CA Rennes, 1re ch., 1 avril 2025, n° 21/07698
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
D6 Immo (SARL)
Défendeur :
Immobiliere Iliad (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Veillard
Vice-président :
M. Bricogne
Conseiller :
Mme Brissiaud
Avocats :
Me de Fremond, Me de Luca, Me Spire, Association Mondrian Avocats, SELARL Verso Avocats, AARPI 186 Avocats
EXPOSÉ DU LITIGE
1. La SARL Immobilière Iliad a acquis en 2009 un ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété, situé [Adresse 4] à [Localité 8], comprenant deux bâtiments A et B et une cour commune.
2. La SARL Immobilière Iliad a vendu à la SA Genefim le lot n° 2, comprenant le bâtiment B et les 622/1000èmes des parties communes générales, au prix de 1 euro, selon acte notarié du 24 mai 2009.
3. Les locaux étaient destinés à abriter des installations de NRO (noeuds de raccordement optique) utilisées par la société Free.
4. La SA Genefim a consenti un crédit-bail à la société Ire qui est devenue propriétaire des lieux le 24 mai 2019 après avoir levé l'option d'achat.
5. Des discussions se sont engagées entre la SARL Immobilière Iliad et la SARL D6 Immo sur la vente du lot n° 1, comprenant le bâtiment A et les droits indivis de la propriété du sol et des parties communes (378/1000èmes).
6. Les associés de la SARL D6 Immo, Mme [I] [D], architecte à [Localité 8], et son époux M. [K] [D], qui collaborent au sein de l'agence Atelier [D], ont ainsi fait part à la SARL Immobilière Iliad de leur projet d'aménagement.
7. Par mail du 26 octobre 2017, la SARL Immobilière Iliad a indiqué à Mme [D] avoir étudié son projet de surélévation de l'existant et ne pas s'y opposer dès lors que ses conditions intégrées à l'offre étaient respectées.
8. Ce projet, selon la notice annexée au permis de construire, consistait en une restructuration partielle et une surélévation / extension d'un bureau pour la réalisation d'une maison individuelle.
9. La SARL Immobilière Iliad s'est engagée, par acte notarié du 20 décembre 2017, établi par Me [L] [M], avec l'assistance de Me [A] [F], à vendre à la SARL D6 Immo ce lot n° 1 au prix de 80.000 ', jusqu'au 12 septembre 2018 à 16 heures, avec une possibilité de prorogation de trente jours pour permettre au notaire de recevoir les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte, le tout sous conditions suspensives essentiellement d'obtention d'un permis de construire et de convocation de l'assemblée générale de la copropriété (autorisation de surplomb, changement partiel de destination actuelle de l'immeuble en habitation, création d'un nouveau lot au-dessus d'une partie de la cour avec revente dudit lot par le syndicat des copropriétaires).
10. Une première demande de permis de construire déposée par la SARL D6 Immo le 20 février 2018, visant la restructuration partielle et la surélévation / extension d'un bureau pour réalisation d'une maison individuelle, a été rejetée par le service compétent de [Localité 8] Métropole car l'emprise au sol n'était pas conforme au plan local d'urbanisme.
11. La SARL D6 Immo a informé la SARL Immobilière Iliad de ce refus par mail du 20 mars 2018.
12. Par mail du 21 mars 2018, Mme [G] (dont les coordonnées mentionnent 'Free Infrastructure - Groupe Iliad') a répondu à la SARL D6 Immo qu' elle souscrivait à l'analyse de [Localité 8] Métropole s'agissant de l'emprise au sol. Elle relevait que le projet présentait surtout un problème majeur du fait de l'annexion de la cour commune pour les passages, qui n'avait jamais été évoquée, la seule annexion prévue étant celle résultant de la surélévation sur la cour commune. Elle la renvoyait sur ce point à la promesse et à ses annexes. Elle considérait que le projet ne pouvait être validé en l'état et préconisait de temporiser la convocation d'une assemblée générale.
13. Par mail du 27 avril 2018, Mme [G] a réitéré, après un point avec le service du réseau, qu'aucune construction ne devait empiéter sur la cour commune et qu'il convenait de revenir au premier projet, sans remise en cause de la surélévation. Elle demandait également si le portail avait été inclus dans les échanges avec l'urbanisme et si les échéances des conditions seraient tenues.
14. La SARL D6 Immo a formé une demande de permis de construire modificatif le 25 mai 2018 intitulée : 'changement de destination : bureau en habitation avec extension et surélévation après démolition partielle'.
15. Par courrier du 30 mai 2018, Mme [D] a exposé à Mme [G] avoir retravaillé le projet, l'a informée avoir déposé un nouveau projet et lui a précisé ne pas vouloir rompre la promesse de vente.
16. Par courrier recommandé du 1er juin 2018, la société Free
1: Le courrier est à l'en-tête de la société Free mais il mentionne en bas de page les coordonnées de la SARL Immobilière Iliad et est signé de Mme [G]
a indiqué à la SARL D6 Immo que les conditions stipulées à la promesse du 20 décembre 2017 n'étaient pas en cours de réalisation, qu'il s'agisse de la condition relative à l'obtention d'un permis de construire purgé de tout recours avant le 5 septembre 2018 ou de l'autorisation de l'assemblée générale pour modifier l'état descriptif de division avant le 20 juin, selon convocation délivrée avant le 19 février 2018. Le courrier concluait qu'au vu du non-respect des 'conditions du contrat qui nous lie', la promesse était caduque.
17. Par mail du 6 juin 2018 adressé à Me [M], Me [F] a contesté toute caducité de la promesse, le permis de construire ayant été déposé dans le délai imparti. Il relevait, s'agissant de la convocation de l'assemblée générale, que la promesse ne présentait pas de caractère extinctif sur ce point et que l'acquéreur pouvait renoncer à cette condition.
18. Par mail du 29 juin 2018, Mme [G] a rappelé à Mme [D] que les conditions suspensives n'étaient pas en cours de réalisation et que la situation était plus que bancale. Elle ajoutait que le projet déposé en mairie était encore différent du projet présenté, contrairement à son engagement. Elle demandait des précisions sur plusieurs points techniques, tels que l'étanchéité du mur jouxtant le local technique, les plans de détails des fondations de poteaux, l'accès au local technique par un portail électrique, les stationnements ou le déroulement du chantier.
19. La SARL D6 Immo a finalement obtenu son permis de construire le 12 juillet 2018.
20. M. [S], prenant la suite de Mme [G], a rappelé par message du 1er août 2018 à Mme [D] les différents points abordés lors de leur rencontre du 30 juillet 2018 :
- mur de soutènement de l'extension,
- implantation des poteaux porteurs,
- parkings,
- démolition du toit et du pignon et création d'un jardin,
- protection du chantier,
- finalisation de la vente après convocation de l'assemblée générale, qui doit se voir communiquer les différents modes opératoires demandés, un plan de démolition et un plan des fondations impactant les fourreaux fibres et EDF.
21. Par mail du 2 août 2018, Mme [D] a transmis les éléments relatifs à la méthodologie proposée pour le chantier.
22.Par courrier recommandé du 16 octobre 2018, la SARL D6 Immo a informé la SARL Immobilière Iliad de sa volonté de 'finaliser la vente au plus vite' au regard de l'importance des frais engagés et du temps passé sur ce dossier, lui demandant de convoquer l'assemblée générale des copropriétaires avant le 31 octobre 2018 et de fixer une date de signature de l'acte de vente définitif avant le 30 novembre 2018. Elle rappelait avoir renoncé, selon courrier du 18 juillet 2018, à la condition relative à la purge des recours à l'encontre du permis de construire et avoir transmis l'état descriptif de division le 12 juin 2018 à la société Foncia (syndic), qui attendait l'accord de la SARL Immobilière Iliad pour convoquer une assemblée générale.
23. Par mail du 16 octobre 2018, le notaire de la SARL Immobilière Iliad a indiqué à Me [F] que sa cliente n'entendait pas régulariser l'acte de vente car le projet risquait d'endommager ses installations.
24. Par courrier recommandé du 23 octobre 2018, la SARL D6 Immo a rappelé à la SARL Immobilière Iliad toutes les précautions qu'elle avait prévues, malgré le surcoût, pour ne pas risquer d'endommager ses installations (recours à des micro-pieux, remplacement d'un voile béton par du métal suspendu ne nécessitant pas de fondation) et répondre à ses inquiétudes au regard notamment des servitudes de passage à respecter dans la cour commune.
25.Par courrier du 22 novembre 2018, le conseil de la SARL D6 Immo a rappelé à la SARL Immobilière Iliad que le permis de construire avait été obtenu dans le délai imparti et que ses clients avaient renoncé à la condition relative à la purge de tout recours. Il lui reprochait par ailleurs de ne pas avoir fait convoquer l'assemblée générale des copropriétaires et l'invitait à y procéder, lui rappelant qu'elle s'était engagée à un vote favorable, en insistant sur les préjudices très importants subis par ses clients du fait de ses retards.
26. Le conseil de la SARL Immobilière Iliad a répondu par courrier du 11 décembre 2018 que sa cliente n'avait pas la même analyse juridique des conséquences du défaut de réalisation des condition suspensives. II relevait que la SARL D6 Immo n'avait communiqué le projet modificatif de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété que le 12 juin 2018, alors que la promesse prévoyait une convocation de l'assemblée générale des copropriétaires avant le 20 février 2018. Il considérait donc que la promesse était caduque du fait de la carence de la SARL D6 Immo.
