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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 31 mars 2025, n° 22/01582

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Net.car (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cunin-Weber

Conseiller :

M. Silhol

Conseiller :

M. Firon

Avocats :

Me Bauer, Me Mouton, Me Caglar, SELARL Leinster, Wisniewski, Mouton

TJ Nancy, du 24 mai 2022, n° 21/00500

24 mai 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 12 mars 2019, Monsieur [S] [O], exploitant le garage Net.car à [Localité 10], a vendu à Monsieur [G] [V] et Madame [B] [K] épouse [V] un véhicule d'occasion de marque Skoda type Superb Combi, moyennant le prix de 24000 euros, outre les frais de livraison d'un montant de 480 euros, intégralement réglés par les acquéreurs.

Monsieur [O] a remis à Monsieur et Madame [V] un certificat provisoire d'immatriculation sous le numéro [Immatriculation 11], établi le 8 mars 2019, avec une période de validité du 8 mars au 7 juillet 2019.

Chargé d'obtenir le certificat d'immatriculation définitif du véhicule, Monsieur [O] a transmis à Monsieur et Madame [V] un accusé d'enregistrement en date du 22 mai 2019 d'une demande de certificat d'immatriculation au nom de Monsieur [G] [V], la demande précisant qu'il s'agissait d'un véhicule acquis à l'étranger et d'une première immatriculation en France.

Le 12 juillet 2019, la préfecture de Meurthe-et-Moselle a saisi les services de police afin qu'il soit procédé à 'l'immobilisation d'un véhicule volé dans le cadre d'une demande d'immatriculation d'un véhicule d'occasion importé de Belgique'.

Le 26 août 2019, les services de police se sont rendus au domicile de Monsieur et Madame [V] et ont procédé à la saisie du véhicule. Monsieur et Madame [V] ont alors appris que le véhicule qu'ils avaient acquis était déclaré volé en Belgique et ont déposé plainte contre le garage Net.car le 4 septembre 2019 pour escroquerie.

Par lettre recommandée du 28 septembre 2020, Monsieur et Madame [V] ont mis en demeure Monsieur [O] de restituer le prix payé.

Le 2 décembre 2020, le parquet de Nancy a informé Monsieur et Madame [V] de son dessaisissement au profit du procureur du Roi de Belgique.

Par acte d'huissier en date du 1er mars 2021, Monsieur et Madame [V] ont fait assigner Monsieur [O] devant le tribunal judiciaire de Nancy aux fins notamment d'annulation, subsidiairement de résolution de la vente, et d'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement réputé contradictoire du 24 mai 2022, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- prononcé la résolution de la vente conclue le 12 mars 2019 entre Monsieur [O], exerçant sous l'enseigne et le nom commercial Net.car, vendeur, et Monsieur et Madame [V], acquéreurs, portant sur un véhicule d'occasion de marque Skoda type Superb Combi, aux torts de Monsieur [O], en application des dispositions des articles 1610, 1224 et 1227 du code civil,

- condamné en conséquence Monsieur [O] à rembourser à Monsieur et Madame [V] le prix de vente, soit la somme de 24000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021,

- constaté que la restitution du véhicule est impossible par suite de sa saisine par les services de police,

- condamné Monsieur [O] à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 2696,18 euros de dommages et intérêts,

- débouté Monsieur et Madame [V] du surplus de leurs demandes d'indemnisation,

- condamné Monsieur [O] à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [O] aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que Monsieur [O] avait manqué à son obligation de délivrance conforme envers Monsieur et Madame [V] dès lors que le bien vendu était un véhicule volé. Il a prononcé en conséquence la résolution de la vente aux torts de Monsieur [O] qu'il a condamné à restituer le prix de vente d'un montant de 24000 euros, ainsi qu'à réparer l'intégralité des préjudices subis et justifiés par les époux [V], pour un montant total de 2696,18 euros, dont 480 euros au titre des frais de livraison du véhicule, 176,13 euros au titre des intérêts sur le prêt contracté pour le financement du véhicule, 40,05 euros au titre de l'assurance du prêt et 2000 euros au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral, Monsieur et Madame [V] ayant été dépossédés brutalement de leur véhicule par les services de police au mois d'août 2019 et s'étant retrouvés privés de tout véhicule et dans la nécessité d'acquérir un véhicule ancien à bas prix.

