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CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 1 avril 2025, n° 23/06842

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/06842

1 avril 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 1er AVRIL 2025

(n° / 2025, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06842 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHOJS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mars 2023 -Tribunal de commerce de Paris - RG n° 2022056834

APPELANTE

S.A.R.L. APPARTIS'IMMO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 498 608 751,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Malik GUELLIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1957,

INTIMÉES

S.A.S. CIFOCOMMERCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, venant aux droits de la SCPI CIFOCOMA 2, représentée par son liquidateur, SA PAREF GESTION,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 909 926 693,

Dont le siège social est situé [Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Me Thierry CHAPRON de la SCP CHAPRON LANIECE YGOUF ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0479,

S.E.L.A.R.L. ASCAGNE AJ, prise en la personne de Maître [Z] [D], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL APPARTIS'IMMO,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 803 117 688,

Dont le siège social est situé [Adresse 2]

[Localité 7]

S.E.L.A.R.L. ACTIS MANDATAIRES JUDICIAIRES, prise en la personne de Maître [J] [L], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL APPARTIS'IMMO,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 533 357 695,

Dont le siège social est situé [Adresse 3]

[Localité 5]

Non constituées

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS ET PROCÉDURE:

Par jugement du 29 juin 2021 le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL Appartis'Immo, la SELARL Actis Mandataires Judiciaires, en la personne de Maître [L] étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL Ascagne AJ, en la personne de Maître [D] en qualité de commissaire à l'exécution du plan. Ce jugement a été publié au BODACC le 16 juillet 2021.

La société Appartis'Immo a porté à la connaissance du mandataire judiciaire l'existence d'une créance de son bailleur, la SCPI Cifocoma, d'un montant de 14.181 euros.

Par courrier du 6 septembre 2021, reçu le 9 septembre suivant, le mandataire judiciaire a invité la société SA Paref Gestion, représentant la SCPI Cifocoma 2, aux droits de laquelle se trouve désormais la SAS Cifocommerce, à déclarer sa créance.

Le 20 septembre 2021, la SA Paref Gestion, représentant la SCPI Cifocoma 2, une créance de 36.226 euros. Le mandataire judiciaire de la société Appartis'Immo lui a répondu que le délai de déclaration de créance avait expiré le 16 septembre 2021 et que la déclaration de créance se trouvait frappée de forclusion.

Le 13 janvier 2022, la SCPI Cifocoma 2, représentée par la société Paref Gestion, a déposé une requête en relevé de forclusion.

Par ordonnance du 17 mars 2022, le juge-commissaire a relevé de forclusion la SCPI Cifocoma 2.

Sur recours de la société Appartis'Immo et par jugement du 22 mars 2023, le tribunal de commerce de Paris a rejeté le recours de la SARL Appartis'Immo, confirmé l'ordonnance du juge-commissaire, débouté la société Appartis'Immo de ses demandes, fins et conclusions et l'a condamnée à payer à la SAS Cifocommerce, venant aux droits de la SCPI Cifocoma, une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de sauvegarde.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que le créancier n'était pas fautif au sens de l'article L622-26 du code de commerce en ce qu'il avait très rapidement fait le nécessaire après avoir reçu le courrier du mandataire judiciaire l'avertissant de la sauvegarde de la société Appartis'Immo, le délai n'ayant été dépassé que de 4 jours.

Par déclaration du 7 avril 2023 la société Appartis'Immo a relevé appel de ce jugement en intimant la SELARL Ascagne prise en la personne de Maître [D] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, la SAS Cifocommerce et la SELARL Actis Mandataires judiciaires prise en la personne de Maître [L], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL Appartis'Immo.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 27 juin 2023 la SARL Appartis'Immo demande à la cour :

- d'infirmer le jugement, en ce qu'il a rejeté son recours et confirmé l'ordonnance du juge-commissaire, l'a déboutée de ses demandes, fins et conclusions, l'a condamnée à payer à la SAS Cifocommerce, venant aux droits de la SCPI Cifocoma 2, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire et que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure de sauvegarde.

