CA Paris, Pôle 5 - ch. 11, 28 mars 2025, n° 22/19538
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 28 MARS 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19538 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXBO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2022-Tribunal de Commerce de PARIS- RG n° 2018055512
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 818 851 925
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Nicolas LISIMACHIO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A. BOLLORÉ ENERGY
Agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 4]
[Localité 2]
immatriculée au RCS de QUIMPER sous le numéro 601 251 614
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Denis ARDISSON dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère pour le Président empêché et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
1. En raison de son activité de distribution de produits pétroliers à destination de clients particuliers et professionnels, la société Bolloré énergie, ultérieurement dénommée Bolloré Energy, est tenue, sous le contrôle administratif de la direction générale de l'énergie et du climat et du pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE'), d'établir un bilan carbone et de respecter des quotas d'émission des gaz à effet de serre dans les conditions des articles L. 221-1 et suivants et R. 221-1 et suivants du code de l'énergie issus de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
2. Pour atteindre ses obligations d'économie d'énergie matérialisées par la délivrance de certificats d'économie d'énergie ('CEE' ou 'C2E') mesurant les primes d'économie en unités de kilowattheure d'énergie finale économisé (en abrégé unités 'cumac') et devant être enregistrés sur la plateforme 'Emmy' dédiée aux échanges de ces certificats, la société Bolloré énergie a, par un 'contrat de redevance' du 31 mars 2011, confié à la société Copeo, qui a pour activité la conception, la mise en 'uvre d'opérations ouvrant droit à la délivrance des CEE ainsi que la négociation des certificats, le mandat et les engagements essentiels suivants :
'L'ensemble des dossiers apportés et déposés par Copeo et des C2E validés (et par voie de conséquence émis) sur ce Profil Utilisateur [...] sont propriété exclusive de Copeo' (article III) ;
Dès émission des C2E et dépôt sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers, BOLLORE ENERGIE accepte expressément et irrévocablement le transfert des dits certificats vers le compte EMMY de Copeo ou tout autre compte EMMY de son choix (article III) ;
Le transfert des C2E sur le compte EMMY de Copeo ou vers un autre compte de son choix déclenchera l'obligation au paiement [d'une] redevance au profit de BOLLORE ENERGIE, en l'espèce 0,12 '/MWh cumac (article IV Rémunération des prestations-Redevance) ;
Copeo garantit à BOLLORE ENERGIE un tarif préférentiel sur la seconde période (1er janvier 2011 au 31 décembre 2013), si ce dernier souhaite acheter des Certificats d'Economie d'Energie appartenant à Copeo '', tarif valable pour un volume maximum de 2 TWh cumac, en l'espèce 3,8 '/MWh cumac + 0,12 '/MWh cumac (récupération de la valeur de la redevance sur C2E rémunéré) (article VI 'Garantie de tarification préférentielle').'
3. Ce contrat a été reconduit avec une modification du montant de la redevance et du tarif préférentiel par avenants des 17 décembre 2013 et 3 février 2015.
* *
4. Les 19 octobre et 23 novembre 2015, le PNCEE a notifié à la société Bolloré Energy un premier contrôle de conformité de lots de dossiers de demande de CEE constitués et déposés pour son compte par la société Copeo en 2014 et 2015 et représentant un total de 205.792.870 kWh cumac (206 GWh cumac).
5. Par ailleurs le 19 juin 2015, les actionnaires de la société Copeo ont cédé leur titres à la société Vos travaux Eco, et la société Bolloré Energy a dénoncé le 26 octobre 2015 la résiliation de son contrat de redevance avec effet au 31 décembre 2015.
6. Alors qu'au 31 décembre 2015, la société Bolloré Energy était titulaire d'un solde de CEE de 190.794.075 kWh cumac (191 GWh cumac) émis sur des dossiers déposés par la société Copeo, la société Bolloré Energy a entendu conserver sur son compte ce volume de prime de certificat, en garantie du risque de non-conformité des lots contrôlés par le PNCEE.
7. Afin de régler leur différend, les parties ont conclu le 15 avril 2016 un 'Contrat de Cession' stipulant que :
'En raison et dans l'attente du résultat [du contrôle du PNCEE], les parties ont décidé que les CEE [litigieux] n'ont pas été transférés du compte de [Bolloré Energy] vers le compte de [Copeo] ;
La décision prise par [Bolloré Energy] et [Copeo] de ne pas transférer les CEE générés par le [Copeo] fait porter à ce dernier un risque important de dépréciation de son actif dans un contexte d'extrême volatilité des cours des CEE ;
Pour laisser indemne [Copeo] de ce manquement au contrat daté du 31 mars 2011, Bolloré Energy s'engage à acheter à Copeo un volume de CEE égal au Volume non transféré, pour un prix total de 250.730,54 ' HT (ci-après le 'Prix') correspondant à :
i. 68,862 plus 67,967 GWh cumac au prix unitaire de 1,3 ' HT,
ii. 53,965 GWh cumac au prix unitaire de 1,35 ' HT ;
Le Volume ne sera facturé à [Bolloré Energy] qu'après la signification de la conformité par le PNCEE des lots (...) qui font actuellement l'objet d'un contrôle du PNCEE ;
Bolloré Energy notifiera à Copeo la décision du PNCEE dans un délai maximum de quinze jours ouvrés à compter soit de la signification de conformité des lots, soit de la signification d'une pénalité financière et/ou toute autre sanction ;
Dans le cas où le PNCEE n'aurait pas fait connaître sa décision à Bolloré Energy avant le 16 janvier 2017, Bolloré Energy deviendra propriétaire du Volume le 31 janvier 2017 contre paiement du prix, Copeo ayant toutefois la faculté de renoncer à céder le Volume à Bolloré Energy sans aucune indemnisation de ce dernier. Cette faculté de renonciation pourra être exercée par [Copeo] à la condition d'en informer [Bolloré Energy] par un avis écrit reçu au plus tard le 20janvier 2017 ;
En cas de non-conformité de tout ou partie d'un /ot ou des deux lots en cours de contrôle par le PNCEE, il est convenu que le montant de la pénalité financière et/ou de toute autre sanction viendra en déduction du prix ;
La propriété du Volume est transférée à [Bolloré Energy] après le paiement du Prix (...) ou d'une partie du Prix après déduction d'une pénalité financière et/ou de toute autre sanction résultant de la non-conformité de tout ou partie d'un lot ou des deux lots en cours de contrôle.'
8. Le 31 mars 2017, le PNCEE a notifié à la société Bolloré Energy sa décision de conformité des échantillons de dossiers de demande de CEE ayant fait l'objet de son premier contrôle initié les 19 octobre et 23 novembre 2015.
* *
9. Le 11 juillet 2016, le PNCEE a notifié à la société Bolloré Energy un second contrôle de conformité portant sur un nouvel échantillon de dossiers de demande de CEE constitués et déposés par la société Copeo en 2014 et 2015 et relatifs à 24 opérations représentant environ 1.105 GWh cumac.
10. Après une vérification interne de ses constitutions de dossiers CEE, la société Copeo a sollicité du PNCEE le 12 novembre 2016 l'annulation des lots de demandes de certificats liés à l'entreprise Xylem pour un volume de 91.049.990 KWh cumac (91 GWh cumac).