Monsieur [O] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 8 juillet 2022.

Par acte du 6 octobre 2022, Monsieur [O] a fait transmettre aux autorités belges une demande de signification d'une assignation en intervention forcée de la SA D'Ieteren.

Puis, par acte du 26 avril 2023, il a fait transmettre aux autorités belges une demande de signification d'une assignation en intervention forcée de la SA D'Ieteren Lease.

Par ordonnance d'incident du 31 mai 2023, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré irrecevable l'assignation en intervention forcée délivrée à la SA d'Ieteren Group le 25 octobre 2022 à la diligence de Monsieur [O],

- déclaré irrecevables :

* les demandes de Monsieur [O] contre la SA d'Ieteren Group tendant à :

- constater que le véhicule litigieux a été remis à son propriétaire originaire, la société d'Ieteren, société spécialisée en vente d'automobiles en Belgique,

- juger que les époux [V] détiennent une créance à l'encontre de la société d'Ieteren d'un montant de 24480 euros, prix d'achat total du véhicule,

- juger que la société d'Ieteren est tenue de rembourser le prix d'achat du véhicule aux époux [V], soit la somme de 24480 euros, en échange de la remise du véhicule litigieux,

- déclarer l'arrêt qui sera rendu par la présente cour commun et opposable à la société d'Ieteren,

* les demandes des époux [V] contre la SA d'Ieteren Group tendant à :

- débouter la société d'Ieteren de l'ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre,

- juger que le véhicule litigieux a été restitué à la société d'Ieteren par les services de police,

- juger qu'ils détiennent une créance de 24000 euros à l'encontre de la société d'Ieteren, prix d'achat du véhicule,

- condamner la société d'Ieteren à leur payer la somme de 24000 euros correspondant au prix d'achat du véhicule en contrepartie du véhicule qui lui a été restitué par les services de police et ce, par application des dispositions de l'article 2277 du code civil,

- condamner la société d'Ieteren, solidairement avec Monsieur [O], à leur payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société d'Ieteren, solidairement avec Monsieur [O], aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais de première instance,

- condamné Monsieur [O] aux dépens de l'incident,

- condamné Monsieur [O] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer :

* la somme de 800 euros à la SA d'Ieteren Group,

* la somme de 800 euros à Monsieur et Madame [V],

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 20 juin 2023 pour calendrier ou fixation.

Pour statuer ainsi, le conseiller de la mise en état a relevé que la SA d'Ieteren Group assignée par Monsieur [O] n'était pas la société à qui le véhicule avait été restitué de telle sorte qu'elle n'avait pas qualité à défendre sur les demandes pour lesquelles elle avait été assignée. Il a donc déclaré irrecevables cette intervention forcée ainsi que les demandes formées contre la SA d'Ieteren Group par Monsieur [O] et les époux [V]. Dès lors, il a estimé qu'il n'y avait pas lieu d'examiner le moyen d'irrecevabilité lié à l'absence d'évolution du litige qui était devenu sans objet.

Par ordonnance d'incident du 21 février 2024, le conseiller de la mise en état a :

- rejeté l'irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée de la SA d'Ieteren Lease,

- rejeté l'irrecevabilité des demandes formées par Monsieur [O], d'une part, et Monsieur et Madame [V], d'autre part, à l'encontre de la SA d'Ieteren Lease,

- condamné la SA d'Ieteren Lease aux dépens de la procédure d'incident,

- condamné la SA d'Ieteren Lease à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

* la somme de 800 euros à Monsieur [O],

* la somme de 800 euros à Monsieur et Madame [V],

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 12 mars 2024 pour calendrier ou fixation.

