fournies par la République de Pologne, que, au 31 décembre 2019, LOT n’était pas une entreprise en difficulté au sens de l’article 2, point 18, du RGEC. Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission n’a pas violé son obligation de motivation à cet égard, celle-ci ayant justifié à suffisance sa conclusion, notamment au regard de la jurisprudence applicable (voir, en ce sens, arrêts du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 111, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 199 et jurisprudence citée).

90 Par conséquent, le présent grief doit être écarté et, partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée dans son ensemble.

2. Sur la deuxième branche, tirée d’une absence d’évaluation quant à l’existence d’autres mesures plus appropriées et moins génératrices de distorsions de concurrence que la recapitalisation de LOT

91 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir méconnu le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire. Premièrement, la Commission n’aurait pas examiné la condition d’adéquation des mesures de recapitalisation. Deuxièmement, elle aurait omis d’examiner si l’instrument de recapitalisation choisi était celui qui fausserait le moins la concurrence.

92 La Commission, soutenue par la République de Pologne, conteste les arguments des requérantes.

93 Les types de mesures de recapitalisation énumérées au point 3.11.3 de l’encadrement temporaire sont scindées en deux paragraphes. Le paragraphe 52 énumère les mesures de recapitalisation que les États membres peuvent prendre dans le contexte de la pandémie de COVID-19, à savoir les instruments de fonds propres, en particulier l’émission de nouvelles parts ordinaires ou privilégiées, et les instruments assortis d’une composante fonds propres (dénommés « instruments hybrides »), en particulier les clauses de participation aux bénéfices, les participations tacites et les obligations convertibles garanties ou non garanties.

94 Le paragraphe 53 de l’encadrement temporaire précise ce qui suit :

« L’intervention de l’État peut prendre la forme de toute variante de [ces] instruments ou être constituée d’une combinaison d’instruments de fonds propres et d’instruments hybrides. […] L’État membre doit faire en sorte que les instruments de recapitalisation choisis et les conditions dont ils sont assortis soient les plus appropriés pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire, tout en faussant le moins la concurrence. »

95 Aux paragraphes 110 à 113 de la décision attaquée, la Commission a décrit la mesure de recapitalisation en cause, en expliquant que celle-ci consistait en des fonds propres de 250 millions d’euros versés par la République de Pologne à LOT en échange de l’émission de nouvelles actions ordinaires par le bénéficiaire. Elle a estimé, au paragraphe 123 de ladite décision, que la recapitalisation de LOT n’allait pas au-delà du rétablissement de la structure de capital qui était celle du bénéficiaire avant la flambée de COVID-19. Il ressort enfin du paragraphe 132 de cette décision que la Commission a conclu que la recapitalisation n’excédait pas le minimum requis pour assurer la viabilité de LOT et garantir son accès aux marchés privés des capitaux.

96 En l’espèce, à l’instar de la Commission, il y a lieu de souligner qu’une mesure de recapitalisation et les conditions dont celle-ci est assortie peuvent être considérées comme les plus appropriées pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire concerné, tout en faussant le moins la concurrence, au sens du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, dès lors qu’elles remplissent les différentes exigences prévues à cette fin dans cet encadrement et qui sont relatives au montant de la recapitalisation, à la rémunération et à la sortie de l’État, à la gouvernance et à la prévention des distorsions de concurrence indues et à la stratégie de sortie de l’État de la participation résultant de la recapitalisation. En effet, la référence, audit paragraphe, aux « conditions dont [la mesure en cause] est assortie » vise des exigences telles que celles mentionnées dans la phrase précédente, lesquelles ont pour objet précisément de garantir que la mesure en cause et les conditions dont elle est assortie ne dépassent pas ce qui est approprié pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire concerné, tout en faussant le moins la concurrence. Dès lors, si les exigences susmentionnées sont remplies, l’instrument de recapitalisation choisi doit être considéré comme étant conforme à ce paragraphe.

97 Partant, pour autant que, par la présente branche, les requérantes remettent en cause le respect de certaines des exigences mentionnées au point 96 ci-dessus qui concernent le montant de la recapitalisation, la rémunération et la sortie de l’État ainsi que la gouvernance et la prévention des distorsions de concurrence indues, ladite branche n’aurait pas de contenu autonome par rapport aux troisième à cinquième branches du premier moyen. Le bien-fondé du présent grief est donc tributaire de l’analyse de ces autres branches, examinées ci-après.

98 Dans la mesure où l’argumentation des requérantes pourrait également être comprise comme reprochant à la Commission d’avoir omis d’examiner si un autre type de mesure d’aide que la recapitalisation aurait été plus approprié et moins générateur de distorsions de concurrence, force est de constater que cette argumentation est trop générale et abstraite. En effet, dans leurs écritures, les requérantes se sont bornées à faire référence à « d’autres mesures plus appropriées et moins génératrices de distorsions », sans pour autant expliquer, dans le contexte de la présente branche, quels seraient exactement ces autres instruments et les raisons pour lesquelles ceux-ci seraient plus appropriés et moins générateurs de distorsions de concurrence que la mesure notifiée.

99 De plus, selon la jurisprudence, la Commission n’a pas à se prononcer sur toute mesure alternative envisageable. En effet, elle n’est pas tenue de démontrer de manière positive qu’aucune autre mesure d’aide imaginable, par définition hypothétique, ne serait plus appropriée et moins génératrice de distorsions de concurrence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 94 et jurisprudence citée).

100 Certes, comme le soulignent les requérantes, selon la jurisprudence, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50 et jurisprudence citée). Toutefois, en l’espèce, rien n’indique que la Commission était confrontée à un choix entre plusieurs mesures appropriées, au sens de cette jurisprudence.

101 Partant, le volet de l’argumentation éventuellement soulevé par les requérantes et résumé au point 98 ci-dessus doit être écarté.

3. Sur la troisième branche du premier moyen, concernant la proportionnalité du montant de la recapitalisation

102 Les requérantes soulèvent, en substance, deux griefs concernant la proportionnalité du montant de recapitalisation, relatifs, le premier, à l’interprétation du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire et, le second, à l’application dudit paragraphe dans le cas d’espèce.

a) Sur le premier grief, relatif à l’interprétation du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire

103 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir assimilé la notion de « viabilité » du bénéficiaire, au sens du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire, à l’accès de celui-ci aux marchés de capitaux et de s’être fondée exclusivement sur des indicateurs concernant la dette et les fonds propres. Selon elles, cela a permis à la Commission et à la République de Pologne d’éviter d’évaluer de manière réaliste les perspectives de retour à la profitabilité de LOT et toute discussion sur les mesures internes que LOT devrait adopter pour un retour à la viabilité. Faisant référence à la communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l’appréciation des mesures de restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles relatives aux aides d’État (JO 2009, C 195, p. 9) et à la communication de la Commission sur le cadre temporaire de l’Union pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO 2011, C 6, p. 5) (ci-après, prises ensemble, les « communications applicables dans le contexte de la crise économique et financière ») ainsi qu’aux lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1, ci-après les « lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration »), elles considèrent que la Commission aurait dû envisager une gamme d’indicateurs financiers (concernant notamment les bénéfices ou les recettes nettes) dans la durée pour évaluer si LOT pouvait retrouver la viabilité grâce à l’aide, que les tests de sensibilité de la Commission sur les projections financières de LOT étaient insuffisants et que celle-ci aurait dû effectuer de nombreux « tests de résistance » sur ces projections en tenant compte de différents scénarios pessimistes quant au potentiel de retour à la viabilité de LOT.

104 Les requérantes ajoutent, dans la réplique, que la Commission aurait toujours considéré le rétablissement de la viabilité à long terme comme un objectif essentiel des mesures de recapitalisation et aurait assimilé cette viabilité à de bonnes perspectives de profitabilité. En l’espèce, la Commission ne se serait pas considérée tenue de vérifier les conditions de retour à la profitabilité sans le soutien de l’État. Elle aurait ainsi considéré que le concept de viabilité n’était pas synonyme de profitabilité et que l’unique objectif de l’encadrement temporaire était de permettre au bénéficiaire de rétablir sa capacité d’emprunt et de trouver des financements sur les marchés à des conditions abordables.

105 En tout état de cause, la Commission aurait occulté, dans la décision attaquée, la date à laquelle le ratio dette nette/fonds propres devrait revenir à la normale, ce qui, selon les requérantes, ne saurait être dans les années à venir. Partant, elle aurait dû conclure que l’aide en cause pourrait ne pas être la solution appropriée en l’absence d’autres mesures internes de réduction.

106 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

107 Aux termes du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire, afin de garantir la proportionnalité de l’aide, le montant des recapitalisations dans le contexte de la pandémie de COVID-19 ne doit pas dépasser le minimum nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire concerné et devrait se limiter à rétablir la structure du capital qui était celle dudit bénéficiaire avant la flambée de COVID-19, c’est-à-dire la situation au 31 décembre 2019.

108 Les requérantes et la Commission s’opposent quant à la question de savoir si, afin de vérifier si la mesure en cause ne dépasse pas le minimum nécessaire pour assurer la « viabilité » du bénéficiaire, la Commission doit examiner si celle-ci permet le retour du bénéficiaire à la profitabilité.

109 À cet égard, tout d’abord, il convient de constater que le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire ne fait aucune référence à la profitabilité du bénéficiaire concerné.

110 En outre, plusieurs passages de l’encadrement temporaire démontrent que l’objectif principal des mesures d’aide envisagées est, en substance, de permettre de garantir aux bénéficiaires concernés que leurs besoins en liquidités seront couverts afin d’assurer la continuité de leurs opérations pendant et après la pandémie de COVID-19. Ainsi, il ressort du paragraphe 9 de cet encadrement qu’une aide publique bien ciblée est nécessaire « pour veiller à ce que des liquidités suffisantes restent disponibles sur les marchés » et « pour préserver la continuité de l’activité économique pendant et après la flambée de COVID-19 ». De même, selon le paragraphe 11, ledit encadrement « décrit les possibilités offertes par les règles de l’Union aux États membres pour garantir la liquidité et l’accès au financement des entreprises [...] confrontées en ce moment à une soudaine pénurie, afin de leur permettre de surmonter la situation actuelle ». Le paragraphe 18 du même encadrement prévoit, quant à lui, « que des aides d’État se justifient [...] pendant une période limitée, afin de remédier au manque de liquidité auquel sont confrontées les entreprises, et de faire en sorte que les perturbations causées par la flambée de COVID-19 ne compromettent pas leur viabilité ».

