CA Douai, ch. 2 sect. 2, 27 mars 2025, n° 23/04281
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 27/03/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/04281 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VDRK
Jugement (N° 2022005633) rendu le 04 juillet 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
Société Maisons & Cités, SA d'Habitations à Loyer Modéré prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Loïc Jarsaillon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
SELAS MJS Partners en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Nord Constructions Nouvelles, suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Metropole en date du 21 juillet 2020
ayant son siège social, [Adresse 2]
défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée le 1er décembre 2023
La SAS Nord Constructions Nouvelles - en liquidation judiciaire, représentée par la SELAS MJS Partners, en sa qualité de liquidateur judiciaire
ayant siège social [Adresse 3]
défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 30 novembre 2023 à M. [Y] [C], président (à personne) et à Mme [G] [C], directrice générale (à étude)
DÉBATS à l'audience publique du 14 janvier 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Pauline Mimiague, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 décembre 2024
****
FAITS ET PROCEDURE
La société d'HLM Maisons & cités (la société Maisons & cités) est liée à la société Nord construction nouvelle (NCN) suivant un acte d'engagement du 5 octobre 2015, relatif à la construction de 107 logements collectifs et individuels à [Localité 4] et suivant le marché n°046069 notifié à cette dernière le 28 avril 2016.
La société NCN était titulaire du Lot n°1 « gros-'uvre étendu. »
Par jugement du 2 juin 2020, la société NCN a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire, procédure qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 21 juillet 2020, la SELAS MJS Partners ayant été nommée liquidateur.
La société Maisons & cités, qui ne figurait pas sur la liste des créanciers, déposée par le débiteur, a été relevée de forclusion par ordonnance du juge-commissaire du 16 décembre 2020.
Le 8 janvier 2021, elle a déclaré sa créance pour un montant de 145 337,90 euros et sollicité son admission à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société NCN.
Le 4 mai 2021, le liquidateur l'a informée de la contestation de la créance et a proposé de rejeter cette dernière.
Le 3 juin 2021, la société Maisons & cités a contesté cette proposition de rejet.
Le12 janvier 2022, le juge-commissaire a constaté son défaut de pouvoir et a invité les parties à saisir le juge compétent pour qu'il soit statué sur la créance.
Le 4 mars 2022, la société Maisons & cités a assigné le liquidateur en fixation de sa créance devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.
Le 4 juillet 2023, ce tribunal a :
- prononcé l'irrecevabilité de toutes les demandes formulées par la société Maisons & cités au regard de l'absence de mise en cause de la société NCN et de l'expiration du délai de forclusion ;
- condamné la société Maisons & cités à payer à la SELAS MJS Partners, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Maisons & cités aux entiers dépens
Le 25 septembre 2023, la société Maisons et cités a interjeté appel, à l'encontre dudit jugement à l'égard du mandataire liquidateur et de la société NCN prises en la personne de ses représentants légaux.
Cette déclaration d'appel a été enregistrée sous le numéro n°23/04690 et sous le numéro de rôle RG 23/04281.
Le 23 octobre 2023, la société Maisons & cités a complété cette première déclaration d'appel, par une déclaration d'appel complémentaire à l'égard des mêmes parties et du même jugement, qui a été enregistrée le 24 octobre 2023 sous le numéro n°23/05172 et sous le numéro de rôle RG 23/04730.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 mars 2023, les deux dossiers ont été joints.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 décembre 2023, la société Maisons & cités demande à la cour, au visa de l'article L 624-2 du code de commerce, de l'article L 6241-9 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement
En conséquence, statuant au fond
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société NCN à titre chirographaire, à hauteur de 145 337,90 euros HT
- condamner le liquidateur judiciaire de la société NCN et le débiteur la société NCN à lui payer la somme de 4 500 ' au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective ;
La société Maisons & cités fait valoir que :
- l'irrecevabilité doit être écartée au regard de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2023 et de la prise en compte de la qualité de « partie nécessaire » du débiteur en procédure collective, s'agissant de la vérification des créances.
