CA Lyon, 1re ch. civ. B, 1 avril 2025, n° 22/07629
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Abeille IARD & Santé (Sté)
Défendeur :
Icar (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gonzalez
Conseillers :
Mme Lemoine, Mme Lecharny
Avocats :
Me Content, Me Juveneton, Me de Boysson, Me Cerveau-Colliard
EXPOSE DU LITIGE
Le 5 avril 2019, Mme [I], conductrice VTC, a acquis un véhicule de marque Peugeot 3008 Hybrid 4 auprès de M. [X], exerçant sous l'enseigne Auto chrono, pour une somme de 8.900 euros.
Avant la vente, M. [X] a remplacé le kit de distribution.
Dans les jours qui ont suivi la vente, Mme [I] a entendu un bruit qui lui semblait provenir du moteur. Le 30 avril 2019, elle a confié son véhicule à la société Icar aux fins de déterminer l'origine du bruit moteur qu'elle entendait.
La société Icar n'ayant détecté aucun bruit suspect, le véhicule a été restitué en l'état.
Le 6 juin 2019, le véhicule est tombé en panne.
Celui-ci a été confié au garage Barbier Peugeot, qui a constaté que des morceaux de courroie de distribution sortaient du carter de distribution et que le moteur thermique était bloqué.
Une expertise non judiciaire contradictoire a été organisée, en présence de la société Icar, de Mme [I], et de leurs experts techniques respectifs, ainsi que l'expert technique de la société Aviva devenue Abeille (l'assureur), assureur de M. [X].
Par acte du 3 décembre 2019, Mme [I] a sollicité en référé que soit ordonnée une expertise de son véhicule.
Par ordonnance du 28 janvier 2020, le président du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a ordonné une mesure d'expertise judiciaire.
Le rapport a été déposé le 16 octobre 2020.
Par actes introductif d'instance des 22 et 30 décembre 2020 et 12 mars 2021, Mme [I] a assigné M. [X], l'assureur et la société Icar devant le tribunal judiciaire de Saint Etienne.
Par jugement contradictoire du 11 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :
- prononcé la résolution de la vente intervenue le 5 avril 2019 entre Mme [I] et M. [X] relativement au véhicule Peugeot 3008 Hybrid 4,
- condamné M. [X] à restituer le prix de vente perçu du véhicule, soit la somme de 8.900 euros, contre restitution du véhicule, outre intérêt au taux légal à compter de l'assignation au fond.
- condamné in solidum M. [X], l'assureur et la société Icar au règlement des sommes suivantes :
- les frais d'assurance du véhicule à compter 6 juin 2019 : 3.453,93 euros TTC,
- les frais de location de véhicule de remplacement : 30 euros TTC,
- les frais de dépannage du véhicule de 55,43 euros TTC,
- les frais de gardiennage de la voiture à compter du 6 juin 2019 : 2.640 euros TTC,
- la perte d'exploitation de 18.000 euros,
- les frais de dépose partielle du haut moteur et de la distribution : 461,23 euros TTC,
- les frais d'expertise de la société d'expertise et de services : 3.699,18 euros TTC,
- dit que M. [X], l'assureur et la société Icar pourront exercer un recours l'un contre l'autre pour toute somme payée par eux excédant la moitié des dommages et intérêts susvisés,
- condamné in solidum M. [X], l'assureur et la société Icar au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leur demande,
- condamné in solidum M. [X], l'assurance et la société Icar aux entiers dépens d'instance, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 1.948,41 euros TTC.
