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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 1 avril 2025, n° 22/01673

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/01673

1 avril 2025

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 01er AVRIL 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01673 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFC4Q

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2021 -Tribunal Judiciaire de PARIS - RG n° 20/03803

APPELANT

Monsieur [I] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Maître Laurent SIDOBRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0514

INTIME

Maître [X] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, avocat postulant,

et par Maître Florence ACHACHE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Février 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport, et Madame Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Madame Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre

Madame Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Michelle NOMO

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 01er Avril 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de Chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Par décision du conseil de prud'hommes du Mans du 9 décembre 2013, l'association des droits de l'homme en Asie centrale (l'ADHAC) a été condamnée à verser à M. [I] [Z] la somme de 7 621,60 euros pour travail dissimulé et procédure de licenciement abusive.

Dans le cadre de cette instance, M. [Z] avait produit une attestation de M. [E].

L'ADHAC a interjeté appel de cette décision et déposé plainte le 25 avril 2016 contre M. [Z], par l'intermédiaire de son avocat, Maître [O], pour faux et usage de faux, subornation de témoin et recel, s'agissant de l'attestation de M. [E].

M. [Z], d'origine biélorusse, a lui-même porté plainte le 25 avril 2016 pour chantage à l'encontre de l'ADHAC et de sa directrice, indiquant que celles-ci l'avaient menacé de déposer plainte contre lui au sujet de sa demande d'asile en France s'il ne renonçait pas à sa procédure prud'homale. Cette plainte a été étendue par la suite à l'avocat de l'ADHAC, Maître [O].

M. [Z] a déposé fin 2016 une première demande d'aide juridictionnelle aux fins d'être assisté en qualité de partie civile devant le tribunal correctionnel et les deux premiers avocats désignés ont refusé d'engager des poursuites pénales contre un confrère.

Par lettre du 28 mai 2017, M. [X] [D] a accepté d'assister M. [Z] au titre de l'aide juridictionnelle et a été désigné, à sa demande, le 31 mai 2017, par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5].

M. [D] a été de nouveau désigné le 18 octobre 2018 par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 5], aux mêmes fins.

Par lettre du 19 novembre 2018, M. [D] a constaté que M. [Z] le déchargeait de son dossier et renoncé au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

La cour d'appel d'Angers, par arrêt du 27 juin 2019, a infirmé la décision du conseil de prud'hommes du Mans du 9 décembre 2013 et débouté M. [Z] de ses demandes.

C'est dans ce contexte que, par acte du 4 mai 2020, M. [Z] a fait assigner M. [D] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir engager sa responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 24 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté M. [Z] de ses demandes de dommages et intérêts,

- débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [Z] aux dépens,

- laissé à chaque partie la charge des frais qu'elle a exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 19 janvier 2022, M. [Z] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 3 août 2022, M. [I] [Z] demande à la cour de :

- le recevoir en son appel,

- le dire bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a débouté de ses demandes de dommages et intérêts,

- l'a condamné aux dépens,

- a laissé à chaque partie la charge des frais qu'elle a exposés au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

statuant à nouveau,

- dire et juger que la responsabilité de M. [D] est engagée sur le fondement des articles 1231 et suivants du code civil,

en conséquence,

- condamner M. [D] à lui verser la somme de 17 621,60 euros à titre de dommages intérêts,

- condamner M. [D] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- débouter M. [D] de son appel incident, de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 17 octobre 2023, M. [X] [D] demande à la cour de :

- débouter M. [Z] de son appel, le juger infondé et rejeter toutes ses demandes,

- l'accueillir en son appel incident, le disant bien fondé,

- juger qu'il n'a commis aucune faute dans l'exercice de son mandat,

en conséquence,

- réformer le jugement en ce que le tribunal a jugé que sa responsabilité était engagée,

statuant à nouveau de ce chef,

- débouter purement et simplement M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, aucun lien de causalité n'existant entre le préjudice allégué et la faute invoquée,

ce faisant,

- rejeter les pièces 31 et 32 communiquées par M. [Z] et non traduites,

- débouter M. [Z] de l'intégralité de ses demandes,

en tout état de cause,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de dommages intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau de ces chefs,

- condamner M. [Z] au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Ingold.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 novembre 2024.