- sa déclaration de créance a fait l'objet d'une contestation sans motif de la part du débiteur, qui est désormais intimé en cause d'appel en qualité de partie nécessaire ;
- sa créance se fonde sur l'attribution du lot n°01 gros-'uvre pour un montant total de 5 100 000 euros HT, suivant acte d'engagement du 5 octobre 2015 ; et sur les pièces justificatives que sont les situations de travaux qui n'émanent pas d'elle-même, mais d'un tiers, la société ETNAP maître d''uvre, du projet de construction des 107 logements, lesquelles établissent le retard dans l'exécution de la prestation ;
- le maître d''uvre a pris soin d'établir un tableau récapitulatif des pénalités de retard dues à hauteur de 145 337,90 euros, les différentes situations de marché et les comptes-rendus de chantiers visant expressément les différentes pénalités relevées ;
- le représentant de la société NCN était bien présent aux réunions de chantier comme le mentionne chaque compte-rendu ;
- dans ces conditions, les pénalités appliquées sont bien fondées et sont dues par la société NCN.
L'intimée n'a pas constituée avocat.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour observe le caractère sans objet des développements in limine litis par la société Maisons & cités, en ce que non repris dans le dispositif des écritures adressés à la cour, qui seul la saisit en application de l'article 954 du code de procédure civile, ils sont en tout état de cause, d'une part, adressés au conseiller de la mise en état, lequel se trouve dessaisi, d'autre part sans objet, puisque ce dernier a procédé d'ores et déjà à la jonction des deux déclarations d'appel.
- Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande en fixation
L'article L 641-9 du code de commerce dispose que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. ['] Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
Dans le cadre de la procédure de vérification des créances, l'article L624-2 du code de commerce précise qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
L'article R 624-5 du code de commerce prévoit que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Le caractère indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire/liquidateur de la procédure de vérification des créances devant le juge commissaire est affirmé de manière constante par la Cour de cassation (Com., 2 novembre 2016, pourvoi n 14-25.536, Bull. 2016, IV, n 139 ).
Par un arrêt du 5 septembre 2018 (Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91), la Cour de cassation a énoncé pour la première fois que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrivait dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur.
Elle a qualifié par la suite le débiteur de « partie nécessaire » (Com., 7 octobre 2020, pourvoi n° 19-13.223).
Par arrêt du 14 juin 2023, la Cour de cassation, après avoir rappelé que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances s'inscrit dans cette procédure qui est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur, en a déduit que, d'une part, la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties, d'autre part, dès lors que cette partie a saisi la juridiction compétente dans le délai de l'article R. 624-5 du code de commerce, elle n'encourt pas la forclusion qu'il prévoit et a la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai jusqu'à ce que le juge statue (Com., 14 juin 2023, pourvoi n° 21-25.638, 21-24.458).
En l'espèce, compte tenu des règles ci-dessus rappelées et de l'intimation en cause d'appel de l'ensemble des parties nécessaires à la procédure de vérification des créances, et plus particulièrement de la société NCN omise en première instance, la cour ne peut qu'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'irrecevabilité des demandes de la société Maisons & cités motif pris de l'absence de mise en cause du débiteur.
- Sur la demande de fixation de la créance déclarée par la société Maisons & cités
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'article L. 622-25 du même code précise que la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.
Conformément à l'article R. 622-23 du même code, outre les indications prévues à l'article L. 622-25, la déclaration de créance contient :
1° Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;
2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;
3° L'indication de la juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige.
A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. À tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n'auraient pas été joints.
En l'espèce, la société Maisons & cités a déclaré, le 8 janvier 2021, une créance d'un montant de 145 337,90 euros HT, à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société NCN, créance constituée de pénalités en lien avec des retards dans la réalisation des travaux dans le cadre du lot n°1 gros-'uvre étendu du marché de construction de 107 logements à [Localité 4].
Conformément aux principes ci-dessus rappelés, il appartient au créancier de produire les pièces justifiant tant de l'existence et de la réalité de sa créance, que celles permettant d'établir le quantum de cette créance.
Pour justifier de sa créance, la société Maisons & cités verse le marché de travaux, constitué par l'acte d'engagement du 5 octobre 2015 relatif au lot n° 01 gros-'uvre étendu pour un montant total de 5 100 000 euros HT et se prévaut des stipulations du cahier des clauses administratives particulières et ses annexes (CCAP), et plus particulièrement son article 20-1 et son article 20-1-1, qui édicterait des pénalités.