Par arrêt contradictoire en date du 27 mai 2024, la cour d'appel de Nancy a :

- infirmé en toutes ses dispositions critiquées l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 21 février 2024,

Statuant à nouveau sur ces chefs de décision infirmés et y ajoutant,

- déclaré irrecevable l'intervention forcée formée par Monsieur [O] à l'encontre de la SA d'Ieteren Lease, ainsi que les demandes présentées à l'encontre de cette dernière par Monsieur [S] [O] d'une part, et par Monsieur et Madame [V] d'autre part,

- condamné Monsieur [O] à payer à la SA d'Ieteren Lease la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur [O] d'une part, Monsieur et Madame [V] d'autre part, de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [O] aux dépens de l'incident, de la procédure de déféré et ceux liés à l'intervention forcée de la SA d'Ieteren Lease,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 18 juin 2024.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 juillet 2024.

L'ordonnance de clôture a été révoquée par ordonnance du 14 octobre 2024, les parties devant déposer, au plus tard le 14 novembre 2024, de nouvelles conclusions tenant compte de l'irrecevabilité des assignations forcées à l'encontre des sociétés d'Ieteren Group et d'Ieteren Lease.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 4 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [O] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 24 mai 2022 en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente en application de l'article 1610 du code civil et condamné Monsieur [O],

Statuant à nouveau,

À titre liminaire,

- déclarer la procédure de saisie du véhicule irrégulière,

À titre principal,

- déclarer recevable et bien-fondé Monsieur [O] en ses demandes,

- constater que le véhicule litigieux Skoda a été remis à son propriétaire originaire, la société d'Ieteren Lease, société spécialisée dans le commerce d'automobiles en Belgique,

- juger que les époux [V] détiennent une créance à l'encontre de la société d'Ieteren Lease d'un montant de 24480 euros, prix d'achat total du véhicule,

- juger que les époux [V], détenteurs d'une créance de droit à l'égard de la société d'Ieteren Lease, sont mal fondés à solliciter la condamnation de leur vendeur, Monsieur [O],

- débouter les époux [V] de l'intégralité de leurs demandes et prétentions dirigées contre Monsieur [O],

- constater que la vente conclue entre Monsieur [O] et les époux [V] a été faite dans les règles,

- juger que Monsieur [O] a respecté son obligation de délivrance conforme du véhicule litigieux,

- juger que Monsieur [O] n'a pas manqué à son obligation de garantie d'éviction au regard des circonstances de l'espèce,

- juger que Monsieur [O] était possesseur de bonne foi de telle manière qu'il n'a pas vendu le bien d'autrui,

- juger que Monsieur [O] n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité contractuelle au sens des articles 1103 et 1231 du code civil,

À titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit à la demande d'infirmation du jugement et condamnait 'la société Net.Car',

- constater que le véhicule litigieux a été remis à son propriétaire originaire, la société d'Ieteren Lease, société spécialisée dans le commerce d'automobiles en Belgique,

- juger que les époux [V] détiennent une créance à l'encontre de la société d'Ieteren Lease

d'un montant de 24480 euros, prix d'achat total du véhicule,

En toute hypothèse,

- débouter les époux [V] de leur demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et 'relatif aux dépens'.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour sous la forme électronique le 13 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur et Madame [V] demandent à la cour de :

À titre principal,

- déclarer l'appel de Monsieur [O], exerçant sous l'enseigne et le nom commercial Net.Car, mal fondé,

- débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- condamner Monsieur [O] à payer aux époux [V] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

- condamner Monsieur [O] aux entiers dépens de la procédure, y compris ceux de première instance,

Sur l'appel incident, si par impossible et extraordinaire la cour ne faisait pas droit à la confirmation du jugement,

- déclarer l'appel de Monsieur [O] mal fondé,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident des époux [V],

Y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- prononce la résolution de la vente conclue le 12 mars 2019 entre Monsieur [O] et les époux [V] portant sur un véhicule d'occasion de marque Skoda au tort de Monsieur [O], en application des dispositions des articles 1610, 1224 et 1227 du code civil,

- condamne en conséquence Monsieur [O] à rembourser aux époux [V] le prix de vente, soit la somme de 24000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021,