SUR CE,

Sur la responsabilité de l'avocat M. [D]

Sur la faute

Le tribunal a jugé que M. [D] a manqué à son obligation de diligence pour ne pas avoir délivré de citation directe devant le tribunal correctionnel à l'encontre de l'ADHAC et son avocat lors de sa première désignation au titre de l'aide juridictionnelle et pour avoir renoncé à faire citer l'avocat de l'ADHAC dans le cadre de sa deuxième désignation, malgré le mandat à ce titre donné dès l'origine par M. [Z], ajoutant que si l'avocat émettait des doutes sur le bien fondé ou la chance de succès de l'action, il lui appartenait d'en aviser son client avant de procéder aux diligences attendues et, le cas échéant, de se décharger du mandat confié, ce qu'il ne justifie pas avoir fait.

M. [Z] estime que M. [D] a commis un manquement à son obligation de diligence et à son devoir d'information et de conseil à son égard en ce que :

- il a sollicité M. [D] dès leur entretien téléphonique du 18 mai 2017 aux fins de citer directement l'association et son avocat devant le tribunal correctionnel,

- malgré une première désignation le 31 mai 2017 par le bureau d'aide juridictionnelle de Nanterre aux fins d'assistance d'une partie civile devant le tribunal correctionnel, puis une deuxième le 18 octobre 2018, la première décision étant devenue caduque, il n'a engagé aucune poursuite pénale alors qu'il avait accepté sa mission à deux reprises,

- le visa de l'ordre des avocats n'est délivré que sur projet de citation contre un avocat, ce qui confirme l'absence de diligences entreprises par M. [D],

- M. [D] lui a fait sciemment croire qu'il convenait d'attendre le sort de la plainte déposée par l'ADHAC à son encontre avant d'agir mais il ne lui a jamais donné d'information complète et objective sur ce choix de stratégie,

- ce n'est que par sms du 17 novembre 2018 qu'il l'a informé qu'il ne pourrait pas délivrer de citation directe contre l'avocat de l'ADHAC mais contre la seule association, malgré l'affirmation contraire lors de l'acceptation du dossier,

- il n'avait pas à se faire juge de la pertinence de l'action souhaitée mais à rédiger une citation directe, au besoin en l'alertant sur ses réserves,

- M. [D] soutient de manière fallacieuse que lui-même aurait pris l'initiative de le décharger de son mandat et il ne justifie pas plus s'être déchargé de son mandat.

M. [D] réplique ne pas avoir commis de faute en ce que :

- le tribunal n'a pas tenu compte de son devoir déontologique d'agir en conscience et de conseiller utilement son client ni de l'accord de M. [Z] sur la stratégie qu'il a préconisée,

- il est intervenu volontairement au titre de l'aide juridictionnelle pour assister M. [Z],

- il s'est renseigné plusieurs fois sur le sort des plaintes déposées contre et par M. [Z] et l'a tenu informé de ses démarches,

- il n'a jamais caché ses hésitations quant au bien fondé et aux risques d'une mise en cause infondée d'un avocat et a précisé qu'il convenait de respecter la procédure de visa du bâtonnier et d'attendre la décision du parquet du Mans sur la plainte déposée à son encontre par son ancien employeur afin d'obtenir copie du dossier pour évaluer ensuite la pertinence d'une citation directe de l'avocat de l'association,

- en émettant des réserves sur la stratégie souhaitée par M. [Z] alors que les actions souhaitées étaient vouées à l'échec, il a pleinement assumé, avec conscience et probité, son devoir de conseil,

- l'instruction donnée de faire citer l'ADHAC, sa présidente et Maître [O] devant le tribunal correctionnel n'a été formulée que lors d'un rendez-vous à son cabinet le 15 septembre 2018 à l'occasion duquel il a de nouveau formulé des réserves sur la stratégie souhaitée,

- M. [Z] l'a déchargé de sa mission par courriel sans équivoque du 19 octobre 2018 au regard de la distorsion d'analyses existant entre eux sur la délivrance d'une citation directe à l'avocat,

- la seconde désignation d'aide juridictionnelle est intervenue postérieurement à sa décharge de la totalité de son mandat, et alors qu'il avait pris soin d'écrire immédiatement au bureau d'aide juridictionnelle afin que M. [Z] puisse au besoin solliciter un nouvel avocat.