27. Par acte d'huissier du 22 janvier 2019, la SARL D6 Immo a fait assigner la SARL Immobilière Iliad devant le tribunal de grande instance de Rennes pour voir :
- juger que la vente objet de la promesse du 20 décembre 2017 est devenue parfaite,
- juger en conséquence que le jugement à intervenir vaudra acte authentique de vente du bien immeuble en cause,
- juger que le jugement à intervenir devenu définitif valant acte authentique de vente devra intégrer les clauses particulières suivantes : prix de vente hors frais : 80.000 ', l'acquéreur est la SARL D6 Immo,
- ordonner la publication du jugement devenu définitif au service de la publicité foncière de [Localité 8],
- condamner la SARL Immobilière Iliad à lui verser au titre du préjudice de jouissance une indemnité de 2.000 ' courant à compter du 12 septembre 2018 et jusqu'au jugement,
- condamner la SARL Immobilière Iliad à lui verser une somme de 8.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l''exécution provisoire du jugement,
- condamner la SARL Immobilière Iliad aux entiers dépens.
28. Saisi par la SARL Immobilière Iliad d'une question prioritaire de constitutionnalité, le juge de la mise en état a, selon ordonnance du 18 juillet 2019, transmis à la Cour de cassation la question suivante :
'Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 1124 du code civil sont-elles contraires :
* au principe de liberté contractuelle découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
* au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ''.
29. Par arrêt du 17 octobre 2019, la Cour de cassation a considéré que la question n'était pas nouvelle et ne présentait pas de caractère sérieux, la formation du contrat malgré la révocation de la promesse durant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne portant pas atteinte à la liberté contractuelle et ne constituant pas une privation du droit de propriété (Civ. 3ème, pourvoi n° 19-40.028).
30. Par jugement du 16 novembre 2021, le tribunal a :
- dit n'y avoir lieu à écarter l'application de l'article 1124 du code civil pour contrariété avec le principe de liberté contractuelle et le droit de propriété tels que garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme et son protocole additionnel n° 1,
- rejeté la demande subsidiaire de la SARL Immobilière Iliad tendant à la saisine de la Cour européenne des droits de l'Homme,
- rejeté l'ensemble des demandes de la SARL D6 Immo,
- condamné la SARL D6 Immo à supporter les dépens de l'instance,
- condamné la SARL D6 Immo à verser à la SARL Immobilière Iliad la somme de 1.000 ' en application de l'article 700 du code de procédure civile.
31. Pour statuer ainsi, le tribunal a d'abord considéré, sur la conventionnalité de l'article 1124 alinéa 2 du code civil soulevée par la SARL Immobilière Iliad, le cas échéant après transmission d'une question préjudicielle sur ce point à la Cour européenne des droits de l'homme, d'une part qu'empêcher la révocation d'une promesse librement consentie durant le temps défini en considérant que la rencontre des volontés a lieu lors de la levée d'option par le bénéficiaire malgré la rétractation du promettant relève d'une simple modalité technique régissant la rencontre des volontés et ne contrevient ni au principe de liberté contractuelle ni au droit de propriété tels que garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et son protocole additionnel n° 1, qui justifierait d'écarter l'application du droit interne et, d'autre part, que la procédure suivie devant la Cour européenne des droits de l'homme ne prévoyait pas que les juridictions nationales puissent poser des questions préjudicielles.
32. Sur le fond, le tribunal a considéré que la levée d'option ne pouvait se faire sans versement du prix et des frais entre les mains du notaire, à charge pour le bénéficiaire, en cas de refus du promettant de signer l'acte authentique, de saisir la juridiction compétente. Le tribunal a par ailleurs constaté qu'il n'était pas saisi, à titre subsidiaire, d'une action en responsabilité contractuelle de la part de la SARL D6 Immo.
33. Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Rennes du 10 décembre 2021, la SARL D6 Immo a interjeté appel de cette décision.
* * * * *
34. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 19 août 2022, la SARL D6 Immo demande à la cour de :
- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- y faisant droit,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
* a rejeté l'ensemble de ses demandes,
* l'a condamnée à supporter les dépens de l'instance,
* l'a condamnée à verser à la SARL Immobilière Iliad la somme de 1.000
' en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuant à nouveau,
- à titre principal,
- dire et juger que la vente objet de la promesse du 20 décembre 2017 est devenue parfaite,
- dire et juger en conséquence que le jugement à intervenir vaudra acte authentique de vente du bien immeuble dont la désignation suit :
'Désignation de l'ensemble immobilier :
Un ensemble immobilier situé à [Localité 8] (Ille et Vilaine) 35, [Adresse 4].
L'immeuble est composé de deux bâtiments dits bâtiments A et bâtiments B :
* Bâtiment A, sur la [Adresse 9], le long de la cour commune, élevé d'un rez-de-chaussée et combles.
* Bâtiment B, en fond de parcelle après cours, élevé d'un rez-de-chaussée et combles,
* Une cour commune sise entre la rue et les bâtiments ayant un portail sur la rue.
Cette parcelle est cadastrée section DK n° [Cadastre 3], d'une superficie de 2 a 96 ca.
Désignation des biens vendus :
LOT NUMÉRO UN (N°1) :
Local à usage de bureau, situé dans le bâtiment A, accès au rez-de-chaussée porte droite dans la cour, comprenant bureau, dégagement, bureau, véranda et sanitaires, combles au-dessus.
Et les trois cent soixante-dix-huit millièmes (378/1000èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales',
- dire et juger que la décision valant acte authentique de vente devra intégrer les clauses particulières suivantes : prix de vente hors frais : 80.000 ', l'acquéreur est la SARL D6 Immo,
- ordonner la publication de la décision à intervenir devenu définitif au service de la publicité foncière de [Localité 8],
- condamner la SARL Immobilière Iliad à lui verser au titre du préjudice de jouissance une indemnité mensuelle de 2.000 ' courant à compter du 12 septembre 2018 et jusqu'à la décision,
- à titre subsidiaire,
- constater que la SARL Immobilière Iliad n'a pas exécuté le contrat de bonne foi,
- dire et juger que la SARL Immobilière Iliad a commis une faute contractuelle engageant sa responsabilité,
- condamner la SARL Immobilière Iliad à lui verser les sommes de :
* 35.972,05 ' à titre de dommages et intérêts en réparation des frais engagés,
* 468.000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de plus-value (à parfaire),
* 10.000 ' en réparation du préjudice moral,
- en tout état de cause,
- condamner la SARL Immobilière Iliad à lui verser une somme de 10.000 ' pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la SARL Immobilière Iliad de toutes ses demandes,
- condamner la SARL Immobilière Iliad aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
35. À l'appui de ses prétentions, la SARL D6 Immo fait en effet valoir :
- sur la conventionnalité de l'article 1124 du code civil,
- que les jurisprudences de la CEDH citées par la SARL Immobilière Iliad ne concernent pas la liberté contractuelle, qui n'est pas assimilable à une créance, ni à un intérêt patrimonial au sens du protocole n°1,
- que l'inexécution d'un contrat doit par principe être sanctionnée, sans que les textes n'établissent de hiérarchie entre les deux types de réparation, en nature (manifestation contentieuse du respect de la parole donnée) ou en équivalent,
- que la contrainte découlant de l'exécution en nature ne porte aucune atteinte illégitime, ni disproportionnée, à la liberté individuelle du débiteur, liberté à laquelle ce dernier a volontairement en partie renoncé par contrat, cette aliénation étant librement consentie,
- que le principe d'exécution en nature de la promesse a bien une origine légale, la norme est accessible, précise et prévisible dans son application, la loi poursuit un but légitime, celle d'assurer l'effectivité de la force obligatoire des conventions et cette norme n'a aucun caractère disproportionné, le promettant n'ayant pas été forcé à vendre mais s'étant librement engagé, à des conditions et pour un prix déterminé, les parties pouvant de surcroît déroger à l'article 1124 du code civil et faire le choix de privilégier une exécution par équivalent en cas de défaillance,
- que la jurisprudence reconnaissait déjà, avant l'entrée en vigueur de l'article 1124 du code civil, la possibilité d'une exécution en vente forcée du bien par voie judiciaire en cas de refus par le promettant de réaliser la vente par acte authentique,
- sur le fond,
- que, si la réalisation est soumise à diverses conditions de forme, le caractère parfait et définitif de la vente résulte de la seule levée d'option, en dehors de tout formalisme, nulle part n'étant stipulé que le paiement du prix doit accompagner la levée de l'option pour conférer un caractère définitif à la vente, ce paiement n'étant exigé que pour la réalisation de celle-ci, c'est-à-dire pour son exécution et le transfert effectif de la propriété,
- que la carence du promettant suffit à rendre inopposable le délai prévu par la promesse et à en écarter la déchéance, dès lors qu'elle a bien levé l'option, la SARL Immobilière Iliad ayant manifesté son intention d'abandonner le projet avant l'expiration du délai de la promesse et empêché la réalisation d'une condition suspensive stipulée dans son intérêt (convocation à l'assemblée générale des copropriétaires pour autorisation d'un nouvel état descriptif de division),
- que la SARL Immobilière Iliad ne peut donc se prévaloir, pour refuser de vendre, ni de l'absence de convocation de l'assemblée générale des copropriétaires, ni de la tardiveté de l'obtention du permis de construire, conditions suspensives stipulées dans son seul intérêt,
- qu'elle a renoncé au délai de purge des recours, le permis de construire ayant été accordé avant la date du 5 septembre 2018 prévue par la promesse,
- que la SARL Immobilière Iliad s'est délibérément opposée à la tenue de l'assemblée générale des copropriétaires afin de faire obstruction à la vente, aucune stipulation de la promesse ne subordonnant la convocation à la communication de modes opératoires, d'un plan de démolition ou d'un plan des fondations impactant les fourreaux fibres et EDF, demande tardive et formulée de mauvaise foi,
- que les seules conditions expressément stipulées et opposables à l'acquéreur -et toujours respectées- étaient l'accès au parking depuis la cour commune et l'absence de construction en débord sur le lot n° 2, à l'exclusion des risques allégués sur les NRO, dont on ignore tout et qui ne sont jamais entrés dans le champ contractuel,
- que la SARL Immobilière Iliad, qui n'avait accepté que la démolition très localisée de la dalle située au niveau du jardin, a été pleinement informée de l'annexion d'une partie de la cour commune par l'emprise de l'escalier d'accès aux étages supérieurs du lot n°1,
- qu'elle n'a pas refusé la mise en place d'un portail électrique, qui était simplement autorisée mais n'était pas impérative,
- que seule la création d'un jardin, à la demande de [Localité 8] Métropole, constitue une modification mineure du projet,
- sur ses demandes indemnitaires formées à titre subsidiaire,
- que sa demande en équivalent formée à titre subsidiaire en cause d'appel n'est pas nouvelle, comme étant la sanction de la violation de la promesse unilatérale de vente,
- que les fautes commises par la SARL Immobilière Iliad dans l'exécution de la promesse unilatérale de vente, confinant à la déloyauté, ont engagé sa responsabilité contractuelle et entraîné divers préjudices (pertes subies, gain manqué, préjudice moral).