11. En suite de l'instruction de son second contrôle du 11 juillet 2016, le PNCEE a dénoncé à la société Bolloré Energy le 30 janvier 2018 un taux de conformité de 0 % de l'échantillon des dossiers de demandes de certificats et l'a mise en demeure de transmettre dans un délai d'un mois les preuves de la conformité réglementaire de ces opérations.
12. Cette instruction s'est poursuivie donnant lieu à la notification à la société Bolloré Energy le 3 août 2018 puis le 29 juin 2020, de sa responsabilité dans les non-conformités des certificats pour la valeur de 1.105 GWh cumac, ainsi qu'une sanction pécuniaire de 4.717.335 euros euros au titre de l'émission frauduleuse suspectée sur 95 % des certificats contrôlés représentant environ 1.048 Gwh cumac.
PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL DE COMMERCE :
13. Alors que la société Bolloré Energy s'est opposée à la demande de la société Copeo en restitution des CEE dans les conditions du contrat de cession du 15 avril 2016, la société Pronergie venant aux droits de la société Copeo a assigné le 21 septembre 2018 la société Bolloré Energy devant le tribunal de commerce de Paris en vue d'ordonner la restitution du volume de 190.794.075 kWh cumac de CEE.
14. La juridiction commerciale a sursis à statuer dans l'attente de l'intervention d'une décision définitive du PNCEE sur les résultats de son second contrôle, le PNCEE ayant finalement prononcé le 7 octobre 2020 à l'encontre de la société Bolloré Energy l'annulation des CEE pour un volume de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques' qu'elle détenait sur son compte Emmy et prononcé une amende administrative de 1.048.296 euros.
15. Le 1er juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Pronergie et le 29 juillet 2021, désigné la société ML Conseils et M. [L] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire et la société Bolloré Energy a déclaré sa créance pour la somme totale de 9.748.890 euros représentant les sommes mises à sa charge par le PNCEE dans sa décision du 7 octobre 2020.
16. Ainsi, par jugement du 27 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la société Pronergie venant aux droits de la société Copeo est titulaire d'une créance, certaine liquide et exigible d'un montant égal à 250.730,54 euros HT à l'égard de la société Bolloré Energy, à compter du 31 janvier 2017,
- débouté le liquidateur de la société Pronergie, du surplus de ses demandes de paiement,
- dit que la société Bolloré Energy est titulaire à l'égard de société Pronergie, à compter du 7 octobre 2020, d'une créance certaine, liquide et exigible en nature d'un volume de certificats d'économies d'énergie égal à 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques' et d'une créance certaine, liquide et exigible en valeur d'un montant égal à 1.048.296 euros,
- débouté la société Bolloré Energy au titre de la demande d'annulation adressée par la société Copeo au PNCEE le 3 novembre 2016,
- fixé la créance de la société Bolloré Energy au passif de la liquidation de la société Pronergie aux montants suivants :
valeur de marché de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques', au jour du jugement, laquelle sera déterminée à partir du dernier prix moyen pondéré mensuel de l'indice spot listé sur le site officiel du registre Emmy, à laquelle sera ajoutée la somme de 1.048.296 euros avec intérêts légaux à compter du 7 octobre 2020, et à déduire la somme de 250.730,54 euros, avec intérêts légaux à compter du 31 janvier 2017,
- dit ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le liquidateur judiciaire de société Pronergie à payer les dépens.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS EN APPEL :
17. Vu l'appel du jugement par la société ML Conseils en qualité de liquidateur de société Pronergie enregistré le 21 novembre 2022 ;
* *
18. Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juillet 2023 pour la société ML Conseils et M. [L] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pronergie afin d'entendre, au visa des articles s articles 1134, 1147, 1163 et 1190 (anciens) du code civil, 328 et suivants et 455 du code de procédure civile :
- réformer le jugement en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen soulevé par le liquidateur de société Pronergie concernant l'absence de notification, par la société Bolloré Energy , de la décision du PNCEE, limité le montant de l'indemnité due par la société Bolloré Energy à la société Pronergie au titre de la violation du contrat de redevance et du contrat de cession à la somme de 250.730,54 euros HT,
- condamner la société Bolloré Energy à verser une somme correspondant à la valeur moyenne des 190.794.075 KWh cumac au jour de l'arrêt à intervenir, laquelle sera déterminée à partir des données du site officiel de www.emmy.fr/public/donnees-mensuelles'preca=false,
- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Bolloré Energy était titulaire à l'égard de la société Pronergie d'une créance en nature d'un volume de CEE égal à 1.105.730.580 kWh cumac, jugé que la société Bolloré Energy était titulaire à l'égard de la société Pronergie d'une créance en numéraire de 1.048.296 euros, fixé la créance de la société Bolloré Energy au passif de la liquidation de la société Pronergie à la valeur de marché de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques', au jour du jugement, laquelle sera déterminée à partir du dernier prix moyen pondéré mensuel de l'indice spot listé sur le site officiel du registre Emmy, à laquelle sera ajoutée la somme de 1.048.296 euros avec intérêts légaux à compter du 7 octobre 2020, et à déduire la somme de 250.730,54 euros, avec intérêts légaux à compter du 31 janvier 2017,
- débouter la société Bolloré Energy de toutes ses demandes,
- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le liquidateur aux entiers dépens,
- condamner la société Bolloré Energy à verser à la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Bolloré Energy de sa demande de condamnation de la société Pronergie au titre de la demande d'annulation du 3 novembre 2016,
- débouter la société Bolloré Energy de toutes ses demandes,
- condamner la société Bolloré Energy aux entiers dépens ;
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19. Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 décembre 2024 pour la société Bolloré Energy afin d'entendre :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Pronergie est titulaire d'une créance, certaine et exigible d'un montant égal à 250.730,54 euros HT à l'égard de la société Bolloré Energy à compter du 31 janvier 2017, débouté la société Bolloré Energy de sa demande au titre de la demande d'annulation adressée par Copeo au PNCEE le 3 novembre 2016, déduit la somme de 250.730,54 euros, avec intérêts légaux à compter du 31 janvier 2017 de la créance de la société Bolloré Energy fixée au passif de la liquidation de la société Pronergie, n'a pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer ledit jugement pour le surplus,
- débouter le liquidateur de la société Pronergie de sa demande de condamnation à paiement de l'équivalent monétaire du volume de 190.794.075 kWh cumac de CEE, ainsi que de toutes autres demandes,
reconventionnellement,
- juger que la société Pronergie est tenue à la garantie prévue à l'article II du contrat conclu entre les sociétés Bolloré Energy et Copeo le 30 mars 2011,
- fixer au passif de la société Pronergie la créance échue de Bolloré Energy d'un montant de 10.148.458,67 euros, au titre de la sanction définitivement prononcée à son encontre le 7 octobre 2020 dans le cadre du contrôle notifié à Bolloré Energy le 11 juillet 2016 par le PNCEE, qui relève de la garantie prévue à l'article II du contrat conclu entre les sociétés Bolloré Energy et Copeo le 30 mars 2011, soit :
1.048.296,00 euros (amende administrative) ;
9.100.162,67 euros (correspondant au coût, sur le marché officiel, au 10 décembre 2024, des 1.105.730.580 kWh cumac de CEE annulés sur le compte ouvert par Bolloré Energy sur le registre électronique national des certificats d'économie d'énergie), à parfaire en fonction de l'évolution du cours,
- fixer au passif de la société Pronergie la créance à échoir au titre de la sanction qui sera prononcée dans le cadre de la demande d'annulation de lots de CEE formulée par Copeo auprès du PNCEE le 3 novembre 2016, qui relève également de la garantie prévue à l'article II du contrat conclu entre les sociétés Bolloré Energy et Copeo le 30 mars 2011, soit :
749.314,42 euros (correspondant au coût, sur le marché officiel, au 10 décembre 2024, des 91049 990 KWh cumac de CEE dont l'annulation a été demandée), à parfaire en fonction de l'évolution du cours,
subsidiairement,
- ordonner la compensation judiciaire entre la créance échue de Bolloré Energy d'un montant de 10.148.458,67 euros, au titre de la sanction définitivement prononcée à son encontre le 7 octobre 2020 dans le cadre du contrôle notifié à Bolloré Energy le 11 juillet 2016 par le PNCEE, et l'éventuelle créance de Pronergie,
en tout état de cause,
- débouter le liquidateur de la société Pronergie de l'ensemble de ses demandes,
- condamner le liquidateur de la société Pronergie à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement, pour ceux la concernant, sera poursuivi par la société 2H Avocats, prise en la personne de Me Audrey Schwab conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré ainsi qu'aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
I. Sur le bienfondé et la valeur de la restitution des CEE en exécution du contrat de cession du 15 avril 2016
20. La société Bolloré Energy entend, en premier lieu, voir infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa condamnation à payer la somme de 250.730,54 euros HT au titre du contrat de cession souscrit avec la société Copeo le 15 avril 2016.