111 L’objectif de l’encadrement temporaire n’est donc pas de rétablir la « rentabilité » ou la profitabilité du bénéficiaire ou de s’assurer que celui-ci devienne rentable grâce à l’aide, mais uniquement de garantir la continuité opérationnelle de celui-ci pendant et après la pandémie de COVID-19 en rétablissant, en particulier, la structure du capital telle qu’elle se présentait avant l’éclatement de la pandémie.

112 Partant, le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire doit être interprété en ce sens que le montant de la recapitalisation doit être limité au minimum nécessaire pour garantir que le bénéficiaire reste opérationnel pendant et après la pandémie de COVID-19, en rétablissant la structure de capital qui était la sienne avant ladite pandémie, c’est-à-dire correspondant à la situation au 31 décembre 2019.

113 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérantes fondés sur une analogie avec les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, ou bien avec les communications applicables dans le contexte de la crise économique et financière. En effet, une telle analogie n’est pas justifiée.

114 Premièrement, l’analogie avec les communications applicables dans le contexte de la crise économique et financière est inappropriée, car cette crise était causée, du moins en partie, par les risques excessifs pris par certaines institutions financières, à la différence de la pandémie de COVID-19, qui était une crise sanitaire.

115 Deuxièmement, l’analogie avec les lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, par laquelle les requérantes cherchent à obliger la Commission à vérifier notamment si le bénéficiaire a adopté des mesures internes visant à abandonner des activités structurellement déficitaires, doit également être écartée. En effet, dans le cadre des aides d’État au sauvetage et à la restructuration, l’objectif du soutien étatique est de remédier aux difficultés internes préexistantes du bénéficiaire concerné, lequel est généralement une « entreprise en difficulté ». En revanche, le bénéficiaire d’une aide à la recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 n’a joué aucun rôle dans les événements ayant compromis sa viabilité et n’aura donc pas forcément besoin d’une restructuration pour surmonter ses difficultés temporaires provoquées par la pandémie de COVID-19.

116 Enfin, s’agissant des arguments des requérantes concernant le potentiel du retour à la viabilité de LOT, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que le paragraphe 54 de l’encadrement temporaire ne pose pas un seuil minimal au montant de la mesure de recapitalisation, nécessaire pour assurer la viabilité du bénéficiaire, mais uniquement une limite maximale [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Ryanair/Commission (Brussels Airlines ; COVID-19), T‑14/21, non publié, EU:T:2023:643, point 128].

117 Par conséquent, le présent grief doit être écarté.

b) Sur le second grief, relatif à l’application du paragraphe 54 de l’encadrement temporaire au cas d’espèce

118 Selon les requérantes, la Commission a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation concernant le calcul du montant de l’aide nécessaire pour assurer la viabilité de LOT, cette dernière obtenant plus d’aide que nécessaire pour survivre à court terme.

119 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

120 Dans la décision attaquée, en premier lieu, la Commission a évalué, aux paragraphes 120 à 123, si le soutien public n’allait pas au-delà du rétablissement de la structure de capital de LOT et a conclu que tel n’était pas le cas, puisqu’il était anticipé que le ratio dette nette/fonds propres de LOT au 31 décembre 2021 serait plus mauvais qu’au 31 décembre 2019.

121 En deuxième lieu, pour examiner si le soutien public était limité au minimum nécessaire pour assurer la viabilité de LOT, la Commission a d’abord constaté, au paragraphe 124 de la décision attaquée, que selon les projections financières de LOT, en l’absence de mesure de recapitalisation et de liquidité de l’État, LOT aura consommé ses liquidités disponibles en décembre 2020, soit au moment de l’adoption de ladite décision. Au même paragraphe, elle a précisé que les mesures en cause empêchaient LOT de manquer de liquidités et, selon les prévisions, menaient à un bilan de trésorerie positif de LOT au 31 décembre 2021.

122 Ensuite, la Commission a effectué, aux paragraphes 125 à 132 de la décision attaquée, trois « tests de viabilité ». Le premier test consistait à comparer le ratio prévisionnel dette nette/fonds propres de LOT, en prenant en compte la recapitalisation, avec le même ratio d’un échantillon de compagnies aériennes comparables au 31 décembre 2019. La Commission en a conclu, entre autres, que, en prenant en compte la mesure de recapitalisation, le ratio dette nette/fonds propres prévu de LOT au 31 décembre 2021 serait nettement supérieur au troisième quartile du ratio des compagnies aériennes faisant partie de l’échantillon au 31 décembre 2019. Les deuxième et troisième tests consistaient à examiner si et au sein de quel exercice financier il était prévu que le ratio dette nette/bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA) de LOT tombe au-dessous du seuil compris entre 3 et 3,5 et à comparer le ratio prévisionnel fonds propres/actifs de LOT, en tenant compte de la recapitalisation, par rapport au seuil de 15 %. Au vu de ces trois tests, dont les résultats étaient concordants, la Commission a conclu que la recapitalisation n’excédait pas le minimum requis pour assurer la viabilité de LOT et garantir son accès aux marchés privés des capitaux.

123 En troisième lieu, aux paragraphes 133 et 134 de la décision attaquée, la Commission a encore apprécié la proportionnalité de la recapitalisation en faveur de LOT dans le cadre d’une analyse de sensibilité en concluant que, même si LOT devait s’attendre à des pertes moindres, cette recapitalisation resterait proportionnée.

1) Sur la connectivité des PECO

124 L’argument des requérantes, selon lequel le montant de l’aide autorisé par la Commission en raison de la contribution prétendument systémique de LOT à la connectivité des PECO devait être moins élevé, puisque les activités de LOT contribuant à cette connectivité ne représenteraient qu’une fraction des activités totales de cette dernière, est dépourvu de pertinence. En effet, il ressort notamment des paragraphes 2 et 85 de la décision attaquée que l’objectif des mesures en cause était de rétablir le bilan et la situation de liquidité de LOT, de libérer les besoins de trésorerie et de restaurer la viabilité de celle-ci à un moment où la flambée de COVID-19 perturbait le fonctionnement normal des marchés et affectait l’ensemble de l’économie en entraînant des conséquences graves pour l’économie réelle des États membres. L’objectif des mesures en cause tel qu’explicité dans ladite décision n’était donc pas de préserver les activités de LOT contribuant à ladite connectivité.

125 En tout état de cause, ainsi qu’il a été indiqué notamment au point 45 ci-dessus, s’il ressort des paragraphes 37, 38, 39, 43 et 89 de la décision attaquée que LOT jouait un rôle important dans la connectivité des PECO, il ressort des paragraphes 37 à 44 et 104 de ladite décision que ce motif n’était pas le seul ayant conduit la Commission à la constatation de l’importance systémique de LOT et, dès lors, de l’existence d’un intérêt commun de lui octroyer une aide au sens du paragraphe 49, sous b), de l’encadrement temporaire.

126 Le présent argument doit donc être écarté.

2) Sur la notation de crédit nécessaire pour accéder aux marchés financiers

127 En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission a retenu un point de référence inadapté, à savoir une notation de crédit de catégorie « investissement », comme un minimum nécessaire permettant à une entreprise d’accéder au financement du marché (la note « BBB »), il y a lieu de rappeler que, au paragraphe 127 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que constituait une approche conservatrice le fait de comparer le ratio prévisionnel dette nette/fonds propres de LOT à celui d’autres compagnies aériennes comparables, puisque celles qui ont fait l’objet d’une notation ont une note de crédit inférieure ou très proche du seuil requis pour la catégorie « investissement », à savoir la note « BBB », qui est normalement considérée comme la note minimale permettant à une entreprise d’accéder facilement aux financements du marché. Elle a expliqué, au paragraphe 128 de ladite décision, que le ratio dette nette/fonds propres prévu de LOT au 31 décembre 2021 restait plus important que le ratio le plus élevé parmi les compagnies aériennes comparables au sein de l’échantillon ayant fait l’objet d’une notation avec la note de crédit de catégorie « investissement ». Au paragraphe 130 de ladite décision, elle a expliqué que le ratio dette nette/EBITDA de LOT, selon les normes internationales d’information financière (International financial reporting standards, IFRS), ne s’abaisserait pas au-dessous du seuil compris entre 3 et 3,5, habituellement utilisé par les agences de notation pour déterminer la solvabilité des entreprises, au cours de l’horizon temporel pris en considération dans le modèle économique. Au paragraphe 131 de cette décision, la Commission a indiqué que le ratio prévisionnel fonds propres/actifs de LOT ne dépasserait pas un seuil compris entre 10 et 20 % au cours de ce même horizon temporel. Sur la base de ces trois ratios, elle a conclu, au paragraphe 132 de la décision attaquée, que la recapitalisation n’excédait pas le minimum requis pour assurer la viabilité de LOT et garantir son accès aux marchés financiers à une date ultérieure occultée.

128 Les requérantes soutiennent que la Commission a retenu un point de référence inadapté, à savoir une notation de crédit de catégorie « investissement », comme un minimum nécessaire permettant à une entreprise d’accéder au financement du marché (la note « BBB »), alors que les compagnies aériennes seraient généralement en mesure d’accéder aux marchés des capitaux avec des notations inférieures, la note de crédit moyenne des compagnies aériennes avant la pandémie de COVID-19 étant « Ba2 », c’est-à-dire « une notation deux crans en dessous de la catégorie investissement ». Partant, l’aide ne serait pas limitée au minimum nécessaire.