- statuant à nouveau, de prononcer la nullité de l'ordonnance rendue le 17 mars 2022 par le juge-commissaire, de mettre à néant le jugement rendu le 22 mars 2023, juger mal fondée la demande de relevé de forclusion de la SAS Cifocommerce, venant aux droits de la SCPI Cifocoma 2, la rejeter, débouter la SAS Cifocommerce de sa demande en paiement d'une indemnité procédurale et condamner cette dernière aux entiers dépens, en ce compris les frais d'instance en relevé de forclusion.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 13 septembre 2023 la SAS Cifocommerce venant aux droits de la société Cifocoma 2 demande à la cour de recevoir la société Appartis'Immo en son appel, mais le dire mal fondé, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, en tout état de cause, confirmer les termes de l'ordonnance rendue le 17 mars 2022, en conséquence, relever la société Cifocoma 2, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Cifocommerce, de sa forclusion, débouter la société Appartis'Immo de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, y ajoutant en cause d'appel, condamner la société Appartis'Immo à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par acte d'huissier du 29 juin 2023, la déclaration d'appel ainsi que les premières conclusions d'appel ont été signifiées aux sociétés Actis Mandataires judiciaire et Ascagne AJ lesquelles n'ont pas constitué avocat.

SUR CE

- Sur la demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire

Au soutien de sa demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire, la société Appartis'Immo invoque la violation du principe du contradictoire, en ce qu'elle n'a pu se présenter devant le juge-commissaire faute d'avoir été convoquée. Elle rappelle l'existence d'un protocole d'accord signé le 18 décembre 2009 entre le Barreau de Paris, le tribunal de commerce et le greffe qui prévoit que la convocation des parties devant le juge-commissaire doit être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'appelant soutient que cette condition est exigée à peine de nullité.

La société Cifocommerce reproche à l'appelante de ne pas verser aux débats le protocole d'accord qu'elle invoque et ajoute que rien ne permet de considérer que la sanction en cas de non respect de la condition évoquée par le procotole serait la nullité de l'ordonnance du juge-commissaire. Elle ajoute que le mandataire judiciaire était présent lors de l'audience du 17 mars 2022 devant le juge-commissaire, et que la société Appartis'Immo a pu discuter du relevé de forclusion dans le cadre de l'opposition qu'elle a formée à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire, de sorte qu'il n'a pas été porté atteinte au principe du contradictoire.

L'ordonnance du juge-commissaire mentionne que la société Cifocoma 2 était représentée à l'audience du 17 mars 2022 par Maître [F], que le mandataire judiciaire était présent, mais que l'administrateur judiciaire et le débiteur étaient en revanche absents. Si l'ordonnance indique liminairement que les parties ont été invitées à se présenter à l'audience du 17/03/2022 'par courrier du greffe en date du ...' aucune date n'est inscrite quant à l'envoi de ce courrier, de sorte qu'il n'est pas possible de vérifier que la société Appartis'Immo a bien été convoquée pour cette audience, alors que le juge doit en toute circonstance veiller au respect du principe du contradictoire.

La présence du mandataire judiciaire à l'audience devant le juge-commissaire n'est pas de nature à pallier cette absence de justificatif , dès lors que la société Appartis'Immo est seule à même d'exercer les droits propres qui sont reconnus au débiteur sous procédure en matière de déclaration de créance.

Le moyen pris de la violation du principe du contradictoire est dans ces conditions fondé. Le tribunal n'a pas statué sur la demande d'annulation de l'ordonnance alors qu'il ressort de l'exposé du litige que la société Appartis'Immo l'avait bien saisi d'une telle demande. La cour réparant cette omission de statuer annulera l'ordonnance du juge-commissaire.

La saisine du juge-commissaire étant formalisée par la requête en relevé de forclusion, le tribunal n'en demeurait pas moins saisi, de sorte qu'il lui appartenait de se prononcer sur le relevé de forclusion.

- Sur le relevé de forclusion

L'article L. 622-26 du code de commerce dispose qu' 'A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.'

L'article L. 622-24 alinéa 3 du code de commerce dispose que 'lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du céancier en tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa'.

La société Cifocommerce soutient que le relevé de forclusion s'impose en ce que:

- elle n a pas manqué de diligence, le mandataire judiciaire l'ayant avertie très tardivement d'avoir à déclarer sa créance, bien au-delà du délai de 15 jours prévu par l'article R622-21 alinéa 1er du code de commerce et qu'après avoir réceptionné cet avis le 9 septembre 2021, elle a déclaré sa créance dans les jours suivants,

- la société débitrice a agi de mauvaise foi en minorant le montant de la créance du bailleur, alors que la créance de 36.226 euros n'avait jamais été contestée.