- constate que la restitution du véhicule est impossible par suite de sa 'saisine' par les services de police,

- condamne Monsieur [O] à payer aux époux [V] la somme de 2696,18 euros de dommages et intérêts,

- déboute les demandeurs du surplus de leurs demandes d'indemnisation,

- condamne Monsieur [O] à payer aux époux [V] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne Monsieur [O] aux dépens,

- rappelle que l'exécution provisoire est de droit,

Statuant à nouveau,

Sur l'appel incident, à titre principal,

- débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger que Monsieur [O] a vendu le 12 mars 2019 aux époux [V] un véhicule qui ne lui appartenait pas,

En conséquence,

- prononcer la nullité de la vente intervenue le 12 mars 2019 entre les époux [V] et Monsieur [O] sur le fondement des articles 1559 et suivants du code civil,

- condamner Monsieur [O] à payer aux époux [V] la somme de 24000 euros en remboursement du prix de vente du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021, date de l'assignation,

- juger que la restitution du véhicule litigieux est impossible par suite de sa 'saisine' par les services de police,

- condamner Monsieur [O] à payer :

. aux époux [V] la somme de 480 euros en réparation de leur préjudice matériel correspondant aux frais de livraison du véhicule,

. aux époux [V] la somme de 236,77 euros au titre des intérêts sur le prêt contracté, arrêté au mois de décembre 2022, lequel a servi à financer l'acquisition du véhicule,

. aux époux [V] la somme de 120,15 euros au titre de l'assurance du prêt contracté, arrêté au mois de décembre 2022, lequel a servi à financer l'acquisition du véhicule,

. à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice de jouissance,

. à Madame [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice de jouissance,

. à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice moral,

. à Madame [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice moral,

. aux époux [V] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [O] aux entiers dépens de la procédure, y compris les frais de première instance,

Sur l'appel incident, à titre subsidiaire,

- débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater que le véhicule vendu par Monsieur [O] aux époux [V] a été saisi par les services de police le 26 août 2019,

- juger que Monsieur [O] a manqué à son obligation de garantir la chose vendue contre son éviction,

- prononcer la résolution de la vente entre Monsieur [O] et les époux [V] portant sur le véhicule litigieux au tort de Monsieur [O], en application des dispositions des articles 1626 et suivants du code civil,

- condamner Monsieur [O] à payer aux époux [V] la somme de 24000 euros en remboursement du prix de vente du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021, date de l'assignation,

- juger que la restitution du véhicule litigieux est impossible par suite de sa 'saisine' par les services de police,

- condamner Monsieur [O] à payer :

. aux époux [V] la somme de 480 euros en réparation de leur préjudice matériel correspondant aux frais de livraison du véhicule,

. aux époux [V] la somme de 236,77 euros au titre des intérêts sur le prêt contracté, arrêté au mois de décembre 2022, lequel a servi à financer l'acquisition du véhicule,

. aux époux [V] la somme de 120,15 euros au titre de l'assurance du prêt contracté, arrêté au mois de décembre 2022, lequel a servi à financer l'acquisition du véhicule,

. à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice de jouissance,

. à Madame [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice de jouissance,

. à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice moral,

. à Madame [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice moral,

. aux époux [V] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour,

- condamner Monsieur [O] aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais de première instance,

Sur l'appel incident, à titre subsidiaire encore,

- débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- juger que Monsieur [O] a commis une faute dans l'exécution du contrat en s'abstenant de s'assurer de la conformité du véhicule sur le plan administratif,

- juger que la faute commise par Monsieur [O] a causé un préjudice aux époux [V],

- condamner Monsieur [O] à payer :

. aux époux [V] la somme de 24000 euros en réparation de leur préjudice matériel correspondant au prix de vente du véhicule, avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021, date de l'assignation, en application des articles 1103 et suivants, 1231 et suivants du code civil,

. aux époux [V] la somme de 480 euros en réparation de leur préjudice matériel correspondant aux frais de livraison du véhicule,