129 À cet égard, il ressort du document figurant dans l’annexe C.1 de la réplique qu’une notation de crédit « BBB » est supérieure à celle que les investisseurs exigeraient habituellement pour permettre aux compagnies aériennes de mobiliser des fonds sur les marchés financiers. La Commission ne conteste pas qu’une notation de crédit inférieure suffirait pour que les compagnies aériennes puissent obtenir des capitaux sur les marchés. Toutefois, elle considère ne pas avoir commis d’erreur manifeste d’appréciation en retenant la notation de crédit « BBB » comme point de référence, puisqu’une telle notation aurait permis au bénéficiaire concerné de se financer sur les marchés à des conditions abordables. À cet égard, il convient de rappeler que, selon le paragraphe 49, sous c), de l’encadrement temporaire, une entreprise n’est éligible à une mesure de recapitalisation que si elle est « dans l’incapacité de se financer sur les marchés à des conditions abordables ». Il s’ensuit, implicitement mais nécessairement, qu’une telle mesure doit être limitée au minimum nécessaire pour lui permettre de se financer sur les marchés à des conditions abordables. Or, les requérantes ne contestent pas que la notation de crédit « BBB » permet un financement à des conditions abordables.

130 De plus, et en tout état de cause, comme il a été relevé aux points 122 et 127 ci-dessus, il ressort de l’analyse de la Commission figurant au paragraphe 128 de la décision attaquée que le ratio dette nette/fonds propres prévu de LOT au 31 décembre 2021, après la mesure de recapitalisation, demeurerait plus mauvais, c’est-à-dire nettement supérieur au troisième quartile du ratio des compagnies aériennes faisant partie de l’échantillon au 31 décembre 2019 et également plus important que le ratio le plus élevé parmi les compagnies aériennes comparables au sein de l’échantillon ayant fait l’objet d’une notation avec la note de crédit de catégorie « investissement », ce qui prouve que l’approche de la Commission a été prudente.

131 Partant, il y a lieu d’écarter le présent argument comme non fondé.

3) Sur la capacité de LOT à mobiliser des fonds sur les marchés financiers

132 En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas évalué si LOT était en mesure de lever des fonds sur les marchés de capitaux, il suffit de constater qu’il n’a pas de contenu autonome. Il se recoupe, d’une part, avec l’argument selon lequel des compagnies aériennes ayant une notation de crédit inférieure à BBB ont également accès aux marchés des capitaux et, d’autre part, avec le quatrième grief de la première branche du premier moyen.

133 Partant, il y a lieu d’écarter le présent argument pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 65 à 80 et 127 à 131 ci-dessus.

4) Sur l’analyse insuffisante des projections financières de LOT

134 Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas procédé à une analyse suffisante des projections financières de LOT pour évaluer la proportionnalité de l’aide, par exemple la possibilité de réduire ses coûts à court ou à moyen terme, ou l’impact de projections alternatives concernant le trafic aérien et sa reprise après la pandémie de COVID-19.

135 Or, ainsi qu’il ressort du point 115 ci-dessus, l’encadrement temporaire ne vise pas à imposer au bénéficiaire, au moment de l’octroi de l’aide, une réduction de ses coûts ou une restructuration. En effet, le bénéficiaire d’une aide à la recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 n’a joué aucun rôle dans les événements ayant compromis sa viabilité et n’aura donc pas forcément besoin d’une restructuration pour surmonter ses difficultés temporaires provoquées par ladite pandémie [voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2023, Ryanair et Condor Flugdienst/Commission (Lufthansa ; COVID-19), T‑34/21 et T‑87/21, sous pourvoi, EU:T:2023:248, points 161 et 192].

136 En outre, en ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel la Commission n’a pas analysé les effets des projections et hypothèses alternatives concernant la reprise du trafic après la pandémie de COVID-19, un élément clé de la rentabilité de LOT, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a également été relevé au point 111 ci-dessus, l’objectif de l’encadrement temporaire n’est pas de rétablir la rentabilité du bénéficiaire ou de s’assurer que celui-ci devienne rentable grâce à l’aide, mais uniquement de permettre de garantir la continuité opérationnelle de celui-ci pendant et après la crise de la COVID-19 en rétablissant, en particulier, la structure du capital telle qu’elle se présentait avant ladite pandémie.

137 Partant, il y a lieu de rejeter le présent argument.

5) Sur les tests de sensibilité

138 Les requérantes font valoir que les tests de sensibilité effectués par la Commission sur les projections financières de LOT sont insuffisants. Elles estiment que la Commission devait effectuer de nombreux « tests de résistance » sur ces projections en tenant compte de différents scénarios pessimistes quant au potentiel de retour à la viabilité de LOT.

139 Néanmoins, il convient de constater que le présent argument n’est pas étayé et doit donc être rejeté. En effet, les requérantes ne critiquent pas les tests de sensibilité effectués par la Commission sur les projections financières de LOT en tant que tels, mais se bornent à affirmer qu’ils sont « insuffisants » et que cette institution aurait dû effectuer de nombreux « tests de résistance » sur ces projections en tenant compte de différents scénarios pessimistes quant au potentiel de retour à la viabilité de LOT.

6) Sur la prise en compte des aides d’État antérieures

140 Selon les requérantes, la Commission n’a pas tenu compte des autres aides dont avait bénéficié LOT ainsi que de celles reçues par le groupe PGL et les autres sociétés du groupe PGL que LOT.

141 En premier lieu, il ressort des paragraphes 69 et 70 de la décision attaquée que, premièrement, la Commission a pris en considération les aides accordées par le Royaume de Danemark et la République de Slovénie aux fins de l’évaluation de la proportionnalité de la recapitalisation conformément au paragraphe 54 de l’encadrement temporaire.

142 Deuxièmement, concernant le programme LOTdoDomu qui visait à apporter un soutien aux vols de rapatriement, la Commission a indiqué, dans le mémoire en défense, que les projections financières de LOT présentées par les autorités polonaises et utilisées par la Commission pour l’évaluation de la proportionnalité prenaient en compte les montants des compensations accordées à LOT au titre dudit programme. Par ailleurs, au paragraphe 70 de la décision attaquée, la Commission a précisé qu’elle tiendrait également compte, dans sa décision, des aides qui pourraient être accordées à LOT en plus de celles déjà accordées à cette dernière au titre des régimes visés au paragraphe 69 de ladite décision. Il convient d’en déduire que les éventuelles aides octroyées à LOT au titre du programme LOTdoDomu ont elles aussi bien été prises en compte par la Commission aux fins de l’évaluation de la proportionnalité de la recapitalisation.

143 En second lieu, s’agissant de la prise en compte des autres mesures d’aide qui auraient été prétendument octroyées par la République de Pologne à LOT, au groupe PGL et aux autres sociétés du groupe PGL que LOT, il y a lieu de renvoyer au point 25 ci-dessus.

144 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le présent argument.

145 Partant, il y a lieu d’écarter la troisième branche du premier moyen.

4. Sur la quatrième branche du premier moyen, concernant la valorisation des fonds propres de LOT dans le cadre de la rémunération et de la sortie de l’État

146 Les requérantes soutiennent que, dans la décision attaquée, la Commission ne fournit aucune information qui permettrait de déterminer si les trois méthodes utilisées par les autorités polonaises afin de valoriser les fonds propres de LOT pour calculer le prix d’achat de ses actions ont été correctement appliquées.

147 En ce qui concerne la première méthode, laquelle repose sur la valeur actuelle des flux de trésorerie escomptés disponibles pour les actionnaires, les requérantes font valoir que la Commission aurait dû examiner la robustesse et la justesse des différentes composantes du plan d’affaires ainsi que différents éléments (tels que l’estimation du taux sans risque, la prime de risque sur actions ainsi que le bêta des fonds propres) qui ont trait au coût du taux d’actualisation des capitaux utilisé par la République de Pologne. Concernant la deuxième méthode, laquelle repose sur la valeur de l’actif net ajustée de la compagnie (à savoir la valeur comptable des actifs moins les dettes, corrigée des différences entre les valeurs marchande et comptable), la Commission n’aurait pas indiqué la manière dont cet ajustement aurait été réalisé. Pour ce qui est de la troisième méthode, laquelle consiste en une valorisation reposant sur un multiple de l’EBITDA de LOT choisi à partir de multiples observés pour des sociétés cotées comparables, elle n’aurait pas fourni d’explication quant à la manière dont elle aurait sélectionné lesdites sociétés, quant à leur comparabilité avec LOT, ni précisé de quelle manière l’estimation ponctuelle aurait été retenue à partir des différentes estimations qui auraient été obtenues à partir des comparateurs. De plus, elle n’aurait pas examiné si (et dans quelle mesure) les multiples des comparateurs indiqués avaient été faussés par les effets de la pandémie de COVID-19.

148 En outre, les requérantes avancent que le fait de calculer le prix d’achat en réalisant la moyenne des prix de l’action obtenus par le biais des trois méthodes différentes ne serait pas approprié. La Commission aurait dû examiner la fiabilité et le bien‑fondé de chacune des trois méthodes et se prononcer sur l’approche (et l’estimation ponctuelle) appropriée à utiliser.

149 Ainsi, les requérantes estiment que chacune des trois méthodes aurait dû être expliquée et examinée en détail et que la Commission aurait dû examiner leur fiabilité et leur bien‑fondé et se prononcer sur l’approche appropriée à utiliser. En n’examinant pas ces éléments, la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation.

150 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

151 Aux paragraphes 141 à 143 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que la République de Pologne avait déterminé le prix d’achat des actions de LOT par le biais de la valorisation des fonds propres de cette dernière étant donné que celle-ci n’était pas une société cotée. Plus précisément, ce prix a été défini comme étant la moyenne des cours des actions résultant des trois méthodes en cause.

152 La Commission a relevé, au paragraphe 142 de la décision attaquée, que la première méthode déterminait la valeur des actions de LOT comme la valeur actuelle des flux de trésorerie escomptés disponibles pour les actionnaires, c’est-à-dire les flux de trésorerie générés par l’exploitation de l’entreprise nets des entrées et sorties de dettes et des coûts d’intérêt. La deuxième méthode, la méthode de l’actif net ajusté, déterminait, quant à elle, la valeur des fonds propres de LOT comme étant la différence entre la valeur comptable de ses actifs et de ses passifs au 31 août 2020 (bilan pro forma), ajustée afin de prendre en considération les différences entre les valeurs de marché et les valeurs comptables. La troisième méthode, la méthode du multiplicateur, déterminait la valeur des fonds propres de LOT en tant que produit de son EBITDA et du ratio valeur d’entreprise/EBITDA des sociétés cotées similaires, déduction faite de la dette nette de LOT.