Par déclaration du 17 novembre 2022, l'assureur a interjeté appel.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 30 août 2023, l'assureur demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a condamné in solidum à indemniser Mme [I],
- a condamné les parties in solidum à indemniser Mme [I] pour sa perte d'exploitation,
- en conséquence la mettre hors de cause,
- condamner M. [X] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
***
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 19 mars 2024, Mme [I] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
prononcé la résolution de la vente intervenue le 5 avril 2019 entre elle et M. [X] relativement au véhicule Peugeot 3008 Hybrid 4,
condamné en conséquence M. [X] à restituer le prix de vente perçu du véhicule, soit la somme de 8.900 euros, outre intérêt au taux légal à compter de l'assignation au fond, contre restitution du véhicule par la concluante,
retenu la garantie de l'assurance,
retenu la responsabilité de la société Icar,
condamné in solidum M. [X], la société Icar et l'assurance au règlement des sommes suivantes :
3.453,93 euros TTC au titre des frais d'assurance du véhicule à compter du 6 juin 2019, actualisés et arrêtés au 16 janvier 2023 à 6.632,79 euros TTC,
30 euros TTC au titre des frais de location de véhicule de remplacement au 7 juin 2019
55,43 euros TTC au titre des frais de dépannage du véhicule suivant facture du garage Depannage Chapuis du 6 juin 2019,
2.640 euros TTC au titre des frais de gardiennage de la voiture depuis le 6 juin 2019 suivant facture du garage Chopard du 16 janvier 2023,
461,23 euros TTC au titre des frais de dépose partielle du haut moteur et de la distribution suivant facture du garage Barbier du 18 novembre 2019,
3.699,18 euros TTC au titre des frais de la société d'expertise et de services,
18.000 euros au titre de la perte d'exploitation,
2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 1.948, 41euros TTC.
- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :
rejeté sa demande tendant à la réparation de son préjudice de jouissance,
limité à 3.453,93 euros le montant des frais d'assurance,
limité à 18.000 euros le montant de son préjudice d'exploitation,
limité à 2.000 euros l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau,
- condamner in solidum M. [X], la société Icar et l'assureur au règlement des sommes suivantes :
11.739,10 euros au titre du préjudice de jouissance évalué à 8,90 euros par jour, du 6 juin 2019 jusqu'au jour de restitution du véhicule à M. [X], le 16 janvier 2023 (1319 jours),
6.632,79 euros TTC au titre des frais d'assurance actualisés au 16 janvier 2023,
141.571,48 euros au titre de la perte d'exploitation,
7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,
- condamner in solidum M. [X], la société Icar et l'assureur au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel,
- condamner in solidum M. [X], la société Icar et l'assureur aux entiers dépens de la présente instance d'appel,
- rejeter en tout état de cause l'ensemble des demandes contraires de M. [X], de la société Icar et de l'assureur en principal, intérêts, frais et accessoires.
***
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 12 février 2024, M. [X] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 11 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente sur le fondement de la délivrance conforme,
- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes,
Subsidiairement
- infirmer le jugement rendu le 11 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en ce qu'il a condamné les parties défenderesses à indemniser Mme [I] des préjudices suivants :
- frais d'assurance
- frais de gardiennage
- frais de dépose partielle du haut moteur
- perte d'exploitation
- frais d'expertise technique
Statuant à nouveau,
- rejeter ces demandes indemnitaires,
Plus subsidiairement,
- infirmer le jugement rendu le 11 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en ce qu'il a fixé sa contribution et celle de son assureur d'une part et de la société Icar d'autre part par moitié,
Statuant à nouveau
- condamner la société Icar, compte tenu de sa défaillance dans la réalisation de son diagnostic, à l'indemniser de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
En tout état de cause
- rejetant toute demande contraire, condamner l'assurance à le relever indemne,
- condamner qui mieux le devra de la société Icar ou de l'assurance à lui payer à la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile valant tant pour la première instance que l'appel,
- condamner qui mieux le devra de la société Icar ou de l'assurance en tous les dépens de première instance et d'appel avec application, au profit du cabinet Benoit de Boysson, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
***
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 7 mars 2024, la société Icar demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Etienne du 11 octobre 2022 en ce qu'il:
a prononcé la résolution de la vente
a condamné M. [X] à restituer le prix de vente
l'a condamné in solidum avec M. [X] et l'assurance au règlement des sommes suivantes :
* 30 euros au titre de la location de remplacement,
* 55,43 au titre du dépannage,
* 2.640 euros au titre du gardiennage,
* 461,23 euros au titre de la dépose partielle du haut moteur,
- dit que ces parties auront un recours entre elles pour tout payement au-delà de la moitié des dommages et intérêts,
Pour le surplus, statuant à nouveau,
- débouter Mme [I] des condamnations obtenues à hauteur de :
- 3.453,93 euros au titre de l'assurance,
- 18.000 euros au titre de la perte d'exploitation,
- 3.699,18 euros au titre des frais d'expertise technique,
- fixer la perte d'exploitation liée à l'immobilisation du véhicule de Mme [I] à la somme de 12.000 euros,
En toute hypothèse,
- débouter l'assurance, M. [X] et Mme [I] de toute autre demande dirigée à son encontre,
- condamner l'assurance ou qui mieux le devra à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile,
- condamner l'assurance ou qui mieux le devra aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la résolution de la vente
Mme [I] fait notamment valoir que:
- l'expert judiciaire a relevé que la courroie de distribution a été mal positionnée par M. [X], vendeur professionnel, lors de son remplacement et qu'il n'a pas correctement examiné le moteur,
- la résolution de la vente doit être ordonnée, le véhicule ne pouvant être utilisé normalement,
- il convient d'ordonner la restitution du véhicule contre le remboursement du prix.