* * * * *
36. Dans ses dernières conclusions régulièrement notifiées déposées au greffe via RPVA le 3 octobre 2023, la SARL Immobilière Iliad demande à la cour de :
- in limine litis,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à écarter l'application du second alinéa de l'article 1124 du code civil pour contrariété avec le principe de liberté contractuelle et le droit de propriété tels que garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et son protocole additionnel n°1,
- statuant de nouveau,
- écarter l'application de l'article 1124 alinéa 2 du code civil au cas d'espèce, en raison de sa contrariété in abstracto, et subsidiairement, in concreto, avec l'article 1er du protocole additionnel n°1 de la CEDH, tel qu'il garantit le principe de liberté contractuelle,
- déclarer irrecevable la demande nouvelle de condamnation, formulée par la SARL D6 Immo à son encontre, aux sommes de :
* 35.972,05 ' en réparation de frais engagés,
* 468.000 ' en réparation d'une perte de plus-value,
* 10.000 ' en réparation d'un préjudice moral,
- au fond,
- à titre principal,
- confirmer le jugement du 16 novembre 2021 en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la SARL D6 Immo motif pris de l'absence de levée d'option formelle selon les modalités prévues par la promesse,
- si, par extraordinaire, la cour venait à infirmer le jugement sur ce dernier point,
- à titre subsidiaire et statuant de nouveau,
- débouter la SARL D6 Immo de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, motif pris de l'absence de consentement du promettant aux modifications unilatérales des conditions de la promesse par le bénéficiaire,
- prononcer la caducité de la promesse de vente conclue le 20 décembre 2017 avec la SARL D6 Immo,
- à titre plus subsidiaire et statuant de nouveau,
- débouter la SARL D6 Immo de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, motif pris de l'absence de toute carence du promettant,
- prononcer la caducité de la promesse de vente conclue le 20 décembre 2017 avec la SARL D6 Immo,
- à titre infiniment subsidiaire,
- débouter la SARL D6 Immo de sa demande d'indemnité de jouissance motif pris de l'absence de carence de sa part, d'une part, et en l'absence de démonstration d'un préjudice certain, d'autre part,
- à titre très infiniment subsidiaire,
- à défaut, débouter la SARL D6 Immo de sa demande d'indemnisation fondée sur une prétendue faute contractuelle de sa part dans l'exécution de la promesse de vente du 20 décembre 2017,
- débouter la SARL D6 Immo de sa demande d'indemnisation au titre de son prétendu gain manqué et son prétendu préjudice moral,
- débouter la SARL D6 Immo de sa demande de paiement des frais afférents à l'établissement des projets de construction autres que celui visé dans la promesse de vente du 20 décembre 2017,
- en tout état de cause,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL D6 Immo à lui verser la somme de 1.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuant de nouveau,
- condamner la SARL D6 Immo à lui payer la somme de 6.000 ' au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 8.000 ' au titre des frais irrépétibles d'appel,
- confirmer le jugement du 16 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la SARL D6 Immo aux entiers dépens de première instance,
- statuant de nouveau,
- condamner la SARL D6 Immo aux entiers dépens d'appel.
37. À l'appui de ses prétentions, la SARL Immobilière Iliad fait en effet valoir :
- sur la conventionnalité de l'article 1124 du code civil,
- que la liberté de conclure ou non un contrat portant sur des droits patrimoniaux constitue un intérêt patrimonial suffisamment important et reconnu pour constituer un intérêt substantiel, de sorte qu'elle constitue un 'bien' au sens de la CEDH, dont le respect doit être assuré lorsque le législateur en réglemente l'usage,
- que la promesse unilatérale de vente n'a pour objet que de contraindre le promettant, en fixant son consentement jusqu'au terme d'un délai, à consentir,
- qu'autoriser l'exécution forcée en nature reviendrait à priver la rétractation de son efficacité et constituerait une atteinte disproportionnée au principe de la liberté contractuelle garanti par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la CEDH,
- que la modification unilatérale et substantielle du projet de la SARL D6 Immo expose Réseau Optique de France à d'importants risques de perdre des marchés et donc de voir sa responsabilité mise en oeuvre, dès lors qu'elle a pour mission de trouver des emplacements sécurisés et adaptés à l'accueil des équipements techniques de son groupe,
- sur l'irrecevabilité des demandes indemnitaires,
- que ces demandes sont nouvelles pour être présentées pour la première fois, même à titre subsidiaire, en cause d'appel,
- sur le fond,
- que l'efficacité de la levée d'option peut être soumise à un formalisme particulier et notamment au paiement du prix,
- qu'en l'espèce, la promesse unilatérale de vente prévoyait un délai de levée d'option expirant au 12 septembre 2018, la promesse unilatérale de vente ayant été déchue de plein droit en l'absence d'acte authentique ou de versement du prix et des frais,
- que le consentement du promettant aux modifications des conditions stipulées dans la promesse prend nécessairement la forme d'un écrit, le silence ne valant pas acceptation, la modification substantielle du projet de la SARL D6 Immo entraînant à défaut la caducité de la promesse unilatérale de vente,
- que la SARL D6 Immo a décidé unilatéralement de modifier le contenu et la consistance du projet de construction convenu entre les parties, sans tenir compte des spécificités des installations de réseau fibre dont l'absence de tout risque d'endommagement n'est pas négociable,
- qu'elle n'a jamais donné son accord à la modification du permis de construire intégrant la démolition du bâti jouxtant le NRO et de l'intégralité de la dalle en vue d'édifier un jardin de pleine terre ainsi que l'annexion de la cour commune par la construction d'un petit escalier privé (ce qui a une incidence sur l'accès au lot n° 2),
- que la SARL D6 Immo avait bien à sa charge l'installation d'un portail électrique,
- que, dans ces conditions, compte tenu des risques encourus, elle était parfaitement fondée à refuser de réaliser la promesse unilatérale de vente,
- que le caractère exclusif de la condition suspensive afférente à l'obtention du permis de construire n'a plus lieu d'être, le nécessaire accord complémentaire entre les parties sur le nouveau projet de construction conférant à cette condition suspensive un intérêt commun aux deux parties, laquelle doit donc être levée dans les délais prévus par la promesse sans que le bénéficiaire puisse y renoncer,
- qu'en toute hypothèse, la SARL D6 Immo a indéniablement fait preuve de mauvaise foi en levant prétendument l'option d'achat incluse dans la promesse unilatérale de vente,
- que c'est du seul fait de la carence de la SARL D6 Immo qu'elle n'a pas pu solliciter la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires,
- que la perfection de la vente constituerait une exécution en nature de la promesse unilatérale bien trop coûteuse pour elle,
- qu'elle a eu une attitude constructive, aucune indemnité de jouissance ne pouvant être octroyée à la SARL D6 Immo qui n'a jamais levé l'option, sauf à la réduire à de plus justes proportions,
- qu'aucune faute contractuelle ne peut lui être imputée,
- qu'elle n'a pas vocation à prendre en charge tous les frais engagés par la SARL D6 Immo, le gain manqué étant des plus hypothétiques et le préjudice moral la seule conséquence du refus du permis de construire.
* * * * *
38. L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 juin 2024.
39. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'inconventionnalité de l'alinéa 2 de l'article 1124 du code civil
40. La SARL Immobilière Iliad plaide l'inconventionnalité de l'alinéa 2 de l'article 1124 du code civil en faisant valoir que la liberté de conclure ou non un contrat portant sur des droits patrimoniaux constitue un intérêt patrimonial suffisamment important et reconnu pour constituer un intérêt substantiel, de sorte qu'elle constitue un 'bien' au sens de la CEDH, dont le respect doit être assuré lorsque le législateur en réglemente l'usage. Selon elle, la promesse unilatérale de vente n'a pour objet que de contraindre le promettant, en fixant son consentement jusqu'au terme d'un délai, à consentir. Or, autoriser l'exécution forcée en nature reviendrait à priver la rétractation de son efficacité et constituerait une atteinte disproportionnée au principe de la liberté contractuelle garanti par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la CEDH. En outre, au cas d'espèce, la modification unilatérale et substantielle du projet de la SARL D6 Immo expose Réseau Optique de France à d'importants risques de perdre des marchés et donc de voir sa responsabilité mise en oeuvre, dès lors qu'elle a pour mission de trouver des emplacements sécurisés et adaptés à l'accueil des équipements techniques de son groupe.
41. La SARL D6 Immo réplique que les jurisprudences de la CEDH citées par la SARL Immobilière Iliad ne concernent pas la liberté contractuelle, qui n'est pas assimilable à une créance, ni à un intérêt patrimonial au sens du protocole n°1 et que l'inexécution d'un contrat doit par principe être sanctionnée, sans que les textes n'établissent de hiérarchie entre les deux types de réparation, en nature (manifestation contentieuse du respect de la parole donnée) ou en équivalent. Selon elle, la contrainte découlant de l'exécution en nature ne porte aucune atteinte illégitime, ni disproportionnée, à la liberté individuelle du débiteur, liberté à laquelle ce dernier a volontairement en partie renoncé par contrat, cette aliénation étant librement consentie. Le principe d'exécution en nature de la promesse a bien une origine légale, la norme est accessible, précise et prévisible dans son application, la loi poursuit un but légitime, celle d'assurer l'effectivité de la force obligatoire des conventions, et cette norme n'a aucun caractère disproportionné, le promettant n'ayant pas été forcé à vendre mais s'étant librement engagé, à des conditions et pour un prix déterminé, les parties pouvant de surcroît déroger à l'article 1124 du code civil et faire le choix de privilégier une exécution par équivalent en cas de défaillance, étant précisé que la jurisprudence reconnaissait déjà, avant l'entrée en vigueur de l'article 1124 du code civil, la possibilité d'une exécution en vente forcée du bien par voie judiciaire en cas de refus par le promettant de réaliser la vente par acte authentique.