L'engagement de la responsabilité de l'avocat, sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits, nécessite la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

L'avocat agissant sur mandat ad litem, est tenu à une obligation de diligence, à une obligation d'information et à un devoir de conseil envers son client. Il doit prendre toutes les initiatives utiles pour assurer la défense des intérêts de celui-ci, en particulier lui proposer une stratégie adaptée à sa situation et conforme au droit positif, et le mettre en garde contre les risques encourus.

Contrairement aux allégations de M. [D], celui-ci a accepté le mandat que M. [Z] lui a donné dès le mois de mai 2017 d'effectuer une citation directe devant le tribunal correctionnel de Paris non seulement de l'ADHAC mais également de Maître [S] [O] ainsi qu'il ressort de leur échanges de courriels.

En effet, M. [Z] a écrit à son avocat le 29 mai précédent qu'il 'confirme qu'en raison de la gravité des faits, [il n'a] pas changé [sa] volonté légitime de réaliser cette procédure pénale pour chantage qu'[il a] subi de la part de Maître [S] [O]' et M. [D] lui a répondu le lendemain qu'il était 'prêt à [l'] accompagner dans le cadre de la procédure de plainte pour chantage, sous réserve de l'accord de [son] bâtonnier' et lui a adressé sa 'lettre d'acceptation en matière d'aide juridictionnelle dans le cadre d'une procédure de plainte contre une association et son avocat, sous la réserve expresse de l'accord du bâtonnier' datée du 28 mai, à remettre au bureau d'aide juridictionnelle.

Le 8 juin 2017, M. [D] a informé son client que le parquet n'avait pas encore pris de décision concernant la plainte déposée à son encontre et qu'il avait contacté l'ordre des avocats du barreau de Paris afin d'obtenir son aval au dépôt d'une plainte contre l'un de ses confrères puis le 2 août 2017, après relance du client, qu'il n'avait pas reçu le visa de son ordre au motif, notamment, qu'il devait fournir un projet de la plainte qu'il entendait déposer et qu'il avait réécrit au procureur de la République pour lui demander de prendre une décision et lui faire parvenir une copie de la procédure, tout en indiquant à son client que dans l'hypothèse d'une citation directe, il devrait verser une consignation.

Le jour même, M. [Z] lui répondait qu'il n'était pas nécessaire d'attendre un avis de classement de sa plainte par le procureur de la République pour faire une citation directe et qu'il était dispensé de toute consignation puisqu'il était bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

Par retour de courriel, M. [D] acquiesçait à la dispense de consignation et lui écrivait 'comme je vous l'ai d'ores et déjà expliqué, il me semble opportun de faire citer à comparaître et l'ADHAC et son avocat sur les deux fondements de dénonciation calomnieuse et de chantage. Je vous laisse toutefois seul juge du choix final', ajoutant qu'en toute hypothèse, il attendait de connaître l'orientation choisie par le parquet avant de rédiger sa citation.

Ces échanges de courriels ne manifestent aucune réserve de M. [D] quant à l'action projetée à l'encontre de l'avocat de l'association ni aucune information quant aux risques d'une mise en cause infondée d'un avocat ou sur le fait que l'action envisagée par son client était manifestement vouée à l'échec.

En l'absence de délivrance d'une citation directe, la décision d'attribution du bénéfic(i)e de l'aide juridictionnelle du 31 mai 2017 est devenue caduque.

Le 18 septembre 2018, M. [D] a adressé à son client une nouvelle lettre d'intervention au titre de l'aide juridictionnelle 'dans le cadre d'une citation directe à l'encontre de deux prévenus' et M. [Z] lui a adressé dès le lendemain un récépissé de dépôt de sa nouvelle demande d'aide juridictionnelle.

