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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 1 avril 2025, n° 24/04399

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/04399

1 avril 2025

2ème Chambre

ARRÊT N°138

N° RG 24/04399

N° Portalis DBVL-V-B7I-VA3Q

(Réf 1ère instance : 23/00999)

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4]

C/

Mme [B] [D]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me SIROT

- Me FURET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 AVRIL 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-Line PICHON, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Janvier 2025

devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Avril 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

Madame [B] [D]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Luc FURET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique du 15 novembre 2007, la Caisse de crédit mutuel Saint Laurent, aux droits de laquelle est venue la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4], a consenti à la société Pemp Hent un prêt immobilier d'un montant de 220 000 euros en capital d'une durée de 20 ans au taux effectif global de 5,924% l'an.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 25 août 2009, la déchéance du terme a été prononcée, la société Pemp Hent ayant cessé de s'acquitter de ses mensualités.

Suivant jugement du 19 avril 2012, le tribunal de grande instance de Niort a prononcé la liquidation judiciaire de la société Pemp Hent en fixant la date de cessation des paiements au 2 avril 2012.

Suivant acte du 4 juin 2012, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] a déclaré sa créance.

Suivant courriers recommandés avec accusé de réception du 21 février 2023 et du 28 février 2023, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] a mis respectivement en demeure M. [W] [F] d'avoir à payer la somme de 80 522,23 euros et Mme [B] [D] d'avoir à payer la somme de 322 088,91 euros, outre mémoire des intérêts dus jusqu'à parfait paiement, et ce en leur qualité d'associés comme étant pour M. [W] [F] associé à 20% et Mme [B] [D] à 80%.

Suivant acte du 19 mai 2023, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] a assigné Mme [B] [D] et M. [W] [F] devant le tribunal judiciaire de Quimper aux fins d'obtenir leurs condamnations au paiement.

Suivant conclusions d'incident notifiées le 12 septembre 2023, Mme [B] [D] a saisi le juge de la mise en état d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes formulées par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4].

Par ordonnance du 5 juillet 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Quimper a :

- Déclaré irrecevable car prescrite l'action introduite par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] contre Mme [B] [D],

- Condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] à payer à Mme [B] [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toute autre demande,

- Condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] aux dépens de l'incident,

- Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 20 septembre 2024 pour régularisation des conclusions au fond de la demanderesse.

Par déclaration du 23 juillet 2024, la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] a relevé appel de l'ordonnance.

Par dernières conclusions du 9 décembre 2024, la société Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] demande à la cour de :

- Juger la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] recevable et bien fondée en son appel formé à l'encontre de l'ordonnance rendue le 5 juillet 2024,

Y faisant droit,

- Infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a :

- Déclaré irrecevable comme prescrite l'action introduite par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] contre Mme [B] [D],

- Condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] à payer à Mme [B] [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejeté toute autre demande formée par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4],

- Condamné la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] aux dépens de l'incident,

Statuant de nouveau,

- Juger que la déclaration de la créance de prêt réalisée le 4 juin 2012 par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] au passif de la société Pemp Hent a opéré un effet interruptif de prescription de l'action que celle-ci a diligentée le 19 mai 2023 à l'encontre de Mme [B] [D],

- Juger que l'action diligentée par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] à l'encontre de Mme [B] [D], en sa qualité d'associé de la société pemp Hent n'était pas prescrite au 19 mai 2023, date de délivrance de son assignation,

- Juger l'action diligentée par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] à l'encontre de Mme [B] [D], en sa qualité d'associé de la société Pemp Hent recevable,

- Juger mal fondée Mme [B] [D] en toutes ses demandes, fins et prétentions,

- L'en débouter,

- Condamner Mme [B] [D] à verser à la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens du présent incident qui seront recouvrés par la société Racine, avocats aux offres de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 2 octobre 2024, Mme [B] [D] demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état rendue le 05 juillet 2024 en toutes ses dispositions,

- Déclarer la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] prescrite en son action à l'égard de Mme [B] [D],

- Prononcer l'irrecevabilité des demandes formulées par la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] dans son assignation délivrée suivant exploit d'huissier en date du 19 mai 2023 à Mme [B] [D],

- Débouter la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,

- Condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] à payer à Mme [B] [D] une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 décembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La Caisse de Crédit Mutuel fait grief au premier juge d'avoir déclaré son action prescrite.

Il est constant que la banque a engagé son action contre Mme [D] en sa qualité d'associée de la société Pemp Hent.

Par application des dispositions de l'article 1859 du code civil toutes les actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société.

Il est constant que la société Pemp Hent a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire suivant jugement du 19 avril 2012.

L'article 1844-7 7° du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014 -326 du 12 mars 2014, dispose que la société est dissoute par l'effet d'un jugement de liquidation judiciaire.

Si l'ordonnance du 12 mars 2014 a modifié l'article 1844-7 7° pour fixer la date de la dissolution à la date du jugement de clôture de la procédure de liquidation, l'article 116 de l'ordonnance dispose que cette dernière n'est pas applicable aux procédures en cours.

C'est vainement que la banque entend se prévaloir d'une prétendue contrariété des dispositions de l'article 1844-7 7° avec les dispositions de l'article L. 641-10 du code de commerce en ce qu'il est de principe que la dissolution de plein droit de la société par application de l'article 1844-7 7° est sans effet sur sa personnalité morale qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication du jugement de clôture.

Suivant les mentions portées sur l'extrait K. Bis de la société Pemp Hent, le jugement de liquidation a fait l'objet d'une mention au RCS le 24 avril 2012 cette date constituant le point de départ du délai de l'action contre les associés non liquidateurs.

Si par application de l'article 1858 du code civil les créanciers ne peuvent exercer de poursuites contre les associés qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale, il est de principe que dans le cas où, comme en l'espèce, la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine est insuffisant pour le désintéresser.

Il en résulte que du fait de l'ouverture de la procédure de liquidation et de sa déclaration de créance au passif du 4 juin 2012, n'était nullement placée dans l'impossibilité d'agir à l'encontre des associés. La banque ne saurait par ailleurs se prévaloir des difficultés rencontrées dans le cadre de la liquidation du patrimoine de la société en cours de liquidation qui ne faisaient aucunement obstacle à l'engagement d'une action contre les associés.

Le fait que l'associé, débiteur subsidiaire du passif social, soit en droit, comme la société elle-même, d'opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société, ne saurait le priver de la faculté de se prévaloir de la prescription particulière énoncée à l'article 1859 du code civil.

Il en résulte que le jugement de liquidation ayant été publié au RCS le 24 avril 2012, le délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 1859 du code civil a expiré le 24 avril 2017 de sorte que c'est à bon droit et par des motifs pertinents que le premier juge a déclaré irrecevable comme prescrite l'action engagée par la Caisse de Crédit Mutuel contre Mme [D] suivant assignation du 19 mai 2023.

L'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions y compris en ses dispositions pertinentes au titre des dépens et frais irrépétibles.

La Caisse de Crédit Mutuel qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer à Mme [B] [D] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 5 juillet 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Quimper.

Y ajoutant

Condamne la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] à payer à Mme [B] [D] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la Caisse de crédit mutuel de [Localité 4] aux dépens d'appel.

Rejette toutes aux demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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