Réponse de la cour
42. L'article 1124 du code civil, qui intègre la sous-section 3 relative au 'pacte de préférence et (à) la promesse unilatérale', elle-même figurant dans la section 1 relative à 'la formation du contrat', prévoit que 'la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul'
2: Cette disposition a été introduite par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
.
43. Il n'est pas inutile de rappeler que, par arrêt du 17 octobre 2019, la Cour de cassation a considéré, à l'occasion du présent litige, n'y avoir lieu à renvoi devant le conseil constitutionnel relativement à la constitutionnalité de l'alinéa 2 de l'article 1124 dès lors que la question n'était pas nouvelle et ne présentait pas de caractère sérieux, la formation du contrat malgré la révocation de la promesse durant le temps laissé au bénéficiaire pour opter ne portant pas atteinte à la liberté contractuelle et ne constituant pas une privation du droit de propriété (Civ. 3ème n° 19-40.028).
44. De son côté, le Conseil constitutionnel a eu l'occasion, à maintes reprises, de considérer qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (cf. par exemple décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012).
45. L'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme est ainsi libellé :
'Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes'.
46. La notion de 'biens' prévue par la première partie de l'article 1er du protocole n° 1 a une portée autonome qui ne se limite pas à la propriété des biens corporels et qui est indépendante par rapport aux qualifications formelles du droit interne : ce qui importe, c'est de rechercher si les circonstances d'une affaire donnée, considérées dans leur ensemble, peuvent passer pour avoir rendu le requérant titulaire d'un intérêt substantiel protégé par cette disposition. Ainsi, à l'instar des biens corporels, certains autres droits et intérêts constituant des actifs peuvent aussi être considérés comme des 'droits de propriété' et donc comme des 'biens' aux fins de cette disposition. La notion de 'biens' ne se limite pas non plus aux 'biens actuels' et peut également recouvrir des valeurs patrimoniales, y compris des créances, en vertu desquelles le requérant peut prétendre avoir au moins une 'espérance légitime' et raisonnable d'obtenir la jouissance effective d'un droit de propriété (arrêt CEDH du 30 novembre 2004, Öneryildiz C. Turquie, n° 48939/99).
47. L'ingérence dans le droit de propriété doit non seulement viser un 'but légitime' conforme à 'l'intérêt général', mais également garder un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure appliquée par l'Etat, y compris les mesures destinées à réglementer l'usage des biens d'un individu. C'est ce qu'exprime la notion du 'juste équilibre' qui doit être ménagé entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Dans des affaires concernant le fonctionnement d'une législation de grande ampleur sur le logement, cette appréciation peut porter non seulement sur l'étendue de l'ingérence de l'Etat dans la liberté contractuelle et les relations contractuelles sur le marché locatif mais aussi sur l'existence de garanties procédurales et autres destinées à assurer que le fonctionnement du système et son impact sur les droits patrimoniaux du propriétaire ne soient ni arbitraires ni imprévisibles. L'incertitude ' qu'elle soit législative, administrative, ou qu'elle tienne aux pratiques suivies par les autorités ' est un facteur qu'il faut prendre en compte pour apprécier la conduite de l'Etat. En effet, lorsqu'une question d'intérêt général est en jeu, les pouvoirs publics sont tenus de réagir en temps utile, de façon correcte et avec la plus grande cohérence (arrêt CEDH du 8 février 2007, Cleja et Mihalcea c. Roumanie, n° 77217/01).
48. En l'espèce, la SARL Immobilière Iliad, se fondant essentiellement sur ces deux jurisprudences de la CEDH, invite la cour à une recherche in abstracto et in concreto de la conventionnalité de l'alinéa 2 de l'article 1124 du code civil.
49. S'agissant du premier contrôle, il vise non pas le respect de la protection de la propriété par le droit interne français mais celui de la liberté contractuelle, laquelle n'est assimilable ni à une créance, ni à un intérêt patrimonial au sens du protocole n° 1.
50. En sanctionnant l'inexécution d'un contrat par la vente forcée du bien promis, le législateur, animé par un souci de sécurité juridique et d'effectivité de la force obligatoire des conventions, ne porte aucunement atteinte de façon disproportionnée à la liberté contractuelle puisque la sanction, précise et prévisible suivant une norme légale accessible, repose sur un consentement librement donné au moment de la promesse.
51. D'ailleurs, bien avant l'entrée en vigueur du nouvel article 1124 du code civil, la Cour de cassation avait eu l'occasion de juger que la rétractation, par le promettant, de l'engagement de vendre intervenue avant la levée de l'option par le bénéficiaire ne permettait pas au juge de constater la caducité de la promesse de vente et que les parties à une promesse unilatérale de vente étaient libres de convenir que le défaut d'exécution par le promettant de son engagement de vendre pouvait se résoudre en nature par la constatation judiciaire de la vente (cf. par exemple : Civ. 3ème, 27 mars 2008, n° 07-11.721).
52. S'agissant du second contrôle, la SARL Immobilière Iliad affirme (page 23 de ses conclusions) que 'la liberté contractuelle du promettant a souffert d'une atteinte tout particulièrement disproportionnée', en raison de la modification unilatérale de son projet de construction par la SARL D6 Immo.
53. Ce faisant, la SARL Immobilière Iliad revient sur l'économie d'un contrat dont l'exécution forcée serait susceptible, au regard des aménagements envisagés par la SARL D6 Immo, d'engager sa responsabilité en raison de la mise en danger des installations de réseau fibre de Réseau Optique de France qui risquerait ainsi de perdre des marchés et des clients, ou encore vis-à-vis de la copropriété.
54. Outre le fait que ce risque est particulièrement théorique, ces considérations regardent le fond du litige, à savoir le bien-fondé de la rétractation de la promesse.
55. La SARL Immobilière Iliad dispose de moyens légaux qu'elle utilise d'ailleurs relativement à la formation de la vente, comme l'article 1221 du code civil qui dispose que 'le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier'.
56. Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à écarter l'application de l'article 1124 du code civil pour contrariété avec le principe de liberté contractuelle et le droit de propriété tels que garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme et son protocole additionnel n° 1, la cour observant pour le surplus que la suggestion d'une question préjudicielle à la CEDH est abandonnée par la SARL Immobilière Iliad en cause d'appel.
Sur la caducité de la promesse unilatérale de vente
57. Pour solliciter l'infirmation du jugement, la SARL D6 Immo fait valoir que la carence du promettant suffit à rendre inopposable le délai prévu par la promesse et à en écarter la déchéance, dès lors qu'elle a bien levé l'option, la SARL Immobilière Iliad ayant manifesté son intention d'abandonner le projet avant l'expiration du délai de la promesse et empêché la réalisation d'une condition suspensive stipulée dans son intérêt (convocation à l'assemblée générale des copropriétaires pour autorisation d'un nouvel état descriptif de division). Selon elle, la SARL Immobilière Iliad ne peut donc se prévaloir, pour refuser de vendre, ni de l'absence de convocation de l'assemblée générale des copropriétaires, ni de la tardiveté de l'obtention du permis de construire, conditions suspensives stipulées dans son seul intérêt. Elle rappelle avoir renoncé au délai de purge des recours, le permis de construire ayant été accordé avant la date du 5 septembre 2018 prévue par la promesse, alors que la SARL Immobilière Iliad s'est délibérément opposée à la tenue de l'assemblée générale des copropriétaires afin de faire obstruction à la vente, aucune stipulation de la promesse ne subordonnant la convocation à la communication de modes opératoires, d'un plan de démolition ou d'un plan des fondations impactant les fourreaux fibres et EDF, demande tardive et formulée de mauvaise foi. Pour la SARL D6 Immo, les seules conditions expressément stipulées et opposables à l'acquéreur -et toujours respectées- étaient l'accès au parking depuis la cour commune et l'absence de construction en débord sur le lot n° 2, à l'exclusion des risques allégués sur les NRO, dont on ignore tout et qui ne sont jamais entrés dans le champ contractuel. La SARL Immobilière Iliad, qui n'avait accepté que la démolition très localisée de la dalle située au niveau du jardin, a été pleinement informée de l'annexion d'une partie de la cour commune par l'emprise de l'escalier d'accès aux étages supérieurs du lot n°1. Elle affirme n'avoir jamais refusé la mise en place d'un portail électrique, qui était simplement autorisée mais n'était pas impérative et que seule la création d'un jardin, à la demande de [Localité 8] Métropole, constitue une modification mineure du projet.