. aux époux [V] la somme de 236,77 euros au titre des intérêts sur le prêt contracté, arrêté au mois de décembre 2022, lequel a servi à financer l'acquisition du véhicule,

. aux époux [V] la somme de 120,15 euros au titre de l'assurance du prêt contracté, arrêté au mois de décembre 2022, lequel a servi à financer l'acquisition du véhicule,

. à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice de jouissance,

. à Madame [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice de jouissance,

. à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice moral,

. à Madame [V] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice moral,

. aux époux [V] la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [O] aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais de première instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 décembre 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 20 janvier 2025 et le délibéré au 31 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

À titre liminaire, sur l'irrégularité alléguée par Monsieur [O] de la procédure d'immobilisation du véhicule

Monsieur [O] prétend à titre liminaire que la procédure d'immobilisation du véhicule serait irrégulière, en faisant valoir les dispositions des articles L. 325-1-2 et L. 325-1-1 du code de la route. Il expose que le vol n'est pas une infraction 'à peine de confiscation obligatoire du véhicule' et que le procureur devait donner son autorisation pour que cette immobilisation du véhicule soit prononcée. Aucune autorisation du procureur ne figurant au dossier, il y aurait lieu 'de s'interroger sur la régularité de la procédure d'immobilisation du véhicule'.

Monsieur et Madame [V] exposent qu'ils ignorent si l'autorisation du procureur de la République était nécessaire pour saisir le véhicule et si elle a été donnée ou pas. Ils rétorquent qu'il incombe à Monsieur [O] d'en rapporter la preuve et de préciser les conséquences de droit qu'il y attache au regard de la présente procédure.

Il est tout d'abord constaté que Monsieur [O] n'indique pas sur quel fondement la première chambre civile de la cour d'appel serait compétente pour statuer sur la régularité de la saisie d'un véhicule déclaré volé.

Ensuite, comme le rétorquent à bon droit Monsieur et Madame [V], Monsieur [O] demande à la cour de déclarer la procédure de saisie du véhicule irrégulière sans expliquer quelles conséquences il en retire concernant la présente procédure.

Enfin et surtout, il ne s'agit nullement en l'espèce d'une confiscation du véhicule au sens des articles L. 325-1-1 et L. 325-1-2 du code de la route pour lesquels la confiscation est une peine sanctionnant un délit ou une contravention de la cinquième classe. En l'espèce en effet, la saisie du véhicule par les services de police n'est pas une peine sanctionnant une infraction prévue par le code de la route, mais une simple conséquence résultant du vol du véhicule, aux fins de restitution de ce véhicule à son propriétaire. Les textes visés par Monsieur [O] n'ont donc nullement vocation à s'appliquer dans ce cas et cette demande sera rejetée.

Sur le fondement principal du manquement à l'obligation de délivrance

Monsieur et Madame [V] sollicitent à titre principal la confirmation du jugement ayant reconnu un manquement de Monsieur [O] à son obligation de délivrance.

Monsieur [O] prétend avoir respecté son obligation de délivrance conforme et que, de bonne foi, il a appris l'origine frauduleuse du véhicule lorsque la préfecture l'en a informé après la vente aux époux [V].

Les époux [V] font valoir que la vente d'un véhicule dont la personne n'est pas propriétaire constitue un manquement à l'obligation de délivrance conforme. Ils exposent que Monsieur [O] n'a jamais été propriétaire et qu'il ne peut céder plus de droits qu'il n'en détient, la bonne ou mauvaise foi du vendeur étant indifférente. Ils expliquent que Monsieur [O] devait leur vendre un véhicule en règle sur le plan administratif, accompagné des documents permettant un usage perpétuel de la chose, mais qu'ils n'ont pas pu faire immatriculer leur véhicule.

Selon l'article 1604 du code civil, 'La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur'.

L'article 1615 de ce code précise que 'L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel'.