153 Selon le paragraphe 143 de la décision attaquée, la Commission a considéré comme raisonnable l’approche de combiner les trois méthodes en cause afin de valoriser les fonds propres de LOT, notamment compte tenu des incertitudes entourant les évaluations des entreprises. À cet égard, la méthode d’actualisation des flux de trésorerie disponibles aux actionnaires, utilisée par les autorités polonaises, reposerait sur les projections financières mentionnées au paragraphe 102 de ladite décision, qui étaient conformes aux estimations du secteur. De plus, il ressort du paragraphe 143 de cette décision que la Commission a considéré que le coût des fonds propres qui constituait le taux d’actualisation pour calculer la valeur actuelle des flux de trésorerie pour les actionnaires comprenait un ensemble de primes de risque, telles qu’une prime de risque relative à la taille ainsi qu’une prime de risque spécifique pour le secteur de l’aviation, ce qui rend l’évaluation prudente. En outre, les valorisations résultant de la méthode d’actualisation des flux de trésorerie disponibles aux actionnaires et de la méthode du multiplicateur sont toutes deux actualisées afin de tenir compte de la faible liquidité des actions de LOT.

154 À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar du paragraphe 143 de la décision attaquée, que la Commission a fait preuve de prudence en ayant recours à la méthode de l’actif net ajusté dans la mesure où cette dernière, contrairement aux deux autres méthodes, ne prend pas en considération la capacité de génération de revenus de l’entreprise.

155 Dès lors, il y a lieu de considérer que l’approche suivie par la Commission était, en l’espèce, fiable et cohérente et a notamment permis de prendre en considération les incertitudes inhérentes aux évaluations d’entreprises.

156 S’agissant, ensuite, du reproche des requérantes selon lequel la Commission aurait omis de donner des détails permettant d’apprécier le caractère approprié de la valorisation des fonds propres de LOT, il y a lieu de rappeler que, s’agissant des notions économiques et comptables utilisées par cette dernière ainsi que des composantes des calculs financiers effectués, il ne saurait être contesté qu’ils relèvent d’appréciations techniques complexes. Dès lors que la décision attaquée faisait ressortir clairement le raisonnement suivi par la Commission pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie ce raisonnement (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108).

157 En l’espèce, force est de constater que le titre 3.3.4.1 de la décision attaquée fait clairement ressortir l’approche et les choix suivis par la Commission. Par conséquent, cette dernière n’était pas tenue, conformément à la jurisprudence rappelée au point 156 ci-dessus, de motiver de manière spécifique et exhaustive le choix et l’application de chacune des méthodes utilisées ou de leur combinaison aux fins de valoriser les fonds propres de LOT. La décision attaquée n’est donc pas entachée d’un vice de motivation à cet égard.

158 Partant, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen.

5. Sur la cinquième branche du premier moyen, concernant la gouvernance et la prévention des distorsions de concurrence indues

159 En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission, en indiquant dans la décision attaquée que l’objectif de LOT était de revenir à son volume d’activité normale, a autorisé une expansion agressive du bénéficiaire en violation du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire. En tout cas, ladite décision serait entachée d’un défaut de motivation à cet égard. Les requérantes insistent par ailleurs sur le fait que la Commission aurait omis de tenir compte de la réduction, en raison de la pandémie de COVID-19, des activités de tous les opérateurs qui n’avaient pas reçu d’aides, ce qui permettrait au bénéficiaire de gagner des parts de marché au détriment des compagnies aériennes non subventionnées. De plus, elles soutiennent que LOT a entrepris une expansion agressive, car celle-ci a lancé plusieurs liaisons aériennes en 2021 vers des destinations « non conventionnelles ».

160 En second lieu, les requérantes avancent que la Commission a méconnu le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire. Selon elles, si la Commission indique que l’augmentation de capital versée en PLN s’élèvera à 250 millions d’euros sur la base du taux de change en vigueur au jour de l’octroi de l’augmentation de capital, rien ne garantit que ce montant en PLN ne soit pas rétroactivement plus élevé au moment de l’examen de la compatibilité, à savoir au jour de l’adoption de la décision attaquée. De plus, elles soutiennent que la Commission a indûment exonéré LOT de tout contrôle de sa position concurrentielle dans la mesure où elle n’aurait pas tenu compte d’autres mesures d’aide COVID-19 accordées pour le calcul du plafond de 250 millions d’euros. En outre, elles soulèvent une exception d’illégalité à l’encontre du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire au titre de l’article 277 TFUE, car ce dernier applique, entre autres, un traitement similaire à des situations différentes en ne prenant pas en compte le fait que plus l’entreprise est petite, plus les distorsions induites par une recapitalisation de 250 millions d’euros seront grandes.

161 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

a) Sur le respect du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire

162 Aux termes du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire, afin de prévenir toute distorsion de concurrence indue, les bénéficiaires concernés ne doivent pas s’adonner à une expansion commerciale agressive financée par des aides d’État ou rendue possible par une prise de risques excessive. De manière générale, plus la participation de l’État membre est faible et la rémunération élevée, moins grande est la nécessité de prévoir des garde-fous.

163 Au paragraphe 148 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le plan d’affaires de LOT envisageait un retour prudent et progressif à son volume d’activité standard. Aux paragraphes 55 et 56 de ladite décision, elle a également relevé que la République de Pologne subordonnera l’aide au respect des éléments de gouvernance et de concurrence énoncés au point 3.11.6 de l’encadrement temporaire et, en particulier, celui selon lequel LOT ne se livre pas à une expansion commerciale agressive financée par l’aide ou ne prendra pas de risques excessifs.

164 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 89 ci-dessus, s’agissant d’une décision de ne pas soulever d’objections au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 296, deuxième alinéa, TFUE si elle fait néanmoins apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur. De plus, même si la Commission n’est pas obligée de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle, elle est tenue d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision concernée (voir arrêt du 8 avril 2014, ABN Amro Group/Commission, T‑319/11, EU:T:2014:186, point 132 et jurisprudence citée). 

165 En l’espèce, bien que succincte, la motivation de la décision attaquée expose de manière suffisante les considérations de fait et de droit revêtant une importance essentielle dans l’économie de celle-ci, au sens de la jurisprudence citée au point 164 ci-dessus, de sorte que le grief tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté.

166 En second lieu, force est de constater que la Commission a procédé à l’examen du plan d’affaires de LOT afin de s’assurer que cette dernière ne s’adonnerait pas à une expansion commerciale agressive. À cet égard, le fait que ce plan révélait l’objectif de cette compagnie aérienne de retourner de manière prudente et progressive à son volume d’activité « standard » d’avant le déclenchement de la pandémie de COVID-19, à savoir avant la recapitalisation litigieuse, ne démontre pas que celle-ci envisageait de s’adonner à une expansion commerciale agressive financée par l’aide litigieuse ou rendue possible par une prise de risques excessive, au sens du paragraphe 71 de l’encadrement temporaire.

167 En outre, il y a lieu de rappeler que, aux termes du paragraphe 74 de l’encadrement temporaire, tant qu’au moins 75 % des mesures de recapitalisation n’ont pas été remboursées, le bénéficiaire de l’aide en cause ne peut pas acquérir une participation supérieure à 10 % dans les concurrents ou d’autres acteurs ayant la même ligne d’activité, ce qui inclut les activités en amont et en aval. Il n’est pas contesté que cette obligation pèse sur le bénéficiaire, conformément à ce qui a été indiqué au paragraphe 151 de la décision attaquée, et qu’elle a également pour objectif de prévenir que celui-ci s’adonne à une expansion commerciale agressive financée par l’aide.

168 De plus, s’agissant de l’argument des requérantes relatif aux liaisons lancées par LOT, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que le nombre de liaisons aériennes desservies par LOT en 2019 figurant à l’annexe A.3.2. de la requête et le nombre de liaisons aériennes lancées en 2021 figurant à l’annexe A.3.10. de la requête ne constituent pas des éléments de preuve d’une prétendue expansion commerciale agressive de LOT. En effet, afin de prouver l’existence d’une expansion de cette nature, les requérantes auraient dû indiquer dans quelle mesure la différence entre l’ensemble des liaisons aériennes desservies par LOT en 2019 et à une date ultérieure révélait cette expansion commerciale agressive. Au surplus, ces liaisons ayant été ouvertes, selon les requérantes, à une date postérieure à la décision attaquée, il convient de rappeler que la légalité de ladite décision ne saurait être remise en cause sur la base de circonstances survenues postérieurement à l’adoption de celle-ci [voir arrêt du 18 octobre 2023, Ryanair/Commission (airBaltic ; COVID-19), T-737/20, non publié, EU:T:2023:641, point 175 et jurisprudence citée].

169 Partant, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait enfreint le paragraphe 71 de l’encadrement temporaire.

b) Sur le respect du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire

170 Le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire prévoit que, si le bénéficiaire d’une mesure de recapitalisation prise dans le contexte de la pandémie de COVID-19 d’un montant supérieur à 250 millions d’euros est une entreprise ayant un pouvoir de marché significatif sur au moins un des marchés en cause sur lesquels elle exerce ses activités, les États membres doivent proposer des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur lesdits marchés. Lorsqu’ils proposent de telles mesures, les États membres peuvent notamment offrir des engagements structurels ou comportementaux, tels que prévus dans la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CE) no 139/2004 du Conseil et au règlement (CE) no 802/2004 de la Commission (JO 2008, C 267, p. 1).