Par sms du 17 octobre 2018, M. [D], sollicité par son client, lui a indiqué qu' '[il] ne pourrait pas faire de citation directe contre l'avocat mais contre la seule association' sans explication.

Le 19 octobre suivant, M. [Z] lui a écrit pour lui demander la restitution de son dossier, au vu du changement d'avis de son avocat en se plaignant 'd'une perte de temps considérable et d'une orientation vers une solution sciemment fautive'.

Entre temps, soit le 18 octobre, M. [D] a été de nouveau désigné au titre de l'aide juridictionnelle et ce dernier n'a écrit que le 19 novembre suivant à M. [Z] qu'il renonçait à l'aide juridictionnelle.

Il ressort de ces éléments, comme l'ont retenu de manière pertinente les premiers juges, que M. [D] a accepté à deux reprises en 2017 puis en 2018 d'intervenir au titre de l'aide juridictionnelle aux fins de faire citer directement l'association et son avocat et a commis un manquement à son obligation de diligence en ne délivrant pas cette citation directe dans le cadre de sa première désignation puis en renonçant à le faire malgré son acception expresse contenue dans sa 'lettre d'intervention dans le cadre d'une deuxième désignation' datée du 18 septembre 2018 qu'il n'aurait pas dû adresser s'il considérait que son refus relevait de sa conscience professionnelle.

De plus, il a manqué à son obligation d'information et de conseil, dont la preuve du respect lui incombe, puisqu'il n'établit pas qu'il a formulé des réserves sur le bien fondé de la citation directe à l'encontre de l'avocat de l'association et sur les risques encourus à ce titre.

Sur le préjudice et le lien de causalité

Les premiers juges ont considéré que M. [Z] échouait à démontrer :

- s'agissant de la procédure prud'homale, l'existence d'un lien de causalité entre la faute et un préjudice puisque la cour d'appel d'Angers l'a débouté de ses demandes dans son arrêt du 17 juin 2019, faute de lien de subordination avec l'ADHAC,

- s'agissant de la procédure pénale, l'existence d'un préjudice puisqu'il ne produit pas le courriel en date du 22 avril 2016 par lequel il aurait été menacé d'une plainte par l'avocat de l'ADHAC s'il ne renonçait pas à l'instance prud'homale, de sorte que le chantage allégué n'est pas justifié par une pièce versée aux débats.

M. [Z] estime que :

- ses pièces n° 31 et 32 constituées par les courriels échangés entre lui et la présidente de l'ADHAC des 16 et 17 octobre 2011 sont en lien direct avec son affaire prud'homale et rédigées en russe mais accompagnées de leur traduction et sont donc recevables,

- il existe un lien de causalité entre l'inaction de M. [D] et la perte de son procès en appel en ce que l'absence de contre-attaque sur le plan pénal par M. [D] l'a desservi puisque la plainte déposée par l'ADHAC et son avocat ont discrédité l'attestation de M. [E] qui démontrait qu'il avait comme lui travaillé pour l'association sans avoir été rémunéré et devait avoir un impact important sur le litige prud'homal,

- l'inaction de M. [D] lui a fait perdre un temps précieux et l'a empêché de voir indemniser son préjudice par la cour d'appel d'Angers, et cela alors même qu'il avait obtenu gain de cause en première instance, et l'a déstabilisé dans son statut de réfugié,

- l'ADHAC ayant organisé frauduleusement son insolvabilité, l'inaction de M. [D] l'a privé de la possibilité de recouvrer les sommes de 7 621,60 euros à titre de dommages et intérêts obtenues en première instance devant le conseil de prud'hommes,

- il a également perdu la possibilité de recouvrer des dommages et intérêts contre l'association et son avocat dans le cadre de l'instance pénale pour le chantage pratiqué à son encontre puisque les menaces étaient sérieuses et ont été mises à exécution, notamment la dénonciation calomnieuse auprès de l'OFPRA, préjudice pour l'indemnisation duquel il sollicite une somme de 10 000 euros.