21. Elle soutient, en application de l'article 1188 du code civil selon lequel 'le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes', que l'intention commune que les parties poursuivaient par ce contrat de cession était de protéger la société Bolloré Energy de tout risque de sanction susceptible d'être encourue à la suite des contrôles de non-conformité du PNCEE concernant des dossiers constitués et déposés par la société Copeo en exécution de leur contrat de redevance, et non seulement à l'issue du premier contrôle initié les 19 octobre et 23 novembre 2015 par le PNCEE, ce que par ailleurs la société Copeo a elle-même confirmé dans son courriel du 6 octobre 2016 dans lequel elle a préconisé à la société Bolloré Energy de former auprès du PNCEE une demande d'annulation des CEE attachés aux dossiers liés à la société éligible Xylem, assurant encore que 'cette opération n'aurait pas d'impact en terme de volume CEE, vous pourrez déduire le volume annulé des 190 GWh en attente de transfert'.
22. Toutefois, la recherche de la commune intention des parties, à droit constant avec l'article 1156 du code civil applicable au litige, ne saurait déroger aux clauses claires et précises du contrat suivant la prescription de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable, selon lequel :
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
23. Et ainsi que les premiers juges l'ont exactement déduit des termes du contrat de cession rapportés au paragraphe 7 ci-dessus, les parties ont clairement et précisément restreint l'objet de la cession au volume des lots de CEE non transférés de 68,862 GWh cumac et 67,967 GWh cumac au prix unitaire de 1,3 ' HT pour la valeur fixée de 250.730,54 euros HT et qui faisaient l'objet du premier contrôle du PNCEE initié les 19 octobre et 23 novembre 2015.
24. Subsidiairement, la société Bolloré Energy oppose le comportement frauduleux de la société Copeo dans la constitution des dossiers de CEE qu'elle a déposés et que le PNCEE a relevé dans son instruction et ses décisions d'annulation des certificats qui ont suivi l'instruction de son second contrôle et au terme desquels elle a retenu la falsification de signatures de potentiels bénéficiaires ainsi que des fausses déclarations relatives aux dates de construction des bâtiments éligibles, à leur dimensionnement, à la valorisation de plusieurs fois les mêmes opérations d'économies et encore sur l'identité des bénéficiaires des travaux d'économies d'énergie.
25. Néanmoins, il ne peut être déduit outre ou contre la décision de conformité des lots rendu par le PNCEE le 31 mars 2017, la preuve de l'une ou l'autre des causes de fraudes rapportées pour d'autres lots de CEE à l'issue de son second contrôle, de sorte que le moyen sera écarté.
26. Le liquidateur de la société Pronergie entend pour sa part voir infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant dû par la société Bolloré Energy au titre du contrat de cession à 250.730,54 euros HT.
27. Et pour revendiquer la valorisation des 190.794.075 KWh cumac au jour de l'arrêt à intervenir, le liquidateur de la société Pronergie relève que la société Bolloré Energy a refusé de restituer les certificats et violé son obligation de notifier la décision de conformité du contrôle des échantillons de dossiers de certificat du 31 mars 2017 du PNCEE dans les conditions stipulées à l'article 3 du contrat de cession selon lesquelles :
'Le Volume ne sera facturé à l'Acheteur (Bolloré Energy ) qu'après la signification de la conformité par le PNCEE des lots 054208/19828 (pour un montant de 116.737.926 kWh cumac) et 064208/20044 (pour un montant de 89.054.944 kWh cumac), qui font actuellement l'objet d'un contrôle du PNCEE.
Dans le cadre du contrat en date du 31 mars 2011 qui a été résilié à effet du 31 décembre 2015, l'Acheteur notifiera au Vendeur (Copeo) la décision du PNCEE dans un délai maximal de quinze jours ouvrés à compter soit de la signification de conformité des lots, soit de la signification d'une pénalité financière et/ou toute autre sanction, ci-après la 'Notification''.
28. Alors que la société Bolloré Energy n'a pas acquitté ce prix, le liquidateur de la société Pronergie se prévaut encore de l'application de l'article 8 du contrat stipulant que :
'Si l'Acheteur, après la réalisation de ces conditions, ne procédait pas au Paiement du Prix selon les modalités définies par l'article 2 du présent Contrat, ou de la partie du Prix qui ne serait pas absorbée par la pénalité financière et/ou toute autre sanction, alors le Vendeur serait fondé à réclamer à l''Acheteur dédommagement au titre de l'absence de transfert à bonne date du Volume.'
29. Au demeurant ainsi que s'en prévaut subsidiairement la société Bolloré Energy, cet article 3 est complété à son alinéa 3 :
'Dans le cas où le PNCEE n'aurait pas fait connaître sa décision à l'Acheteur le 16 janvier 2017 à minuit, l'Acheteur et le Vendeur conviennent que l'Acheteur deviendra propriétaire du Volume le 31 janvier 2017 contre paiement du Prix, le Vendeur ayant toutefois la faculté de renoncer à céder le Volume à l'Acheteur sans aucune indemnisation de ce dernier. Cette faculté de renonciation pourra être exercée par le Vendeur à la condition d'en informer l'Acheteur par un avis écrit reçu au plus tard le 20 Janvier 2017.'
30. Et par ailleurs, l'article 8 précité est précédé d'un premier alinéa stipulant que :
'Il est expressément convenu que le Vendeur ne pourra en aucune façon rechercher l'Acheteur, en raison de l'absence de transfert du Volume dans le cadre du contrat du 31 mars 2011 et de ses deux avenants, dont l'existence a été relatée dans le Préambule, tant que les conditions visées à l'article 3 ci-dessus n'auront pas été réalisées.'