Si la société Maison & cités reproduit les stipulations précitées dans le motifs de ses écritures, y précisant que les pièces du marché visent l'acte d'engagement et ses éventuelles annexes, le cahier des clauses administratives particulières et ses éventuelles annexes, le cahier des clauses techniques particulières et le cahier des clauses administratives générales de travaux, elle ne produit pour attester du marché que la notification de ce dernier et l'acte d'engagement, qui ne comportent de référence ni aux différents cahiers précités ni aux stipulations citées par le créancier.
Ces cahiers ne sont pas plus versés aux débats et ne figurent d'ailleurs pas au bordereau de communication de pièces, pas plus qu'ils n'étaient joints à la déclaration de créance effectuée devant le juge-commissaire au vu de la liste des pièces produites.
Ainsi, la cour n'est en mesure de vérifier ni la présence des stipulations citées par le créancier dans les pièces contractuelles, ni la teneur de ces stipulations.
La société Maisons & cités ne justifie dès lors pas du fondement de sa demande au titre des pénalités.
Or, compte tenu des règles ci-dessus rappelées, qui imposent au créancier d'apporter la preuve tant de l'existence que de l'étendue de sa créance, la cour ne peut que rejeter la demande de fixation formée par la société Maisons & cités, d'autant plus qu'en l'absence de comparution du débiteur, , il appartient à la cour de vérifier que la demande est régulière, recevable et bien fondée, en application de l'article 472 du code de procédure civile.
- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Maisons et cités succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il condamne la société Maisons & cités au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
DECLARE recevables les demandes formulées par la société Maisons & cités ;
REJETTE la demande de la société Maisons & cités tendant à la fixation de sa créance au passif de la société NCN à hauteur de 145 337, 90 euros à titre chirographaire ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Maisons & cités aux dépens d'appel.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 27/03/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/04281 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VDRK
Jugement (N° 2022005633) rendu le 04 juillet 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
Société Maisons & Cités, SA d'Habitations à Loyer Modéré prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Loïc Jarsaillon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
SELAS MJS Partners en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Nord Constructions Nouvelles, suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Metropole en date du 21 juillet 2020
ayant son siège social, [Adresse 2]
défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée à personne habilitée le 1er décembre 2023
La SAS Nord Constructions Nouvelles - en liquidation judiciaire, représentée par la SELAS MJS Partners, en sa qualité de liquidateur judiciaire
ayant siège social [Adresse 3]
défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 30 novembre 2023 à M. [Y] [C], président (à personne) et à Mme [G] [C], directrice générale (à étude)
DÉBATS à l'audience publique du 14 janvier 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Pauline Mimiague, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 mars 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 décembre 2024
****
FAITS ET PROCEDURE
La société d'HLM Maisons & cités (la société Maisons & cités) est liée à la société Nord construction nouvelle (NCN) suivant un acte d'engagement du 5 octobre 2015, relatif à la construction de 107 logements collectifs et individuels à [Localité 4] et suivant le marché n°046069 notifié à cette dernière le 28 avril 2016.
La société NCN était titulaire du Lot n°1 « gros-'uvre étendu. »
Par jugement du 2 juin 2020, la société NCN a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire, procédure qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 21 juillet 2020, la SELAS MJS Partners ayant été nommée liquidateur.
La société Maisons & cités, qui ne figurait pas sur la liste des créanciers, déposée par le débiteur, a été relevée de forclusion par ordonnance du juge-commissaire du 16 décembre 2020.
Le 8 janvier 2021, elle a déclaré sa créance pour un montant de 145 337,90 euros et sollicité son admission à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société NCN.
Le 4 mai 2021, le liquidateur l'a informée de la contestation de la créance et a proposé de rejeter cette dernière.
Le 3 juin 2021, la société Maisons & cités a contesté cette proposition de rejet.
Le12 janvier 2022, le juge-commissaire a constaté son défaut de pouvoir et a invité les parties à saisir le juge compétent pour qu'il soit statué sur la créance.
Le 4 mars 2022, la société Maisons & cités a assigné le liquidateur en fixation de sa créance devant le tribunal de commerce de Lille Métropole.