M. [X] fait notamment valoir que:
- il exerçait sous l'enseigne Auto Chrono une activité de commerce de véhicules neufs et d'occasion, de réparation et entretien de véhicules et il a accepté de procéder gracieusement au remplacement du kit de distribution à la demande de Mme [I] avant la vente du véhicule,
- Mme [I] invoque à la fois une non-conformité et un vice caché, alors que les fondements sont exclusifs l'un de l'autre, de sorte que ses demandes doivent être rejetées,
- Mme [I] se plaignant d'un défaut sur le kit de distribution, la non-conformité ne peut être invoquée,
- il s'en remet à l'appréciation de la cour sur l'annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Réponse de la cour
Selon l'article 1604 du code civil, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
Selon l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
L'article 1642 du même code précise que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.
Dans ces cas, l'article 1644 dispose que l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.
En l'espèce, l'acquéreur sollicite la résolution de la vente tant sur le fondement de la non-conformité du véhicule que sur celui de la garantie des vices cachés.
L'obligation de délivrance consiste à mettre à la disposition de l'acheteur une chose conforme à ce que les parties avaient contractuellement prévu, le défaut de conformité constituant ainsi une différence entre la chose promise et la chose remise. Le domaine de cette obligation se distingue donc de celui de la garantie contre les vices cachés, laquelle concerne une malfaçon, une avarie ou une défectuosité de la chose vendue.
En l'espèce, l'expert judiciaire a indiqué que le moteur du véhicule était bloqué en raison d'une défectuosité de la courroie de distribution qui a été mal positionnée.
Compte tenu de la nature de cette anomalie, seule la garantie contre les vices cachés de la chose vendue peut fonder la demande de résolution.
Cependant, la circonstance que l'acquéreur ait également invoqué la non-conformité ne saurait, à elle seule, entraîner le rejet de sa demande.
Il résulte des textes précités que l'acquéreur doit rapporter la preuve d'un vice existant antérieurement à la vente, dont il n'avait pas connaissance, non-apparent, qui compromet l'usage normal de la chose, à savoir l'aptitude du véhicule à circuler en sécurité.
En l'espèce, le vendeur reconnaît qu'il a procédé au remplacement du kit de distribution du véhicule avant la vente du véhicule.
Or, l'expert, dont les conclusions ne sont pas contredites par le vendeur, attribue la panne du véhicule au fait que le tendeur de la courroie de distribution a été mal positionné lors de son remplacement en avril 2019.
Par ailleurs, il est constant que l'acquéreur n'avait pas connaissance de ce vice, qui n'était pas apparent, puisque précisément il avait donné mission au vendeur de le remplacer.
En outre, cette anomalie compromet l'usage normal de la chose puisque le véhicule ne peut plus rouler sans une remise en état du moteur dont la réparation a été estimée par l'expert à la somme de 5.281,32 euros au vu du devis qui lui a été transmis par le garage Barbier.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement, en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, condamné M. [X] à payer à Mme [I] la somme de 8.900 euros au titre de la restitution du prix et condamné cette dernière à lui restituer le véhicule.
2. Sur les responsabilités de la société Icar et du vendeur
Mme [I] fait notamment valoir que:
- le garagiste est tenu à une obligation de résultat dans les réparations et diagnostics qu'il opère sur un véhicule,
- la société Icar a failli dans cette obligation, de sorte que sa responsabilité est entière et elle doit être condamnée in solidum avec les autres parties, en ce y compris le prix d'acquisition du véhicule.