58. La SARL Immobilière Iliad réplique que l'efficacité de la levée d'option peut être soumise à un formalisme particulier, notamment le paiement du prix, la promesse unilatérale de vente ayant été justement déchue de plein droit en l'absence d'acte authentique ou de versement du prix et des frais. Selon elle, le consentement du promettant aux modifications des conditions stipulées dans la promesse prend nécessairement la forme d'un écrit, le silence ne valant pas acceptation, la modification substantielle du projet de la SARL D6 Immo entraînant à défaut la caducité de la promesse unilatérale de vente. Or, la SARL D6 Immo a décidé unilatéralement de modifier le contenu et la consistance du projet de construction convenu entre les parties, sans tenir compte des spécificités des installations de réseau fibre dont l'absence de tout risque d'endommagement n'est pas négociable, alors qu'elle n'a jamais donné son accord à la modification du permis de construire intégrant la démolition du bâti jouxtant le NRO et de l'intégralité de la dalle en vue d'édifier un jardin de pleine terre ainsi que l'annexion de la cour commune par la construction d'un petit escalier privé (ce qui a une incidence sur l'accès au lot n° 2). Par ailleurs, la SARL D6 Immo avait bien à sa charge l'installation d'un portail électrique. Dans ces conditions, compte tenu des risques encourus, elle était parfaitement fondée à refuser de réaliser la promesse unilatérale de vente, le caractère exclusif de la condition suspensive afférente à l'obtention du permis de construire n'ayant plus lieu d'être, le nécessaire accord complémentaire entre les parties sur le nouveau projet de construction conférant à cette condition suspensive un intérêt commun aux deux parties, laquelle condition doit donc être levée dans les délais prévus par la promesse sans que le bénéficiaire puisse y renoncer. En toute hypothèse, la SARL D6 Immo a indéniablement fait preuve de mauvaise foi en levant prétendument l'option d'achat incluse dans la promesse unilatérale de vente. Enfin, c'est du seul fait de la carence de la SARL D6 Immo qu'elle n'a pas pu solliciter la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires.
Réponse de la cour
59. Aux termes de l'article 1104 du code civil , 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public'.
60. L'article 1124 dispose que 'la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul'.
61. Le promettant signataire d'une promesse unilatérale de vente s'oblige définitivement à vendre dès cette promesse et ne peut pas se rétracter, même avant l'ouverture du délai d'option offert au bénéficiaire, sauf stipulation contraire.
62. L'article 1217 prévoit que 'la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter'.
63. Aux termes de l'article 1221 prévoit que 'le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier'.
64. En l'espèce, la SARL Immobilière Iliad s'est engagée, par acte notarié du 20 décembre 2017, établi par Me [L] [M], avec l'assistance de Me [A] [F], à vendre à la SARL D6 Immo le lot n° 1 de la copropriété (comprenant deux bâtiments A et B et une cour commune) située [Adresse 4] à [Localité 8], au prix de 80.000 ', jusqu'au 12 septembre 2018 à 16 heures, avec une possibilité de prorogation de trente jours pour permettre au notaire de recevoir les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte.
65. Ce lot n° 1 est composé :
- d'un local à usage de bureau, situé dans le bâtiment A, accès au rez-de-chaussée porte droite dans la cour, comprenant bureau, dégagement, bureau, véranda et sanitaires, combles au-dessus,
- des 378 millièmes de la propriété du sol et des parties communes générales.
66. Il s'agit d'une promesse unilatérale de vente dans laquelle la SARL Immobilière Iliad est promettante et la SARL D6 Immo bénéficiaire.
67. En page 6, un paragraphe intitulé 'DÉLAI-RÉALISATION-CARENCE' précise ce qui suit :
'DÉLAI :
La promesse de vente est consentie pour une durée expirant le 12 septembre 2018, à seize heures.
Toutefois, si, à cette date, les divers documents nécessaires à la régularisation de l'acte n'étaient pas encore portés à la connaissance du notaire chargé de sa rédaction, le délai de réalisation serait automatiquement prorogé aux huit jours calendaires qui suivront la date à laquelle le notaire recevra la dernière des pièces indispensables, sans que cette prorogation puisse excéder trente jours.
En cas de carence du PROMETTANT pour la réalisation de la vente, ce dernier ne saurait se prévaloir à l'encontre du bénéficiaire de l'expiration de la promesse ci-dessus fixée.
RÉALISATION :
La réalisation de la promesse aura lieu :
' soit par la signature de l'acte authentique constatant le caractère définitif de la vente, accompagné du paiement du prix et du versement des frais par virement dans le délai ci-dessus,
' soit par la levée d'option faite par le BÉNÉFICIAIRE dans le même délai accompagnée du versement du prix et des frais par virement entre les mains du notaire, puis de la signature de l'acte de vente au plus tard dans les cinq jours ouvrés suivant celle-ci.
L'attention du BÉNÉFICIAIRE est particulièrement attiré sur les points suivants :
1 - l'obligation de paiement par virement et non par chèque même si les deux banques résultent des dispositions de l'article L.112-6-1 du code monétaire et financier,
2 - il lui sera imposé de fournir une attestation émanant de la banque qui aura émis le virement et justifiant de l'origine des fonds sauf si ces fonds résultent d'un ou plusieurs prêts constatés dans l'acte authentique de vente dans un acte authentique séparé.
L'acte authentique constatant la réalisation de la vente sera reçu par Maître [A] [F], notaire à [Adresse 6], avec la participation de Maître [V] [P], notaire à [Adresse 7].
En toute hypothèse, le transfert de propriété est reporté au jour de la constatation de la vente en la forme authentique du paiement du prix et des frais, même si l'échange de consentement nécessaire à la formation de la convention est antérieur à la vente.
CARENCE :
Au cas ou la vente ne serait pas réalisée par acte authentique dans l'un ou l'autre cas et délais ci-dessus, avec paiement du prix et des frais comme indiqué, le BÉNÉFICIAIRE sera de plein droit déchu du bénéfice de la promesse aux dites dates sans qu'il soit besoin d'une mise en demeure de la part du PROMETTANT qui disposera alors librement du BIEN nonobstant toute manifestation antérieure de la volonté d'acquérir pour exprimer le BÉNÉFICIAIRE.
De convention expresse entre les parties, la seule manifestation par le BÉNÉFICIAIRE de sa volonté d'acquérir n'aura pour effet que de permettre d'établir, le cas échéant, la carence du PROMETTANT et, en conséquence, ne saurait entraîner aucun transfert de propriété de la part du PROMETTANT sur le BIEN, ce transfert ne devant résulter que d'un acte authentique de vente constatant le paiement du prix selon les modalités ci-après convenues, ou d'un jugement à défaut de cette réalisation par acte authentique'.
68. En page 7 de la promesse unilatérale de vente du 20 décembre 2017, il est prévu un paragraphe intitulé 'FORCE EXÉCUTOIRE DE LA PROMESSE' ainsi rédigé :
'Il est entendu entre les parties qu'en raison de l'acceptation par le BÉNÉFICIAIRE de la promesse faite par le PROMETTANT, en tant que simple promesse, il s'est formé entre elles un contrat dans les termes de l'article 1124 du code civil. En conséquence, et pendant toute la durée du contrat, celui-ci ne pourra être révoqué que par leur consentement mutuel.
Il en résulte notamment que :
' Le PROMETTANT a, pour sa part, définitivement consenti à la vente et qu'il est d'ores et déjà débiteur de l'obligation de transférer la propriété au profit du BÉNÉFICIAIRE aux conditions des présentes si ce dernier lève son option. Le PROMETTANT ne peut, par la suite, pendant toute la durée de la présente promesse conférer une autre promesse à un tiers ni aucun droit réel ni charge quelconque sur le bien, consentir aucun bail, location ou prorogation de bail. Il ne pourra non plus apporter aucune modification matérielle, si ce n'est avec le consentement du BÉNÉFICIAIRE, ni détérioration au BIEN.
' Toute rétractation unilatérale de la volonté du PROMETTANT pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter sera de plein droit inefficace et ne pourra produire aucun effet sans l'accord exprès de ce dernier. En outre, le PROMETTANT ne pourra pas se prévaloir des dispositions de l'article 1590 du code civil en offrant de restituer le double de la somme le cas échéant versé au titre de l'indemnité d'immobilisation.
En cas de refus par le PROMETTANT de réaliser la vente par acte authentique, le BÉNÉFICIAIRE pourra poursuivre l'exécution forcée de la vente par voie judiciaire'.
69. La promesse unilatérale de vente prévoit encore (page 9) un paragraphe intitulé 'CONDITIONS SUSPENSIVES', ainsi rédigé :
'Cette promesse est faite sous les conditions suspensives suivantes :
' Conditions suspensives à laquelle aucune des parties ne peut renoncer
La présente promesse est consentie sous la condition qu'aucun droit de préemption, quel qu'il soit, résultant de dispositions légales, ni aucun droit de préférence résultant de dispositions conventionnelles, ne puisse être exercé sur les BIENS concernés. Dans l'hypothèse où un tel droit existerait, le PROMETTANT s'engage à procéder sans délai aux formalités nécessaires à sa purge.
L'offre par le titulaire du droit de préemption ou de substitution ou de préférence à des prix et conditions différents de ceux notifiés entraînera la non réalisation de la condition suspensive au même titre que l'exercice pur et simple du droit de préemption.
En cas d'exercice du droit de préemption, la promesse sera caduque de plein droit et le PROMETTANT délié de toute obligation à l'égard du BÉNÉFICIAIRE auquel devra être restituée dans un délai maximum de huit jours calendaires de la réception de la notification de préemption au domicile élu dans la déclaration, l'indemnité d'immobilisation ou la caution le cas échéant remise.
Les formalités de purge seront accomplies à la diligence du PROMETTANT qui mandate à cet effet le notaire qui est ainsi chargé de transmettre la notification à la personne ou administration intéressée et cette notification devra stipuler que la réponse du bénéficiaire du droit devra être adressée au dit notaire.
' Conditions suspensives auxquelles seul le BÉNÉFICIAIRE pourra renoncer
La présente promesse est acceptée sous les conditions suivantes dont seul le BÉNÉFICIAIRE pourra se prévaloir ou auxquelles il pourra seul renoncer si bon lui semble.
À défaut par le BÉNÉFICIAIRE de se prévaloir de la non réalisation de l'une ou l'autre des conditions suspensives ci-après dans le délai de réalisation des présentes ou dans les délais spécifiques à certaines de ces conditions, il sera réputé avoir renoncé, sauf en ce qui concerne la condition suspensive légale d'obtention de prêt dans la mesure où elle est stipulée ci-après.
' Origine de propriété : qu'il soit établi une origine de propriété régulière remontant à un titre translatif de plus de trente ans.