31. Alors qu'il est constant que le PNCEE n'a pas fait connaître sa décision sur la conformité des CEE le 16 janvier 2017, intervenue le 31 mars 2017, et que la société Copeo n'a pas exercé sa faculté de renoncer à céder le volume des Cumac contrôlés avant le 21 janvier 2017, elle n'était plus fondée à la revendiquer, de sorte que sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la preuve et la portée de la notification ultérieure de la décision du PNCEE, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté cette prétention et retenu la condamnation de la société Bolloré Energy à régler la somme de 250.730,54 euros HT.
II. Sur la garantie des certificats annulés par le PNCEE le 7 octobre 2020
32. Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société Bolloré Energy en vertu de la décision du PNCEE du 7 octobre 2020 par laquelle il a annulé le volume de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques' détenu par la société Bolloré Energy et prononcé à l'encontre de cette dernière une amende administrative de 1.048.296 euros, le liquidateur de la société Pronergie dénie devoir cette garantie, en premier lieu, en raison de la résiliation du contrat de redevance que la société Bolloré Energy a dénoncée avec effet au 31 décembre 2015, et par conséquent avant la décision du PNCEE.
33. Le liquidateur relève en outre que le contrat ne stipule pas expressément que la garantie de la société Copeo produisait ses effets après la résiliation du contrat, à l'instar de la pratique des garanties d'actif et de passif et alors que les garanties ne peuvent être perpétuelles.
34. Cependant, le contrat de redevance stipule expressément que :
à l'article II.2 :
'Les C2E seront inscrits en compte, sous la responsabilité de Copeo qui s'engage :
1. A respecter intégralement les règles et décrets régissant le dispositif des C2E
2. A couvrir :
- Tout refus de dossier C2E pour raison de non-conformité avec la législation en vigueur. Un volume de C2E sera déposé pour couvrir la pénalité en résultant.
- Toutes amendes résultant des dossiers refusés, pour quelque raison que ce soit.
- Tous les frais afférents au fonctionnement du Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers. ».
(...)
Copeo disposera de l'ensemble des informations nécessaires à la gestion du Compte (liens à l'interface, codes, etc.), Bolloré Energy s'interdisant par avance d'interférer sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers, sauf à informer Copeo de tout message reçu concernant son fonctionnement.'
à l'article II.1 :
'Bolloré Energy s'engage à constituer un Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers sur EMMY dédié aux C2E générés par Copeo, qui en aura seul la libre et entière disposition et sans limite de volume. La prestation de service assurée par Copeo est la suivante :
o Conception d'un ou plusieurs plans d'action par Copeo
o Mise en 'uvre de ce plan d'action par Copeo
o Utilisation du réseau d'installateurs Copeo
o Dématérialisation, codification, archivage des Dossiers
o Dépôt des dossiers sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers ;'
à l'article II.1 :
'Les C2E seront inscrits en compte, sous la responsabilité de Copeo
Copeo disposera de l'ensemble des informations nécessaires à la gestion du Compte (liens à l'interface, codes, etc.), Bolloré Energy s'interdisant par avance d'interférer sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers, sauf à informer Copeo de tout message reçu concernant son fonctionnement'
à l'article III :
'Copeo aura la charge exclusive de créer les Dossiers de demande de Certificat d'Economie d'Energie à partir du Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers qui lui sera dédié par Bolloré Energy.'
à l'article I :
'Le mandant [Bolloré Energy] donne tous pouvoirs au mandataire à l'effet de, en son nom et pour son compte :
Accéder en toute circonstance à l'interface logicielle et aux comptes Emmy de Bolloré Energy, dans un limité en responsabilité de dossier,
Faire usage du sous-compte Emmy numéro 0642OB ouvert au nom de Bolloré Energy,
Déposer et transférer les C2E inscrits en compte,
Gérer et organiser toute la partie administrative de la constitution des C2E,
Gérer les demandes de complément et toute demande d'information ou de documents émanant du PNC2E, quelle que soit sa nature.
Le mandataire [Copeo] accomplira tout acte, signera tout document, et plus généralement entreprendra toute démarche nécessaire en vue de l'exécution de sa mission.
(...)
Le présent mandat n'est que l'accessoire du Contrat qui lie les Parties, et ne modifie aucune disposition du Contrat. Il est néanmoins précisé et le cas échéant rappelé que le présent mandat sera exécuté par Copeo sans possibilité de délégation et sous sa responsabilité exclusive.'
35. Il résulte de ces stipulations que la société Copeo était tenue à garantir les conséquences de ses inexécutions dans la constitution des dossiers de CEE et de leur enregistrement pour le compte de la société Bolloré Energy jusqu'au terme du contrat et dont la validité était subordonnée au contrôle du PNCEE dans la limite de la durée de contrôle des certificats de 6 ans.
36. D'autre part, le droit régissant la propriété et le transfert des certificats d'économies d'énergie est étranger dans sa nature et son régime à celui qui régit la garantie de passif applicable au transfert des sociétés.
37. En second lieu, le liquidateur de la société Pronergie prétend que la société Bolloré Energy a manqué à son devoir de loyauté pour n'avoir pas exercé à l'encontre de la décision du PNCEE un pourvoi devant le Conseil d'Etat.
38. Néanmoins, le liquidateur de la société Pronergie n'invoque aucun moyen sérieux ou pertinent propre à contester les motifs et la décision du PNCEE, de sorte que la chance de voir celle-ci cassée n'est pas réaliste et n'est par conséquent pas de nature à caractériser un comportement déloyal.
39. Enfin, il est constant que les lots de certificats annulés par le PNCEE ont été constitués et enregistrés par la société Copeo avant le terme du contrat de redevance, de sorte que la société Copeo devait garantir les conséquences de leur irrégularité ainsi que les premiers juges l'ont dûment retenu.