M. [X] fait notamment valoir que:
- il lui est uniquement reproché par l'expert d'avoir trop serré le galet tendeur, ce qu'il reconnaît, alors que la société Icar, qui a procédé par deux fois à un diagnostic de recherche de panne, n'a procédé à aucune vérification du kit de distribution et a été défaillant,
- c'est en raison de la faute de la société Icar, qui avait été alertée d'une possible défaillance de la courroie, que le blocage du moteur est survenu,
- sa faute n'a créé un préjudice que parce que la société Icar, tenue d'une obligation de résultat, s'est montrée défaillante, de sorte que c'est cette seconde faute qui soit supporter la causalité,
- il doit être relevé et garanti par la société Icar de l'ensemble des condamnations mises à sa charge.
La société Icar fait notamment valoir que:
- elle reconnaît ne pas avoir trouvé l'origine du bruit et ne pas avoir procédé à la réparation du véhicule,
- le sinistre trouve son origine dans le remplacement de la courroie de distribution effectué incorrectement par M. [X],
- sans la faute de M. [X] dans le changement de la courroie de distribution, le véhicule ne serait pas tombé en panne,
- le vice caché est antérieur à la vente du véhicule et directement imputable à M. [X], professionnel de l'automobile,
- elle ne saurait être tenue de l'indemniser à hauteur de toute condamnation et il convient de retenir un partage de responsabilité à parts égales entre elle et M. [X], ainsi qu'il a été retenu en première instance, étant précisé que sa condamnation ne peut porter sur la restitution du prix.
Réponse de la cour
Sur la responsabilité du vendeur
Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
Le vendeur professionnel est présumé irréfragablement avoir connaissance des vices de la chose.
En l'espèce, M. [X], qui exerce sous l'enseigne Auto chrono, est un vendeur professionnel de véhicules.
Il reconnaît avoir procédé incorrectement au remplacement de la courroie de distribution à l'origine de la panne.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le vendeur était tenu de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner si sans la faute du garagiste, le moteur ne se serait pas bloqué.
Sur la responsabilité du garagiste
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1231-1 du code civil ont retenu que:
- le garagiste auquel est confié la réparation d'un véhicule est tenu d'une obligation de résultat, laquelle emporte présomption de faute et présomption de lien de causalité entre la faute et le dommage,
- le garagiste qui intervient sur un véhicule est tenu de le restituer en état de marche correct et à défaut, il doit supporter le coût de sa mise en conformité,
- l'expert judiciaire a retenu que le garagiste n'avait pas examiné correctement le moteur du véhicule malgré les informations qui lui avaient été communiquées sur le bruit et le remplacement récent de la courroie, de sorte qu'il porte une responsabilité dans l'origine des désordres.
La cour ajoute que le garagiste reconnaît expressément en appel son erreur de diagnostic de la panne.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'entière responsabilité du garagiste envers l'acheteur.
Par ailleurs, toute victime d'un dommage pouvant bénéficier d'une condamnation in solidum des auteurs de ce dommage dès lors que chacun d'eux a participé à sa survenance, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que Mme [I] était fondée à obtenir la condamnation in solidum de M. [X] et de la société Icar pour l'intégralité du préjudice subi, à l'exclusion du prix de vente, lequel ne constitue au demeurant pas l'indemnisation d'un préjudice et reste à la charge exclusive du vendeur.
3. Sur la garantie de l'assureur
L'assureur fait notamment valoir que:
- au titre de son activité professionnelle de vendeur/réparateur, M. [X] était assuré pour sa responsabilité civile professionnelle, le contrat prévoyant que sont notamment exclus de la garantie, « les dommages subis par le véhicule vendu par vous-même résultant d'un vice caché de réparation ou de modifications antérieures à la vente »
et, par voie de conséquence, que seuls les dommages corporels matériels et immatériels consécutifs à un dommage garanti sont couverts,
- la réclamation de Mme [I] fait suite à la vente du véhicule et porte sur les dommages consécutifs subis par le véhicule lui-même pour lequel la garantie n'est pas acquise, s'agissant de dommages immatériels consécutifs à un dommage non garanti,
- la garantie n'est pas mobilisable car la réclamation trouve son origine dans la vente du véhicule.