- Urbanisme : que es renseignements d'urbanisme et les pièces produites par la commune ne révèlent aucun projet, vices ou servitudes de nature à déprécier d'une manière significative la valeur des BIENS ou à nuire à l'affectation sus-indiquée à laquelle le BÉNÉFICIAIRE les destine.
- Situation hypothécaire : que le total des charges hypothécaires et des créances garanties par la loi soit d'un montant inférieur au prix de la vente payable comptant ou que le PROMETTANT produise l'accord des créanciers permettant d'apurer ce passif amiablement.
- Permis de construire : qu'il soit délivré au bénéficiaire au plus tard le 5 septembre 2018 un permis de construire définitif, purgé de tous recours, en prenant en compte les éléments suivants :
Le permis de construire devra permettre l'édification d'une maison à usage d'habitation, d'une surface de plancher d'environ cent quatre-vingt mètres carrés, maison d'habitation qui comprendra l'intégralité du lot n° 1 existant actuellement, et la réalisation d'une surélévation de ce lot, surélévation qui débordera jusqu'à la limite est de l'assiette de la copropriété, cadastrée section DK n° [Cadastre 3].
Le tout conformément aux croquis et dessins ci-après annexés.
Précision faite que :
- L'accès aux parkings inférieurs devra se faire depuis la partie en accès direct de la rue et non par la cour commune,
- Aucune construction de pourra être en débord sur le lot 2.
Le BÉNÉFICIAIRE s'engage à déposer sa demande de permis de construire au plus tard le 20 février 2018 à ses frais, et à en justifier au PROMETTANT à première réquisition en lui communiquant le récépissé de dépôt du permis de construire par l'intermédiaire du notaire soussigné et du notaire participant. À défaut de respect de cet engagement, le bénéficiaire pourra se prévaloir de la présente condition suspensive à laquelle il sera censé avoir renoncé. De son côté, le promettant s'oblige à apporter son concours le plus large pour favoriser cette obtention, s'obligeant à produire à l'administration, si besoin, toute autorisation à cet effet.
La présente promesse est également consentie sous la condition suspensive que permis de construire n'ait fait l'objet d'aucun recours d'opposition de la part d'un tiers susceptible de conduire à un sursis à exécuter l'ouvrage ou à l'annulation du permis, à l'intérieur du délai qui lui est imparti à cet effet, c'est-à-dire pendant les deux mois qui suivront le dernier des deux affichages sur le chantier et en mairie. Concernant l'affichage du permis de construire sur le chantier, le BÉNÉFICIAIRE s'engage à faire procéder à cet affichage dans les quinze jours de son obtention. Il s'engage également à faire constater à ses frais, par exploit d'huissier, cet affichage à deux reprises : dans les cinq jours suivant la mise en place de l'affichage et dans les cinq jours suivant l'expiration du délai de recours des tiers.
En outre, ce recours doit avoir été notifié à l'autorité dont émane la décision d'une part et à son bénéficiaire d'autre part, et ce par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du référé du recours.
La présente promesse est également consentie sous la condition suspensive que l'administration n'exerce pas la faculté de retrait dans le délai de trois mois de la délivrance du permis.
Le BÉNÉFICIAIRE s'engage par ailleurs à informer par l'intermédiaire du notaire soussigné et du notaire participant le PROMETTANT du caractère définitif du permis en lui transmettant dans le délai de trente jours de la date ci-dessus de signification de l'obtention dudit permis :
' une copie des différents constats d'affichage
' et dans la mesure du possible une attestation de non retrait et de non recours.
Retrait du permis sinon réalisation
Au cas où le permis de construire sera obtenu et que les présentes ne puissent se réaliser par le non accomplissement de l'une des autres conditions suspensives, le BÉNÉFICIAIRE devra faire procéder au retrait de ce permis.
Autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires
Les présentes sont conclues sous la condition suspensive de l'obtention d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour :
1/ le projet de modificatif à l'état descriptif de division ' règlement de copropriété qui sera présenté par le BÉNÉFICIAIRE ayant pour objet la modification du lot 1, de la manière ci-dessus indiquée au paragraphe 'Permis de construire', et donc un changement partiel de la destination actuelle de l'immeuble ainsi que la création d'un nouveau lot : droit de construire une maison à usage d'habitation, à une certaine hauteur au-dessus d'une partie de la cour.
2/ la vente de ce nouveau lot créé par le syndicat de copropriétaires au BÉNÉFICIAIRE moyennant le prix de MILLE EUROS.
Étant ici précisé que :
' les frais de convocation à cette assemblée et du projet d'acte modificatif du géomètre seront à la charge du BÉNÉFICIAIRE,
' l'assemblée générale devra être convoquée dans le délai de deux mois à compter de la signature des présentes.
Le PROMETTANT s'engage à voter favorablement aux résolutions de cette assemblée prévue ci-dessus.
La régularisation de l'acte contenant modificatif à l'état descriptif de division ' règlement de copropriété et vente du lot créé ne pourra intervenir qu'après la signature de l'acte authentique de vente, cet acte sera reçu par le notaire BÉNÉFICIAIRE devenu acquéreur et la totalité des frais liés à la régularisation de cet acte sera prise en charge par le BÉNÉFICIAIRE devenu acquéreur.
Il est ici rappelé que le BÉNÉFICIAIRE achète le bien 'en l'état' et ne pourra contraindre le PROMETTANT à procéder à la régularisation de l'acte susvisé, ceci constituant une condition essentielle et déterminante du consentement du PROMETTANT aux présentes.
Pour la réalisation de cette condition suspensive les parties conviennent un délai expirant le 20 juin 2018'.
70. Elle envisage enfin des 'CONDITIONS PARTICULIÈRES' (page 11) ainsi rédigées :
'1 - le BÉNÉFICIAIRE s'engage à ce que la réalisation des travaux n'engendre aucune gêne pour l'accès au lot de copropriété numéro 2.
2 - le PROMETTANT accepte que le BÉNÉFICIAIRE procède à ses frais exclusifs à l'installation d'un portail commun et à l'installation définitive d'une serrure électronique ou d'une gâche électrique sur ce portail'.
71. Par courrier recommandé à l'en-tête de la société Free (mais mentionnant en bas de page les coordonnées de la SARL Immobilière Iliad) du 1er juin 2018 (alors que la promesse n'expirait que le 12 septembre 2018), la SARL D6 Immo s'est vu notifier la caducité de la promesse de vente faute de réalisation des conditions suspensives relatives à l'obtention du permis de construire et à la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires.
72. Il s'évince de la convention dont les termes essentiels ont été rappelés plus haut que l'obtention du permis de construire et la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires constituaient des conditions suspensives édictées dans le seul intérêt du bénéficiaire, c'est-à-dire la SARL D6 Immo. Concernant cette seconde condition, elle relevait d'ailleurs de la seule initiative de la SARL Immobilière Iliad, en sa qualité de copropriétaire, promesse étant faite de voter les résolutions allant dans le sens d'un changement partiel de destination actuelle de l'immeuble (habitation) et de la création d'un nouveau lot.
73. En d'autres termes, aucune stipulation contractuelle, autre que celles relatives à l'éventuel exercice d'un droit de préemption, ne permettait à la SARL Immobilière Iliad de rétracter sa promesse, à laquelle elle était tenue jusqu'au 12 septembre 2018.
74. Nonobstant, si Me [F] a, par mail du 6 juin 2018 adressé à Me [M], contesté toute caducité de la promesse au motif que le permis de construire avait été déposé dans le délai imparti et que, s'agissant de la convocation de l'assemblée générale, la promesse ne présentait pas de caractère extinctif sur ce point, l'acquéreur pouvant renoncer à cette condition, la SARL D6 Immo n'a pas pour autant clairement levé l'option, en tous cas pas dans les termes de la promesse unilatérale de vente.
75. Certes, par mail du 29 juin 2018, Mme [G] (SARL Immobilière Iliad) a demandé à Mme [D] (SARL D6 Immo) des précisions sur plusieurs points techniques, tels que l'étanchéité du mur jouxtant le local technique, les plans de détails des fondations de poteaux, l'accès au local technique par un portail électrique, les stationnements ou le déroulement du chantier, toutes choses qui n'étaient pas entrées dans le champ contractuel de la promesse unilatérale de vente. Cette reprise des négociations pouvait toutefois être interprétée par la SARL D6 Immo comme une renonciation à la rétractation de sa promesse par la SARL Immobilière Iliad
3: La cour observe que la SARL D6 Immo (page 23 de ses conclusions) indique elle-même que'devant la détermination de l'acquéreur, qui a contesté cette caducité, (la SARL Immobilière Iliad) a dû faire marche arrière'
.
76. Si la SARL D6 Immo produit un mail de son notaire daté du 19 juillet 2018, c'est-à-dire à l'intérieur du délai pour opter, adressé au notaire de la SARL Immobilière Iliad, lui demandant de trouver en pièce jointe 'copie de la lettre recommandée envoyée par l'acquéreur à votre cliente, faisant part de son intention de signer l'acte notarié dès que l'assemblée générale de la copropriété aura pu se tenir'
4: La cour en ignore d'ailleurs les termes exacts, ce courrier n'étant pas lui-même versé aux débats
, il ne vaut pas renonciation à une des conditions suspensives et donc n'équivaut pas à une levée d'option, d'autant moins qu'ilne respecte pas l'exigence contenue dans la promesse unilatérale de vente de levée d'option accompagnée du versement du prix et des frais par virement entre les mains du notaire.
77. Le mail de Me [F] (notaire de la SARL D6 Immo) du 6 septembre 2018 à sa consoeur indiquant que 'les acquéreurs souhaiteraient pouvoir signer prochainement l'acte notarié' est équivoque en ce qu'il ne mentionne pas le sort des conditions suspensives. Rien n'y est dit concernant le paiement du prix. Il ne peut pas davantage valoir levée de l'option.