40. Le jugement sera aussi confirmé de ce chef.
III. Sur la contrepartie des CEE constitués par la société Xylem
41. La société Bolloré Energy entend voir infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir fixer au passif de la société Pronergie la somme, actualisée à hauteur d'appel et au 10 décembre 2024, de 749.314,42 euros représentant le volume de 91.049.990 KWh cumac correspondant aux dossiers de certificats de la société Xylem que la société Copeo a constitués et déposés, dont elle a indiqué dans son courriel du 6 octobre 2016 qu'ils n'étaient pas conformes à la réglementation, et pour lesquels elle a adressé à la direction générale de l'énergie et du climat une demande d'annulation par courriel du 12 novembre 2016 (et non du 3 novembre 2016 - Pièce n°6 de la société Pronergie)
42. Néanmoins, en l'état des productions des parties, la société Bolloré Energy n'établit pas la preuve qu'elle a saisi le PNCEE d'une demande d'annulation de ces lots, ni que le PNCEE en a annulé la délivrance, et tandis qu'en sa qualité d'obligé, la société Bolloré Energy était seule investie par le code de l'énergie du pouvoir de saisir le PNCEE d'une contestation en annulation de ces certificats, et que d'autre part, la période de contrôle de ces lots par le PNCEE est écoulée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
IV. Sur les dépens et les frais irrépétibles
43. Le liquidateur de la société Pronergie succombant partiellement à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a tranché sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, il sera condamné aux dépens mais il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société ML Conseils et M. [L] [Y] en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société Pronergie aux dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
LAISSE à chacune des parties les frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE POUR
LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRÊT DU 28 MARS 2025
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/19538 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXBO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2022-Tribunal de Commerce de PARIS- RG n° 2018055512
APPELANTE
S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 818 851 925
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Nicolas LISIMACHIO, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A. BOLLORÉ ENERGY
Agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 4]
[Localité 2]
immatriculée au RCS de QUIMPER sous le numéro 601 251 614
Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Janvier 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère,
Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère,
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Denis ARDISSON dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère pour le Président empêché et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
1. En raison de son activité de distribution de produits pétroliers à destination de clients particuliers et professionnels, la société Bolloré énergie, ultérieurement dénommée Bolloré Energy, est tenue, sous le contrôle administratif de la direction générale de l'énergie et du climat et du pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE'), d'établir un bilan carbone et de respecter des quotas d'émission des gaz à effet de serre dans les conditions des articles L. 221-1 et suivants et R. 221-1 et suivants du code de l'énergie issus de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
2. Pour atteindre ses obligations d'économie d'énergie matérialisées par la délivrance de certificats d'économie d'énergie ('CEE' ou 'C2E') mesurant les primes d'économie en unités de kilowattheure d'énergie finale économisé (en abrégé unités 'cumac') et devant être enregistrés sur la plateforme 'Emmy' dédiée aux échanges de ces certificats, la société Bolloré énergie a, par un 'contrat de redevance' du 31 mars 2011, confié à la société Copeo, qui a pour activité la conception, la mise en 'uvre d'opérations ouvrant droit à la délivrance des CEE ainsi que la négociation des certificats, le mandat et les engagements essentiels suivants :
'L'ensemble des dossiers apportés et déposés par Copeo et des C2E validés (et par voie de conséquence émis) sur ce Profil Utilisateur [...] sont propriété exclusive de Copeo' (article III) ;
Dès émission des C2E et dépôt sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers, BOLLORE ENERGIE accepte expressément et irrévocablement le transfert des dits certificats vers le compte EMMY de Copeo ou tout autre compte EMMY de son choix (article III) ;
Le transfert des C2E sur le compte EMMY de Copeo ou vers un autre compte de son choix déclenchera l'obligation au paiement [d'une] redevance au profit de BOLLORE ENERGIE, en l'espèce 0,12 '/MWh cumac (article IV Rémunération des prestations-Redevance) ;
Copeo garantit à BOLLORE ENERGIE un tarif préférentiel sur la seconde période (1er janvier 2011 au 31 décembre 2013), si ce dernier souhaite acheter des Certificats d'Economie d'Energie appartenant à Copeo '', tarif valable pour un volume maximum de 2 TWh cumac, en l'espèce 3,8 '/MWh cumac + 0,12 '/MWh cumac (récupération de la valeur de la redevance sur C2E rémunéré) (article VI 'Garantie de tarification préférentielle').'
3. Ce contrat a été reconduit avec une modification du montant de la redevance et du tarif préférentiel par avenants des 17 décembre 2013 et 3 février 2015.
* *
4. Les 19 octobre et 23 novembre 2015, le PNCEE a notifié à la société Bolloré Energy un premier contrôle de conformité de lots de dossiers de demande de CEE constitués et déposés pour son compte par la société Copeo en 2014 et 2015 et représentant un total de 205.792.870 kWh cumac (206 GWh cumac).
5. Par ailleurs le 19 juin 2015, les actionnaires de la société Copeo ont cédé leur titres à la société Vos travaux Eco, et la société Bolloré Energy a dénoncé le 26 octobre 2015 la résiliation de son contrat de redevance avec effet au 31 décembre 2015.
6. Alors qu'au 31 décembre 2015, la société Bolloré Energy était titulaire d'un solde de CEE de 190.794.075 kWh cumac (191 GWh cumac) émis sur des dossiers déposés par la société Copeo, la société Bolloré Energy a entendu conserver sur son compte ce volume de prime de certificat, en garantie du risque de non-conformité des lots contrôlés par le PNCEE.
7. Afin de régler leur différend, les parties ont conclu le 15 avril 2016 un 'Contrat de Cession' stipulant que :
'En raison et dans l'attente du résultat [du contrôle du PNCEE], les parties ont décidé que les CEE [litigieux] n'ont pas été transférés du compte de [Bolloré Energy] vers le compte de [Copeo] ;
La décision prise par [Bolloré Energy] et [Copeo] de ne pas transférer les CEE générés par le [Copeo] fait porter à ce dernier un risque important de dépréciation de son actif dans un contexte d'extrême volatilité des cours des CEE ;
Pour laisser indemne [Copeo] de ce manquement au contrat daté du 31 mars 2011, Bolloré Energy s'engage à acheter à Copeo un volume de CEE égal au Volume non transféré, pour un prix total de 250.730,54 ' HT (ci-après le 'Prix') correspondant à :
i. 68,862 plus 67,967 GWh cumac au prix unitaire de 1,3 ' HT,
ii. 53,965 GWh cumac au prix unitaire de 1,35 ' HT ;
Le Volume ne sera facturé à [Bolloré Energy] qu'après la signification de la conformité par le PNCEE des lots (...) qui font actuellement l'objet d'un contrôle du PNCEE ;
Bolloré Energy notifiera à Copeo la décision du PNCEE dans un délai maximum de quinze jours ouvrés à compter soit de la signification de conformité des lots, soit de la signification d'une pénalité financière et/ou toute autre sanction ;
Dans le cas où le PNCEE n'aurait pas fait connaître sa décision à Bolloré Energy avant le 16 janvier 2017, Bolloré Energy deviendra propriétaire du Volume le 31 janvier 2017 contre paiement du prix, Copeo ayant toutefois la faculté de renoncer à céder le Volume à Bolloré Energy sans aucune indemnisation de ce dernier. Cette faculté de renonciation pourra être exercée par [Copeo] à la condition d'en informer [Bolloré Energy] par un avis écrit reçu au plus tard le 20janvier 2017 ;
En cas de non-conformité de tout ou partie d'un /ot ou des deux lots en cours de contrôle par le PNCEE, il est convenu que le montant de la pénalité financière et/ou de toute autre sanction viendra en déduction du prix ;
La propriété du Volume est transférée à [Bolloré Energy] après le paiement du Prix (...) ou d'une partie du Prix après déduction d'une pénalité financière et/ou de toute autre sanction résultant de la non-conformité de tout ou partie d'un lot ou des deux lots en cours de contrôle.'
8. Le 31 mars 2017, le PNCEE a notifié à la société Bolloré Energy sa décision de conformité des échantillons de dossiers de demande de CEE ayant fait l'objet de son premier contrôle initié les 19 octobre et 23 novembre 2015.
* *
9. Le 11 juillet 2016, le PNCEE a notifié à la société Bolloré Energy un second contrôle de conformité portant sur un nouvel échantillon de dossiers de demande de CEE constitués et déposés par la société Copeo en 2014 et 2015 et relatifs à 24 opérations représentant environ 1.105 GWh cumac.
10. Après une vérification interne de ses constitutions de dossiers CEE, la société Copeo a sollicité du PNCEE le 12 novembre 2016 l'annulation des lots de demandes de certificats liés à l'entreprise Xylem pour un volume de 91.049.990 KWh cumac (91 GWh cumac).
11. En suite de l'instruction de son second contrôle du 11 juillet 2016, le PNCEE a dénoncé à la société Bolloré Energy le 30 janvier 2018 un taux de conformité de 0 % de l'échantillon des dossiers de demandes de certificats et l'a mise en demeure de transmettre dans un délai d'un mois les preuves de la conformité réglementaire de ces opérations.