M. [X] et la société Icar font notamment valoir que:
- la police d'assurance prévoit que sont garanties les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile « du fait des dommages corporels, matériels et immatériels, consécutifs à un dommage garanti causé aux tiers survenus après travaux ou livraison lorsqu'ils proviennent », notamment, « du vice caché d'un véhicule vendu par vous » et que « la garantie s'applique aussi aux dommages subis par les véhicules ayant fait l'objet de travaux (entretien, équipement, réparations, montage, transformation) »,
- la garantie est étendue « aux dommages immatériels consécutifs à l'immobilisation d'un véhicule occasionné par une détérioration, une destruction d'une partie du véhicule ayant fait l'objet des travaux ou de la réparation »,
- les dommages immatériels réclamés par Mme [I] sont survenus après la livraison et trouvent leur origine dans une malfaçon commise lors des travaux, de sorte que la garantie de l'assureur est acquise,
- la garantie « dommages survenus après livraison » de la police ne distingue pas, ainsi que l'affirme l'assureur, selon qu'elle concerne un garagiste réparateur ou la vente d'un véhicule,
- il convient donc de confirmer le jugement l'ayant condamné à garantir les conséquences pécuniaires de sa responsabilité, à l'exclusion du prix de vente.
Mme [I] fait notamment valoir que:
- la garantie est due pour les dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers, survenus après la livraison, lorsqu'ils résultent d'une faute professionnelle ou d'un vice caché,
- M. [X], qui a changé la courroie de distribution en positionnant mal le tendeur, a engagé sa responsabilité.
Réponse de la cour
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges, après avoir rappelé le chapitre 4 des conditions générales de la police d'assurance relatif aux « dommages causés par votre activité », ainsi que les exclusions propres à cette garantie « dommages survenus après livraison » ont retenu que:
- l'assureur garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de son assuré du fait des dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs à un dommage garanti causé aux tiers, y compris à ses clients, survenus après travaux ou livraison, lorsqu'ils proviennent d'une faute professionnelle commise lors de travaux ou du vice caché d'un véhicule vendu par l'assuré, de pièces ou d'accessoires qu'il a livrés,
- la garantie s'applique aussi aux dommages subis par les véhicules ayant fait l'objet de travaux (entretien, équipement, réparations, montage, transformation),
- la garantie est étendue aux dommages immatériels consécutifs à l'immobilisation d'un véhicule occasionné par une détérioration, une destruction d'une partie du véhicule ayant fait l'objet des travaux ou de la réparation.
La cour ajoute que la garantie « dommages survenus après livraison » de la police ne distingue pas, contrairement à ce qu'affirme l'assureur, selon qu'elle concerne un garagiste réparateur ou la vente d'un véhicule, mais selon que la réclamation concerne ou non un tiers, en particulier un client, auquel cas la garantie est applicable.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que l'assureur doit sa garantie pour tous les frais et dommages-intérêts dus par M. [X] à Mme [I], à l'exclusion de la restitution du prix.
4.Sur la réparation des préjudices
Mme [I] fait notamment valoir que:
- les frais d'assurance qu'elle a exposés du 6 juin 2019 au 16 janvier 2023, date de restitution du véhicule au vendeur, à hauteur de la somme de 6 632,79 euros, sont des frais obligatoires, même en cas de panne du véhicule, dont elle ne pouvait s'exonérer et qui doivent lui être remboursés,
- les frais de location d'un véhicule le 7 juin 2019 doivent lui être remboursés,
- le préjudice d'exploitation doit être indemnisé car le véhicule était nécessaire à son activité professionnelle,
- du 12 avril au 7 juin 2019, elle a perçu un revenu net de 6 221,40 euros, de sorte que sur une année, elle aurait dû percevoir la somme de 36 458,32 euros, si l'on tient compte des charges, soit un manque à gagner de 141 571,48 euros jusqu'en 2024,
- elle n'avait aucune autre source de revenu décent et son activité de chauffeur VTC était sa seule profession,
- elle doit être remboursée des frais d'expertise judiciaire et des frais d'expertise amiable,
- elle doit être remboursée des frais de dépose du haut moteur et de la distribution, qui était obligatoire pour le diagnostic de la panne,
- elle doit être remboursée des frais de gardiennage du 6 juin 2019 au 16 janvier 2023 d'un montant de 2 640 euros,
- le préjudice de jouissance qu'elle a subi, caractérisé par l'impossibilité d'utiliser à titre personnel le véhicule, évalué à 8,90 euros par jour pour la période du 6 juin 2019 au 16 janvier 2023 doit être indemnisé à hauteur de la somme de 11.739,10 euros.