78. Ce n'est que par courrier recommandé du 16 octobre 2018, soit postérieurement au délai pour lever l'option, que la SARL D6 Immo a informé la SARL Immobilière Iliad de sa volonté de 'finaliser la vente au plus vite'au regard de l'importance des frais engagés et du temps passé sur ce dossier, mais toujours sans respecter l'exigence du formalisme du paiement du prix, condition essentielle de l'option.
79. Or, même si, contrairement à ce que soutient la SARL Immobilière Iliad, les parties n'ont pas entendu faire de la signature authentique 'le stade ultime d'un processus d'ensemble', le versement du prix et des frais, expression ultime du consentement, constituait une véritable condition de validité de la levée d'option et non une condition de transfert de propriété ou de validité de la vente.
80. Indépendamment du courrier de la SARL Immobilière Iliad du 1er juin 2018 informant la SARL D6 Immo de la caducité de la promesse, susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle comme constituant une carence du promettant, l'appelante n'a elle-même pas respecté le formalisme de la levée d'option avant la date limite.
81. L'appelante ne saurait affirmer que 'cette carence de la SARL Immobilière Iliad, qui n'a jamais donné suite aux demandes de la SARL D6 Immo, est parfaitement établie' pour justifier l'absence de levée formelle de son option. C'est tout aussi vainement qu'elle prétend 'qu'elle n'a cessé de manifester, sans équivoque, son intention de poursuivre l'acquisition', alors qu'elle est incapable de dater précisément l'événement valant levée de l'option et que le seul courrier 'non équivoque', c'est-à-dire renonçant aux conditions suspensives est postérieur au délai prévu dans la promesse et n'est pas accompagné du paiement du prix.
82. De ce point de vue, la jurisprudence invoquée par la SARL D6 Immo (Civ. 3ème, 23 juin 2004, n° 03-12-207) n'est pas pertinente puisqu'il s'agissait dans cette espèce d'une promesse synallagmatique, pour laquelle l'acquéreur avait déjà, par hypothèse, donné son consentement.
83. Le contrat de vente n'a en réalité jamais été formé, quelles que soient les fautes reprochées par ailleurs au promettant (infra n° 86 et suivants).
84. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la promesse unilatérale de vente litigieuse, demeurée sans suite le 12 septembre 2018, est devenue caduque et qu'ils ont, ce faisant, débouté la SARL D6 Immo de sa demande en perfection de la vente.
85. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts
86. Pour fonder son action subsidiaire qui ne tend qu'à l'allocation de dommages et intérêts, la SARL D6 Immo prétend que sa demande en équivalent formée en cause d'appel n'est pas nouvelle, comme étant la sanction de la violation de la promesse unilatérale de vente et que les fautes commises par la SARL Immobilière Iliad dans l'exécution de cette promesse, confinant à la déloyauté, ont engagé sa responsabilité contractuelle et entraîné divers préjudices (pertes subies, gain manqué, préjudice moral).
87. La SARL Immobilière Iliad réplique que ces demandes indemnitaires sont nouvelles pour être présentées pour la première fois, même à titre subsidiaire, en cause d'appel. Elle souligne les propres carences de la SARL D6 Immo à l'origine de l'échec de la vente.
Réponse de la cour
1 - la recevabilité des demandes :
88. L'article 564 du code de procédure civile dispose que, 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.
89. L'article 565 prévoit que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'.
90. Le fait de demander, en cause d'appel, des dommages et intérêts, alors que seule une exécution en nature avait été sollicitée devant le tribunal, ne constitue pas une demande nouvelle puisqu'elle tend à la même fin : la sanction d'une faute et la réparation d'un préjudice.
91. En l'espèce, les demandes indemnitaires 'en équivalent' formées par la SARL D6 Immo en cause d'appel tendent, comme sa demande en exécution forcée formée en première instance, à la sanction des fautes commises par la SARL Immobilière Iliad dans l'exécution de sa promesse et à la réparation des préjudices qu'elle a subis au regard de la rétractation de la venderesse.
92. Les demandes de l'appelante seront donc jugées recevables.
2 - le bien-fondé des demandes :
93. L'article 1104 du code civil dispose que 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public'.
94. Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté peut 'demander réparation des conséquences de l'inexécution'.
95. L'article 1231-1 prévoit que 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.
a) la faute :
96. En l'espèce, la SARL D6 Immo voit dans l'empêchement par le promettant de la réalisation d'une des conditions suspensives et dans la rétractation unilatérale de la SARL Immobilière Iliad des fautes à l'origine de ses préjudices.
' l'empêchement par le promettant de la réalisation d'une des conditions suspensives :
97. La SARL D6 Immo reproche à la SARL Immobilière Iliad de ne pas avoir fait convoquer, malgré plusieurs relances en ce sens, l'assemblée générale de la copropriété avant le 20 février 2018 pour une tenue prévue avant le 20 juin 2018 (changement de destination des locaux, surélévation, vente du nouveau lot créé par le syndicat de copropriétaires au bénéficiaire moyennant le prix de 1.000 '), alors qu'elle seule en avait le pouvoir. En subordonnant cette convocation à la transmission par l'acquéreur de nouveaux éléments non prévus dans la promesse de vente, la SARL D6 Immo considère que la SARL Immobilière Iliad a en réalité cherché à faire obstruction à la vente.
98. Il a été vu (supra n° 69 et 72) que le 'changement partiel de la destination actuelle de l'immeuble ainsi que la création d'un nouveau lot : droit de construire une maison à usage d'habitation, à une certaine hauteur au-dessus d'une partie de la cour' devaient faire l'objet d'une autorisation de la copropriété, ce point étant érigé en condition suspensive. La SARL D6 Immo en faisait d'ailleurs encore une condition sine qua non dans son courrier du 19 juillet 2018 (supra n° 76).
99. Il n'appartenait évidemment pas à la SARL Immobilière Iliad de convoquer l'assemblée générale des copropriétaires à cette fin (ce pouvoir appartient au syndicat des copropriétaires ou à son mandataire) mais seulement de voter en faveur de ces résolutions. Toutefois, il lui revenait nécessairement de susciter à tout le moins cette convocation.
100. En tout état de cause, cette clause n'autorisait pas la SARL Immobilière Iliad à notifier la caducité de la promesse de vente faute de réalisation de la condition suspensive relative à la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires, sur laquelle la SARL D6 Immo n'avait aucune prise, d'autant moins qu'elle avait été édictée comme condition suspensive au seul profit de l'appelante.
101. De ce point de vue, le prétexte d'une absence de communication du projet modificatif (le nouvel état descriptif de division sera envoyé le 12 juin 2018), carence qui n'aurait pas mis la SARL Immobilière Iliad en mesure de solliciter la convocation d'une assemblée générale en temps utile eu égard à l'expiration de la promesse au 12 septembre 2018 alors qu'elle disposait encore d'un délai de trois moins pour ce faire, n'est pas pertinent, la SARL D6 Immo étant mise dans l'impossibilité de renoncer à la condition suspensive.
102. D'ailleurs, interrogé par la SARL D6 Immo, le syndic de la copropriété confirme les réticences de la SARL Immobilière Iliad dans un courrier électronique du 6 juillet 2018 : 'Je n'ai malheureusement pas encore l'aval du propriétaire actuel. Je l'ai relancé le 3 juillet dernier en lui mentionnant que je prendrai mes congés du 30 juillet 2018 au 22 août 2018. Une convocation pouvait être envoyée avant mon départ mais je ne pourrais la tenir qu'à partie de mon retour ; hormis si je recevais son aval avant le lendemain auquel cas l'AG aurait pu avoir lieu le 26 juillet 2018'.
103. En outre, un accord de principe avait été donné dès le 30 mars 2016 à la SARL Immobilière Iliad par la propriétaire du lot n° 2, la SA Genefim, à sa demande visant à surélever le lot n° 1, 'étant précisé que nous avons noté que l'accès au lot n° 2 se fera en passant sous le porche créé au-dessus de l'entrée de la cour'.
104. Dans ces conditions, l'assemblée générale de la copropriété n'avait vocation qu'à être une formalité.
105. Or, la cour relève que la SARL Immobilière Iliad a tout fait pour que cette assemblée générale ne se tienne pas.
106. Ce comportement, déloyal, doit être considéré comme fautif.
' la rétractation unilatérale de la SARL Immobilière Iliad :
107. Mme [G], pour le compte de la SARL Immobilière Iliad, avait écrit à Mme [D] (SARL D6 Immo) un courrier électronique dès le 26 octobre 2017, c'est-à-dire avant même la signature de la promesse unilatérale de vente du 20 décembre 2017, dans lequel elle indiquait à Mme [D] ne pas s'opposer au projet portant sur une surélévation de l'existant du lot 1 dans la copropriété 'dès lors que nos conditions intégrées à l'offre sont respectées', sans autre précision.
108. Par mail du 29 juin 2018, Mme [G] a rappelé à Mme [D] que les conditions suspensives n'étaient pas en cours de réalisation et que la situation était plus que bancale. Elle ajoutait que le projet déposé en mairie était encore différent du projet présenté, contrairement à son engagement. Elle demandait des précisions sur plusieurs points techniques, tels que l'étanchéité du mur jouxtant le local technique, les plans de détails des fondations de poteaux, l'accès au local technique par un portail électrique, les stationnements ou le déroulement du chantier.
109. La SARL D6 Immo a finalement obtenu son permis de construire le 12 juillet 2018.
110. M. [S], prenant la suite de Mme [G] pour le compte de la SARL Immobilière Iliad, a rappelé par message du 1er août 2018 à Mme [D] les différents points abordés lors de leur rencontre du 30 juillet 2018 :
- mur de soutènement de l'extension,
- implantation des poteaux porteurs,
- parkings,
- démolition du toit et du pignon et création d'un jardin,
- protection du chantier,
- finalisation de la vente après convocation de l'assemblée générale, qui doit se voir communiquer les différents modes opératoires demandés, un plan de démolition et un plan des fondations impactant les fourreaux fibres et EDF.
