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Décisions

CA Nancy, 1re ch., 31 mars 2025, n° 24/00905

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Frouard Automobiles (SARL)

Défendeur :

Frouard Automobiles (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cunin-Weber

Conseiller :

M. Firon

Avocats :

Me Buisson, SCP Gasse Carnel Gasse Taesch Lederle

TJ Nancy, du 2 avr. 2024, n° 22/00639

2 avril 2024

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 27 avril 2018, Monsieur [V] [W] a fait l'acquisition auprès de la SARL Frouard automobiles d'un véhicule d'occasion de marque Citroën modèle DS5 1.6 HDI, mis en circulation le 29 janvier 2013 avec un kilométrage de 89383, moyennant le prix de 13490 euros incluant le coût de la carte grise et une garantie contractuelle.

Ayant détecté au début du mois de mars 2021 une anomalie au niveau du bas de caisse gauche avec un décollement de l'enjoliveur de bas de caisse, Monsieur [W] a, par courrier du 20 mars 2021, fait valoir l'existence d'un vice caché auprès de la SARL Frouard automobiles et a demandé le remboursement du prix de vente.

Par courrier en réponse du 29 mars 2021, la SARL Frouard automobiles s'est opposée à cette demande et a proposé un examen contradictoire du véhicule.

Le 23 septembre 2021, une expertise amiable a été diligentée par le cabinet expertise et concept à la demande de la SARL Frouard automobiles et un rapport technique a été établi le 14 décembre 2021, excluant toute responsabilité de cette dernière.

Par acte du 17 février 2022, Monsieur [W] a fait assigner la SARL Frouard automobiles devant le tribunal judiciaire de Nancy en résolution de la vente.

Par jugement contradictoire du 2 avril 2024, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- débouté Monsieur [W] de sa demande en résolution de la vente du 27 avril 2018 conclue auprès de la SARL Frouard automobiles,

- débouté en conséquence, Monsieur [W] de sa demande en remboursement du prix de vente de 13490 euros,

- débouté Monsieur [W] de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SARL Frouard automobiles de sa demande reconventionnelle formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [V] [W] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que les parties au litige ont assisté aux opérations d'expertise, de sorte que le rapport technique du 14 décembre 2021 est opposable à ces dernières, ce que celles-ci ne contestent pas, et revêt un caractère contradictoire envers les deux parties.

Ensuite, le juge a constaté que selon le rapport d'expertise un sinistre antérieur à la vente survenu en 2016 a impacté le latéral du véhicule ce qui justifie de retenir l'existence de présomptions sérieuses que la déformation actuelle du bas de caisse gauche était effective à cette période ; le sinistre a été suivi d'une réparation sommaire non conforme aux règles de l'art.

Dès lors, il a constaté l'antériorité à la vente de ce défaut mais relevé qu'entre la date d'acquisition du véhicule, le 27 avril 2018 et la date d'expertise, le 14 décembre 2021, Monsieur [W] a parcouru plus de 47000 km ; dès lors la déformation du bas de caisse ne rend pas le véhicule impropre à sa destination et ne diminue pas non plus l'usage du véhicule ; de plus il peut être aisément remédié à ce défaut par une réparation d'un montant de 1351,42 euros.

Dès lors, le tribunal a considéré que les conditions relatives à la garantie des vices cachés ne sont pas rapportées par Monsieur [W].

En conséquence, il a débouté Monsieur [W] de sa demande de résolution et de sa demande subséquente en remboursement du prix de vente.

Il a enfin relevé qu'il n'était pas saisi par la SARL Frouard automobiles d'une demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive, bien qu'une telle demande figure aux motifs de ses conclusions mais non reprise au dispositif desdites conclusions.

Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 7 mai 2024, Monsieur [W] a relevé appel de ce jugement.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 14 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [W] demande à la cour, sur le fondement des articles 1103, 1104, 1130, 1137, 1641 et 1644 du code civil, de :

- infirmer le jugement du 2 avril 2024,

- dire et juger la demande de Monsieur [W] recevable et bien fondée,

En conséquence,

A titre principal,

- constater l'existence d'un vice caché,

- prononcer la résolution de la vente intervenue le 27 avril 2018, le vice n'ayant été détecté qu'à la suite de la production du rapport d'expertise en décembre 2021 et concernant la vente du véhicule automobile DS5 au prix de 13490 euros,

- condamner la SARL Frouard automobiles à rembourser à Monsieur [W] ladite somme de 13490 euros au principal avec les intérêts de droit à compter du jour de la demande,

A titre subsidiaire,

- prononcer la nullité de la vente intervenue le 27 avril 2018 pour réticence dolosive et déloyauté contractuelle, suite à la rétention de l'existence d'un accident antérieur, information portée à la connaissance de l'acquéreur lors des opérations d'expertise de septembre 2021 ayant donné lieu à un rapport communiqué en décembre 2021,

- condamner la SARL Frouard automobiles à rembourser la somme de 13490 euros en principal avec les intérêts de droit à compter de la demande,

A titre infiniment subsidiaire,

- ordonner une expertise avec la mission ci-dessous détaillée :

- prendre connaissance des pièces du dossier,

- consulter les sites permettant de connaître les mutations, les sinistres et les PV de contrôle technique afférents au véhicule depuis la cession du 6 février 2013 à un particulier jusqu'au contrôle technique du 6 juin 2020,

- obtenir les photos et le rapport d'expertise ayant trait au sinistre du 19 octobre 2016,

- examiner le véhicule litigieux et donner son avis sur la déformation du bas de caisse et les autres dégâts listés dans le rapport amiable,

- dire si cette déformation est en lien avec le sinistre du 19 octobre 2016,

- chiffrer le coût de la remise en état du véhicule,

- surseoir à statuer sur les demandes dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert,

En tout état de cause,

- donner acte à Monsieur [W] de ce qu'il s'engage à restituer le véhicule automobile, une fois le remboursement du prix intervenu,

- ordonner à Monsieur [W] (sic) de reprendre possession dudit véhicule au domicile du concluant et à ses frais,

- condamner la SARL Frouard automobiles à payer à Monsieur [W] la somme de 3500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 11 septembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Frouard automobiles demande à la cour, sur le fondement des articles 1112-1, 1137, 1641 et 1644 du code civil, de :

- déclarer Monsieur [W] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter,

- confirmer le jugement du 2 avril 2024 en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [W] de sa demande en résolution de la vente du 27 avril 2018 conclue auprès de la SARL Frouard automobiles,

- débouté en conséquence Monsieur [W] de sa demande de remboursement du prix de vente de 13490 euros,

- débouté Monsieur [W] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [W] aux dépens,

- débouter Monsieur [W] de sa demande de la nullité de la vente intervenue le 27 avril 2018 pour réticence dolosive et déloyauté contractuelle,

- débouter Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes additionnelles, ainsi que toutes fins, causes, ou conclusions contraires,

- condamner Monsieur [W] à payer la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive et injustifiée,

- condamner Monsieur [W] à payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [W] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 12 novembre 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée le 27 janvier 2025 et le délibéré au 31 mars 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par Monsieur [V] [W] le 14 octobre 2024 et par la SARL Frouard automobiles le 11 septembre 2024 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 12 novembre 2024 ;

Sur le bien fondé de l'appel

A l'appui de son recours Monsieur [W] indique qu'il a provoqué une expertise amiable à la suite de la découverte, en mars 2021 d'une anomalie du bas de caisse gauche (décollement) au cours de laquelle l'expert a mis en lumière l'existence d'une déformation significative du bas de caisse gauche, l'intervention sur celle-ci par la mise en peinture et la déformation des plaques de protection du plancher gauche, et sous le pare-choc, selon rapport du 21 décembre 2021 ;

il indique que ces défauts sont antérieurs à la vente ce qui justifie sa demande de résolution de la vente au visa des articles 1641 et suivants du code civil ; il ajoute qu'une présomption de connaissance des vices pèse sur le vendeur professionnel ;

Subsidiairement, il sollicite la nullité du contrat de vente pour réticence dolosive, étant précisé que s'il avait connu les vices sus énoncés, il n'aurait pas fait l'acquisition de ce véhicule ou dans d'autres conditions ;

Plus subsidiairement encore, il réclame l'organisation d'une expertise judiciaire ;