En l'espèce, s'agissant d'un véhicule, l'obligation de délivrance comprend celle de remettre à l'acquéreur le certificat d'immatriculation, nécessaire à son utilisation. Or, Monsieur [O] n'a remis aux époux [V] qu'un certificat provisoire valable du 8 mars 2019 au 7 juillet 2019 et, suite à sa demande enregistrée le 22 mai 2019, il lui a été répondu par la préfecture le 30 juillet 2019 que sa demande d'immatriculation ne pouvait pas aboutir au motif que le véhicule avait été déclaré volé.

Il en résulte que Monsieur [O] n'a pas rempli son obligation de délivrance à l'égard des époux [V], son éventuelle bonne foi étant à cette égard indifférente.

Pour s'opposer aux demandes des époux [V], Monsieur [O] fait valoir que, selon l'article 2276 du code civil, en fait de meuble, la possession vaut titre, ce qui signifie selon lui l'acquisition instantanée du bien meuble par le possesseur de bonne foi. Il affirme que dès lors que la possession est utile, elle emporte acquisition de la propriété au profit de celui qui l'exerce. Il mentionne les dispositions des articles 549 et 550 du code civil, et de l'article 547 pour prétendre avoir exercé une possession de bonne foi, non équivoque, publique et continue. Il en conclut avoir acquis instantanément le véhicule et qu'il n'a pas à restituer 'les fruits de la chose, à savoir le prix de la vente'. Il ajoute que les allégations des époux [V], selon lesquelles il aurait vendu un véhicule dont il n'avait pas acquis la propriété, sont purement fallacieuses. Il soutient qu'il ne s'agit pas de la vente du bien d'autrui.

À titre liminaire, il convient de préciser que le prix de vente ne constitue nullement 'les fruits de la chose' comme pourraient l'être par exemple des loyers. En effet, le prix du bien n'est pas attaché au fructus, mais à l'abusus et résulte de l'exercice par le propriétaire de son pouvoir de disposition de ce bien.

Ensuite, Monsieur [O] ne cite que le premier alinéa de l'article 2276 du code civil ('En fait de meubles, la possession vaut titre'), en omettant le second alinéa : 'Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient'.

Le véhicule litigieux ayant été volé, son véritable propriétaire, la SA d'Ieteren Lease, pouvait le revendiquer. Et en vertu de ces dispositions légales, les époux [V] disposent d'un recours contre Monsieur [O] ('sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient'). Il en résulte que contrairement à ce qu'il prétend, Monsieur [O] n'a nullement acquis instantanément la propriété du véhicule en tant que possesseur de bonne foi.

Pour s'opposer aux demandes de Monsieur et Madame [V], Monsieur [O] fait encore valoir la créance de ces derniers à l'égard du propriétaire originaire. Il rappelle les dispositions de l'article 2277 du code civil en vertu desquelles, si le possesseur actuel de la chose volée l'a achetée à un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se la faire rendre qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté. Il expose qu'en l'espèce, le dessaisissement est involontaire, s'agissant d'une demande de la police et que le véhicule a été remis à son propriétaire originaire sans que ce dernier procède au remboursement du prix aux époux [V], possesseurs de bonne foi. Il considère que la cour ne peut que constater l'existence d'une créance de 24480 euros des époux [V] à l'encontre du propriétaire originaire.

Tout d'abord, s'agissant des choix procéduraux opérés par les parties, il est relevé que Monsieur [O] a fait assigner la SA d'Ieteren Lease en intervention forcée alors même qu'il n'a pas attrait son propre vendeur à la procédure afin d'être garanti des condamnations prononcées contre lui.

Ensuite, comme le rétorquent à bon droit les époux [V], le fait que ces derniers n'aient pas agi sur le fondement de l'article 2277 du code civil au regard des circonstances ne les prive pas de la possibilité d'agir contre leur propre vendeur, ce texte n'imposant pas de hiérarchie dans les actions offertes aux possesseurs de bonne foi. Ils peuvent donc agir contre leur vendeur, puisque l'action qu'ils pourraient exercer à l'encontre de la SA d'Ieteren Lease ne remet pas en cause la réalité du manquement de Monsieur [O] à son obligation de délivrance. Le véhicule ayant été rendu au propriétaire originaire sans aucun remboursement, l'action de Monsieur et Madame [V] à l'encontre de Monsieur [O] est recevable et bien fondée.