111. C'est la première fois qu'est évoqué le fait que 'la construction (du mur de soutènement) doit respecter le cheminement des fibres optiques et prévoir toutes les protections nécessaires', ce point n'ayant pas spécialement intégré le champ contractuel de la promesse unilatérale de vente, la condition particulière dans laquelle 'le BÉNÉFICIAIRE s'engage à ce que la réalisation des travaux n'engendre aucune gêne pour l'accès au lot de copropriété numéro 2' ne concernant pas cet aspect.
112. La mention de la promesse unilatérale de vente (page 10) selon laquelle 'aucune construction ne pourra être érigée en débord sur le lot n° 2' est peu explicite. Le fait que 'l'emprise au sol pose problème' pour la SARL Immobilière Iliad dans un courrier du 21 mars 2018 ne l'est pas davantage et 'l'annexion de la cour (partie commune)' ne crée pas de débord sur le lot n° 2. Les discussions ont d'ailleurs continué entre les parties lorsqu'il s'est agi d'apporter une modification au permis de construire.
113. Ce point n'avait notamment pas été évoqué par Mme [G] dans son mail du 29 juin 2018 posant de nouvelles exigences, mais auxquelles Mme [D] avait indiqué vouloir 'répondre favorablement' le 2 juillet 2018, 'dans un esprit de bonne volonté et d'envie d'aboutir dans les délais la réalisation de la vente prévue'.
114. Encore, par SMS du 23 août 2018, M. [S] indiquait : 'Les plans nous ont semblé avec M. [N] et moi-même bien complets. Il me manque une validation technique que je devrais récupérer dans la semaine prochaine au retour de mon collègue. Je reviens vers vous dès que j'ai l'ensemble des validations pour avancer avec Foncia
5: M. [S] évoque le syndic de la copropriété
'.
115. Le 6 septembre 2018, M. [S] confirmait avoir 'des nouvelles, j'ai (sic) en réunion hier sur votre dossier. Les 3 responsables techniques ont validé le projet, je le passe en comité de direction vendredi matin'.
116. Il s'agit du dernier échange établi au nom de la SARL Immobilière Iliad. Elle sera ensuite suivie de plusieurs réclamations de la part de la SARL D6 Immo, restées lettres mortes.
117. Selon la SARL Immobilière Iliad, le nouveau projet de la SARL D6 Immo intégrant la démolition du bâti jouxtant le noeud de réseau optique et de l'intégralité de la dalle (en vue de la création d'un jardin pleine terre) changeait à ce point la donne que l'étanchéité du NRO, gérée par l'occupante du lot n° 2, ne se trouvait plus assurée.
118. Pourtant, outre le fait que la condition suspensive d'octroi d'un permis de construire n'a été stipulée qu'en faveur de la SARL D6 Immo, le projet modificatif n'affectait aucunement, par un quelconque débord, le lot n° 2 occupé par les NRO (ce lot restait inchangé au vu du nouvel état descriptif de division). Or, l'interdiction d'un débord sur le lot n° 2 est la seule spécification que contient la promesse unilatérale de vente. Pour le reste, il n'existe aucune zone non aedificandi sur le lot n° 1. Par ailleurs, si l'on peut admettre les craintes de la SARL Immobilière Iliad concernant la sécurité des installations d'une société appartenant au même groupe qu'elle, elle ne justifie pas, en toute hypothèse, des risques particuliers que les travaux prévus auraient pu engendrer sur les NRO (dont l'emplacement n'est d'ailleurs pas clairement identifié), notamment la démolition de l'existant ou la création d'un jardin (cette dernière contrainte étant imposée par [Localité 8] Métropole), l'intimée procédant de ce point de vue par pure spéculation.
119. La SARL Immobilière Iliad se contente en effet de produire un 'exemple de protocole d'accord de travaux' établissant une liste de précautions que doit prendre un acquéreur qui envisage des 'travaux impactant les installations de la société Free Infrasctructure', document évidemment non signé en l'espèce par la SARL D6 Immo et d'ailleurs non commenté par l'intimée dans ses conclusions (pièce n° 12).
120. En outre, la SARL D6 Immo avait communiqué son projet à la SARL Immobilière Iliad dès juillet 2015, lequel prévoyait déjà une construction sur la cour commune avec passage de trois mètres pour l'accès d'un véhicule. Ce projet est annexé à la promesse unilatérale de vente. C'est donc de mauvaise foi que Mme [G], dans un mail du 21 mars 2018, s'inquiète d'un 'problème majeur du fait de l'annexion de la cour commune pour les passages', qui n'aurait selon elle jamais été évoquée.
121. De son côté, la SARL D6 Immo a respecté les engagements souscrits dans la promesse unilatérale de vente précisés en page 10 dans le paragraphe relatif à l'indemnité d'immobilisation et au séquestre (demande de permis de construire déposée avant le 20 février 2018, obtention du permis de construire au plus tard le 5 septembre 2018).
122. Certes, la nécessité de compléter le dossier de permis de construire à la demande de [Localité 8] Métropole a différé l'obtention du permis de construire (12 juillet 2018), mais la SARL D6 Immo a indiqué, ce qu'elle était en droit de faire, qu'elle renonçait à la condition suspensive liée à l'obtention d'un permis purgé de tout recours.
123. Enfin, l'installation d'un portail n'était pas noté dans la promesse unilatérale de vente comme une obligation mise à la charge de la SARL D6 Immo mais comme une autorisation donnée par la SARL Immobilière Iliad à cette fin. Cette dernière l'a ensuite posée comme une exigence, à laquelle a satisfait la SARL D6 Immo dans son dossier de permis de construire.
124. La rétractation unilatérale fautive opérée par la SARL Immobilière Iliad, suivie de tergiversations laissant penser que la vente pouvait encore se faire, le silence ensuite observé sur les relances de la SARL D6 Immo et, in fine, le prétexte douteux du risque d'atteinte aux NRO sont le signe d'une déloyauté contractuelle.
b) les préjudices et le lien de causalité :
' les pertes subies :
125. La SARL D6 Immo allègue avoir exposé en vain différents frais (géomètre, études thermiques, procès-verbaux d'huissier, permis de construire) pour un montant de 35.972,05 '. Elle produit à cette fin les différentes factures correspondantes.
126. La SARL Immobilière Iliad estime qu'elle n'a pas à prendre en charge les frais afférents à l'établissement des nouvelles versions du projet de construction et jette le discrédit sur trois factures émises par la SARL Atelier [I] [D] qui partage la même représentante légale que la SARL D6 Immo.
Réponse de la cour
127. Il importe peu que certaines factures aient été émises par la SARL Atelier [I] [D], dès lors qu'elles procèdent d'une mission de maîtrise d'oeuvre classique qui a donné lieu à des esquisses et au dépôt d'un permis de construire, prestations constatées comme effectives. Les contestations relatives au projet modificatif n'étant pas fondées, les dépenses correspondantes vainement exposées doivent être prises en compte.
128. Au final, la cour retiendra :
- la facture Ty Eco² du 15 février 2018 (études thermiques) : 1.920 '
- la facture Décamps du 12 juin 2018 (modification règlement de copropriété) : 489,07 '
- la facture Décamps du 9 juillet 2018 (relevés topographiques) : 718,70 '
- la facture du procès-verbal de constat d'affichage du 18 juillet 2018 : 228,09 '
- la facture du procès-verbal de constat d'affichage du 20 août 2018 : 228,09 '
- la facture du procès-verbal de constat d'affichage du 20 septembre 2018 : 228,09 '
- la facture Eco3 du 31 octobre 2018 (bureau d'études) : 2.280 '
- la facture Ty Eco² du 26 octobre 2018 (refonte du projet initial) : 360 '
- la facture SARL Atelier [I] [D] du 16 octobre 2018 (jusqu'au dossier de consultation) : 7.560 '.
129. Toutes ces dépenses ont bien été exposées en pure perte par la SARL D6 Immo par la faute de la SARL Immobilière Iliad qui n'a pas donné suite à sa promesse et qui a fait preuve de déloyauté contractuelle.
130. Il sera fait droit à la demande de la SARL D6 Immo dans la limite de 14.012,04 '.
' le gain manqué :
131. La SARL D6 Immo considère que l'échec de l'acquisition lui a fait perdre une opportunité de plus-value puisqu'elle estime la valeur actuelle du bien à construire à 780.000 ' pour un coût de construction estimé à 312.000 ', d'où une demande à hauteur de 468.000 '.
132. La SARL Immobilière Iliad prétend qu'il s'agit d'un préjudice purement hypothétique.
Réponse de la cour
133. Outre le fait que la SARL D6 Immo ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'asseoir le préjudice qu'elle allègue, celui-ci n'est que théorique.
134. Elle sera donc déboutée de cette demande.
' le préjudice moral :
135. La SARL D6 Immo peine à caractériser le préjudice moral qu'elle aurait personnellement subi et derrière lequel se cache en réalité Mme [D].
134. Elle sera donc déboutée de cette demande.
Sur les dépens
136. Le chef du jugement concernant les dépens sera infirmé. La SARL Immobilière Iliad, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
137. Le chef du jugement concernant les frais irrépétibles sera infirmé. L'équité commande de faire bénéficier la SARL D6 Immo des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 4.000 '.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rennes du 16 novembre 2021 en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à écarter l'application de l'article 124 du code civil pour contrariété avec le principe de liberté contractuelle et le droit de propriété tels que garantis par la Convention européenne des droits de l'Homme et son protocole additionnel n° 1,
- rejeté la demande d'exécution forcée de la promesse unilatérale de vente formée par la SARL D6 Immo,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare la SARL D6 Immo recevable en ses demandes indemnitaires,
Condamne la SARL Immobilière Iliad à payer à la SARL D6 Immo la somme de 14.012,04 ' au titre des dépenses exposées,
Déboute la SARL D6 Immo de ses demandes au titre du gain manqué du préjudice moral,
Condamne la SARL Immobilière Iliad aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la SARL Immobilière Iliad à payer à la SARL D6 Immo la somme de 4.000 ' en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.