En réponse, la société Frouard Automobiles indique que lors de la découverte en avril 2018 par Monsieur [W], de l'anomalie affectant le bas de caisse du véhicule qu'elle lui avait vendu, elle a effectivement constaté un enfoncement sommairement réparé, qui n'aurait pas pu échapper à sa vigilance s'il était présent au moment de cette transaction ; elle ajoute que ce défaut ne rend pas le véhicule impropre à son usage ; elle a fait expertiser le véhicule par un expert amiable qui a déposé son rapport le 14 décembre 2021, lequel précise que l'origine de la déformation et son antériorité à la vente ne peuvent être affirmées ; elle indique enfin que dans une démarche commerciale, elle lui avait proposé de procéder à la reprise du véhicule à un prix qu'elle estime raisonnable (pièce 4 intimée - lettre du 24 mars 2022) ;

Enfin s'agissant de la demande de nullité de la vente, elle conteste tout dol en ce que, à l'occasion de la vente, elle n'a pas dissimulé intentionnellement une information dont elle avait connaissance et qu'elle savait déterminante pour l'acheteur ; elle conteste enfin, avoir connu l'existence d'un sinistre avant la vente ;

En vertu de l'article 1641 du code civil, 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.

Pour que l'appelant puisse invoquer la garantie des vices cachés, il doit rapporter la preuve de l'existence d'un vice caché, ce qui suppose la démonstration de quatre éléments.

Il est tout d'abord nécessaire d'établir l'existence d'un vice ; en l'espèce, il résulte des développements précédents et des pièces produites, la preuve de l'existence de désordres affectant le bas de caisse gauche du véhicule qu'il a acquis auprès de la société intimée ;

Il est ensuite nécessaire de démontrer que le vice était caché ; cette condition découle de l'article 1641 et 1642 du même code ; ce dernier indique que 'Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même' l'appréciation du caractère occulte du vice doit être faite en fonction des connaissances que devait avoir l'acquéreur ;

L'acheteur doit en outre démontrer que le vice atteint un degré suffisant de gravité ; ainsi l'article 1641 du code civil exige que les vices rendent la chose 'impropre à l'usage auquel on la destine, ou diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus' ; il n'est donc pas exigé que la chose soit inutilisable, mais seulement que l'acquéreur ne l'aurait pas acquise à ce prix s'il en avait eu connaissance ;

Enfin, selon l'interprétation donnée du texte, il est exigé que le vice caché soit antérieur à la vente ;

En l'espèce, le seul élément probant sur lequel se fonde l'appelant est une expertise amiable certes contradictoire, réalisée le 23 septembre 2021, dans les locaux de l'intimée, qui en outre, conclut à l'absence de preuve de la préexistence du vice à la vente du véhicule (pièces n°2 et 3 appelant) ;

Or il est constant que la preuve d'un fait ne peut être fondée uniquement sur un rapport amiable, lorsqu'il n'est pas corroboré par d'autres éléments probants ; tel n'est pas le cas de la facture de vente du véhicule ou de son évaluation produite par Monsieur [W], qui dès lors ne démontre pas l'existence d'un vice, non visible, préexistant à la vente, d'une gravité telle qu'il n'aurait pas acquis le véhicule s'il l'avait connu ou alors, à d'autres conditions ;

En conséquence le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande portant sur la garantie des vices cachés ;

Aucune preuve n'est par ailleurs produite par l'appelant, de nature à fonder sa demande de nullité du contrat de vente du véhicule en litige ;

Enfin, au visa de l'article 146 du code de procédure civile, il n'appartient pas à la juridiction saisie de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve qui pèse sur eux, en ordonnant une expertise judiciaire ; la demande de Monsieur [W] sur ce point sera rejetée ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La société intimée, qui a procédé à une vente d'un véhicule d'occasion sur lequel des réparations insatisfaisantes ont été constatées après la vente par l'acquéreur, ne démontre pas en quoi la saisine d'une juridiction en vue de mettre à néant cette vente serait abusive ; dès lors la demande de dommages et intérêts formée par l'intimé contre l'appelant sur ce fondement, sera rejetée ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Monsieur [V] [W], partie perdante, devra supporter les dépens.

En revanche l'équité ne requiert pas de faire droit à la demande de la société Frouard Automobiles fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, celle formée par l'appelant qui succombe étant par ailleurs, rejetée ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Déboute la société Frouard Automobiles de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Déboute la société Frouard Automobiles de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Monsieur [V] [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [V] [W] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par

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