171 Au paragraphe 149 de la décision attaquée, la Commission a rappelé la première partie du libellé du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire et a précisé que les mesures en cause comprenaient une recapitalisation de 250 millions d’euros, convertis en PLN sur la base du taux de change à la date d’octroi de l’aide à la recapitalisation, en faveur de LOT et que, par conséquent, des mesures supplémentaires au sens de ce paragraphe n’étaient pas nécessaires.

172 En outre, au paragraphe 51 de la décision attaquée, la Commission a mentionné que le plan de recapitalisation prévoyait l’émission d’actions communes pour un montant de 250 millions d’euros convertis en PLN, sur la base du taux de change de la date d’octroi de l’aide à la recapitalisation, ce qui correspondait à un nombre approximatif de [confidentiel] nouvelles actions à un prix de souscription en PLN de [confidentiel] pour la République de Pologne. Par ailleurs, elle a précisé dans la note en bas de page no 24 de ladite décision que ces chiffres n’étaient qu’une estimation, car les autorités polonaises s’étaient engagées à déterminer le montant final de l’aide à la recapitalisation en monnaie nationale sur la base du taux de change établi à la date d’octroi de l’aide, lorsque le chiffre final serait ajusté. Elle a ajouté que les nouvelles actions seraient entièrement émises pour le 30 septembre 2021.

173 Il ressort ainsi d’une lecture combinée des paragraphes 51 et 149 de la décision attaquée que la Commission a veillé à ce que, à la date d’octroi de l’aide, l’augmentation de capital versée par les autorités polonaises à LOT ne puisse pas dépasser 250 millions d’euros, à savoir le montant au-delà duquel les États membres sont tenus, en vertu du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, de proposer des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur le marché.

174 En conséquence, il y a lieu de constater que, en l’espèce, les conditions d’application du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire n’étaient pas remplies.

175 Les autres arguments des requérantes ne permettent pas de remettre en cause cette conclusion.

176 D’une part, les requérantes avancent que, dans la mesure où la Commission a mené son examen de la compatibilité sur la base des chiffres indiqués en PLN, rien ne garantissait que l’augmentation de capital versée dans cette devise ne soit pas rétroactivement plus élevée que 250 millions d’euros au moment de l’examen de la compatibilité, à savoir au jour de l’adoption de la décision attaquée, étant donné la fluctuation des taux de change entre les deux devises. Lors de l’audience, elles ont précisé que, pour éviter cette possibilité, la Commission aurait dû « geler », à la date de l’évaluation, le montant de l’aide également en PLN. À cet égard, il convient de souligner, à l’instar de la Commission, que, concernant la problématique du taux de change, une mesure d’aide d’État doit être appréciée à la « date de l’octroi de l’aide » et que cette notion est par ailleurs définie par l’article 2, point 28, du RGEC comme « la date à laquelle le droit légal de recevoir l’aide est conféré au bénéficiaire en vertu de la réglementation nationale applicable ». De plus, en tout état de cause, il s’avère que, comme le souligne la République de Pologne sur la base des taux de change moyens appliqués par la Narodowy Bank Polski (Banque nationale de Pologne), le montant admissible de l’aide à la date de son octroi était inférieur à celui correspondant à la date de l’adoption de la décision attaquée.

177 Cet argument ne saurait dès lors prospérer.

178 D’autre part, s’agissant de l’argument des requérantes relatif aux deux autres aides qui auraient été préalablement accordées à LOT en raison de la crise de la COVID-19 ainsi qu’au programme LOTdoDomu, il doit également être écarté.

179 En effet, il y a lieu de rappeler que, pour déterminer si un bénéficiaire remplit les conditions d’éligibilité à une mesure de recapitalisation, prévues au paragraphe 49 de l’encadrement temporaire, il convient de tenir compte de sa situation financière globale [arrêt du 18 octobre 2023, Ryanair/Commission (Brussels Airlines ; COVID-19), T‑14/21, non publié, EU:T:2023:643, point 57]. En revanche, s’agissant des paragraphes dudit encadrement qui visent des aspects spécifiques et concrets d’une mesure de recapitalisation, tels que son montant ou sa rémunération, le respect de ceux-ci ne peut être examiné que par rapport à la mesure de recapitalisation prise en tant que telle. Tel est le cas, notamment, du paragraphe 72 de cet encadrement dont le champ d’application est explicitement limité aux mesures de recapitalisation d’un montant supérieur à 250 millions d’euros [arrêt du 18 octobre 2023, Ryanair/Commission (Brussels Airlines ; COVID-19), T‑14/21, non publié, EU:T:2023:643, point 59].

180 Enfin, les requérantes soulèvent, à titre subsidiaire, une exception d’illégalité à l’encontre du paragraphe 72 de l’encadrement temporaire pour deux raisons.

181 Premièrement, les requérantes soutiennent que le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, lequel recourt à un seuil fixé en euros, ne prend pas en considération l’évolution des taux de change entre l’euro et les devises des États membres hors de la zone euro.

182 À cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que, lorsque celle-ci applique le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, elle peut veiller à ce que, au moment où le bénéficiaire d’une mesure d’aide à la recapitalisation dans le contexte de la pandémie de COVID-19 acquiert le droit à une recapitalisation, toute aide d’un montant supérieur à 250 millions d’euros ne soit autorisée que si le bénéficiaire ne dispose pas d’un pouvoir de marché significatif sur un marché pertinent sur lequel il exerce ses activités ou si, lorsqu’il dispose d’un tel pouvoir, des mesures correctives appropriées en matière de concurrence sont mises en place, et ce indépendamment de la manière dont le taux de change entre l’euro et la devise de l’État membre concerné varie. Par conséquent, ledit paragraphe n’est pas entaché d’illégalité dans la mesure où ce point peut être appliqué d’une manière à garantir la proportionnalité et la concurrence.

183 Deuxièmement, les requérantes avancent que le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire est illégal, dans la mesure où le seuil de 250 millions d’euros s’applique indépendamment de la dimension du bénéficiaire ou, en d’autres termes, indépendamment de l’importance du montant de la recapitalisation par rapport au niveau actuel des fonds propres du bénéficiaire et, plus généralement, à son bilan comptable. Toutefois, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE confère une large marge d’appréciation à celle-ci pour fixer les conditions de compatibilité d’une aide. Par conséquent, le fait d’utiliser le seuil de 250 millions d’euros comme point de référence afin de déterminer si des mesures supplémentaires pour préserver l’exercice d’une concurrence effective sur le marché sont nécessaires ne peut pas être considéré comme inapproprié. Par ailleurs, les requérantes effectuent une comparaison avec le traitement réservé aux établissements financiers durant la crise financière de 2008 et se réfèrent à la communication de la Commission concernant la recapitalisation des établissements financiers dans le contexte de la crise financière actuelle : limitation de l’aide au minimum nécessaire et garde-fous contre les distorsions indues de concurrence (JO 2009, C 10, p. 2). Or, il y a lieu de constater que, contrairement aux aides versées aux entreprises du secteur bancaire dans le cadre de la crise financière de 2008, il n’est pas justifié d’évaluer les aides versées aux transporteurs aériens dans les circonstances très différentes de la crise de la COVID-19 en tenant compte de l’importance de l’aide par rapport aux actifs pondérés en fonction des risques du bénéficiaire. Étant donné les différences entre le secteur bancaire et le secteur aérien et les crises concernées, il y a lieu de considérer que la comparaison effectuée par les requérantes est dénuée de pertinence.

184 Par conséquent, la cinquième branche du premier moyen doit être rejetée et, partant, ledit moyen dans sa totalité.

C. Sur le deuxième moyen, tiré d’une application erronée de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE

185 Le présent moyen se subdivise en deux branches. Dans le cadre de la première branche, les requérantes font valoir que les mesures d’aide individuelle uniquement en faveur de LOT n’étaient pas nécessaires, appropriées et proportionnées pour remédier à une perturbation grave de l’économie polonaise au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, mais que, au contraire, elles l’aggravaient. Il conviendrait de mettre en place des régimes d’aide non discriminatoires accessibles à tous les opérateurs. Le rôle de LOT dans l’économie polonaise ne serait pas tel que les mesures en cause, fournies uniquement à LOT, puissent remédier à ladite perturbation, au sens de ladite disposition. Les requérantes estiment que leur exclusion du bénéfice de ces mesures affaiblirait leur efficacité et les rendrait inaptes à pareille remédiation. Par ailleurs, à l’exception du secteur bancaire, il existerait très peu de décisions autorisant une aide individuelle fondée sur cette disposition. En effet, avant la crise de la COVID-19, il n’existait qu’un seul précédent dans le secteur des transports, dans des circonstances très différentes. Lors de l’audience, les requérantes ont indiqué qu’elles renonçaient à la seconde branche.

186 La Commission, soutenue par la République de Pologne et LOT, conteste les arguments des requérantes.

187 Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, par la décision attaquée, la mesure en cause a été déclarée compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui prévoit que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées « à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ».

188 À cet égard, si la dérogation au principe d’incompatibilité avec le marché intérieur des aides d’État prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE doit faire l’objet d’une interprétation stricte, les termes utilisés pour définir cette dérogation ne doivent cependant pas être interprétés d’une manière qui restreindrait indûment sa portée ou qui la priverait de ses effets. Une dérogation doit, en effet, être interprétée de manière conforme aux objectifs qu’elle poursuit (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 27 et jurisprudence citée).

189 Or, il ne ressort nullement des termes de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, lus à la lumière de l’objectif de cette disposition, qui est de permettre aux États membres de remédier à une perturbation grave de leur économie, que pourraient uniquement être déclarées compatibles avec le marché intérieur, sur le fondement de cette disposition, les aides qui garantissent à elles seules qu’il soit remédié à la perturbation grave de l’économie d’un État membre. En effet, une aide peut, le cas échéant, être destinée à remédier à une telle perturbation grave de l’économie et contribuer à remplir l’objectif expressément visé à ladite disposition sans pour autant suffire à elle seule à atteindre cet objectif (arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 28).

190 À cet égard, selon la jurisprudence, pour pouvoir être déclarée compatible avec le marché intérieur en vertu d’une dérogation au titre de l’article 107, paragraphe 2, TFUE, une mesure d’aide ne doit, notamment, que contribuer à la réalisation d’un objectif qui y figure (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 29 et jurisprudence citée).