12. Cette instruction s'est poursuivie donnant lieu à la notification à la société Bolloré Energy le 3 août 2018 puis le 29 juin 2020, de sa responsabilité dans les non-conformités des certificats pour la valeur de 1.105 GWh cumac, ainsi qu'une sanction pécuniaire de 4.717.335 euros euros au titre de l'émission frauduleuse suspectée sur 95 % des certificats contrôlés représentant environ 1.048 Gwh cumac.
PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL DE COMMERCE :
13. Alors que la société Bolloré Energy s'est opposée à la demande de la société Copeo en restitution des CEE dans les conditions du contrat de cession du 15 avril 2016, la société Pronergie venant aux droits de la société Copeo a assigné le 21 septembre 2018 la société Bolloré Energy devant le tribunal de commerce de Paris en vue d'ordonner la restitution du volume de 190.794.075 kWh cumac de CEE.
14. La juridiction commerciale a sursis à statuer dans l'attente de l'intervention d'une décision définitive du PNCEE sur les résultats de son second contrôle, le PNCEE ayant finalement prononcé le 7 octobre 2020 à l'encontre de la société Bolloré Energy l'annulation des CEE pour un volume de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques' qu'elle détenait sur son compte Emmy et prononcé une amende administrative de 1.048.296 euros.
15. Le 1er juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Pronergie et le 29 juillet 2021, désigné la société ML Conseils et M. [L] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire et la société Bolloré Energy a déclaré sa créance pour la somme totale de 9.748.890 euros représentant les sommes mises à sa charge par le PNCEE dans sa décision du 7 octobre 2020.
16. Ainsi, par jugement du 27 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la société Pronergie venant aux droits de la société Copeo est titulaire d'une créance, certaine liquide et exigible d'un montant égal à 250.730,54 euros HT à l'égard de la société Bolloré Energy, à compter du 31 janvier 2017,
- débouté le liquidateur de la société Pronergie, du surplus de ses demandes de paiement,
- dit que la société Bolloré Energy est titulaire à l'égard de société Pronergie, à compter du 7 octobre 2020, d'une créance certaine, liquide et exigible en nature d'un volume de certificats d'économies d'énergie égal à 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques' et d'une créance certaine, liquide et exigible en valeur d'un montant égal à 1.048.296 euros,
- débouté la société Bolloré Energy au titre de la demande d'annulation adressée par la société Copeo au PNCEE le 3 novembre 2016,
- fixé la créance de la société Bolloré Energy au passif de la liquidation de la société Pronergie aux montants suivants :
valeur de marché de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques', au jour du jugement, laquelle sera déterminée à partir du dernier prix moyen pondéré mensuel de l'indice spot listé sur le site officiel du registre Emmy, à laquelle sera ajoutée la somme de 1.048.296 euros avec intérêts légaux à compter du 7 octobre 2020, et à déduire la somme de 250.730,54 euros, avec intérêts légaux à compter du 31 janvier 2017,
- dit ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné le liquidateur judiciaire de société Pronergie à payer les dépens.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS EN APPEL :
17. Vu l'appel du jugement par la société ML Conseils en qualité de liquidateur de société Pronergie enregistré le 21 novembre 2022 ;
* *
18. Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juillet 2023 pour la société ML Conseils et M. [L] [Y] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Pronergie afin d'entendre, au visa des articles s articles 1134, 1147, 1163 et 1190 (anciens) du code civil, 328 et suivants et 455 du code de procédure civile :
- réformer le jugement en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen soulevé par le liquidateur de société Pronergie concernant l'absence de notification, par la société Bolloré Energy , de la décision du PNCEE, limité le montant de l'indemnité due par la société Bolloré Energy à la société Pronergie au titre de la violation du contrat de redevance et du contrat de cession à la somme de 250.730,54 euros HT,
- condamner la société Bolloré Energy à verser une somme correspondant à la valeur moyenne des 190.794.075 KWh cumac au jour de l'arrêt à intervenir, laquelle sera déterminée à partir des données du site officiel de www.emmy.fr/public/donnees-mensuelles'preca=false,
- réformer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Bolloré Energy était titulaire à l'égard de la société Pronergie d'une créance en nature d'un volume de CEE égal à 1.105.730.580 kWh cumac, jugé que la société Bolloré Energy était titulaire à l'égard de la société Pronergie d'une créance en numéraire de 1.048.296 euros, fixé la créance de la société Bolloré Energy au passif de la liquidation de la société Pronergie à la valeur de marché de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques', au jour du jugement, laquelle sera déterminée à partir du dernier prix moyen pondéré mensuel de l'indice spot listé sur le site officiel du registre Emmy, à laquelle sera ajoutée la somme de 1.048.296 euros avec intérêts légaux à compter du 7 octobre 2020, et à déduire la somme de 250.730,54 euros, avec intérêts légaux à compter du 31 janvier 2017,
- débouter la société Bolloré Energy de toutes ses demandes,
- réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné le liquidateur aux entiers dépens,
- condamner la société Bolloré Energy à verser à la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Bolloré Energy de sa demande de condamnation de la société Pronergie au titre de la demande d'annulation du 3 novembre 2016,
- débouter la société Bolloré Energy de toutes ses demandes,
- condamner la société Bolloré Energy aux entiers dépens ;
* *
19. Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 décembre 2024 pour la société Bolloré Energy afin d'entendre :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Pronergie est titulaire d'une créance, certaine et exigible d'un montant égal à 250.730,54 euros HT à l'égard de la société Bolloré Energy à compter du 31 janvier 2017, débouté la société Bolloré Energy de sa demande au titre de la demande d'annulation adressée par Copeo au PNCEE le 3 novembre 2016, déduit la somme de 250.730,54 euros, avec intérêts légaux à compter du 31 janvier 2017 de la créance de la société Bolloré Energy fixée au passif de la liquidation de la société Pronergie, n'a pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer ledit jugement pour le surplus,
- débouter le liquidateur de la société Pronergie de sa demande de condamnation à paiement de l'équivalent monétaire du volume de 190.794.075 kWh cumac de CEE, ainsi que de toutes autres demandes,
reconventionnellement,
- juger que la société Pronergie est tenue à la garantie prévue à l'article II du contrat conclu entre les sociétés Bolloré Energy et Copeo le 30 mars 2011,
- fixer au passif de la société Pronergie la créance échue de Bolloré Energy d'un montant de 10.148.458,67 euros, au titre de la sanction définitivement prononcée à son encontre le 7 octobre 2020 dans le cadre du contrôle notifié à Bolloré Energy le 11 juillet 2016 par le PNCEE, qui relève de la garantie prévue à l'article II du contrat conclu entre les sociétés Bolloré Energy et Copeo le 30 mars 2011, soit :
1.048.296,00 euros (amende administrative) ;
9.100.162,67 euros (correspondant au coût, sur le marché officiel, au 10 décembre 2024, des 1.105.730.580 kWh cumac de CEE annulés sur le compte ouvert par Bolloré Energy sur le registre électronique national des certificats d'économie d'énergie), à parfaire en fonction de l'évolution du cours,
- fixer au passif de la société Pronergie la créance à échoir au titre de la sanction qui sera prononcée dans le cadre de la demande d'annulation de lots de CEE formulée par Copeo auprès du PNCEE le 3 novembre 2016, qui relève également de la garantie prévue à l'article II du contrat conclu entre les sociétés Bolloré Energy et Copeo le 30 mars 2011, soit :
749.314,42 euros (correspondant au coût, sur le marché officiel, au 10 décembre 2024, des 91049 990 KWh cumac de CEE dont l'annulation a été demandée), à parfaire en fonction de l'évolution du cours,
subsidiairement,
- ordonner la compensation judiciaire entre la créance échue de Bolloré Energy d'un montant de 10.148.458,67 euros, au titre de la sanction définitivement prononcée à son encontre le 7 octobre 2020 dans le cadre du contrôle notifié à Bolloré Energy le 11 juillet 2016 par le PNCEE, et l'éventuelle créance de Pronergie,
en tout état de cause,
- débouter le liquidateur de la société Pronergie de l'ensemble de ses demandes,
- condamner le liquidateur de la société Pronergie à la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont le recouvrement, pour ceux la concernant, sera poursuivi par la société 2H Avocats, prise en la personne de Me Audrey Schwab conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR,
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré ainsi qu'aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
I. Sur le bienfondé et la valeur de la restitution des CEE en exécution du contrat de cession du 15 avril 2016
20. La société Bolloré Energy entend, en premier lieu, voir infirmer le jugement en ce qu'il a retenu sa condamnation à payer la somme de 250.730,54 euros HT au titre du contrat de cession souscrit avec la société Copeo le 15 avril 2016.