La société Appartis'Immo réplique que la requête en relevé de forclusion doit être rejetée dès lors que la société Cifocommerce ne peut se retrancher derrière le fait que le mandataire judiciaire aurait dû l'inviter à déclarer sa créance à une date antérieure et qu'elle a reçu la lettre d'avertissement quelques jours avant l'expiration du délai de déclaration via l'organe qui la représente, la société Paref Gestion. Elle ajoute, que seule une omission totale du bailleur sur la liste des créanciers établie par le débiteur permettrait d'obtenir un relevé de forclusion, que tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors qu'elle n'a pas manqué de mentionner la créance de son bailleur dans sa requête en ouverture d'une sauvegarde et sur la liste qu'elle a ultérieurement tranmise au mandataire judiciaire.

Sur ce la cour:

Le délai de deux mois prévu, par l'article R. 622-24 du code de commerce, courant à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC le 16 juillet 2021, expirait le 16 septembre 2021.

Le 20 septembre 2021 soit postérieurement au délai légal de déclaration, la SA Paref Gestion (représentant de la SCPI Cifocoma 2) a déclaré une créance d'un montant de 36.226 euros au passif de la société Appartis'Immo.

Il résulte de l'article L.622-26 du code de commerce que pour pouvoir être relevé de forclusion, le créancier qui n'a pas déclaré sa créance dans le délai de deux mois, doit établir soit que sa défaillance n'est pas de son fait, soit qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 du code de commerce.

- sur le moyen pris de l'absence de défaillance du créancier

En application de l'article R622-21 du code de commerce, le mandataire judiciaire doit dans le délai de 15 jours à compter du jugement d'ouverture avertir les créanciers d'avoir à lui déclarer leurs créances dans le délai mentionné à l'article R622-24. S'il est constant que cette notification est intervenue tardivement par courrier du 6 septembre 2021, reçu le 9 septembre 2021 par la société Paref Gestion, soit 8 jours avant l'expiration du délai légal de déclaration, cette tardiveté ne dispense par la société Cifocommerce d'établir que le non respect du délai de déclaration de deux mois ne résulte pas de sa défaillance.

La société bailleresse était représentée par la société Paref Gestion, professionnel de la gestion immobilière à même de disposer des services administratifs lui permettant de suivre la situation juridique des preneurs au travers des publications au BODACC, suivi qui se justifiait d'autant plus que la société Appartis'Immo était défaillante dans ses règlements, ce que ne pouvaient ignorer le bailleur et son représentant. Le bailleur, via son représentant, a en outre disposé de plusieurs jours après la réception de l'avis du mandataire judiciaire pour effectuer sa déclaration de créance.

Dans ces conditions, la société Cifocommerce manque à établir que le défaut de déclaration dans le délai légal n'est pas dû à sa défaillance.

- sur le moyen pris de la défaillance du débiteur

La société Appartis'Immo justifie avoir fait figurer dans sa requête en ouverture d'une sauvegarde, une créance chirographaire de Paref Gestion/ SCPI Cifocoma pour un montant de 14.181 euros, puis avoir remis au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers prévue par l'article L622-6 du code de commerce dans laquelle figure la société Paref Gestion/ bailleur pour un montant de 14.181 euros. C'est d'ailleurs à partir de cette liste que le mandataire judiciaire a pu informer la société Paref Gestion que la société Appartis'Immo avait déclaré pour son compte une créance de 14.181 euros.

Le fait que le montant de créance déclaré par la société Appartis'Immo pour le compte du bailleur ne corresponde pas au montant de la créance alléguée par la société Cifocommerce ne caractérise pas l'omission du débiteur visée par l'article L.622-26 du code de commerce, au titre de l'établissement de la liste des créanciers.

Il appartient en effet au créancier, s'il n'est pas d'accord avec la déclaration faite pour son compte par le débiteur, d'effectuer sa propre déclaration.

Il s'ensuit que la société Cifocommerce, qui n'établit pas se trouver dans l'un des cas de relevé de forclusion prévus par l'article L.622-26 du code de commerce, doit être déboutée de sa requête en relevé de forclusion, seule la déclaration effectuée pour son compte par la société Appartis'Immo étant à prendre en compte.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par le créancier défaillant.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et réparant l'omission de statuer:

Annule l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 17 mars 2022

Déboute la SAS Cifocommerce, venant aux droits de la SCPI Cifocoma 2, de sa demande de relevé de forclusion,

Condamne la société Cifocommerce aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute la société Appartis'Immo et la société Cifocommerce de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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