191 En outre, l’interprétation de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE suggérée par les requérantes priverait cette disposition d’une grande partie de son effet utile. Si, pour pouvoir revendiquer l’application de ladite disposition, les États membres étaient tenus d’accorder des aides à l’ensemble des entreprises revêtant une importance particulière pour leur économie, de manière à ce que ces aides garantissent à elles seules qu’il soit remédié à la perturbation grave de l’économie, sans pouvoir réserver lesdites aides à un nombre limité de ces entreprises, voire à une seule, ces États membres seraient souvent dissuadés d’octroyer des aides au titre de ladite disposition, en raison des coûts qu’elles représenteraient (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 30 et jurisprudence citée).

192 Il s’ensuit que l’objectif poursuivi par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exclut pas qu’un État membre puisse, sans que cela soit dicté par une volonté de favoriser une entreprise par rapport à ses concurrents, choisir, pour des raisons objectives, de ne faire bénéficier qu’une seule entreprise d’une mesure adoptée au titre de cette disposition (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 31 et jurisprudence citée).

193 L’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE n’exige pas que l’aide en cause soit susceptible, à elle seule, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné. Les aides d’État peuvent être autorisées au titre de cette disposition, sous forme de régimes d’aides ou d’aides individuelles, pourvu que toutes les conditions d’application de celle-ci soient réunies, si elles contribuent à remédier à cette perturbation grave de l’économie (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 32 et jurisprudence citée).

194 Il résulte des considérations qui précèdent que l’argumentation des requérantes, dans la mesure où elle peut être interprétée comme suggérant que seuls des régimes d’aides peuvent être déclarés compatibles en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE ou que les mesures d’aide en question doivent être susceptibles, à elles seules, de remédier à la perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné, doit être rejetée.

195 En ce qui concerne l’argument des requérantes, fondé sur la prétendue pratique décisionnelle de la Commission ou du Tribunal, selon lequel, d’une part, LOT n’était pas suffisamment importante, en comparaison avec les autres compagnies aériennes, dont les requérantes, opérant en Pologne, pour justifier, au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, l’octroi, à elle seule, de l’aide litigieuse et, d’autre part, l’exclusion des requérantes du bénéfice de l’aide affecterait son efficacité, il convient de constater ce qui suit.

196 En premier lieu, dans la mesure où les requérantes invoquent la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, il y a lieu de rappeler que c’est dans le seul cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2013, Nitrogénművek Vegyipari/Commission, T‑387/11, non publié, EU:T:2013:98, point 126 et jurisprudence citée).

197 En deuxième lieu, le fait que les bénéficiaires des aides dans les affaires relevant de la pratique antérieure de la Commission citées par les requérantes constituaient des entreprises « systémiques » en raison de leur rôle dans le système bancaire ou dans les transports ferroviaires de l’État membre concerné, ou le fait que le bénéficiaire de l’aide dans une affaire précédente devant le Tribunal avait une position unique, ne signifie en aucun cas que l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE prévoit la condition que les bénéficiaires d’aides individuelles doivent posséder un statut équivalent. En effet, dans le cadre de cette disposition, la Commission doit apprécier si l’aide en question est nécessaire, appropriée et proportionnée pour remédier à une perturbation grave de l’économie de l’État membre concerné [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Ryanair/Commission (airBaltic ; COVID-19), T‑737/20, non publié, EU:T:2023:641, point 56]. En l’espèce, la Commission a conclu que tel était le cas au paragraphe 162 de la décision attaquée.

198 En troisième lieu, s’agissant du caractère approprié de l’aide litigieuse pour remédier à la perturbation grave de l’économie polonaise, mis en cause, en substance, par l’argumentation des requérantes, d’une part, il convient de constater que les requérantes ne contestent pas que la pandémie de COVID-19 a entraîné une perturbation grave de l’économie polonaise, ni que le transport aérien dans son ensemble a été particulièrement touché par cette pandémie.

199 D’autre part, il ressort de la décision attaquée que l’objectif de l’aide litigieuse était de rétablir le bilan et la situation de liquidité de LOT, de libérer les besoins de trésorerie et de restaurer la viabilité de LOT à un moment où la flambée de la COVID-19 perturbait le fonctionnement normal des marchés et affectait l’ensemble de l’économie en entraînant des conséquences graves pour l’économie réelle des États membres. Or, la Commission a expliqué, aux paragraphes 33 à 44, 87 à 92 et 104 de ladite décision, le rôle important que jouait LOT pour l’économie polonaise du fait, notamment, que cette compagnie aérienne, premièrement, assure la plus grande connectivité en termes de connexions quotidiennes moyennes et de paires de villes au sein des PECO. Dès lors, LOT était importante pour maintenir la connectivité des entreprises et des citoyens polonais. Elle était la seule compagnie aérienne exploitant une plateforme aéroportuaire en Pologne. En outre, la Commission a indiqué que LOT constituait le transporteur dont le réseau était le plus diversifié en Pologne et qu’il couvrait des liaisons intérieures, européennes et intercontinentales. Deuxièmement, LOT et ses filiales employaient 4 600 personnes et, en cas de faillite de LOT, au moins 10 000 personnes perdraient leur emploi dans des entreprises liées au secteur de l’aviation. Troisièmement, la Commission a expliqué qu’une faillite ou une défaillance de LOT empirerait probablement encore la grave perturbation actuelle de l’économie polonaise en raison du rôle majeur de LOT en termes de connectivité nationale et internationale et de son poids économique et social pour de nombreux fournisseurs et travailleurs en Pologne, ce qui affecterait sensiblement la reprise de l’économie polonaise. Dans ce contexte, elle a expliqué le rôle majeur joué par le secteur de l’aviation pour l’économie polonaise. Partant, elle a conclu, au paragraphe 92 de la décision attaquée, que l’aide en question contribuerait à remédier à une perturbation grave de l’économie polonaise.

200 Il apparaît ainsi que la Commission a établi à suffisance de droit l’importance de LOT pour l’économie polonaise et que l’aide litigieuse contribuait à remédier à la perturbation grave de l’économie polonaise, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

201 Les autres arguments des requérantes ne sauraient remettre en cause cette conclusion. Premièrement, concernant les difficultés financières de LOT avant la pandémie de COVID-19, il y a lieu de renvoyer aux points 83 à 90 ci-dessus. Deuxièmement, concernant la possibilité d’obtenir le financement nécessaire sans aide, il y a lieu de renvoyer aux points 65 à 80 ci-dessus.

202 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le deuxième moyen.

D. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du traité FUE, des principes généraux du droit de l’Union, tels que les principes de non-discrimination, de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement, ainsi que du règlement no 1008/2008 

203 Le présent moyen comporte, en substance, deux branches. Par la première, les requérantes allèguent que l’aide en cause est discriminatoire et n’est ni nécessaire ni proportionnée pour atteindre l’objectif qui lui est assigné. Par la seconde, elles soutiennent que la Commission a violé les principes de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement ainsi que le règlement no 1008/2008.

204 À titre liminaire, il convient de rappeler qu’une aide d’État qui viole des dispositions du traité ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51).

1. Sur la première branche, tirée de ce que l’aide en cause opère une discrimination et n’est ni nécessaire ni proportionnée pour atteindre l’objectif qui lui est assigné

205 Les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe de non-discrimination qui est applicable à l’aide selon l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE. Selon elles, LOT est la seule bénéficiaire des mesures en cause et est ainsi favorisée par rapport à d’autres compagnies aériennes sans aucune justification objective. Or, ces autres compagnies aériennes se trouveraient dans une situation comparable à celle de LOT dans la mesure où elles auraient également souffert de la crise causée par la pandémie de COVID‑19 et où elles contribueraient plus à la connectivité de la Pologne. De plus, la Commission n’aurait établi ni la nécessité d’attribuer une aide uniquement à LOT ni le caractère approprié et proportionné de la différence de traitement entre LOT et les autres compagnies aériennes. Les requérantes ajoutent que, si l’aide litigieuse avait été allouée à toutes les compagnies aériennes opérant en Pologne, en fonction de leur part de marché, l’objectif des mesures aurait été atteint sans discrimination. L’aide en cause serait un « instrument de nationalisme économique évident ».

206 La Commission, soutenue par LOT, conteste les arguments des requérantes.

207 Le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C‑677/16, EU:C:2018:393, point 49).

208 Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent notamment être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent en outre être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26).

209 Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55].

210 Selon une jurisprudence constante, la qualification d’« aide d’État » d’une mesure nationale, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert que quatre conditions soient remplies. Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 57 et jurisprudence citée).

211 C’est donc à l’égard de mesures présentant de telles caractéristiques et déployant de tels effets, en ce qu’elles sont susceptibles de fausser le jeu de la concurrence et de porter atteinte aux échanges entre les États membres, que l’article 107, paragraphe 1, TFUE énonce le principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur (arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 58).

212 En particulier, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose que, lorsque la Commission entend qualifier une mesure donnée d’aide d’État, elle établisse que l’avantage économique, pris au sens large, découlant directement ou indirectement de cette mesure profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure concernée introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 59 et jurisprudence citée).

213 Néanmoins, l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE prévoit certaines dérogations au principe d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur, telles que celle énoncée à l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE concernant les aides destinées « à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ». Sont ainsi compatibles ou susceptibles d’être déclarées compatibles avec le marché intérieur des aides d’État octroyées aux fins et dans les exigences prévues par ces dispositions dérogatoires, nonobstant le fait qu’elles présentent les caractéristiques et déploient les effets visés au point 210 ci-dessus (arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 63).

214 Il s’ensuit que, sauf à priver lesdites dispositions dérogatoires de tout effet utile, des aides d’État qui sont octroyées en conformité avec ces exigences, c’est-à-dire aux fins d’un objectif qui y est reconnu et dans les limites de ce qui est nécessaire et proportionné à la réalisation de cet objectif, ne sauraient être jugées incompatibles avec le marché intérieur au regard des seules caractéristiques ou des effets, visés au point 210 ci-dessus, qui sont inhérents à toute aide d’État, à savoir, notamment, pour des raisons liées à ce que l’aide est sélective ou à ce qu’elle fausserait la concurrence (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 64 et jurisprudence citée).