21. Elle soutient, en application de l'article 1188 du code civil selon lequel 'le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes', que l'intention commune que les parties poursuivaient par ce contrat de cession était de protéger la société Bolloré Energy de tout risque de sanction susceptible d'être encourue à la suite des contrôles de non-conformité du PNCEE concernant des dossiers constitués et déposés par la société Copeo en exécution de leur contrat de redevance, et non seulement à l'issue du premier contrôle initié les 19 octobre et 23 novembre 2015 par le PNCEE, ce que par ailleurs la société Copeo a elle-même confirmé dans son courriel du 6 octobre 2016 dans lequel elle a préconisé à la société Bolloré Energy de former auprès du PNCEE une demande d'annulation des CEE attachés aux dossiers liés à la société éligible Xylem, assurant encore que 'cette opération n'aurait pas d'impact en terme de volume CEE, vous pourrez déduire le volume annulé des 190 GWh en attente de transfert'.
22. Toutefois, la recherche de la commune intention des parties, à droit constant avec l'article 1156 du code civil applicable au litige, ne saurait déroger aux clauses claires et précises du contrat suivant la prescription de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable, selon lequel :
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.
23. Et ainsi que les premiers juges l'ont exactement déduit des termes du contrat de cession rapportés au paragraphe 7 ci-dessus, les parties ont clairement et précisément restreint l'objet de la cession au volume des lots de CEE non transférés de 68,862 GWh cumac et 67,967 GWh cumac au prix unitaire de 1,3 ' HT pour la valeur fixée de 250.730,54 euros HT et qui faisaient l'objet du premier contrôle du PNCEE initié les 19 octobre et 23 novembre 2015.
24. Subsidiairement, la société Bolloré Energy oppose le comportement frauduleux de la société Copeo dans la constitution des dossiers de CEE qu'elle a déposés et que le PNCEE a relevé dans son instruction et ses décisions d'annulation des certificats qui ont suivi l'instruction de son second contrôle et au terme desquels elle a retenu la falsification de signatures de potentiels bénéficiaires ainsi que des fausses déclarations relatives aux dates de construction des bâtiments éligibles, à leur dimensionnement, à la valorisation de plusieurs fois les mêmes opérations d'économies et encore sur l'identité des bénéficiaires des travaux d'économies d'énergie.
25. Néanmoins, il ne peut être déduit outre ou contre la décision de conformité des lots rendu par le PNCEE le 31 mars 2017, la preuve de l'une ou l'autre des causes de fraudes rapportées pour d'autres lots de CEE à l'issue de son second contrôle, de sorte que le moyen sera écarté.
26. Le liquidateur de la société Pronergie entend pour sa part voir infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant dû par la société Bolloré Energy au titre du contrat de cession à 250.730,54 euros HT.
27. Et pour revendiquer la valorisation des 190.794.075 KWh cumac au jour de l'arrêt à intervenir, le liquidateur de la société Pronergie relève que la société Bolloré Energy a refusé de restituer les certificats et violé son obligation de notifier la décision de conformité du contrôle des échantillons de dossiers de certificat du 31 mars 2017 du PNCEE dans les conditions stipulées à l'article 3 du contrat de cession selon lesquelles :
'Le Volume ne sera facturé à l'Acheteur (Bolloré Energy ) qu'après la signification de la conformité par le PNCEE des lots 054208/19828 (pour un montant de 116.737.926 kWh cumac) et 064208/20044 (pour un montant de 89.054.944 kWh cumac), qui font actuellement l'objet d'un contrôle du PNCEE.
Dans le cadre du contrat en date du 31 mars 2011 qui a été résilié à effet du 31 décembre 2015, l'Acheteur notifiera au Vendeur (Copeo) la décision du PNCEE dans un délai maximal de quinze jours ouvrés à compter soit de la signification de conformité des lots, soit de la signification d'une pénalité financière et/ou toute autre sanction, ci-après la 'Notification''.
28. Alors que la société Bolloré Energy n'a pas acquitté ce prix, le liquidateur de la société Pronergie se prévaut encore de l'application de l'article 8 du contrat stipulant que :
'Si l'Acheteur, après la réalisation de ces conditions, ne procédait pas au Paiement du Prix selon les modalités définies par l'article 2 du présent Contrat, ou de la partie du Prix qui ne serait pas absorbée par la pénalité financière et/ou toute autre sanction, alors le Vendeur serait fondé à réclamer à l''Acheteur dédommagement au titre de l'absence de transfert à bonne date du Volume.'
29. Au demeurant ainsi que s'en prévaut subsidiairement la société Bolloré Energy, cet article 3 est complété à son alinéa 3 :
'Dans le cas où le PNCEE n'aurait pas fait connaître sa décision à l'Acheteur le 16 janvier 2017 à minuit, l'Acheteur et le Vendeur conviennent que l'Acheteur deviendra propriétaire du Volume le 31 janvier 2017 contre paiement du Prix, le Vendeur ayant toutefois la faculté de renoncer à céder le Volume à l'Acheteur sans aucune indemnisation de ce dernier. Cette faculté de renonciation pourra être exercée par le Vendeur à la condition d'en informer l'Acheteur par un avis écrit reçu au plus tard le 20 Janvier 2017.'
30. Et par ailleurs, l'article 8 précité est précédé d'un premier alinéa stipulant que :
'Il est expressément convenu que le Vendeur ne pourra en aucune façon rechercher l'Acheteur, en raison de l'absence de transfert du Volume dans le cadre du contrat du 31 mars 2011 et de ses deux avenants, dont l'existence a été relatée dans le Préambule, tant que les conditions visées à l'article 3 ci-dessus n'auront pas été réalisées.'