M. [D] réplique que :

- les pièces 31 et 32 communiquées par l'appelant doivent être écartées car elles ne sont pas en langue française et ne sont pas traduites,

- M. [Z] essaie d'obtenir devant la présente cour les condamnations qu'il n'a pu obtenir devant le juge prud'homal,

- il n'existe aucun lien de causalité entre l'issue du litige prud'homal et l'action pénale infondée que voulait initier M. [Z] à l'encontre de l'avocat de l'ADHAC, la cour d'appel d'Angers l'ayant débouté de sa demande en l'absence de lien de subordination entre l'association et lui,

- M. [Z] ne justifie d'aucune perte de chance puisque :

- il ne démontre pas en quoi le fait d'engager une plainte contre l'avocat d'une association aurait pu opérer une modification de l'appréciation des faits de la cause par les juges d'appel de l'instance prud'homale,

- il lui impute à tort d'avoir empêché le recouvrement des sommes obtenues en première instance puisqu'il affirme que dès 2015 soit deux ans avant son intervention, le compte bancaire de l'association était systématiquement débiteur,

- le courriel communiqué en pièce n° 34 n'est pas accompagné des documents annoncés, alors même que le tribunal en avait déjà relevé le caractère incomplet.

Les pièces numérotées 31 et 32 communiquées par M. [Z] sont écrites en russe sans être accompagnées d'une traduction, contrairement à ses allégations, et doivent être écartées des débats.

Le préjudice relevant de la perte d'une voie d'accès au juge par citation directe constitue nécessairement une perte de chance, liée à la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

En toute hypothèse, la réparation de la perte de chance doit être mesurée en considération de l'aléa jaugé et ne saurait être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Il ressort de l'arrêt du 27 juin 2019 que la cour d'appel, qui a infirmé le jugement et débouté M. [Z] de ses demandes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail en l'absence de preuve de l'existence d'un lien de subordination, n'a pas formé de critique quant à l'attestation de M. [E] et a seulement considéré qu' 'il ne résultait aucunement de l'ensemble des documents produits que M. [Z] était dans le cadre d'une relation de travail salarié avec l'association, ne justifiant d'aucun ordre qui lui aurait été donné concernant la fourniture d'un travail, ou des travaux qu'il indique avoir accomplis, ne justifiant d'aucun horaire de travail ni d'un contrôle de son travail par son employeur prétendu'.

Dès lors, il n'existe aucun lien de causalité entre le manquement de M. [D] à son obligation de diligence et à son devoir d'information et de conseil et le préjudice invoqué à savoir la perte de chance d'obtenir la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes ou la privation de la possibilité de recouvrer les sommes de 7 621,60 euros à titre de dommages et intérêts obtenues en première instance du fait de l'insolvabilité de l'ADHAC.

Le courriel du 22 avril 2016 que M. [Z] produit en appel (pièce n°34) n'est pas celui du conseil de l'ADHAC comportant un projet de plainte pénale à son encontre avec dénonciation à l'OFPRA mais celui de son avocat, lequel n'est pas suffisant à établir que Maître [O] l'aurait menacé de déposer plainte contre lui s'il ne mettait pas fin au procès devant la cour d'appel en lui donnant jusqu'au 22 avril au soir pour s'exécuter.

Dès lors, le chantage allégué n'est pas justifié, comme l'ont relevé les premiers juges pour le même motif et M. [Z] n'établit pas qu'il a perdu une chance, même minime, d'obtenir des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral au titre du chantage allégué.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive

Le tribunal a débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive aux motifs que les éléments qu'il invoque sont insuffisants à caractériser une faute faisant dégénérer le droit d'agir en abus.

La faute de M. [D] étant confirmée en appel, il n'est justifié d'aucun abus de procédure en sorte que la demande indemnitaire de ce chef doit être rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d'appel doivent incomber à M. [Z], partie perdante, lequel est également condamné à payer à M. [D] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Ecarte des débats les pièces n°31 et 32 communiquées par l'appelant,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne M. [I] [Z] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Ingold,

Condamne M. [I] [Z] à payer à M. [X] [D] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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