215 Une aide ne peut donc pas être considérée comme incompatible avec le marché intérieur pour des raisons qui sont uniquement liées à ce qu’elle est sélective ou à ce qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C‑320/21 P, EU:C:2023:712, point 108).

216 Certes, il convient également de rappeler que la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité FUE et qu’une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 65 et jurisprudence citée). Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, consacré à l’article 18 TFUE, il est de jurisprudence constante que ce dernier article n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 66 et jurisprudence citée).

217 Dès lors que l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE prévoit des dérogations au principe, énoncé au paragraphe 1 de cet article, d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur et admet ainsi, en particulier, des différences de traitement entre les entreprises, sous réserve de remplir les exigences prévues par ces dérogations, ces dernières doivent être considérées comme des « dispositions particulières » prévues par les traités, au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 67 et jurisprudence citée).

218 Il s’ensuit que, en l’espèce, il convient seulement d’examiner si la différence de traitement induite par les mesures en cause est permise au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Cet examen implique, d’une part, que l’objectif des mesures en cause satisfasse aux exigences prévues par cette dernière disposition et, d’autre part, que les modalités d’octroi des mesures en cause, à savoir, en l’espèce, le fait que celles-ci ne bénéficient qu’à LOT, soient de nature à permettre que soit atteint cet objectif et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

219 S’agissant, premièrement, de l’objectif des mesures en cause, il convient de constater que la pandémie de COVID-19 a gravement perturbé l’économie polonaise et a eu des effets négatifs majeurs sur le marché polonais du transport aérien. Dans ce contexte, pour les raisons exposées aux points 199 à 201 ci-dessus, l’objectif des mesures en cause, à savoir rétablir le bilan et la situation de liquidité de LOT, libérer les besoins de trésorerie et restaurer la viabilité de LOT, était de nature à remédier à la perturbation grave de l’économie polonaise.

220 S’agissant, deuxièmement, des modalités d’octroi des mesures en cause, les requérantes estiment que l’objectif précité de ces mesures ne permet pas de justifier la différence de traitement résultant desdites mesures. Elles considèrent, en effet, que cette différence de traitement n’est pas proportionnée en ce que ces mesures accordent à LOT l’intégralité de l’aide, alors que la part de LOT dans la connectivité de la Pologne est inférieure à 100 %.

221 À cet égard, il n’est pas contesté que les autres compagnies aériennes contribuaient à la connectivité de la Pologne et ont été affectées par la pandémie de COVID-19 et les restrictions de voyage qui en ont découlé. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi que le fait valoir la Commission, il n’existe aucune obligation pour les États membres d’accorder des aides destinées à remédier à la perturbation grave d’une économie au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Ryanair et Laudamotion/Commission (Austrian Airlines ; Covid-19), T‑677/20, EU:T:2021:465, point 54]. Dès lors, la République de Pologne n’était pas tenue d’accorder une aide à toutes les entreprises qui participaient, dans une mesure ou une autre, à la connectivité de son territoire.

222 De plus, compte tenu de son rôle majeur en matière de connectivité nationale et internationale ainsi que de son poids économique et social en Pologne, tels qu’ils ont été établis dans le cadre de l’examen du troisième grief de la première branche du premier moyen aux points 42 à 56 ci-dessus et dans le cadre de l’examen du deuxième moyen aux points 187 à 202 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’assurer la continuité des activités économiques de LOT était susceptible de contribuer à remédier à la perturbation grave de l’économie polonaise.

223 Enfin, en ce qui concerne la question de savoir si les mesures en cause vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, la Commission a relevé, aux paragraphes 46 et 47 de la décision attaquée, que le montant du prêt subventionné n’excédait pas 25 % du chiffre d’affaires annuel du bénéficiaire en 2019, qu’il n’excéderait pas une durée de six ans et qu’il devrait être remboursé au plus tard à la fin 2026. Il n’y a donc pas d’indice démontrant que le montant du prêt est disproportionné, ce que les requérantes ne contredisent au demeurant pas explicitement. S’agissant de la mesure de recapitalisation, il ressort du paragraphe 135 de ladite décision, que, selon l’analyse des données effectuée par la Commission, la recapitalisation n’excédait pas le minimum requis pour assurer la viabilité de LOT et n’allait pas au-delà du rétablissement de sa structure capitalistique telle qu’elle existait au 31 décembre 2019, soit avant la pandémie de COVID-19.

224 Les requérantes ne contestent pas ces faits dans le cadre du présent moyen. Elles se contentent de faire valoir que les mesures en cause sont disproportionnées, en ce qu’elles visent uniquement LOT, alors que sa part dans la connectivité internationale de la Pologne est de 26 % seulement. Selon elles, en allouant l’aide à toutes les compagnies aériennes qui opéraient alors en Pologne, en fonction de leur part de marché, l’objectif des mesures aurait été atteint sans discrimination.

225 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune obligation pour la Commission d’examiner si, outre le maintien de viabilité de LOT, la République de Pologne devait élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide, dès lors que la décision attaquée établit à suffisance de droit la nécessité de préserver la contribution de LOT à l’économie polonaise.

226 Partant, il convient de rejeter la présente branche.

2. Sur la seconde branche, tirée d’une violation des principes de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement ainsi que du règlement no 1008/2008

227 Les requérantes soutiennent que la Commission a violé les principes de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement ainsi que le règlement no 1008/2008 qui applique le principe de la libre prestation de services dans le secteur aérien. Selon elles, les mesures en cause entraveraient ou rendraient moins attrayantes et, par suite, restreindraient les activités des compagnies aériennes concurrentes de LOT en Pologne. Une telle restriction ne serait pas justifiée, car elle serait discriminatoire et disproportionnée.

228 La Commission, soutenue par LOT, conteste les arguments des requérantes.

229 À cet égard, ainsi qu’il est rappelé au point 216 ci-dessus, la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité FUE et une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 65 et jurisprudence citée).

230 Toutefois, il convient de relever que, d’une part, les effets restrictifs qu’une mesure d’aide déploierait sur la libre prestation de services ou sur la liberté d’établissement ne constituent pas pour autant une restriction interdite par le traité, dans la mesure où il peut s’agir d’un effet inhérent à la nature même d’une aide d’État, tel que son caractère sélectif (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 90 et jurisprudence citée).

231 D’autre part, lorsque les modalités d’une aide sont à ce point indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble avec le marché intérieur doit nécessairement être apprécié par le biais de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 91 et jurisprudence citée).

232 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des paragraphes 2 et 85 de la décision attaquée, le choix de LOT en tant que bénéficiaire des mesures en cause fait partie de l’objet de celles-ci et, en tout état de cause, quand bien même ce choix devait être considéré comme une modalité desdites mesures, les requérantes ne contestent pas qu’une telle modalité soit indissolublement liée à cet objet, qui consistait à remédier à la perturbation grave de l’économie polonaise occasionnée par la pandémie de COVID-19, en garantissant à LOT suffisamment de liquidités pour restaurer sa viabilité et en évitant que son éventuelle faillite aggrave cette perturbation, compte tenu de l’importance de cette compagnie pour l’économie polonaise. Il s’ensuit que l’effet sur le marché intérieur du choix de LOT en tant que bénéficiaire des mesures en cause ne peut pas faire l’objet d’un examen séparé de celui de la compatibilité de ces mesures d’aide dans leur ensemble avec le marché intérieur au moyen de la procédure prévue à l’article 108 TFUE.

233 Si les requérantes soutiennent que les mesures en cause constituent une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services du fait de leur caractère discriminatoire et disproportionné, lesquels arguments ont été par ailleurs rejetés aux points 207 à 226 ci-dessus, elles ne démontrent pas, en l’espèce, que les mesures en cause produisaient des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui sont inhérents à une aide d’État octroyée conformément aux exigences prévues par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

234 Par ailleurs, les requérantes n’établissent pas non plus en quoi ce caractère exclusif est de nature à dissuader les compagnies aériennes d’effectuer des prestations de services depuis et à destination de la Pologne ou d’exercer leur liberté d’établissement dans cet État membre.

235 Par conséquent, les mesures en cause ne sauraient constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation de services. Il s’ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de ces mesures avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services.

236 Il y a donc lieu d’écarter la présente branche et, par voie de conséquence, le troisième moyen dans son ensemble.

E. Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen et de la violation des droits procéduraux des requérantes 

237 Les requérantes soutiennent que la Commission a violé, en n’ouvrant pas la procédure formelle d’examen, les droits procéduraux qu’elles tirent de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), ainsi que le principe de bonne administration. En effet, l’examen incomplet et insuffisant des mesures en cause dans la décision attaquée démontrerait l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de cette procédure. Selon les requérantes, l’urgence née de la crise de la COVID-19 ne constitue pas une exception à l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen en cas de doutes quant à la compatibilité de l’aide. Si cette procédure formelle d’examen avait eu lieu, l’issue de la procédure aurait pu être différente. De plus, elles soutiennent que le contenu du présent moyen est indépendant et diffère des trois premiers moyens auxquels il se réfère.

238 La Commission, soutenue par LOT, conteste les arguments des requérantes.

239 Lorsqu’un requérant demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une aide d’État, il met en cause essentiellement le fait que cette décision a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, le requérant peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée dans ladite disposition ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 101 et jurisprudence citée).

240 Ainsi, il appartient à l’auteur d’une demande d’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections de démontrer que des doutes sur la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur existaient, de telle sorte que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Une telle preuve doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de cette décision que dans son contenu, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 102 et jurisprudence citée).

241 En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de ce que cette institution a été confrontée à de sérieuses difficultés pour apprécier la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur, ce qui aurait dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 103 et jurisprudence citée).