31. Alors qu'il est constant que le PNCEE n'a pas fait connaître sa décision sur la conformité des CEE le 16 janvier 2017, intervenue le 31 mars 2017, et que la société Copeo n'a pas exercé sa faculté de renoncer à céder le volume des Cumac contrôlés avant le 21 janvier 2017, elle n'était plus fondée à la revendiquer, de sorte que sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la preuve et la portée de la notification ultérieure de la décision du PNCEE, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté cette prétention et retenu la condamnation de la société Bolloré Energy à régler la somme de 250.730,54 euros HT.
II. Sur la garantie des certificats annulés par le PNCEE le 7 octobre 2020
32. Pour voir infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société Bolloré Energy en vertu de la décision du PNCEE du 7 octobre 2020 par laquelle il a annulé le volume de 1.105.730.580 kWh cumac 'classiques' détenu par la société Bolloré Energy et prononcé à l'encontre de cette dernière une amende administrative de 1.048.296 euros, le liquidateur de la société Pronergie dénie devoir cette garantie, en premier lieu, en raison de la résiliation du contrat de redevance que la société Bolloré Energy a dénoncée avec effet au 31 décembre 2015, et par conséquent avant la décision du PNCEE.
33. Le liquidateur relève en outre que le contrat ne stipule pas expressément que la garantie de la société Copeo produisait ses effets après la résiliation du contrat, à l'instar de la pratique des garanties d'actif et de passif et alors que les garanties ne peuvent être perpétuelles.
34. Cependant, le contrat de redevance stipule expressément que :
à l'article II.2 :
'Les C2E seront inscrits en compte, sous la responsabilité de Copeo qui s'engage :
1. A respecter intégralement les règles et décrets régissant le dispositif des C2E
2. A couvrir :
- Tout refus de dossier C2E pour raison de non-conformité avec la législation en vigueur. Un volume de C2E sera déposé pour couvrir la pénalité en résultant.
- Toutes amendes résultant des dossiers refusés, pour quelque raison que ce soit.
- Tous les frais afférents au fonctionnement du Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers. ».
(...)
Copeo disposera de l'ensemble des informations nécessaires à la gestion du Compte (liens à l'interface, codes, etc.), Bolloré Energy s'interdisant par avance d'interférer sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers, sauf à informer Copeo de tout message reçu concernant son fonctionnement.'
à l'article II.1 :
'Bolloré Energy s'engage à constituer un Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers sur EMMY dédié aux C2E générés par Copeo, qui en aura seul la libre et entière disposition et sans limite de volume. La prestation de service assurée par Copeo est la suivante :
o Conception d'un ou plusieurs plans d'action par Copeo
o Mise en 'uvre de ce plan d'action par Copeo
o Utilisation du réseau d'installateurs Copeo
o Dématérialisation, codification, archivage des Dossiers
o Dépôt des dossiers sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers ;'
à l'article II.1 :
'Les C2E seront inscrits en compte, sous la responsabilité de Copeo
Copeo disposera de l'ensemble des informations nécessaires à la gestion du Compte (liens à l'interface, codes, etc.), Bolloré Energy s'interdisant par avance d'interférer sur le Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers, sauf à informer Copeo de tout message reçu concernant son fonctionnement'
à l'article III :
'Copeo aura la charge exclusive de créer les Dossiers de demande de Certificat d'Economie d'Energie à partir du Profil Utilisateur Accès limité au rôle de responsable de Dossiers qui lui sera dédié par Bolloré Energy.'
à l'article I :
'Le mandant [Bolloré Energy] donne tous pouvoirs au mandataire à l'effet de, en son nom et pour son compte :
Accéder en toute circonstance à l'interface logicielle et aux comptes Emmy de Bolloré Energy, dans un limité en responsabilité de dossier,
Faire usage du sous-compte Emmy numéro 0642OB ouvert au nom de Bolloré Energy,
Déposer et transférer les C2E inscrits en compte,
Gérer et organiser toute la partie administrative de la constitution des C2E,
Gérer les demandes de complément et toute demande d'information ou de documents émanant du PNC2E, quelle que soit sa nature.
Le mandataire [Copeo] accomplira tout acte, signera tout document, et plus généralement entreprendra toute démarche nécessaire en vue de l'exécution de sa mission.
(...)
Le présent mandat n'est que l'accessoire du Contrat qui lie les Parties, et ne modifie aucune disposition du Contrat. Il est néanmoins précisé et le cas échéant rappelé que le présent mandat sera exécuté par Copeo sans possibilité de délégation et sous sa responsabilité exclusive.'
35. Il résulte de ces stipulations que la société Copeo était tenue à garantir les conséquences de ses inexécutions dans la constitution des dossiers de CEE et de leur enregistrement pour le compte de la société Bolloré Energy jusqu'au terme du contrat et dont la validité était subordonnée au contrôle du PNCEE dans la limite de la durée de contrôle des certificats de 6 ans.
36. D'autre part, le droit régissant la propriété et le transfert des certificats d'économies d'énergie est étranger dans sa nature et son régime à celui qui régit la garantie de passif applicable au transfert des sociétés.
37. En second lieu, le liquidateur de la société Pronergie prétend que la société Bolloré Energy a manqué à son devoir de loyauté pour n'avoir pas exercé à l'encontre de la décision du PNCEE un pourvoi devant le Conseil d'Etat.
38. Néanmoins, le liquidateur de la société Pronergie n'invoque aucun moyen sérieux ou pertinent propre à contester les motifs et la décision du PNCEE, de sorte que la chance de voir celle-ci cassée n'est pas réaliste et n'est par conséquent pas de nature à caractériser un comportement déloyal.
39. Enfin, il est constant que les lots de certificats annulés par le PNCEE ont été constitués et enregistrés par la société Copeo avant le terme du contrat de redevance, de sorte que la société Copeo devait garantir les conséquences de leur irrégularité ainsi que les premiers juges l'ont dûment retenu.
40. Le jugement sera aussi confirmé de ce chef.
III. Sur la contrepartie des CEE constitués par la société Xylem
41. La société Bolloré Energy entend voir infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à voir fixer au passif de la société Pronergie la somme, actualisée à hauteur d'appel et au 10 décembre 2024, de 749.314,42 euros représentant le volume de 91.049.990 KWh cumac correspondant aux dossiers de certificats de la société Xylem que la société Copeo a constitués et déposés, dont elle a indiqué dans son courriel du 6 octobre 2016 qu'ils n'étaient pas conformes à la réglementation, et pour lesquels elle a adressé à la direction générale de l'énergie et du climat une demande d'annulation par courriel du 12 novembre 2016 (et non du 3 novembre 2016 - Pièce n°6 de la société Pronergie)
42. Néanmoins, en l'état des productions des parties, la société Bolloré Energy n'établit pas la preuve qu'elle a saisi le PNCEE d'une demande d'annulation de ces lots, ni que le PNCEE en a annulé la délivrance, et tandis qu'en sa qualité d'obligé, la société Bolloré Energy était seule investie par le code de l'énergie du pouvoir de saisir le PNCEE d'une contestation en annulation de ces certificats, et que d'autre part, la période de contrôle de ces lots par le PNCEE est écoulée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
IV. Sur les dépens et les frais irrépétibles
43. Le liquidateur de la société Pronergie succombant partiellement à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a tranché sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, il sera condamné aux dépens mais il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties les frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société ML Conseils et M. [L] [Y] en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société Pronergie aux dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
LAISSE à chacune des parties les frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE POUR
LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