M. [X] fait notamment valoir que:
- les frais d'assurance demandés sont excessifs, s'agissant d'un véhicule non circulant, ce qui aurait dû conduire Mme [I] à limiter son assurance, de sorte que cette demande doit être rejetée,
- le remboursement des frais de gardiennage à hauteur de 6 300 euros doit être rejeté, à défaut pour eux d'avoir été contractualisés,
- la facture produite mentionne une adresse qui ne correspond pas à celle de Mme [I],
- il n'a pas à supporter les frais de dépose du haut moteur et de la distribution qui ont été exposés en dehors de l'expertise judiciaire et sans accord des parties,
- s'agissant de la perte d'exploitation, Mme [I] a exercé son activité durant 56 jours uniquement et demande à être indemnisée sur cette base à hauteur de 141 571,48 euros, d'une perte de chiffre d'affaires de plus de cinq ans, sans tenir compte des frais et charges, sans justifier d'aucune tentative de redémarrage de son activité et sachant que son entreprise a cessé officiellement le 31 décembre 2021 et qu'elle ne justifie pas de sa situation actuelle, de sorte que cette demande doit être rejetée ou limitée à 5 000 euros,
- les frais d'expertise amiable que Mme [I] a décidé seule d'engager, doivent rester à sa charge,
- le préjudice de jouissance invoqué fait double emploi avec la perte d'exploitation demandée par ailleurs, étant précisé que Mme [I] dispose d'un autre véhicule personnel.
La société Icar fait notamment valoir que:
- s'agissant du préjudice d'exploitation, Mme [I] fonde sa perte sur ses revenus du 12 avril au 17 juin 2019 alors que la situation en 2020 et 2021 pour les conducteurs VTC était telle, compte tenu de la crise sanitaire, que son activité n'aurait pas été la même et qu'elle est susceptible d'avoir perçu des aides de l'Etat,
- Mme [I] a eu un enfant au cours de cette période, travaille depuis le mois de septembre 2020 comme secrétaire administrative et a cessé l'exploitation de son taxi en 2021, de sorte que le préjudice d'exploitation allégué est excessif,
- Mme [I] ne justifie pas des revenus qu'elle a perçus en tant que secrétaire administrative,
- le préjudice lié à la perte d'exploitation doit être limité à la somme de 12 000 euros,
- le remboursement des frais d'assurance doit être rejeté car le véhicule aurait dû être assuré même en l'absence de panne et ces frais, qui sont des charges de son activité professionnelle, sont compris dans le préjudice d'exploitation,
- les frais d'expertise amiable doivent rester à sa charge,
- elle ne conteste pas les frais de location, dépannage, gardiennage, dépose du haut moteur qui ont été mis à sa charge avec M. [X] par le tribunal.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l'article 1231-2 du code civil que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit.
En l'espèce, s'agissant des frais d'assurance, Mme [I] justifie à l'aide d'une attestation de son assureur, la MFA, qu'elle a dû exposer des frais à hauteur de la somme de 6.632,79 euros à ce titre pour la période du 6 juin 2019, date de la panne, au 16 janvier 2023, date de la restitution du véhicule au vendeur, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de restitution du véhicule du 16 janvier 2023 signé par les parties.
Tout véhicule à moteur devant obligatoirement être assuré, il ne peut être fait grief à Mme [I] d'avoir exposé ces frais jusqu'à la date de sa restitution au vendeur.
En conséquence, infirmant le jugement, il convient de condamner in solidum M. [X], son assureur et la société Icar à payer à Mme [I] la somme de 6.632,79 euros au titre des frais d'assurance.
S'agissant des frais de location d'un véhicule de remplacement, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 30 euros à ce titre.
S'agissant du préjudice d'exploitation lié à son activité de VTC, Mme [I] réclame la somme de 141.571,48 euros pour la perte de revenus de juin 2019 au 20 mars 2024.