242 À cet égard, s’agissant, tout d’abord, de l’argument tiré de ce que le contenu du quatrième moyen est indépendant, il convient de relever qu’il est exact, ainsi que le font valoir les requérantes, que, si l’existence de difficultés sérieuses pour apprécier la compatibilité des mesures en cause était démontrée, la décision attaquée devrait être annulée pour ce seul motif, quand bien même il n’aurait pas été établi par ailleurs que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 104 et jurisprudence citée).

243 En outre, l’existence de pareilles difficultés peut être recherchée notamment dans ces appréciations et peut, en principe, être établie par des moyens ou des arguments avancés par un requérant aux fins de contester le bien-fondé de la décision de ne pas soulever d’objections, même si l’examen de ces moyens ou de ces arguments n’aboutit pas à la conclusion que les appréciations portées sur le fond par la Commission sont erronées en fait ou en droit (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 105 et jurisprudence citée).

244 En l’espèce, il y a lieu de constater que le présent moyen est tiré, en substance, du caractère incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire et de l’appréciation différente de la compatibilité des mesures en cause à laquelle la Commission serait parvenue si elle avait décidé d’ouvrir une procédure formelle d’examen. Or, il ressort des écritures des requérantes que, à l’appui de ce moyen, ces dernières ont, pour l’essentiel, soit repris de manière condensée des arguments développés dans le cadre des trois premiers moyens, relatifs au bien-fondé de la décision attaquée, soit directement renvoyé à de tels arguments.

245 Dans ces conditions, le Tribunal ayant examiné au fond les trois premiers moyens, y compris les arguments tirés du caractère incomplet et insuffisant de l’examen mené par la Commission, il n’est pas tenu d’apprécier le bien-fondé du présent moyen de manière séparée, d’autant plus que, par ce moyen, les requérantes n’ont pas mis en évidence d’éléments spécifiques susceptibles de démontrer l’existence de difficultés sérieuses rencontrées par la Commission pour apprécier la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur.

246 Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être écarté.

F. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

247 Les requérantes font valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation selon l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. D’abord, en renvoyant au premier moyen, elles soutiennent que la Commission a omis, premièrement, de démontrer que LOT était éligible à une mesure de recapitalisation en vertu de l’encadrement temporaire, deuxièmement, de donner des détails permettant d’apprécier si la valorisation des fonds propres de LOT était appropriée, troisièmement, d’expliquer les raisons pour lesquelles un réseau en étoile assurait une meilleure connectivité qu’un réseau point à point, quatrièmement, de considérer la réduction des activités afin d’éviter l’insolvabilité et l’octroi d’une aide, cinquièmement, de prouver que LOT se trouvait dans l’impossibilité de lever des fonds sur les marchés, sixièmement, d’expliquer les raisons pour lesquelles il n’y avait pas lieu de tenir compte des autres aides prétendument accordées à LOT afin d’établir la compatibilité de l’aide, et pourquoi il n’y avait pas lieu dans ces conditions d’imposer des mesures additionnelles de « gouvernance » pro-concurrentielles et, septièmement, d’évaluer si l’instrument de recapitalisation en cause était celui qui faussait le moins la concurrence.

248 Ensuite, en renvoyant au deuxième moyen, les requérantes considèrent que la Commission n’a pas déterminé que le traitement différent de LOT pouvait être nécessaire et proportionné afin de remédier à une perturbation grave de l’économie polonaise.

249 En renvoyant au troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a omis d’apprécier si l’aide était non discriminatoire et respectait les principes de libre prestation de services et de liberté d’établissement ainsi que le règlement no 1008/2008.

250 Enfin, les requérantes soutiennent que la contradiction entre l’objectif déclaré de l’aide, à savoir remédier à une perturbation grave de l’économie polonaise et préserver la connectivité de la Pologne, et les moyens utilisés pour atteindre celui-ci, à savoir l’octroi d’une aide discriminatoire, ne permet pas aux parties intéressées et au Tribunal de comprendre quel était l’objectif des mesures en cause.

251 La Commission, soutenue par LOT, conteste les arguments des requérantes.

252 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 114 et jurisprudence citée).

253 Lorsqu’il s’agit, plus particulièrement, comme en l’espèce, d’une décision, prise en application de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une mesure d’aide, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser, comme il ressort déjà de la jurisprudence rappelé au point 89 ci-dessus, qu’une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur et que même une motivation succincte de cette décision doit être considérée comme suffisante au regard de l’exigence de motivation que prévoit l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, pour autant qu’elle fasse apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de telles difficultés, la question du bien-fondé de cette motivation étant étrangère à cette exigence (voir arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 115 et jurisprudence citée).

254 Il y a également lieu de rappeler la jurisprudence citée au point 156 ci-dessus selon laquelle, dès lors que la décision attaquée faisait ressortir clairement le raisonnement suivi par la Commission pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le raisonnement.

255 À cet égard, premièrement, dans la mesure où l’argumentation avancée dans le cadre du présent moyen vise en réalité à démontrer que la décision attaquée a été adoptée sur le fondement d’une appréciation insuffisante ou juridiquement erronée de la Commission, cette argumentation, ayant trait au bien-fondé de cette décision plutôt qu’à l’exigence de motivation en tant que formalité substantielle, doit être rejetée dans le cadre du présent moyen (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2024, Ryanair/Commission, C‑353/21 P, non publié, EU:C:2024:437, point 120). Tel est le cas en ce qui concerne les arguments selon lesquels la Commission a omis, premièrement, de démontrer que LOT était éligible à une mesure de recapitalisation en vertu de l’encadrement temporaire, deuxièmement, de considérer la réduction des activités afin d’éviter l’insolvabilité et l’octroi d’une aide, troisièmement, de prouver que LOT se trouvait dans l’impossibilité de lever des fonds sur les marchés, quatrièmement, d’évaluer si l’instrument de recapitalisation en cause était celui qui faussait le moins la concurrence, cinquièmement, de déterminer que le traitement différent de LOT pouvait être nécessaire et proportionné afin de remédier à une perturbation grave de l’économie polonaise et, sixièmement, d’apprécier si l’aide était non discriminatoire et respectait les principes de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement ainsi que le règlement no 1008/2008. Les arguments concernant ces éléments ont été appréciés ci-dessus dans le cadre des premier, deuxième et troisième moyens.

256 En tout état de cause, deuxièmement, il convient de constater que la Commission a motivé à suffisance de droit, ainsi qu’il résulte des points 18 à 90 ci-dessus, que LOT était éligible à la mesure de recapitalisation au regard du paragraphe 49 de l’encadrement temporaire. Elle n’était, dans ce cadre, pas tenue d’examiner une éventuelle réduction des activités de LOT.

257 Par ailleurs, il ressort du point 96 ci-dessus qu’une mesure de recapitalisation et les conditions dont celle-ci est assortie peuvent être considérées comme les plus appropriées pour répondre aux besoins de recapitalisation du bénéficiaire concerné, tout en faussant le moins la concurrence, au sens du paragraphe 53 de l’encadrement temporaire, dès lors qu’elles remplissent les différentes exigences prévues à cette fin dans cet encadrement. La Commission n’avait donc pas eu l’obligation d’examiner si, en dehors de la mesure de recapitalisation en cause, il n’y avait pas d’autres instruments de recapitalisation susceptibles de fausser moins la concurrence. Partant, la Commission n’était pas tenue de présenter de motifs à cet égard.

258 En outre, il ressort des points 185 à 202 et 220 à 225 ci-dessus que la Commission a suffisamment expliqué que les mesures en cause étaient nécessaires, appropriées et proportionnées pour remédier à une perturbation grave de l’économie polonaise, même si elles ne bénéficiaient qu’à LOT. En outre, il résulte des points 91 à 144 ci-dessus que la Commission a suffisamment expliqué que la mesure de recapitalisation était proportionnée en ce sens qu’elle était conforme aux paragraphes 53 et 54 de l’encadrement temporaire, qui reflètent l’examen de proportionnalité de la mesure de recapitalisation.

259 Enfin, s’agissant de la motivation au regard des principes de non-discrimination, de la libre prestation de services et de la liberté d’établissement ainsi que du règlement no 1008/2008, il y a lieu de renvoyer aux points 205 à 236 ci-dessus. Plus particulièrement, ainsi qu’il ressort du point 219 ci-dessus, le fait que les mesures en cause ne bénéficiaient qu’à LOT n’était pas en contradiction avec l’objectif de ces mesures. Partant, le raisonnement de la décision attaquée n’est pas contradictoire.

260 Troisièmement, concernant l’argument des requérantes tiré du défaut de motivation qui découlerait de l’absence de détails dans la décision attaquée permettant d’apprécier si la valorisation des fonds propres de LOT était appropriée, il n’y a aucun défaut de motivation pour les raisons exposées aux points 151 à 158 ci-dessus.

261 Quatrièmement, comme il a été relevé au point 45 ci-dessus, la Commission a indiqué dans la décision attaquée que le réseau en étoile de LOT lui permettait de multiplier les connexions avec diverses parties du monde, de sorte qu’il n’y a pas de défaut de motivation à cet égard.

262 Cinquièmement, concernant la motivation relative à la prise en compte d’autres aides accordés à LOT, il ressort des points 140 à 144 ci-dessus que la motivation de la décision attaquée était, à cet égard, suffisante. Concernant la motivation quant à l’absence de nécessité d’imposer des mesures additionnelles de « gouvernance » pro-concurrentielles, il y a lieu de relever, d’une part, que l’absence de nécessité de ces mesures fait l’objet de développements spécifiques aux points 162 à 183 ci-dessus et, d’autre part, que la Commission n’était pas tenue d’appliquer le paragraphe 72 de l’encadrement temporaire, étant donné que le montant de la mesure de recapitalisation ne dépassait pas les 250 millions d’euros. Elle n’était donc pas tenue de motiver davantage cet aspect dans ladite décision.

263 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le cinquième moyen et, partant, de rejeter le recours dans son intégralité.

IV. Sur les dépens

264 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

265 La République de Pologne supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

266 LOT supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Ryanair DAC et Ryanair Sun S.A. sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3) La République de Pologne et Polskie Linie Lotnicze “LOT” S.A. supporteront leurs propres dépens.

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