Selon l'article 1610 du code civil, 'Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur'.

L'article 1611 de ce code ajoute que 'Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu'.

Monsieur [O] prétend avoir lui-même fait l'objet d'une fraude qu'il ne pouvait pas déceler et que, de ce fait, les époux [V] ne sont pas fondés à solliciter sa condamnation au remboursement du prix, alors qu'il n'a manqué à aucune de ses obligations.

Concernant sa responsabilité contractuelle, Monsieur [O] soutient que les époux [V] ne caractérisent aucune faute qu'il aurait commise. Il explique s'être assuré de l'existence du document administratif nécessaire à la vérification de l'origine du véhicule, la carte grise. Il ajoute qu'il n'était tenu d'aucune obligation d'investigation.

Cependant, le seul fait de ne pas pouvoir délivrer un certificat d'immatriculation avec le véhicule caractérise un manquement à l'obligation de délivrance sans qu'il soit nécessaire d'établir une faute supplémentaire de Monsieur [O], étant rappelé que l'éventuelle bonne foi de ce dernier est indifférente à cet égard. Quant au fait qu'il aurait lui-même fait l'objet d'une fraude, il a fait le choix de ne pas attraire son propre vendeur à la procédure afin d'être garanti des condamnations prononcées à son encontre.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente aux torts de Monsieur [O], en ce qu'il l'a condamné à restituer à Monsieur et Madame [V] le prix de vente d'un montant de 24000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2021, date de l'assignation et en ce qu'il a constaté que la restitution du véhicule est impossible par suite de sa saisie par les services de police.

S'agissant des dommages et intérêts, eu égard à la demande de confirmation de Monsieur et Madame [V] et au vu des pièces produites, il convient de leur accorder les sommes de 480 euros au titre des frais de livraison du véhicule, de 176,13 euros au titre des intérêts du prêt contracté pour le financement du véhicule et de 40,05 euros au titre de l'assurance de ce prêt.

Concernant le préjudice de jouissance et le préjudice moral. Monsieur et Madame [V] n'ont pu utiliser le véhicule litigieux que du 12 mars 2019 au 26 août 2019, date à laquelle le véhicule a été saisi par les services de police à leur domicile. Il est relevé à ce sujet que c'est le 30 juillet 2019 que Monsieur [O] a été informé par la préfecture que le véhicule avait été déclaré volé et qu'il n'a pourtant pas prévenu Monsieur et Madame [V], ses acquéreurs, de cette situation. Ces derniers ont alors été contraints d'acquérir un véhicule ancien, mis en circulation en 2002, pour la somme de 1000 euros. Il en résulte que le préjudice de jouissance et le préjudice moral ont été exactement appréciés à la somme de 2000 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur [O] à payer à Monsieur et Madame [V] la somme totale de 2696,18 euros à titre de dommages et intérêts.

Enfin, il n'appartient pas à la cour de statuer sur les demandes tendant à ce qu'il soit 'dit que', 'jugé que', 'constaté que' ou 'donné acte que' qui ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Monsieur [O] succombant dans son recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens et, y ajoutant, il sera condamné aux dépens d'appel.

Concernant les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Monsieur [O] soutient que la situation économique de son entreprise ne lui permet pas de se rémunérer ni de produire un bénéfice. Cependant, les seules pièces qu'il produit ne permettent pas d'apprécier la situation économique actuelle de son entreprise.

En conséquence, l'équité commande de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Y ajoutant, il sera condamné à leur payer la somme de 3500 euros sur ce même fondement pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions contestées le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 24 mai 2022 ;

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [S] [O] de sa demande présentée à titre liminaire tendant à ce que la procédure de saisie du véhicule soit déclarée irrégulière ;

Condamne Monsieur [S] [O] à payer à Monsieur [G] [V] et Madame [B] [K] épouse [V] la somme de 3500 euros (TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Condamne Monsieur [S] [O] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par

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