Afin d'évaluer le montant de son préjudice, Mme [I] se base sur le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé durant la période où elle a exercé cette activité, du 12 avril 2019 au 7 juin 2019, soit pendant 57 jours.
Il résulte du récapitulatif de la société Uber, annexé au rapport d'expertise, que Mme [I] a perçu sur cette période la somme 6221,40 euros.
Cependant, il est inexact d'extrapoler le revenu perçu sur une si courte période à la période demandée, qui s'étale sur cinq ans, qui comprend en outre la période de crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid 19 qui a eu un impact sur ce type d'activité.
Par ailleurs, le chiffre d'affaires avancé, qui ne prend pas en compte les frais supportés par l'entreprise, ne permet pas de déterminer avec exactitude la perte d'exploitation.
En outre, alors que l'entreprise de Mme [I] a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 31 décembre 2021, elle ne justifie pas de sa situation actuelle, se bornant à affirmer que l'activité de chauffeur VTC est sa seule profession.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice d'exploitation doit être évalué à la somme de 12.000 euros.
En conséquence, infirmant le jugement, il convient de condamner in solidum M. [X], son assureur et la société Icar à payer à Mme [I] la somme de 12.000 euros à ce titre.
S'agissant des frais d'expertise non judiciaire de la société d'expertise et de services d'un montant de 3.699,18 euros, il ressort du rapport que Mme [I] dispose d'une assurance de protection juridique qui a été tenue informée des opérations par l'expert.
Dès lors, à défaut de prouver qu'elle a personnellement pris en charge les frais de cette expertise, infirmant le jugement, il convient de débouter Mme [I] à ce titre.
Les frais de dépose du haut moteur et de la distribution, qui étaient indispensables pour connaître la cause des désordres à l'occasion des opérations d'expertise non judiciaire, sont justifiés par une facture du 18 novembre 2019.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [X], son assureur et la société Icar à payer à Mme [I] la somme de 461,23 euros à ce titre.
Les frais de gardiennage du véhicule du 6 juin 2019 au jour de sa restitution, le 16 janvier 2023, sont justifiés par une facture du garage Chopard du 16 janvier 2023 d'un montant de 2.640 euros.
La circonstance que l'adresse mentionnée sur la facture ne corresponde pas à l'adresse actuelle de Mme [I] est sans incidence, puisqu'il est justifié par la production du certificat d'immatriculation qu'il s'agit de celle qui est mentionnée sur sa carte grise.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum M. [X], son assureur et la société Icar à payer à Mme [I] la somme de 2.640 euros à ce titre.
Enfin, l'utilisation du véhicule pour les besoins personnels de Mme [I] n'étant pas démontrée, il convient de confirmer le jugement l'ayant déboutée à ce titre.
5. Sur les appels en garantie
C'est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que M. [X] et la société Icar ont contribué chacun à hauteur de la moitié des préjudices susvisés.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que dans les rapports entre M. [X] et son assureur, d'une part, et la société Icar, d'autre part, chacun supportera la charge de la moitié du montant des dommages-intérêts alloués, à l'exclusion du prix du véhicule, qui reste à la charge exclusive de M. [X].
6. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé que les dépens comprennent les frais de l'expertise judiciaire.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [I], en appel. M. [X], l'assureur et la société Icar sont condamnés in solidum à lui payer à ce titre la somme de 3.000 '.
Les dépens d'appel sont à la charge de M. [X], l'assureur et la société Icar.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il condamné in solidum M. [X], la société Abeille iard & santé et la société Icar au règlement des sommes suivantes :
- 3.453,93 euros au titre des frais d'assurance,
- 18.000 euros au titre de la perte d'exploitation,
- 3.699,18 euros au titre des frais d'expertise de la société d'expertise et de services,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme [I] de sa demande en paiement des frais d'expertise non judiciaire de la société d'expertise et de services,
Condamne in solidum M. [X], la société Abeille iard & santé et la société Icar à payer à Mme [I] les sommes suivantes :
- 6.632,79 euros au titre des frais d'assurance du véhicule,
- 12.000 euros au titre de la perte d'exploitation,
Condamne in solidum M. [X], la société Abeille iard & santé et la société Icar à payer à Mme [I], la somme de 3.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne in solidum M. [X], la société Abeille iard & santé et la société Icar aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.