Cass. crim., 2 avril 2025, n° 24-81.344
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
M. Z. V.
Défendeur :
B (Consorts)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
Mme Clément
Avocat général :
M. Crocq
Avocat :
Me Goldman
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [N] [B] et Mme [E] [X], son épouse, ont porté plainte et se sont constitués partie civile des chefs susvisés contre M. [Z] [V], gérant de la société [1], chargée de la construction de leur maison.
3. Ils ont expliqué notamment que trois chèques sans ordre, remis à sa demande à M. [V] pour payer les entreprises intervenant sur le chantier, ont été utilisés à d'autres fins par celui-ci.
4. Au terme de l'information, M. [V] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de confiance, pour avoir détourné, au préjudice de M. [B] et Mme [X], une somme totale de 23 000 euros qui lui avait été remise et qu'il avait acceptée à charge de la rendre ou représenter ou d'en faire un usage déterminé, à savoir le financement des travaux et des intervenants de chantier d'une maison individuelle, et infractions au code de la construction et de l'habitation.
5. Par jugement du 7 avril 2023, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende, cinq ans d'interdiction de gérer et cinq ans d'inéligibilité.
6. Les juges ont déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. [B] et Mme [X], leur ont donné acte que leur demande était portée devant la juridiction civile et ont condamné M. [V] à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
7. M. [V] a relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les deuxième et troisième moyens
8. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen est pris de la violation des articles L. 312-35, alinéa 1, L. 312-14, L. 312-16, et L. 312-30 du code de la consommation.
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [V] du chef d'abus de confiance, alors :
1°/ que la demande de restitution de la somme de 23 000 euros formulée au titre de l'abus de confiance n'est pas applicable aux constructeurs de maison individuelle, le défaut de restitution des sommes versées, prévu par les articles L. 312-35, alinéa 1, L. 312-14, L. 312-16, et L. 312-30 du code de la consommation, ne réprimant que celui qui est commis par le prêteur ou par le vendeur d'immeuble à construire, ou par le bailleur ;
2°/ que la somme de 23 000 euros ayant été remise par M. [B] et Mme [X] à M. [V] postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de la société [1], en paiement de travaux effectués et non de travaux à effectuer, seule cette personne morale pourrait se plaindre de ne pas l'avoir reçue.
Réponse de la Cour
Vu l'article 314-1 du code pénal :
11. Selon ce texte, l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, valeurs ou biens remis à titre précaire.
12. Pour dire établi le délit d'abus de confiance, l'arrêt attaqué énonce que M. [B] et Mme [X] ont remis à M. [V] trois chèques, pour un montant total de 23 000 euros, en vue de la poursuite des travaux de construction de leur maison.
13. Les juges retiennent que M. [V] reconnaît avoir remis ces chèques en règlement de dettes qu'il avait contractées au nom de sa société, sans lien avec la construction de la maison, ce que les bénéficiaires des chèques ont confirmé. Ils ajoutent que M. [B] et Mme [X] ont dès lors nécessairement subi un préjudice.
14. En se déterminant ainsi, par des motifs faisant apparaître que les fonds, remis en exécution du contrat, l'ont été en pleine propriété, peu important que les sommes versées ont été utilisées à des fins étrangères à l'exécution des travaux prévus, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d'abus de confiance, aux peines prononcées et à l'action civile. Les autres dispositions seront donc maintenues.
17. Il n'y a pas lieu d'examiner le quatrième moyen de cassation proposé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 24 janvier 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef d'abus de confiance, aux peines prononcées et à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;