Le 4 juillet 2023, ce tribunal a :
- prononcé l'irrecevabilité de toutes les demandes formulées par la société Maisons & cités au regard de l'absence de mise en cause de la société NCN et de l'expiration du délai de forclusion ;
- condamné la société Maisons & cités à payer à la SELAS MJS Partners, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Maisons & cités aux entiers dépens
Le 25 septembre 2023, la société Maisons et cités a interjeté appel, à l'encontre dudit jugement à l'égard du mandataire liquidateur et de la société NCN prises en la personne de ses représentants légaux.
Cette déclaration d'appel a été enregistrée sous le numéro n°23/04690 et sous le numéro de rôle RG 23/04281.
Le 23 octobre 2023, la société Maisons & cités a complété cette première déclaration d'appel, par une déclaration d'appel complémentaire à l'égard des mêmes parties et du même jugement, qui a été enregistrée le 24 octobre 2023 sous le numéro n°23/05172 et sous le numéro de rôle RG 23/04730.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 14 mars 2023, les deux dossiers ont été joints.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 décembre 2023, la société Maisons & cités demande à la cour, au visa de l'article L 624-2 du code de commerce, de l'article L 6241-9 du code de commerce, de :
- infirmer le jugement
En conséquence, statuant au fond
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société NCN à titre chirographaire, à hauteur de 145 337,90 euros HT
- condamner le liquidateur judiciaire de la société NCN et le débiteur la société NCN à lui payer la somme de 4 500 ' au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective ;
La société Maisons & cités fait valoir que :
- l'irrecevabilité doit être écartée au regard de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2023 et de la prise en compte de la qualité de « partie nécessaire » du débiteur en procédure collective, s'agissant de la vérification des créances.
- sa déclaration de créance a fait l'objet d'une contestation sans motif de la part du débiteur, qui est désormais intimé en cause d'appel en qualité de partie nécessaire ;
- sa créance se fonde sur l'attribution du lot n°01 gros-'uvre pour un montant total de 5 100 000 euros HT, suivant acte d'engagement du 5 octobre 2015 ; et sur les pièces justificatives que sont les situations de travaux qui n'émanent pas d'elle-même, mais d'un tiers, la société ETNAP maître d''uvre, du projet de construction des 107 logements, lesquelles établissent le retard dans l'exécution de la prestation ;
- le maître d''uvre a pris soin d'établir un tableau récapitulatif des pénalités de retard dues à hauteur de 145 337,90 euros, les différentes situations de marché et les comptes-rendus de chantiers visant expressément les différentes pénalités relevées ;
- le représentant de la société NCN était bien présent aux réunions de chantier comme le mentionne chaque compte-rendu ;
- dans ces conditions, les pénalités appliquées sont bien fondées et sont dues par la société NCN.
L'intimée n'a pas constituée avocat.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour observe le caractère sans objet des développements in limine litis par la société Maisons & cités, en ce que non repris dans le dispositif des écritures adressés à la cour, qui seul la saisit en application de l'article 954 du code de procédure civile, ils sont en tout état de cause, d'une part, adressés au conseiller de la mise en état, lequel se trouve dessaisi, d'autre part sans objet, puisque ce dernier a procédé d'ores et déjà à la jonction des deux déclarations d'appel.
- Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande en fixation
L'article L 641-9 du code de commerce dispose que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. ['] Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
Dans le cadre de la procédure de vérification des créances, l'article L624-2 du code de commerce précise qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
L'article R 624-5 du code de commerce prévoit que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.
Le caractère indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire/liquidateur de la procédure de vérification des créances devant le juge commissaire est affirmé de manière constante par la Cour de cassation (Com., 2 novembre 2016, pourvoi n 14-25.536, Bull. 2016, IV, n 139 ).
Par un arrêt du 5 septembre 2018 (Com., 5 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.978, Bull. 2018, IV, n° 91), la Cour de cassation a énoncé pour la première fois que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances sur l'invitation du juge-commissaire s'inscrivait dans cette même procédure, laquelle est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur.
Elle a qualifié par la suite le débiteur de « partie nécessaire » (Com., 7 octobre 2020, pourvoi n° 19-13.223).
Par arrêt du 14 juin 2023, la Cour de cassation, après avoir rappelé que l'instance introduite devant la juridiction compétente par l'une des parties à la procédure de vérification des créances s'inscrit dans cette procédure qui est indivisible entre le créancier, le débiteur et le mandataire judiciaire ou le liquidateur, en a déduit que, d'une part, la partie qui saisit le juge compétent doit mettre en cause devant ce juge les deux autres parties, d'autre part, dès lors que cette partie a saisi la juridiction compétente dans le délai de l'article R. 624-5 du code de commerce, elle n'encourt pas la forclusion qu'il prévoit et a la faculté d'appeler les parties omises après l'expiration de ce délai jusqu'à ce que le juge statue (Com., 14 juin 2023, pourvoi n° 21-25.638, 21-24.458).
En l'espèce, compte tenu des règles ci-dessus rappelées et de l'intimation en cause d'appel de l'ensemble des parties nécessaires à la procédure de vérification des créances, et plus particulièrement de la société NCN omise en première instance, la cour ne peut qu'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'irrecevabilité des demandes de la société Maisons & cités motif pris de l'absence de mise en cause du débiteur.
- Sur la demande de fixation de la créance déclarée par la société Maisons & cités
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
L'article L. 622-25 du même code précise que la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers.
Conformément à l'article R. 622-23 du même code, outre les indications prévues à l'article L. 622-25, la déclaration de créance contient :
1° Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;
2° Les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté ;
3° L'indication de la juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige.
A cette déclaration sont joints sous bordereau les documents justificatifs ; ceux-ci peuvent être produits en copie. À tout moment, le mandataire judiciaire peut demander la production de documents qui n'auraient pas été joints.
En l'espèce, la société Maisons & cités a déclaré, le 8 janvier 2021, une créance d'un montant de 145 337,90 euros HT, à titre chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société NCN, créance constituée de pénalités en lien avec des retards dans la réalisation des travaux dans le cadre du lot n°1 gros-'uvre étendu du marché de construction de 107 logements à [Localité 4].
Conformément aux principes ci-dessus rappelés, il appartient au créancier de produire les pièces justifiant tant de l'existence et de la réalité de sa créance, que celles permettant d'établir le quantum de cette créance.
Pour justifier de sa créance, la société Maisons & cités verse le marché de travaux, constitué par l'acte d'engagement du 5 octobre 2015 relatif au lot n° 01 gros-'uvre étendu pour un montant total de 5 100 000 euros HT et se prévaut des stipulations du cahier des clauses administratives particulières et ses annexes (CCAP), et plus particulièrement son article 20-1 et son article 20-1-1, qui édicterait des pénalités.
Si la société Maison & cités reproduit les stipulations précitées dans le motifs de ses écritures, y précisant que les pièces du marché visent l'acte d'engagement et ses éventuelles annexes, le cahier des clauses administratives particulières et ses éventuelles annexes, le cahier des clauses techniques particulières et le cahier des clauses administratives générales de travaux, elle ne produit pour attester du marché que la notification de ce dernier et l'acte d'engagement, qui ne comportent de référence ni aux différents cahiers précités ni aux stipulations citées par le créancier.
Ces cahiers ne sont pas plus versés aux débats et ne figurent d'ailleurs pas au bordereau de communication de pièces, pas plus qu'ils n'étaient joints à la déclaration de créance effectuée devant le juge-commissaire au vu de la liste des pièces produites.
Ainsi, la cour n'est en mesure de vérifier ni la présence des stipulations citées par le créancier dans les pièces contractuelles, ni la teneur de ces stipulations.
La société Maisons & cités ne justifie dès lors pas du fondement de sa demande au titre des pénalités.
Or, compte tenu des règles ci-dessus rappelées, qui imposent au créancier d'apporter la preuve tant de l'existence que de l'étendue de sa créance, la cour ne peut que rejeter la demande de fixation formée par la société Maisons & cités, d'autant plus qu'en l'absence de comparution du débiteur, , il appartient à la cour de vérifier que la demande est régulière, recevable et bien fondée, en application de l'article 472 du code de procédure civile.
- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Maisons et cités succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens.
Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il condamne la société Maisons & cités au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens ;
Statuant à nouveau du chef infirmé,
DECLARE recevables les demandes formulées par la société Maisons & cités ;
REJETTE la demande de la société Maisons & cités tendant à la fixation de sa créance au passif de la société NCN à hauteur de 145 337, 90 euros à titre chirographaire ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Maisons & cités aux dépens d'appel.
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot